Je tiens à remercier le MRAP (dont je suis adhérent) pour son
invitation. Je suis également un des vice-présidents de l’Union
Juive Française pour la Paix (UJFP). S’il y a dans l’UJFP la même
diversité ou les mêmes débats parfois vifs sur les questions de
laïcité et de communautarisme que dans le MRAP, il y a accord pour
participer à tous les débats qui feront progresser les consciences
sur les thèmes de la paix et du « vivre ensemble ». Il y a
aussi unité de points de vue sur les thèmes que je vais évoquer :
l’instrumentalisation de la religion juive par le Sionisme et par
les partisans de l’occupation de la Palestine, les conséquences
dramatiques de l’arrivée au pouvoir du courant « national
religieux » en Israël et le développement d’un communautarisme
juif en France encouragé par le CRIF.
-- Peuple ou religion ?
Les différentes identités juives se sont construites dans la
diaspora (dispersion). Pendant plusieurs siècles, les Juifs
constituent une minorité religieuse dans les nombreux pays où ils
vivent, avec des alternances de périodes où ils sont acceptés et
de périodes de persécution. Dans les zones où ils sont confinés
(mellah, judérias, ghettos), ce sont les rabbins qui dictent la
loi. Différents bouleversements vont modifier cette vie
traditionnelle. D’abord le marranisme : de nombreux Juifs
espagnols se convertissent au christianisme pour échapper à la
persécution ou à l’expulsion. Mais l’antisémitisme devenu
racial (avec l’inquisition qui invente la notion de la « pureté
» du sang ») perdure et de nombreux marranes reviendront au judaïsme
avec l’exil. En Allemagne puis en Autriche, dès le XVIIIe siècle,
la sortie du ghetto devient possible même si elle est souvent
assortie d’une obligation de conversion. En France, la Révolution
donne aux Juifs la citoyenneté et un statut. Dans l’empire Russe
où vivent plus de la moitié des Juifs, les mutations économiques
du XIXe prolétarisent le Yiddishland, cette grande région qui va
de la Baltique à la Mer Noire. Dès lors, l’identité Juive
n’est plus confondue avec la religion et les Juifs vont adhérer
massivement à des idées d’émancipation : laïcité,
universalisme, socialisme. On assiste à une forme de transposition
du messianisme.
Beaucoup de Juifs aspirent à l’émancipation de l’humanité,
condition indispensable à leur propre émancipation. Cette désaffection
des Juifs pour la religion sera massive en Europe. La moitié des
victimes du génocide nazi était peu ou pas du tout croyante.
Peut-on parler d’intégrisme à propos de la vie juive
traditionnelle qui perdure encore dans un monde en pleine mutation
à la fin du XIXe siècle ? La religion juive est bourrée
d’interdits, pas seulement alimentaires ou vestimentaires. Comme
d’autres religions, elle a des côtés clairement antiféministes,
la femme rasant ses cheveux pour ne pas tenter le voisin. Dans la
prière quotidienne, on bénit Dieu de n’être né ni goy (*), ni
femme. Il y a aussi un côté un peu moins rétrograde que dans
d’autres religions : s’il faut choisir entre la vie de la femme
et celle de l’enfant à naître, celle de la femme est
prioritaire. Il n’y a pas de notion de pêché originel.
Comme dans d’autres religions, les mariages sont arrangés et
restent à l’intérieur de la communauté. Le juif religieux
traditionnel consacre sa vie à l’étude des textes fondateurs et
à un dialogue avec son Dieu. Il n’est pas prosélyte. Il
n’aspire pas à avoir la moindre influence hors de la petite société
dans laquelle il vit. Rien à voir avec le Christianisme ou l’Islam
qui sont des religions d’état. La notion de « peuple élu » est
essentiellement une notion de résistance à l’environnement
hostile. Ce n’est pas une conception « élitiste ». Pour les
religieux, le peuple juif a été choisi par Dieu pour exercer sa
volonté, mais il peut être aussi puni. La prière « l’an
prochain à Jérusalem » est un rappel des origines (supposées) et
de l’identité. Dès le XIXe siècle, des Juifs religieux
s’installent à Jérusalem où leur installation se fait sans
heurts. Ce ne sont pas des colons. Ils fondent le quartier de Mea
Sharim à Jérusalem et de nombreuses yeshivas (**) où ils se
consacrent à la pratique religieuse.
