Tribune
Face aux poursuites-bâillons de
Bolloré :
nous ne nous tairons pas !
Jeudi 25 janvier 2018
Mercredi 24 janvier 2018 : Communiqués
de presse |
Tribune parue dans
Mediapart le 24 janvier 2018 et dans
Bastamag.
Ce jeudi 25 janvier
s’ouvre un procès contre Mediapart, L’Obs
et Le Point, et deux ONG, Sherpa et
ReAct, attaqués en diffamation par la
holding luxembourgeoise Socfin,
fortement liée au groupe Bolloré. Ce
procès marque une nouvelle étape dans
les poursuites judiciaires lancées par
Bolloré et ses partenaires contre des
médias.
Les plaignants leur
reprochent des articles relatant les
mobilisations de villageois et
d’agriculteurs ouest-africains voisins
d’exploitations gérées par ces deux
sociétés. Alors qu’hier encore, le TGI
de Paris déboutait la société Bolloré
dans une énième plainte en diffamation
contre le journal Les Inrocks, le procès
de demain marque une nouvelle étape dans
les poursuites judiciaires lancées par
le magnat breton et ses partenaires
contre des médias, des organisations non
gouvernementales ou des journalistes,
qui ont évoqué les coulisses de ses
activités économiques et commerciales en
Afrique, ses liens avec la holding
luxembourgeoise Socfin et les
conséquences des acquisitions de terre à
grande échelle.
Depuis 2009, plus
d’une vingtaine de procédures en
diffamation ont ainsi été lancées par
Bolloré ou la Socfin en France et à
l’étranger – pour contourner la loi de
1881 sur la liberté de la presse –
contre des articles, des reportages
audiovisuels, des rapports
d’organisations non gouvernementales, et
même un livre. France Inter, France
Culture, France Info, France 2, Bastamag,
Le Monde, Les Inrocks, Libération,
Mediapart, L’Obs, Le Point, Rue 89,
Greenpeace, React, Sherpa… Une
cinquantaine de journalistes, d’avocats,
de photographes, de responsables d’ONG
et de directeurs de médias, ont été
visés par Bolloré et ses partenaires
(voir la liste ci-dessous) !
« Ces poursuites
systématiques visent à faire pression, à
fragiliser financièrement, à isoler »
Au vu de leur
ampleur, nous estimons que ces
poursuites judiciaires s’apparentent à
des « poursuites-bâillons ». Ces
procédures lancées par des grandes
entreprises multinationales sont en
train de devenir la norme. Apple, Areva,
Vinci ou Véolia ont récemment attaqué en
justice des organisations non
gouvernementales ou des lanceurs
d’alerte. En multipliant les procédures
judiciaires dans des proportions
inédites – quitte à les abandonner en
cours de route –, le groupe Bolloré en a
fait une mesure de rétorsion
quasi-automatique dès lors que sont
évoquées publiquement ses activités
africaines. Ces attaques en justice
contre les journalistes viennent
s’ajouter à d’autres types d’entraves à
la liberté de la presse dont est
désormais coutumier le groupe Bolloré.
En 2014, son agence de communication
Havas avait par exemple tenté de
supprimer plus de 7 millions d’euros de
publicité au journal Le Monde, suite à
une enquête sur les activités de Vincent
Bolloré en Côte d’Ivoire. Sans oublier
la déprogrammation ou la censure de
plusieurs documentaires que Canal+
(groupe Vivendi) devait diffuser.
Ces poursuites
systématiques visent à faire pression, à
fragiliser financièrement, à isoler tout
journaliste, lanceur d’alerte ou
organisation qui mettrait en lumière les
activités et pratiques contestables de
géants économiques comme le groupe
Bolloré. Objectif : les dissuader
d’enquêter et les réduire au silence,
pour que le « secret des affaires »,
quand celles-ci ont des conséquences
potentiellement néfastes, demeure bien
gardé. C’est l’intérêt général et la
liberté d’expression qui sont ainsi
directement attaqués. Les communautés
locales, les journalistes, les
associations, les avocats, ou les
lanceurs d’alerte : tous les maillons de
la chaîne des défenseurs de droits sont
visés par ces poursuites.
Nous,
collectifs, journalistes, médias,
organisations non gouvernementales,
apportons notre soutien aux journalistes
et organisations qui comparaîtront les
25 et 26 janvier, et à tous les acteurs
poursuivis dans le cadre de ces
poursuites-bâillons. Des réformes
devront être proposées en France pour
imiter d’autres pays comme le Québec, ou
certains états des États-Unis ou
d’Australie, vers un renforcement de la
liberté d’expression et une meilleure
protection des victimes de ces
poursuites-bâillons. Informer n’est pas
un délit ! On ne se taira pas !
Liste des
signataires
Jean-Pierre Canet
(journaliste), Benoît Collombat
(journaliste, Radio France), Nadia
Djabali (journaliste), Samuel Forey
(journaliste, prix Albert Londres 2017,
L’Ebdo), Raphaël Garrigos (journaliste,
Les Jours), Simon Gouin (journaliste,
Bastamag), Maureen Grisot (journaliste),
Elodie Guéguen (journaliste, Radio
France), Pierre Haski (journaliste, Rue
89), Thomas Horeau (journaliste, France
2), Dan Israel (journaliste, Mediapart),
Erik Kervellec (directeur de la
rédaction, France Info), Geoffrey Le
Guilcher (Les Inrocks), John-Paul Lepers
(journaliste, La Télé Libre), Julien
Lusson (ancien directeur de la
publication, Bastamag), Jacques Monin
(journaliste, Radio France),
Jean-Baptiste Naudet (journaliste, L’Obs),
Nicolas Poincaré (journaliste, Europe
1), Martine Orange (journaliste,
Mediapart), Fanny Pigeaud (journaliste),
Edwy Plenel (directeur de la
publication, Mediapart), Matthieu Rénier
(journaliste, prix Albert Londres 2017,
France 2), Isabelle Ricq (photographe),
Jean-Baptiste Rivoire (journaliste,
Canal+), Isabelle Roberts (journaliste,
Les Jours), Agnès Rousseaux
(journaliste, Bastamag), Ivan du Roy
(journaliste, Bastamag), David Servenay
(journaliste), David Thomson
(journaliste, Prix Albert Londres 2017,
RFI), Nicolas Vescovacci (journaliste),
Tristan Waleckx (journaliste, prix
Albert Londres 2017, France 2).
