Vidéo
Norman Finkelstein sur Gaza : Israël
veut annihiler
« l'offensive de paix »
palestinienne
Sayed Hasan
Vendredi 18 juillet 2014
Traduction &
vidéo :
http://sayed7asan.blogspot.fr
Norman
Finkelstein, pouvez-vous nous donner un
aperçu du contexte plus large expliquant
comment ce dernier embrasement s'est
déclenché ?
Avant de répondre,
je veux commenter brièvement la
proposition de cessez-le-feu.
Premièrement, le
cessez-le-feu ne fait aucune mention du
déchaînement d'Israël contre le Hamas en
Cisjordanie. Et ce sont ces exactions
israéliennes qui ont provoqué le conflit
actuel et l'escalade des violences. Ce
projet de cessez-le-feu donne donc à
Israël un feu vert pour continuer à
arrêter des dirigeants du Hamas et à
détruire des maisons en Cisjordanie,
saccager des maisons, tuer des
Palestiniens, etc., actions qui
constituèrent le prélude du conflit
actuel.
Deuxièmement, si on
considère les termes de ce
cessez-le-feu, on voit que c'est
exactement les mêmes que celui qui a été
proposé en juin 2008, et le même que
celui qui a été signé en novembre 2012.
A savoir que dans les deux cas, il avait
été stipulé qu'il y aurait un
atténuement du blocus illégal de Gaza.
Et dans les deux cas, après que le
cessez-le-feu ait été signé, le blocus a
été maintenu et même aggravé.
Et maintenant, dans
la version actuelle du cessez-le-feu, il
est stipulé que le blocus sera levé
après que le calme ait été restauré, que
la situation sécuritaire ait été établie
de manière satisfaisante. Mais puisque
Israël considère que le Hamas est une
organisation terroriste, la situation
sécuritaire ne pourra jamais être tenue
pour véritablement calme à Gaza. Et par
conséquent, il n'y aura jamais de levée
du blocus de Gaza. Et on en reviendra
donc à la situation de juin 2008 et
novembre 2012.
Evidemment, le
Hamas ne peut que rejeter un tel accord.
L'accepter reviendrait à légaliser, à
légitimer le blocus brutal, impitoyable,
cruel et illégal de Gaza.
Quant à savoir
comment nous en sommes arrivés là, le
contexte général est parfaitement clair
et évident pour quiconque ouvre les
yeux. Un gouvernement d'unité entre
l'Autorité Palestinienne et le Hamas
était en train de se constituer.
Netanyahu était fou de rage en voyant ce
gouvernement d'unité et a demandé aux
USA et à l'UE de couper leurs relations
avec l'Autorité Palestinienne. De
manière surprenante, les USA ont répondu
: « Non. Nous allons donner du temps à
ce gouvernement d'unité et voir si ça
marche ou pas ». Puis l'UE est entrée en
scène et a dit qu'elle donnerait
également du temps à ce gouvernement
d'unité : « Voyons donc. Voyons ce qui
se passe. »
A ce moment,
Netanyahu est pour ainsi dire devenu fou
furieux, et il était déterminé à briser
ce gouvernement d'unité. Lorsque
l'enlèvement des trois adolescents
israéliens s'est produit, il a trouvé
son prétexte.
Il n'y a pas la
moindre ombre de preuve, pas le moindre
indice qui indiquerait que le Hamas ait
eu quoi que ce soit à voir avec les
kidnappings et les meurtres. Personne ne
connaît ne serait-ce que le mobile de ce
crime à ce jour. Même si on regarde le
rapport de Human Rights Watch du
3 juillet, ils disent que personne ne
sait qui est derrière ces enlèvements.