-- Sionisme et religion.
Les Juifs religieux vivent très mal les mutations qui se déroulent
en Europe à la fin du XIXe siècle. Ils rejettent les Juifs qui
s’assimilent et cessent de vivre entre eux. Ils stigmatisent
vivement ceux qui s’engagent dans des mouvements révolutionnaires
divers et abandonnent la religion. Quand le Bund, parti ouvrier juif
révolutionnaire déclenche les premières grèves d’ouvriers
juifs et organise des milices d’autodéfense contre les
pogromistes, les rabbins prônent à l’inverse la soumission
totale à l’autorité tsariste. Le Bund se bat pour l’autonomie
culturelle des Juifs sur place et défend ardemment la langue
yiddish. Ce n’est pas le cas des autres mouvements révolutionnaires
qui prônent l’assimilation.
Hostiles à ces formes de modernité, les religieux seront également
au début hostiles au sionisme. Certes, ils partagent avec eux le
refus de l’assimilation et le fait que les Juifs ne doivent vivre
qu’entre eux. Les sionistes pensent que l’antisémitisme ne peut
pas et ne doit pas être combattu. Leur solution, c’est la
construction d’un état juif, avec un « homme juif nouveau »
sans mélange. Les sionistes sont très majoritairement laïques
voire athées. Théodor Herzl, le « fondateur » est un bourgeois,
incarnation moderne du « juif de cour ». L’aile dominante des débuts
du sionisme est influencée par des idées socialistes (qui
donneront naissance au kibboutz). Les sionistes iront puiser dans la
religion le lieu où il faut construire l’état juif (la
Palestine, alors sous mandat ottoman) et la nouvelle langue (l’hébreu
alors que les Juifs parlent soit la langue du pays où ils vivent,
soit des langues juives : ladino, judéo-arabe ou yiddish). Ils
interprètent « l’an prochain à Jérusalem » à la lettre.
Le récit biblique est pour eux le prétexte pour prôner la résurrection
d’une période mythique antérieure à la destruction du temple.
Leur théorie centrale, c’est que la diaspora est une parenthèse
qui doit finir avec le « retour » de tous les Juifs dans « leur
état ». Ils proclament la « centralité » d’Israël. Mais les
Juifs religieux vivent très mal cette intrusion de la modernité.
L’idée sioniste que l’état juif à construire serait quelque
part le Messie tant attendu est considérée comme hérétique. Différentes
« sectes » se créent : les Loubavitch, Satmar, Nétouré Karta.
Toutes sont fortement antisionistes. Toutes considèrent avec mépris
ce qui éloigne le Juif de Dieu ou de l’étude du Talmud. Pour ces
courants, le judaïsme ne peut vivre qu’en diaspora, ils refusent
le fétichisme de la terre. Les religieux qui vivent en Palestine
sont hostiles à la déclaration Balfour. Il est symptomatique que
la victime du premier assassinat politique commis par les
sionistes contre un Juif soit un religieux, Jacob de Haan, assassiné
en Palestine en 1924 alors qu’il partait à Londres pour essayer
de convaincre les Anglais d’abroger la déclaration Balfour. La
montée du nazisme provoquera chez les religieux un phénomène de
repli. Certains iront jusqu’à dire que le génocide a été une
punition de Dieu contre ceux qui avaient pêché en l’abandonnant.
Cette thématique a été reprise à plusieurs reprises récemment
par le grand rabbin du Shass, un parti religieux au pouvoir en Israël.
Les religieux seront étrangers à la résistance juive au nazisme
(essentiellement communiste ou bundiste).
