Le
18 novembre, le supplément hebdomadaire du quotidien israélien Ha’aretz
a publié un reportage de 6 pages sur la France, consacré aux
sujets d’actualité qui secouent actuellement l’hexagone tels
les émeutes de banlieue, l’intégration des jeunes issus de
l’immigration, le racisme ou l’enseignement du fait colonial à
l’école publique. Le problème, c’est que ce reportage n’est
autre que un entretien fleuve avec Alain Finkielkraut, écrivain et
« philosophe », avatar de la pire pensée néo-conservatrice.
Bien que ce monsieur se veuille un grand intellectuel, il occuperait
plutôt la fonction de pompier-pyromane de la communauté juive,
attisant plus d’antisémitisme qu’il incite à la réflexion. Il
affiche un racisme décomplexé, profèré désormais à l’état
pur. Michèle
Sibony, vice-présidente de l’UJFP et Michel
Warschawski, président du Centre d’information alternative de Jérusalem,
ont traduit de l’hébreu de larges extraits de cet entretien.
Notons que l’interview de Finkielkraut a été repris dans la
version anglaise de Ha’aretz, mais tronqué de certains
passages, le supplément anglais du journal ayant enlevé les propos
les plus racistes et les plus scandaleuses. Les affirmations de
Finkielkraut ont visiblement abasourdi les journalistes qui l’ont
interrogé à Paris. En effet, ils prennent soin de préciser que
les réponses de leur interlocuteur « n’émanent pas du
Front national mais de la bouche d’un philosophe qu’on considérait
autrefois comme l’un des porte-parole de la gauche française ».
Pour les lecteurs capables d’encaisser des propos particulièrement
choquants, vous trouverez cette prose nauséabonde dans le fichier
attaché <Finkieldraut-1> (merci à nos traducteurs). Pour
ceux qui préfèrent se passer d’une lecture particulièrement éprouvante,
vous trouverez ci-dessous quelques morceaux choisis, révélateurs.
DU
RACISME A L’ETAT PUR
D’emblée
le titre et les sous-titres choisis par Ha’aretz donnent le
ton : « Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans »,
« Si cela ne leur plaît pas qu’ils rentrent chez eux »,
« Non à l’antiracisme », « De l’école en
France et des bienfaits du colonialisme ». Finkielkraut
commence par désigner ce qu’il considère comme la cause des récentes
émeutes : « Le problème est que la plupart de ces
jeunes sont Noirs ou Arabes et s’identifient à l’Islam »
puis il enfonce le clou « Il est donc clair qu’il s’agit
d’une révolte à caractère ethnico-religieux ». Il
continue sa profession de foi raciste en endossant le rôle de
commentateur sportif : « On nous dit que l’équipe de
France est adorée par tous parce qu’elle est ‘black blanc
beur’, en fait aujourd’hui, elle est ‘black black black’ ».
Pour lui, les jeunes de banlieue en général auraient « une
culture (l’Islam) qui au lieu de s’occuper de ses propres problèmes
recherche un coupable extérieur (la France) ». Sur les goûts
et loisirs de ces jeunes, il s’interroge : « Quels sont
les objets de leurs désirs, c’est simple : l’argent, les
marques, et parfois des filles ». Ailleurs, il raconte le scénario
fictif d’un restaurateur cherchant à recruter : « Imaginez
qu’un jeune de banlieues vienne demander un emploi de serveur, il
a l’accent des banlieues, vous ne l’engagerez pas… Il doit
vous représenter, et ceci exige de la discipline, de la politesse
et une manière de parler. » Après avoir mis en doute leur
capacité de discipline et de politesse, le philosophe déplore
l’inhabilité linguistique de nos jeunes concitoyens, désignés
comme immigrés de la seconde ou de la troisième génération :
« Prenez par exemple la langue, vous dites qu’ils sont
d’une troisième génération, alors pourquoi est-ce qu’ils
parlent le français comme ils le parlent ? C’est un français
égorgé, l’accent, les mots, la grammaire. » Pour évoquer
l’insécurité dans les banlieues, s’adressant au public israélien,
il utilise à dessein un langage qui renvoie à des pages tragiques
de l’histoire juive : les émeutes seraient pas autre chose
que des « pogroms antirépublicains ». Puis, établissant
une comparaison avec l’Intifada palestinienne, il accuse les
parents ou les grands frères de ces jeunes d’avoir eu recours à
une stratégie criminelle : « Eux aussi envoyaient en
première ligne de la lutte les plus jeunes ». Opposant les façons
différentes dont la presse française a réagi face à
l’agitation sociale en Allemagne de l’Est après la réunification
et aux récentes émeutes en France, Finkielkraut tonne :
« Un Arabe qui incendie une école c’est une révolte, un
Blanc c’est du fascisme ».
