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UJFP
OPA communautaristes : dans les mâchoires d'un étau
26 février 2007
Dans la dernière semaine de janvier plusieurs événements
se sont produits, concernant le Proche Orient, certains traités
et même considérés comme des « événements politiques majeurs
» selon les termes de la chaîne Télé Sénat : le dîner annuel
du CRIF qui a rassemblé 800 personnes, toute la classe politique
et « intellectuelle » de France et d’ailleurs, filmé et
retransmis par cette chaîne …
Quel rapport avec le Proche-Orient? Le discours du président du
CRIF a consisté, comme ces dernières années, à égrener la
liste de ce qu’Israël attend du gouvernement français:
notamment la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël.
Et le premier ministre, Dominique de Villepin a conclu sa propre
intervention par ces mots: « La France sera toujours aux côtés
d’Israël pour réaffirmer notre refus absolu du terrorisme, du
fanatisme, de la violence et de l’incohérence. ». On
cherchera qui est implicitement désigné et ainsi défini par le
gouvernement français.
D’autres événements ont été, par contre, presque totalement
absents des media : mort d’une petite fille de 10 ans tuée à
Anata, en Palestine, par un officier des gardes frontières israélien,
la veille même du gala donné à Paris pour honorer et financer
ce même corps de police particulièrement meurtrier. Un encart
publicitaire payant, à propos de ce Gala, proposé au journal Le
Monde par quelques associations: AFPS, GUPS, UJFP, CCIPPP, FEN
PARIS s’est vu refusé par la rédaction, sans explication bien
sûr, et la lettre écrite au médiateur est restée sans réponse.
Pourtant les encarts payants du CRIF paraissent sans problème et
régulièrement dans ce journal, afin d'expliquer ce qu’il faut
penser du Hamas après son élection, du Hezbollah et de sa résistance
contre l’agression israélienne, de l'Iran aujourd'hui...
Enfin s’est tenu a la Mutualité à Paris, le 13 février, le
meeting organisé par le CRIF convoquant tous les représentants
des partis politiques français pour soutenir la guerre contre
l'Iran, et tous ont répondu a l'appel, main sur la couture du
pantalon, en bons soldats obéissants et apeurés.
Tout cela peut-il être uniquement le fruit d’un lobbying
sioniste actif?
Si l’on cherchait à développer une telle conception et, à
partir de là, à favoriser un glissement sémantique vers le
terme de lobbying juif et toute la vision du monde qui en découle,
on ne s’y prendrait pas autrement. Cependant il peut être utile
de démêler les raisons d'une telle frénésie et de distribuer
les responsabilités.
Il faut d' abord noter le rôle d’une presse qui ne parle pas de
n’importe quels juifs: ceux qui sont choisis et mis en avant par
les grands media, sont ceux qui se sont institués porte parole du
gouvernement israélien. Glissement là aussi depuis 2000, et
fermeture progressive des ondes des chaînes et des colonnes aux
anticolonialistes israéliens, comme aux Palestiniens, comme a
toutes les expressions en France contre la politique israélienne.
Qui a défendu Edgar Morin dans la « grande » presse, et tous
ceux qui ont été assignés en justice pour antisémitisme ?
Autant de procès perdus par les attaquants mais qui ont renforcé
les frilosités médiatiques. Qui parle aujourd’hui des juifs
qui luttent contre l'occupation? Quels journaux informent sur les
ouvrages nombreux et excellents écrits sur l’occupation et la
question moyen-orientale dans une optique différente de celle de
Tarnero ou d’Antoine Sfeir ? Pourquoi un Finkielkraut est-il
invité presque quotidiennement sur toutes les chaînes et les
radios, pour désigner les ennemis d'Israël et de la République
dans une même vindicte violemment passionnelle? Les vrais débats
sur ces questions sont en train de céder la place à un consensus
imposé.
Pourtant ils sont nombreux les intellectuels et les militants
d’origine juive qui dénoncent et s’expriment clairement
contre l’occupation et contre les clivages communautaires et ou
religieux que l’on cherche à instaurer en France, dans leurs
textes, leurs interventions publiques et leur militantisme
quotidien au sein de toutes les associations.
Des journalistes de bonne foi nous confirment tous les jours les
difficultés, et les obstructions politiques rencontrées dans
leurs rédactions s’agissant de la Palestine et d'Israël.
Certains ont visiblement envie de croire que c’est parce que les
rédactions sont prisonnières du lobby sioniste; ce sentiment
(plus qu'une réflexion) a cependant au moins deux défauts
tactiques, outre les problèmes éthiques qu’il soulève :
d’abord il fait d'eux des pions du jeu gouvernemental de la
communautarisation de la société française, ensuite il focalise
sur la paille et fait négliger la poutre.
Ces choix des media ne traduisent-ils pas plutôt
l’harmonisation de plus en plus visible des grandes rédactions
avec les options politiques gouvernementales et la volonté
d'accompagner le communautarisme d'Etat instauré par ce
gouvernement ?
