U J F P
Section de l’ : UNION JUIVE FRANÇAISE POUR LA PAIX
Paris, le 4 janvier 2006
M. le Premier Ministre Dominique DE VILLEPIN
Cabinet du Premier ministre
Hôtel Matignon
57, rue de Varenne
75007 PARIS
Objet : Rapport sur Jérusalem-Est présenté au Conseil des
Ministres de l’UE
Monsieur le Premier Ministre,
Nous avons pris connaissance de l’ensemble du rapport présenté
le 21 novembre au Conseil des Ministres de l’Union Européenne au
sujet de la situation à Jérusalem-Est et de la région centrale de
la Cisjordanie occupée.
Nous sommes consternés de la décision prise le 12 décembre par
les 25 ministres des Affaires étrangères de l’UE et assumée par
Monsieur Javier Solana, Haut Responsable de la Politique Etrangère
et de la Sécurité Commune, de ne pas rendre public ce rapport.
Alors que ce rapport est très explicite et très clair sur la
politique que mène le gouvernement d’Israël à Jérusalem-Est et
dans sa périphérie, nous ne pouvons que nous élever contre
l’attitude des responsables politiques européens ; celle-ci
revient en effet à cautionner l’extension de l’occupation,
tandis que les résidents de Jérusalem-Est se voient
quotidiennement privés de leurs droits et littéralement poussés
hors de leur ville.
Les motifs évoqués pour s’abstenir de publier ce rapport sont,
une fois de plus, que le moment n’est pas opportun, eu égard aux
élections à venir, et que ce rapport nuirait aux relations entre
Israël et l’Union européenne. Nous estimons bien au contraire
que l’UE, pour être efficace dans son action pour la paix, se
doit de contribuer à ce que les électeurs israéliens soient bien
informés avant de voter, et donc de publier toute information de
son ressort concernant l’évolution de la situation. Par ailleurs,
l’Union européenne ne saurait subordonner ses relations avec le
peuple palestinien à celles qu’elle entretient avec l’Etat
d’Israël.
Alors que des représentants européens qui sont sur place ont poussé
un cri d’alarme sur l’aggravation de la situation à cause de la
politique israélienne du fait accompli, l’Union européenne se
discrédite à nouveau, comme elle l’avait fait en n’appliquant
pas le résultat du vote du Parlement européen en avril 2002 ;
celui-ci s’était prononcé pour la suspension de l’Accord
d’association UE-Israël, tant qu’Israël ne
respecte pas les droits humains ni le droit
international, qui sont des conditions de l’accord. Rappelons par
ailleurs que l’UE n’a protesté que du bout des lèvres quand
Israël a sciemment détruit l’aéroport de Gaza et d’autres
infrastructures financées par l’Union.
Nous ne pouvons donc que confirmer ce qui a été dénoncé lors du
récent sommet Euromed : l’UE privilégie les affaires en ignorant
l’importance de garantir les droits humains et le droit
international. De plus, vu l’adoption de cette position commune en
matière de politique étrangère, ce sont tous les Etats membres
qui se discréditent eux-mêmes.
Ainsi que l’a déclaré Dan Judelson, le Secrétaire de la Fédération
des Juifs européens pour une paix juste (dont l’UJFP est membre)
« le temps n’est pas à croiser les pouces ni à l’inaction ;
si l’UE enterre ce rapport, il est de notre devoir de le rendre
aussi largement disponible que possible ». Et nous faisons nôtre
l’interpellation faite à l’Union européenne le 15 décembre
par Louisa Morgantini, députée européenne et militante des Femmes
en Noir : « Je demande à quiconque souhaite une paix juste et
durable et une fin à toutes les violences et au terrorisme d’où
qu’il vienne, de demander à l’Union européenne de ne pas
cacher la vérité. »
Aussi demandons-nous au gouvernement français la publication et la
prise en compte par notre pays de ce rapport diplomatique qui décrit
clairement une situation que de nombreux civils ont observé sur
place et s’efforcent de dénoncer, à savoir :
- L’annexion continue et rapide des terres et autres ressources
palestiniennes à Jérusalem-Est et dans sa périphérie, jusqu’à
Ramallah et Bethléem, avec toutes les conséquences que cela
implique pour les Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie
(annexion qui se réalise via des pratiques discriminatoires, la
colonisation, la construction du Mur et de routes, sans compter les
nouveaux projets tels que le « Parc de France » autour de Jérusalem-Est
et le tramway qui devrait être mis en place par les deux
entreprises françaises Alstom et Connex).
- Le morcellement de la Cisjordanie en deux grands cantons, deux
territoires peu viables et exigus, enfermés à l’intérieur
du Mur et séparés par la région centrale annexée.
Nous vous prions, Monsieur le Premier ministre, de faire en sorte
que cette politique ne se fasse pas en notre nom et que la France se
démarque au contraire, d’une part en exerçant des pressions sur
le gouvernement israélien tant que se poursuivent les violations,
et d’autre part en exerçant des pressions sur l’UE afin que ce
rapport soit finalement publié.
Nous demandons que notre pays se conforme à l’avis de la Cour
Internationale de Justice qui exige, entre autres, que tous les
Etats s’abstiennent d’apporter aide ou assistance au maintien de
la situation créée par la construction du Mur déclaré illégal
et de faire respecter par Israël le droit international incorporé
dans la Quatrième Convention de Genève.
En vous remerciant de votre attention, veuillez recevoir, Monsieur
le Premier Ministre, l’assurance de ma considération distinguée.
Richard WAGMAN
Président, UJFP
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