Pour Tahar Djaout
Ekker a gma[1]
Smaïl Hadj Ali
Tahar
Djaout - DR
Dimanche 2 juin 2019
Victime d'un attentat le 26 mai 1993,
revendiqué par les terroristes de
l'islam politique, Tahar Djaout est
décédé le 2 juin 1993.
Ci-dessous un texte
écrit durant ces jours maudits, issu
d'un recueil inédit.
Dire l’île natale
diaprure ensanglantée
Envahie de
chouyoukh sages
Sanguinaires
Assoiffés de
pouvoirs putrescents
Avides de jeunes
adolescents
Dire les dessous de
table
Les soumissions
putrides
Des marchés conclus
Sonnants
trébuchants
Dire ma ville
blanche souillée
Par les purulences
de la horde
Meute féroce adulée
Par la lâcheté
légitimée
Dire
l’incandescence de cette route
Entre chiens et
loups
Recouverte du
linceul du malheur figé
Dire la promenade
égorgée
Au cœur des rêves
orangers
Dire cet escalier
blanc
De souffle matinal
haletant
Dire ce couloir
luminescent
Mêlant la fin et
l’azur des cils
Dire ce ciel
asphalté
Plombé de larmes
encore libres
Dire l’immensité de
la mer qu’on voulait
Étreindre pour
retenir ton souffle
Dire l’espoir
malgré tout
Illuminé de femmes
debout
Dire les silences
dévastés
Et les pas des
attentes tourmentées
Dans cette morte
chambre
Sur la pointe des
pieds
Dire le feu du soir
plaqué
[2]
Sur le bitume de
sang arrosé
Dire le crève cœur
tendu sur l’iris
Et la prunelle des
regards livides
Dire ton visage
paisible
Ombré
d’arcs-en-ciel
Dire l’errance de
ton rire cristallin
Dire ta voix
murmurée
Par les galets de
la source
Te redire Tahar
nous courons nous arrivons
« Empêche-la de
s’évader colmate les brèches »
Arrête-là
éloigne-là respires, respires encore
Réveille-toi
lève-toi, ekker a gma
Les moutons
broutent la mort
Et les fils de
l’hyène
Urinent encore
Sur
« l’innocence de la lune ».
Smaïl Hadj Ali
Bab el Oued-Baïnem.
Mai-Juin1993.
« La mort est leur
métier ».
[1]
Lève-toi, en berbère.
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