Même le Département d'Etat américain, le
7 juillet – lors d’une conférence de
presse – a déclaré : « Nous n'avons pas
de preuves tangibles sur l'identité des
responsables de cet acte. »
Mais cela n'avait
rien à voir avec ces événements, ce
n'était qu'un prétexte, un prétexte pour
aller en Cisjordanie, attaquer le Hamas,
arrêter 700 membres du Hamas, faire
exploser deux maisons, mener ces
saccages et ces dévastations, et ainsi
essayer de provoquer le Hamas à une
réaction. C'est ce qu'Israël fait
toujours. Pour quiconque connaît
l'histoire, c’est ce que les
politologues israéliens mainstream
(dominants), notamment Avner Maniv,
appellent les « offensives de paix »
palestiniennes : chaque fois que les
Palestiniens ont l'air de vouloir
parvenir à une solution pacifique du
conflit – ce à quoi visait le
gouvernement d'unité –, à ce moment,
Israël fait tout ce qu'il peut pour
provoquer une réaction violente – de la
part du Hamas dans ce cas –, briser le
gouvernement d'unité, et alors Israël a
son prétexte : « Nous ne pouvons pas
négocier avec l'Autorité Palestinienne
car elle ne représente qu'une partie de
la population palestinienne, elle ne
représente pas toute la population
palestinienne. »
Et donc Netanyahu
fait ce qu'il fait toujours –
excusez-moi, ce que les gouvernements
israéliens font toujours –, il persiste
à pilonner les Palestiniens, dans ce cas
à pilonner le Hamas, pilonner le Hamas,
en essayant de provoquer une réaction,
et lorsque la réaction vient, ils disent
: « Vous voyez, on ne peut pas traiter
avec ces gens, ce sont des
terroristes. »
Selon vous,
pourquoi Israël a hésité à lancer
l'invasion terrestre – il y a, vous le
savez, des milliers de soldats amassés
le long de la frontière de Gaza ?
Il est intéressant
de voir que tout un nombre de théories
ont été brodées, en particulier dans la
presse israélienne. Je pense que la
réponse à cette question est assez
évidente : la population israélienne ne
supportera pas un grand nombre de
victimes parmi les forces israéliennes.
Voilà pourquoi. Israël aime – tout comme
le Président Obama – Israël aime
commettre des massacres de haute
technologie. Ils ne veulent pas
combattre dans une vraie guerre.
En 2008, Israël a
perpétré un grand massacre de haute
technologie à Gaza, tuant environ 1400
Palestiniens, dont 1200 étaient des
civils, laissant derrière 600 000 tonnes
de décombres, déversant du phosphore
blanc, etc., et pour la première fois,
la communauté internationale a réagi
très fermement face à cela – le rapport
Goldstone en a été le point culminant.
A ce stade, Israël
était dans une situation très difficile,
car d'un côté il ne pouvait pas arrêter
les tirs de roquettes, à moins de mener
une invasion terrestre – ce qui est
exactement la situation à laquelle
faisait face Israël au Liban en 2006 –,
l'aviation ne peut pas détruire ces
roquettes, qui sont surtout des
roquettes de courte portée – ce ne sont
même pas des roquettes mais appelons-les
comme ça –, l'aviation ne peut pas les
neutraliser, le seul moyen de le faire,
comme au Liban en 2006, est de lancer
une invasion terrestre. Cependant, la
population israélienne n'acceptera pas
un grand nombre de victimes parmi ses
soldats, et le seul moyen de ne pas
avoir un grand nombre de victimes
israéliennes est de tout raser à vue
dans un rayon d'un kilomètre. C'est ce
qu'a fait Israël en 2008-2009. Et il n'y
a eu que 10 soldats israéliens tués, et
parmi ces 10 tués, la moitié l'ont été
par des « tirs amis », des Israéliens
tuant accidentellement d'autres
Israéliens.
Eh bien après le
rapport Goldstone et après 2008-2009,
ils ne peuvent plus refaire ça,
ils ne peuvent plus perpétrer de telles
destructions massives, « les 22 jours de
mort et de destruction » comme Amnesty
International les a appelés, ils ne
peuvent plus refaire ça, une nouvelle
restriction a été placée sur les élites
politiques et militaires d'Israël.