-- Les religieux et l’état d’Israël
Le génocide nazi a permis le succès du projet sioniste. L’Occident
a noyé sa culpabilité sur le dos du peuple palestinien qui
n’avait aucune responsabilité dans ce génocide. L’Etat d’Israël
dont l’indépendance est proclamé en 1948 a un besoin impérieux
de la religion bien que la majorité de la population soit laïque
et peu ou pas du tout croyante. Dans un état juif non laïque où
les Non-Juifs (en l’occurrence les Palestiniens) sont massivement
expulsés (la Naqba, 800000 expulsés) ou transformés en citoyens
de seconde, comment définir qui est Juif ? La définition choisie
sera la définition religieuse : on est juif par sa mère ou si on
se convertit. Plusieurs traditions juives sont considérées comme
non orthodoxes par les rabbins. Les conséquences sociales seront
importantes. Ainsi, les Juifs Indiens dont la tradition est antérieure
à la destruction du deuxième temple subiront des discriminations
sociales. Avant 1967, certains vivaient à Jérusalem sur la ligne
de démarcation. Idem pour les Juifs Ethiopiens (Falachas). Si
aujourd’hui, l’immigration de chrétiens appartenant à la même
tribu est encouragée, ceux-ci subissent de fortes discriminations
avec l’accusation d’être des hérétiques et ils constituent en
Israël un prolétariat. Le nouvel état impose le respect du
shabbat et les interdits alimentaires. Seuls quelques kibboutzs
essaieront de résister à ces interdits (j’ai connu un kibboutz où
on travaillait le samedi et où on mangeait du sanglier) mais cette
résistance a fini par disparaître. Seuls les mariages religieux ou
les mariages contractés à l’étranger sont reconnus. Pour les laïques,
il existe des agences de voyage à Tel-Aviv ou Haïfa qui
organisent des formules complètes : week-end à Chypre avec mariage
civil et détente. De la guerre de 1948 à celle de 1967, les
religieux seront très minoritaires et peu visibles dans la société
israélienne.
Exception notable, le quartier de Mea Sharim à Jérusalem a résisté
à la modernité. Les femmes ont le crâne rasé et des perruques
(comme dans le film Kadosh d’Amos Gitaï) et on lapide celui qui
prend des photos ou circule en voiture le samedi. L’antisionisme
de certains religieux perdure. Mais il s’est émoussé. La loi électorale
israélienne (la proportionnelle intégrale) permet aux partis
religieux d’être indispensables pour toute coalition qui veut être
majoritaire. Les religieux obtiennent d’énormes avantages :
l’exemption du service militaire, d’énormes subventions pour
les yeshivas. Petit à petit, le sionisme « achète » l’adhésion
des religieux au projet fondateur.
-- La colonisation et les intégristes
Dès le départ, le projet sioniste est un projet colonisateur. Avec
ce qui caractérise le colonialisme : la négation du peuple
autochtone (la fameuse théorie de « la terre sans peuple pour le
peuple sans terre ») et les mythes qui l’accompagnent (« du désert,
nous avons fait un jardin »). La guerre de 1967 marque un tournant.
Dès la fin des hostilités, le gouvernement (alors travailliste) décide
de coloniser les territoires conquis. Avec une fois de plus un
mensonge à la clé masquant mal le fait accompli et la volonté
d’annexion et de purification ethnique: « on rendra ces
territoires contre la paix ».
Qui va partir coloniser les territoires ? Dans le Golan Syrien, ce
seront essentiellement des « laïques ». Ils auront la même préoccupation
que les religieux. Légitimer l’annexion à l’aide d’une
pseudo histoire falsifiée. À côté de Qatzrin, la principale
colonie du Golan, on a opportunément retrouvé les vestiges d’une
synagogue du IIe siècle. Mais à Gaza et surtout en Cisjordanie,
s’il y a de colons attirés par les subventions, les crédits
gratuits et les faibles loyers, la grande masse des nouveaux colons
sont des religieux. Une très curieuse alliance se noue entre des
ministres travaillistes (Igal Allon) et des associations religieuses
(la Harav Kouk dirigée par Hanan Porat et le rabbin Levinger) qui
préconisent la sainteté de la Terre. L’argent pour les premiers
colons viendra de groupes américains ultra orthodoxes et ultra
nationalistes. Les colons religieux ont entrepris une lecture littérale
de la Bible.
Aujourd’hui archéologues et historiens s’accordent pour dire
qu’une grande partie du discours biblique est légendaire. Pour
ceux qui ne l’ont pas encore fait et surtout pour tous les
professeurs d’histoire, il faut lire « La Bible dévoilée »
d’I. Filkenstein et N. A. Silberman, écrite par des archéologues
et historiens israéliens (***). Abraham n’a pas existé et les Hébreux
ne sont pas venus de Mésopotamie, c’est un peuple autochtone qui
apparaît au XIIIe siècle. Moïse, l’esclavage et la sortie d’Egypte
sont des légendes. La conquête sanglante de Canaan par Josué et
le massacre systématique des autres peuples de la région sont
infirmés par l’archéologie. Idem pour l’existence du royaume
unifié de David et Salomon. À leur époque, Jérusalem était un
village et il semble bien que les royaumes d’Israël (détruit par
les Assyriens au VIIIe siècle avant JC) et de Juda (détruit 150
ans plus tard par les Babyloniens) n’aient jamais été unis.