Force est de constater que la politique de la France, depuis des
années, a fait des choix :
Construire le tramway de Jérusalem qui entérine l’annexion de
Jérusalem Est, ne rien dire et laisser s’édifier le mur de
l’apartheid malgré les préconisations précises de la Cour
internationale de justice de La Haye, accueillir régulièrement,
et en grande pompe, les représentants du gouvernement israélien,
bloquer les fonds d’aide aux Palestiniens, ce qui les enfonce
tous les jours depuis des mois dans une misère encore plus totale
et provoque les tensions et déchirements politiques internes que
nous voyons. Refuser de sanctionner la colonisation galopante dans
les territoires occupés et la brutalité sans limite de
l’occupation. Autoriser des manifestations de soutien à Paris
et dans les grandes villes de province, en présence de groupes de
soldats de l’armée de l’air ou de la police des frontières
israéliennes, sans même vérifier le cursus militaire de ces
soldats, ce qui permet peut être à des auteurs de crimes de
guerre d’entrer en vainqueurs et en héros sur notre
territoire… du jamais vu… pour aucune autre armée au monde.
Et la liste est encore longue de ces choix gouvernementaux.
Admettre et encourager le fait de se voir dicter sa politique
moyen orientale par le CRIF, protéger avec une grandiloquence
appuyée les juifs, tout en organisant l'ostracisme des quartiers
populaires, des arabes, des musulmans, la chasse aux étrangers
sans papiers, cela a un sens, et installe un parallèle avec la
situation moyen-orientale que le gouvernement utilise.
Il s'agit à l’évidence d'un choix politique porté par une
classe néolibérale qui traverse aujourd'hui de nombreux partis,
d'opposer ces juifs transformés (depuis peu) en un modèle de
l'intégration, en blanchis faisant partie du sérail, contre un
autre groupe de personnes considéré ou présenté, lui, comme
dangereux et difficilement intégrable. C'est là une
instrumentalisation des juifs à laquelle se prête complaisamment
le CRIF (qui ne représente qu’une faible partie des juifs de
France) par opportunisme politique à très court terme, mais dont
il ne mesure pas les conséquences ...
Ne nous y trompons pas : ce qu’il faut dénoncer c’est le
choix communautariste d’une politique française d’afficher un
soutien massif aux soit disant représentants de la « communauté
juive » visant à mettre au premier plan les juifs comme partie
intrinsèque de la République, ce qui est fait pour désigner
implicitement une autre "communauté" comme n'en faisant
pas partie. Une politique de division tribale ou clanique qui
cherche ici aussi à construire des murs entre les populations.
Ce qu’il faut dénoncer ce sont ceux des média qui sont devenus
les laquais de cette politique, en effaçant la Palestine de leurs
colonnes, et en accompagnant la classe politique dans sa course
stupide et ridicule à un supposé électorat juif (il y à fort a
parier que la répartition de l'électorat juif ressemble de très
près à celle de l’électorat national) et surtout dans sa dérive
néo libérale qui la rapproche d'une vision américaine de la
société comme de la politique étrangère. Ces même media qui
font oublier tous les jours qu'il y a une armée d'occupation en
Irak et que le Liban a subi une agression incroyable l'été
dernier. Ils préparent aujourd’hui l'opinion à la guerre
contre l'Iran.
Et, bien sûr, il faut dénoncer, ce que nous ne cessons de faire
a l'UJFP, le CRIF et le scandaleux usage qu’il fait de
l'histoire des juifs en France.
Ainsi à la proposition : « le Crif tient les media et la classe
politique française », il est peut être temps de répondre : il
n’a pas besoin de les tenir, ils sont exactement sur la même
longueur d’ondes et c’est là la nouveauté de ces dernières
années. Ce n’est pas le CRIF qui dicte ou influence la
politique comme il le croit peut-être ; c’est plutôt la
politique gouvernementale qui l’instrumentalise. Et celui qui
croit tenir les rênes est conduit par deux bras associés, celui
d’Israël, qui l’utilise au service de ses plus cyniques intérêts,
et celui d’une classe politique en France prise dans la lente
mais sure dérive néo libérale, qui l’utilise comme homme de
paille. Des intérêts convergeant comme les mâchoires d’un étau.
Plus que jamais l'urgence, pour lutter contre la dérive
communautariste et néo libérale de notre pays, est celle, au
contraire, d'un rapprochement de tous les juifs et les arabes
humanistes et défenseurs de l'égalité, contre cette politique
d'apartheid qui veut se créer en France aussi...
Plus que jamais les juifs français qui se respectent doivent
exprimer clairement leur indépendance totale du CRIF, qui ne sert
sûrement pas leur intérêt, leur opposition à la politique
criminelle de l’Etat d’Israël contre la population
palestinienne, contre le Liban, contre la Paix au Moyen Orient. Le
dire haut et fort, le dire avec tous leurs partenaires démocrates
en France, quelle que soit leur origine ou leur religion …et
pour cela il va falloir forcer ensemble l’étau des media et des
représentants politiques.
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