Rapport du CPI
Sur le passage de Rafah, une mère
malade quitte le monde sans pouvoir embrasser ses enfants
Photo CPI
Mardi 10
juillet 2007
Gaza/Rafah
– CPI
"J'ai
une peur bleue de mourir avant de faire mes adieux à mes enfants,
avec un bisou chaleureux".
Cela
était le simple et dernier souhait de Taghrid Mohammed Abed, une
mère qui était suspendue sur le point de passage de Rafah, fermé
par les Israéliens dans une sanction collective imposée au
peuple palestinien. Ni sa faiblesse, ni sa grave maladie de cancer
n'ont pu fléchir les Israéliens sur leur position inhumaine.
Elle est partie en martyre. Mais son corps restait dans la nature,
sans susciter aucun de ces sentiments que les humains connaissent.
Un
mari désœuvré
Perdre
sa femme, la mère de leurs cinq enfants, n'était pas une partie
de plaisir pour Khaled, le mari de la défunte. Les larmes se mêlaient
à sa voix exprimant son désarroi. Qu'ira-t-il dire à leurs
enfants attendant avec impatience le retour de leur mère ?
Sans
pouvoir empêcher ses larmes de faire leur route sur son visage
meurtri par la tragédie, le père explique qu'il avait tout fait
pour que sa défunte femme eût été acceptée dans les hôpitaux
de la ligne verte, en vain. Pour une ultime chance, il l'avait
envoyée vers l'Egypte où les médecins l'ont informée que son
cas était désespéré et qu'elle devait retourner chez elle afin
de passer ses derniers moments dans ce bas monde avec les siens !
Depuis, elle informait son mari, au téléphone, qu'il ne lui
restait que de voir ses enfants. "Mais elle est partie sans
jeter un dernier regard sur nos enfants. Elle est partie très
loin, en ne nous laissant que des souvenirs".
Vingt
jours interminables !
Taghrid
a vécu les derniers jours de sa vie, plus de vingt jours, bloquée
sur le côté égyptien du point de passage de Rafah, parmi
plusieurs milliers de Palestiniens qui subissaient et subissent
toujours le même sort.
"Et
maintenant, après que son âme est parti, on [les Israéliens] ne
laisse pas son corps entrer, sous de quelconques prétextes, des
plus futiles", exprime le mari, avec un ton de colère et de
tristesse. Il crie : "Allah Akbar, Dieu est Grand, pas
de considération même pour un mort ; Allah (le Tout
Puissant) nous suffit ; IL est le meilleur Garant".
Taghrid
Abed n'est pas la première ni la dernière qui meurt sur ce point
de passage de Rafah. Le nombre de Palestiniens qui y laissent leur
vie ne cesse d'augmenter de jour en jour, notamment parmi les
malades.
En
effet, les Palestiniens, suspendus sur ce passage vivent des
situations de plus en plus insoutenables. Parmi eux se trouvent de
nombreux malades et des étudiants qui perdent du temps précieux.
Beaucoup se sont retrouvés obligés de vendre même une partie de
leurs vêtements pour manger après avoir dépensé leurs derniers
sous !
Et
les lois internationales ?
Ce
qui s'est passé pour Taghrid vient à l'encontre de toutes les
lois internationales, confirme Ossam Younes, directeur du centre
Al-Mizane pour la défense des droits de l'homme.
La
fermeture en continu du point de passage de Rafah risque de causer
encore plus de catastrophes humaines, notamment du fait que les
habitants de la bande de Gaza qui voyagent pour le tourisme sont
très rares dans ces conditions des plus difficiles. La plupart
sont malades, en particulier du fait que la Bande n'est pas dotée
d'un centre spécialisé dans le soin du cancer.
Et
nos droits ?
"Pourquoi
sommes-nous privés de nos droits les plus simples ?",
dit le mari qui vient de perdre sa femme, et dont un des enfants
n'admet toujours pas l'idée du départ de sa mère :
"Ma
mère m'a dit qu'elle viendra dès que le point de passage de
Rafah est ouvert, eh papa ?"
|