Pourtant les colons fondamentalistes rêvent de recréer « le Grand
Israël » de la Méditerranée au Jourdain, voire du Nil à l’Euphrate
pour les plus fous. Pour eux, La Cisjordanie s’appelle la Judée
Samarie et Naplouse s’appelle Sichem.
Les lieux mythiques (le tombeau de Rachel ou le caveau des
patriarches à Hébron) sont autant de prétextes pour décréter le
droit absolu des Israéliens sur cette terre et il est symbolique
que le premier massacre qui a suivi les accords d’Oslo ait eu lieu
dans le caveau des patriarches. Certains de ces intégristes
souhaitent détruire la mosquée El Aqsa et le Dôme du Rocher
construits sur l’emplacement du Temple. Une lecture attentive de
la Bible montre que des peuples, des religions et des cultures
diverses ont constamment cohabité dans la région. Aux côtés des
Hébreux, il y avait des Cananéens, des Moabites, des Iduméens,
des Philistins et, au côté de Yahvé, on célébrait aussi Baal.
Plus tard, il y a eu des Grecs et des Romains et la dispersion des
Juifs est antérieure à la destruction du temple. Les Palestiniens
sont en grande partie les descendants de tous ces peuples
autochtones et des Juifs romanisés qui sont restés dans la région
après la destruction du deuxième temple. Hors de toute réalité
historique, les fondamentalistes inventent un Israël antique
puissant et unifié qu’ils prétendent reconstituer. Ils
s’inspirent de la cruauté des guerres légendaires de Josué pour
justifier leur négation absolue de tout droit palestinien et pour
prôner (comme le fait l’extrême droite « laïque ») le «
transfert « des Palestiniens au-delà du Jourdain.
-- Le courant national-religieux et les Chrétiens sionistes
Les religieux antisionistes existent toujours (notamment Nétouré
Karta qui a un ministre dans le gouvernement de l’autorité
palestinienne) mais ils sont devenus très minoritaires par rapport
à l’extrême droite intégriste. Celle-ci représente désormais
la grande majorité des religieux. Avec plusieurs partis ou groupes,
le Shass, le Parti National religieux, le parti unifié de la Torah,
le Goush Emonim (bloc de la foi) ou les fascistes du parti Kach
(fondé par le rabbin Meïr Kahane et aujourd’hui interdit), ce
courant représente 25% de l’opinion israélienne et une forte
politique « nataliste » fait que ce pourcentage s’accroît régulièrement.
Aucun parti ne peut gouverner sans les religieux. Même le Shinoui
(parti de la bourgeoisie anticléricale) a accepté de figurer dans
une coalition avec eux. Les nationaux-religieux sont omniprésents
dans la société.
Ils dominent des réseaux d’école largement subventionnés et des
associations caritatives. Ils attirent par leurs raisonnements
ultra-simplistes une partie de la population israélienne qui était
pourtant étrangère à cette tradition. Ils imposent la loi
religieuse dans tous les domaines de la vie quotidienne. Ainsi, le
jeu est interdit en Israël, ce qui n’empêche pas le fait que
pendant la courte période qui a séparé les accords d’Oslo de la
deuxième Intifada, les principaux clients du casino de Jéricho étaient
des religieux juifs.
Pendant longtemps, les religieux évitaient l’armée en étudiant
dans des yeshivas. La révolte des premiers refuzniks est venue du
refus de « mourir pour eux ». Les nationaux-religieux sont
aujourd’hui de plus en plus en plus nombreux dans l’armée, et
ce phénomène n’a fait qu’aggraver les crimes ou violations des
droits de l’homme commis par Tsahal. Il est fréquent au Mur des
Lamentations de voir des gens prier, la mitraillette Uzi en bandoulière.