Tel est donc leur
dilemme : sur le plan interne, ils ne
peuvent pas supporter un grand nombre de
victimes parmi les forces israéliennes,
mais le seul moyen de l'empêcher est de
tout raser à vue, et la communauté
internationale dit : « Vous ne
pouvez pas faire ça ». Vous pouvez en
tuer 150, vous pouvez en tuer 200, Human
Rights Watch dit que ce n'est pas un
crime de guerre de tuer 200 Palestiniens
à Gaza, c'est ce qu'ils ont dit, ce
n'est qu'une punition collective d'après
eux. Seul le Hamas commet des crimes de
guerre, car une femme israélienne est
apparemment morte d'une crise cardiaque
en essayant d’entrer dans un abri. Donc
c'est terrible, abominable, c'est un
crime de guerre. Mais quand vous tuez
200 Palestiniens, dont 80% sont des
civils, environ 20% sont des enfants,
d'après Human Rights Watch, ce
n'est pas un crime de guerre. La
communauté internationale ne peut
accepter que tant de victimes : 200.
Mais même Human Rights Watch
n'acceptera pas que vous y alliez et
refassiez 2008-2009 encore une fois.
Le gouvernement
israélien fait donc face à un véritable
dilemme, et c'est le problème pour
Netanyahu. Sur le plan interne, il perd
s'il y a beaucoup de victimes parmi les
forces israéliennes, et sur le plan
international, il perd s'il essaie de
refaire 2008-2009 à nouveau.
Qui a causé
combien de morts ?
En 2008-2009, nous
avons vu qu'il y a eu 1400 morts
Palestiniens, dont 1200 étaient des
civils, et 600 000 tonnes de décombres.
Ils n'ont tout simplement rien épargné à
Gaza. Et soit dit en passant, cela a été
exigé par Tzipi Livni : le 18 janvier,
Tzipi Livni, alors Ministre des Affaires
Etrangères, aujourd'hui Ministre de la
Justice, la personne que J-Street [Juifs
américains pour la « paix »] appelle «
la modérée », Tzipi Livni s'est vantée à
la télévision d'avoir exigé du «
hooliganisme » à Gaza. « C'est ce que
j'ai exigé, a-t-elle déclaré, et nous
l'avons obtenu. » Selon J-Street, c'est
la modérée.
Norman, pour
conclure, que faut-il faire ?
Ce qu'il faut faire
est absolument évident. Amnesty
International, qui est une
authentique organisation de défense des
Droits de l'homme, contrairement à
Human Rights Watch, Amnesty
International a publié une
déclaration qui recommandait :
premièrement, il doit y avoir un embargo
total sur les armes à destination
d'Israël et de Palestine, ce qui est
parfaitement raisonnable, car d'après le
droit international, il est illégal de
transférer des armes à des pays qui
violent de manière flagrante les Droits
de l'homme : donc, embargo total sur les
armes à destination d'Israël et de
Palestine ; deuxièmement, enquête
internationale sur les crimes de guerre
des deux côtés ; et c'est moi qui énonce
le troisième point : troisièmement, des
sanctions doivent être imposées à Israël
jusqu'à ce qu'il négocie une fin de
l'occupation d'après le droit
international. Et cette suggestion n’est
pas de moi : je la base sur l'arrêt de
la Cour Pénale Internationale, dans
l'affaire Afrique du Sud / Namibie
occupée. La Cour Pénale Internationale a
décrété en 1971 : « Si l’Afrique du Sud
ne s’engage pas dans des négociations de
bonne foi en vue de mettre fin à son
occupation de la Namibie, cette
occupation est illégale d'après le droit
international. » Israël a refusé de
s'engager dans des négociations de bonne
foi en vue de mettre fin à l'occupation
de la Palestine, exactement comme dans
le cas de la Namibie, il est donc un
occupant illégal de la Palestine et des
sanctions globales devraient être
imposées à Israël jusqu'à ce qu'il mette
fin à l'occupation de la Palestine dans
les termes du droit international.
Contact : 7asan.saleh (at)
gmail.com
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