DU
COLONIALISME ET DE LA HAINE
Finkielkraut,
que rien n’arrête, enchaîne sur les bienfaits du colonialisme
français et regrette que dans les écoles : « On
n’enseigne plus que le projet colonial voulait aussi éduquer,
apporter la civilisation aux sauvages. » Sans doute les ancêtres
des « sauvageons ». Quant à l’esclavage, rien à y
redire : « Ce n’était pas un crime contre l’humanité
parce que ce n’était pas seulement un crime. C’était quelque
chose d’ambivalent. » Les esclaves et leurs descendants apprécieront.
Commentant ce que notre pays (la France) a fait aux Africains, le
philosophe affirme « Il n’a fait que du bien. » Comme
on pouvait s’y attendre, en bonne logique Finkielkraut tire à
boulets rouges sur … les antiracistes. D’abord, « cette
violence a été précédé de signes annonciateurs très préoccupants
que l’on ne peut réduire à une simple réaction au racisme français »
ou encore « Y voir une réponse au racisme français c’est
être aveugle à une haine plus large : la haine de l’Occident ».
Pour ensuite nier tout court le racisme bien de chez nous et d’énoncer
« le mythe du ‘racisme français’ ». Enfin,
l’antiracisme serait fauteur de troubles. Les jeunes des banlieues
« jouiront du soutien et de l’encouragement à leur violence
antirépublicaine, par le biais du discours repoussant de
l’autocritique sur leur esclavage et le colonialisme. »
Lorsque les journalistes israéliens lui font observer que la France
ne traite pas ces jeunes comme des Français, Finkielkraut feint
d’ignorer cette réalité et se borne à répondre : « Le
problème est qu’il faut qu’ils se considèrent eux même comme
Français ». Et pour ce qu’il est de leur exclusion, ils
n’ont qu’à s’en prendre à eux-même : « La
question n’est pas quel est le meilleur modèle d’intégration,
mais la possibilité même d’une intégration pour des gens qui
vous haïssent. » Mais la véritable haine semble être
ailleurs. Commentant les crimes de la France vichyste pendant
l’occupation nazie, il raconte comment sa famille a été déporté
à Auschwitz. Pour conclure, toujours en parlant de la France, que
« Ce pays mérite notre haine ». Que ce triste sire ait
besoin d’un psychanalyse pour exorciser la haine qu’il porte en
lui est une question d’hygiène personnelle qui ne regarde que
lui. Mais qu’une personne de cet acabit cesse de monopoliser
l’espace médiatique serait une affaire de salubrité publique.
Nous espérons que la presse tiendra compte des dernières dérives
racistes d’Alain Finkielkraut et en tirera les conclusions qui
s’imposent. La France compte beaucoup d’intellectuels de qualité
qu’on n’entend pas assez souvent. Le temps est peut-être venu
pour d’autres représentants de l’intelligentsia, plus digne
qu’Alain Finkielkraut, d’occuper dans l’espace public la place
qui leur revient.
REPONSE
DE L’UJFP
A
propos de véritables représentants de l’intelligentsia, nous
vous proposons un texte écrit par l’un d’entre eux, que vous
trouverez dans le fichier attaché <Rudolf-13>, intitulé
« De la peur de penser à l’imbécillité politique » ;
il s’agit d’un court article de Rudolf Bkouche, professeur émérite
à l’Université des Sciences et Techniques de Lille et membre du
Bureau national de l’UJFP. Il constitue une réponse aux
divagations racistes d’Alain Finkielkraut dans les pages de Ha’aretz.
Outre un sursaut déontologique de la presse écrite et électronique
qui doit faire attention à qui elle œuvre ses colonnes et ses
antennes, d’autres institutions doivent également opérer les réajustements
qui s’imposent. Celles de la communauté juive, par exemple. Si le
CRIF et les associations qui lui sont proches se soucient de leur
propre image et de leur respectabilité, il est grand temps
qu’elles se séparent d’un de ses porte-parole officieux, devenu
fort encombrant. La conclusion de l’article de Rudolf Bkouche représente
une belle leçon pour Alain Finkielkraut et ses semblables, mais
aussi pour les citoyens de bonne foi qui éprouvent un certain désarrois
devant la violence et l’injustice ambiantes :
« Finkielkraut
oublie pourtant un point fondamental du débat, et en cela il s'est
placé hors de l'héritage des Lumières.
Les deux siècles qui nous ont précédés ont conduit à
transformer l'idée de révolte en la belle idée de révolution,
c'est-à-dire en l'idée de transformer le monde. Aujourd'hui où
l'idée de révolution semble morte, ne reste que la révolte ou la
jacquerie pour s'exprimer, les récentes violences en France nous le
rappellent. Il est alors nécessaire de rappeler que ces violences
sont la réponse à une violence plus forte, qui n'est plus la seule
violence d'Etat, mais qui est la violence du capitalisme mondialisé.
C'est alors l'idée de révolution qu'il faut reconstruire. C'est en
cela que l'on peut retrouver la tradition libératrice des Lumières. »
Richard
WAGMAN
Président
Union
juive française pour la paix (UJFP)
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ter, rue Voltaire
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PARIS
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Fax
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