Pour eux, le « peuple élu » a tous les droits et surtout celui
d’écraser l’autre. Le courant national-religieux a fait la
synthèse de ce qu’on peut faire de pire entre le projet colonial
et la volonté d’imposer la loi religieuse à la société. Pour
son principal projet (l’annexion des territoires et le «
transfert »), il s’est allié à ses petits cousins américains :
les Chrétiens Sionistes. Ceux-ci représentent aussi une fraction
notable de l’opinion américaine et ils ont joué un rôle décisif
dans les succès électoraux de Bush. Ces fondamentalistes se
veulent les héritiers des premiers colons américains. Pour eux, la
traversée de l’Atlantique a ressemblé à celle de la Mer Rouge
par Moïse et la conquête du pays sur les Amérindiens a reproduit
les conquêtes de Josué. Ces fondamentalistes sont antisémites et
pensent que les Arabes incarnent le mal (Armagedon).
Il faut donc les expulser. Pour ce courant millénariste qui croit
à la fin des temps, les Juifs devront au bout du compte se
convertir à la vraie foi sous peine de disparition. Aux Etats-Unis,
les Chrétiens Sionistes sont 5 fois plus nombreux que les Juifs
Sionistes et la manne financière qu’ils apportent à la
colonisation est énorme. Il est symptomatique de voir
qu’aujourd’hui, les principaux bailleurs de fond des colonies
religieuses en Cisjordanie sont des antisémites avérés. Une des
plus grandes colonies, Maale Adoumim entre Jérusalem et Jéricho
est quasiment exclusivement peuplée de religieux qui ne produisent
rien et vivent de subventions diverses. La guerre au Proche-Orient
n’est pas une guerre religieuse. En Israël, on trouve des
partisans de l’occupation aussi bien chez les religieux que chez
les laïques.
Sharon est un « laïque » et les pires dirigeants annexionnistes (Eytan,
Zeevi aujourd’hui décédés) l’étaient aussi. Parmi la minorité
israélienne qui lutte pour l’égalité des droits, pour la
reconnaissance de l’égale dignité des Palestiniens et pour une
paix juste, la plupart sont laïques mais on y trouve aussi Nétouré
Karta ou des associations de Rabbins pour la paix. Malgré tout, il
ne fait pas de doute que l’intrusion de l’intégrisme juif dans
cette guerre a considérablement compliqué la résolution du
conflit et a armé idéologiquement la fuite en avant
criminelle des dirigeants israéliens.
-- Et en France ?
Un chiffre résume bien la dégradation qui s’est produite chez
les Juifs français. Il y a 30 ans, seule une poignée d’entre eux
fréquentait les écoles confessionnelles. Il y avait une adhésion
de masse à la laïcité et à son école et quasiment aucun élève
juif n’aurait songé à s’absenter pour kippour. Il y a
aujourd’hui 26% des enfants juifs dans des écoles privées
juives (****). De nombreux Juifs non croyants recherchent une
identité religieuse ou nationaliste étrangère à leur histoire et
se bricolent une nouvelle identité. La république a donné au CRIF
le droit de parler au nom de tous les Juifs. Il en use et il en
abuse, en se comportant comme un véritable supplétif de la
propagande israélienne dont la politique est défendue de façon
inconditionnelle. Le CRIF instrumentalise l’antisémitisme et la mémoire
du génocide à des fins partisanes. Il considère toute critique
d’Israël comme de l’antisémitisme. Il y a incontestablement un
repli communautaire et un regain d’une pratique religieuse
sectaire. N’a-t-on pas vu des galas de soutien « au bien-être du
soldat israélien » se dérouler dans des synagogues ? Alors que
l’intégration des Juifs français est très avancée et qu’ils
ont conquis (difficilement) une égalité politique et économique
qui est refusée à d’autres Français issus de l’immigration,
tout se passe comme si, deux siècles après la sortie du ghetto et
un siècle après l’affaire Dreyfus, certains aspiraient à
s’enfermer eux-mêmes dans un nouveau ghetto. L’intégrisme
n’est pas seul en cause dans ce repli communautaire, mais il joue
son rôle et il ne faudrait pas s’aveugler en occultant ce repli.
(*) Goy == non juif. Mais le terme est péjoratif.
(**) Ce sont des écoles religieuses qui se consacrent à l’étude
des textes sacrés.
(***) La Bible dévoilée, éditions Bayard
(****) Lire « le Mal-être Juif » de Dominique Vidal
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