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Par Fériel Berraies Guigny. Paris - Notes de lecture
Léonara Miano - Tels des Astres éteints
Paris.
Editions Plon, 2008, 404 pages
20 euros
Grand retour de la camerounaise Léonora
Miano qui signe avec Tels des astres éteints sa
troisième rentrée littéraire 2008. L’auteur cette fois ci,
s’éloigne de
son Afrique natale et met
en scène trois destins africains
dans une ville d’Europe. Trois histoires de vie qui se croisent
et se décroisent dans un ballet incessant de rencontre et de
séparation. L’Afrique en Europe
ou la difficile cohabitation de la diversité plurielle, et les
divers problèmes dont l’identité, la couleur de peau « … tu es
ma chair …c’est la couleur que tu m’as donné … » P 14, et
l’exclusion. Miano s’adresse à ce lien indéfectible bien que
vécu dans la douleur, celui de l’ Afrique du cœur, l’Afrique du
souvenir, l’Afrique de l’appartenance meurtrie par la condition
noire « Sens comme on te pétrifie » P 14. Les
problématiques
récurrentes de la négritude sont
abordées avec une lucidité et un certain réalisme lyrique. Trois
personnages, trois destinées africaines pour raconter l’histoire
d’une vie :
Amok, Shrapnel et Amandla, trois
jeunes africains du Nord qui n’arrivent pas à franchir le cap
des « identités frontalières » trop meurtrier. Trois âmes
différentes et pourtant semblables dans leur quête initiatique
du paradis noir perdu.
L’Afrique au centre de ce roman, elle qui est aux africains ne
cesse de leur échapper. Elle agonise par trop de
clichés néocoloniaux « Toi
la terre qui n’existe pas. « P13 pour Miano « … nous
sommes demeurés à genoux » P 18
Les chapitres aux titres anglo-saxons, content comme une
ballade afroblues, l’évolution de ces personnages des temps
modernes.
Afro
Blue
est l’histoire des vaincus, c’est aussi le mythe idéalisé de
Mama Africa. L’ailleurs insaisissable pour ces trois jeunes qui
continuent à voir en la matrice, le pays idéalisé presque devenu
imaginaire « Ils te rêvent de loin… ils ne savent plus que tu
vis » P 13
Léonora Miano qui affectionne ces
problématiques sociétales, lance un cri
face aux
résurgences idéologiques d’une
certaine Europe nostalgique d’un passé colonialiste
esclavagisant.
Elle est consciente pour
les siens des grands dangers de la
ghettoïsation de l’esprit et du corps.
Avec
Straight Ahead, les trois héros
tentent d ‘échapper à leur destin, ils vont voguent sur leur
chemin. Shrapnel
l’idéaliste, tente d’unifier le monde
noir à
travers le monde Africain,
Européens, Caribéens et même les afros-Américains. Le
renouveau de la négritude serait
la seule voie de salut. Amandla
fidèle adepte de
la pensée panafricaniste, prêche
la bonne parole noire et demande le retour de l’Afrique aux
africains « … Les Nations nègres ne peuvent se passer de
représentants valables du Nord »
Amok
au contraire, ne se libère pas des chaînes sociales, il est
le vaincu, emprisonné dans le
regard de l’autre qui le juge dans sa différence. Il est aussi
cynique et
rejette la victimisation
passéiste, du peuple noir.
Angel
Eyes,
est le message d’amour à l’autre,
il raconte le difficile partage de la mixité, quand l’affect est
au rendez-vous. Aller vers l’autre, tout en acceptant la
différence, casser les préjugés et les stéréotypes qui
empoisonnent le lien social. Une histoire d’amour avec le blanc,
comment parvenir à vivre cela dans la sérénité ?
Un noir qui aime une blanche est ce juste ? Comment
parvenir à casser les tabous en prenant le risque de se faire
exclure de la « communauté » et
violer ses propres convictions idéologiques ?
Round Mdnight,
rappelle le passage du temps et la nécessité pour chacun des
personnages de se confronter à la réalité.
Faire le choix de vie et l’assumer avec courage. Tenter aussi de
rattraper le temps perdu ou en tout cas, de
vivre ce qui reste de celle ci. Car
Left alone,
est l’aboutissement de la quête existentielle. Le Noir est seul
face à son miroir, il doit tracer son chemin et ne pas attendre
les autres. Face à
ses choix il reste esclave d’une
résignation fataliste lui qui se sent dépossédé de son
destin, ici ou là bas.
Alors que lui reste t il si ce
n’est l’errance dans un espace géographique bien déterminé ?
« Le rêve du pays primordial » p
87 parviendra il à lui donner la foi, pour devenir cet homme de
ces ancêtres, cet homme mythique, cet africain idéalisé ?
Car
contre toutes attentes et face aux déceptions du retour au
bercail, ce qui compte et cet adage le dit bien « Le regard des
autres ne doit sa puissance qu’à la valeur qu’on lui accorde
pour se définir soi même » P 404
Crédits :
Cette note de lecture
est la propriété exclusive de Cultures Sud Revue n'171 "
Tchicaya Passion" octobre décembre 2008
Publié le 11 décembre 2008 avec
l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny
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