Médias et
organisations :
Abaca Press,
ActionAid France, AFASPA 95,
Alternatives économiques, Association de
la presse judiciaire, Attac France,
Bastamag, Bondy Blog, collectif
« Informer n’est pas un délit »,
collectif « On ne se taira pas »,
Collectif des associations citoyennes,
CRID, France Libertés, GRAIN, Greenpeace
France, Les Jours, Mediapart, Prix
Albert Londres, Ritimo, ReAct, Reporters
sans frontières, Sherpa, Survie, La Télé
Libre, Union syndicale Solidaires
Sociétés des
journalistes ou des rédacteurs :
AFP, BFM TV,
Challenges, Les Echos, Europe 1,
L’Express, France 2, France 3, Le Monde,
L’Humanité, Libération, L’Obs, Mediapart,
M6, Premières Lignes, Radio France, RMC,
RTL, Télérama, TF1, TV5Monde, La Vie.
Les procès en
cours et à venir :
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
Jean-Baptiste Naudet (L’Obs) : audience
initialement prévue le 14 décembre 2017,
repoussée à la demande du plaignant
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
Geoffrey Le Guilcher (Les Inrocks) :
plainte jugée irrecevable le 23 janvier
2018
Plainte
en diffamation de Socfin contre Dan
Israel (Mediapart), les associations
ReAct et Sherpa : audience prévue les 25
et 26 janvier 2018 à la 17ème chambre du
TGI de Paris
Plainte
en diffamation contre Nadia Djabali,
Ivan du Roy, Agnes Rousseaux (Bastamag),
ainsi que Rue 89, et trois blogueurs
ayant relayé l’article – Thierry
Lamireau (enseignant retraité),
Dominique Martin Ferrari (journaliste)
et Laurent Ménard (ébéniste) : relaxe le
14 avril 2016, relaxe confirmée en appel
le 9 février 2017, pourvoi en cassation
de Bolloré (audience en juin ou
septembre 2018)
Plainte
en diffamation contre Simon Gouin et
Julien Lusson (Bastamag) : audience
prévue le 2 octobre 2018
Plainte
en diffamation contre Fabrice Lhomme et
Gérard Davet (Le Monde) : relaxe le 3
décembre 2015, relaxe confirmée en appel
le 22 septembre 2016, pourvoi en
cassation de Bolloré
Plainte
en diffamation de Bolloré contre Elodie
Guéguen (France Info) : relaxe le 5
juillet 2016, appel de Bolloré (audience
en attente)
Plainte
en diffamation de Bolloré contre Benoît
Collombat et Florence Sultan
(Calmann-Lévy) pour le livre "Informer
n’est pas un délit" : audience en
attente
Plainte
en diffamation de Socfin contre
l’organisation Greenpeace : audience en
attente
Plainte
française en diffamation de Bolloré
contre France 2 et Tristan Waleckx :
audience le 3 avril 2018
Plainte
camerounaise en diffamation de Socapalm
(filiale Socfin) contre France 2,
Nicolas Poincaré et Tristan Waleckx :
audience en attente
Plainte
commerciale en dénigrement de Bolloré
contre France 2 (50 millions d’euros de
dommages et intérêts) : audience en
attente
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
Mediapart et Fanny Pigeaud : audience en
attente
Plainte
préventive pour dénigrement de Bolloré
contre le journaliste Nicolas Vescovacci
(700 000 euros de dommages et
intérêts) : audience en attente
Plainte
en diffamation de la Socfin au Sierra
Leone contre les organisations
indépendantes Green Scenery (Sierra
Leone) et Oakland Institute (Etats-Unis)
en 2013 : procédure en cours
Les poursuites
passées :
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
l’Agence Ecofin (Agence africaine
d’informations économiques et
financières). Relaxe le 15 juin 2016,
Relaxe confirmée en appel le 7 juin 2017
Plainte
en diffamation de Bolloré contre Maureen
Grisot et Renaud Candelier (France
Culture) : retrait de la plainte le 10
mars 2016 (21jours avant l’audience
prévue le 31 mars 2016)
Plainte
en diffamation de Bolloré et Socapalm
(filiale Socfin) contre France Inter et
Benoît Collombat : condamnation le 6 mai
2010 avec relaxe concernant la Socapalm.
Plainte
en diffamation de Bolloré contre France
Inter et Isabelle Ricq : retrait de la
plainte le 18 juin 2010 (14 jours avant
l’audience prévue prévue le 2 juillet
2010)
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
l’association Sherpa : retrait de la
plainte le 5 juin 2013
Plainte
en diffamation de Bolloré contre Benoît
Collombat et David Servenay (Rue 89) :
retrait de la plainte le 7 janvier 2014.
Plainte
en diffamation de Bolloré contre Martine
Orange (Mediapart) : retrait de la
plainte le 9 décembre 2013
Plainte
en diffamation de Bolloré contre
Libération et Fanny Pigeaud :
condamnation de Libération pour la
légende de la photo en novembre 2014,
relaxe de Fanny Pigeaud.
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