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Par Fériel Berraies Guigny. Paris - Notes de lecture
L'Afrique Humiliée
Aminata Traore
Photo
: © John Foley/Opale
Préface de Cheikh Hamidou Khane
Editions
Fayard. 2008
297 P
18 euros
Un essai saisissant de vérité.
Un réquisitoire douloureux et lucide. Un cri
d’indignation et d’amour pour une Mère qui veut retenir ses
enfants perdus « Notre monde va assurément mal, la
phobie sécuritaire et l’approche criminalisante de la question
migratoire » ont décidé de l’Afrique. Tel est le dernier ouvrage
de l’intellectuelle et écrivain malienne, Aminata Traoré. «
A ceux et celles que l’ordre du Monde oblige à voyager et
à vivre dans l’ombre, la peur et la honte… » nous conte
Cheikh Amidou Khane dans sa préface. Terrible dénonciation d’une
misère humaine qui conduit à l’autel du sacrifice. Lutte
désespérée et sans lumière pour tous ces enfants orphelins par
procuration, qui choisissent de combattre la mort par la mort.
Sous couvert de la coopération pour le développement, les
Nantis continuent de mettre à sac le Continent africain, le
poussant à ses confinements et à l’exclusion. Depuis la
conférence de Lomé, Aminata Traoré ne cesse de combattre par ses
écrits et son activisme, pour le juste retour de l’Afrique dans
une relation de reconnaissance et d’échange qui soit saine et
équitable avec le Nord « .. ; je voulais contribuer à la
construction d’une opinion publique malienne et africaine à
travers mes livres » p 24. Avant d’être politique, son combat
est celui d’une mère qui tente de sauver ses enfants «
J’avais surtout envie de me transporter la bas, sur les lieux du
crime, de les consoler et de les ramener ici à la maison et avec
eux, d’explorer les
exigences et les moyens de la reconstruction de nos êtres
éclatés dans un monde devenu fou » Pour elle, il n’est plus
temps aux mensonges et à la complicité Nord Sud,
car l’Afrique a fini par évoluer dans un monde à
l’envers. L’Afrique est blessée de ce couperet que signifient
les institutions de Bretton Woods « La médecine de cheval
de l’ajustement structurel à crée des générations de fugitifs,
d’illégaux sur des embarcations de fortune vers une mort
certaine »
Aminata Traoré, appelle à la construction d’une Afrique digne et
appelle à l’engagement des femmes d’Afrique qui peuvent œuvrer
pour la relève de leur société. Elle reste intimement convaincue
que les femmes
africaines sont capables d’influer et de jouer un rôle non
négligeable dans l’institution
de relations Nord Sud « …équitables, invincibles et même
immortelles » !
La femme africaine a de tout engendré la vie,
elle est la représentante de l’amour filial, la
« gardienne du temple »
Depuis l’aube des générations, elle donne la vie, assure sa
survie et contribue à l’unité sociale.
Mais aujourd’hui encore le jeu des rapports Nord Sud reste
faussé car on
continue de se voiler la face, entretenant une sorte de
complicité tacite « Le pire est que nous africains, ne
voulons souvent pas
admettre la résurgence du racisme anti noirs » p 23 « … on
semble avoir choisi d’épouser le diagnostic et les solutions du
dominant » p 24
Aminata Traore, dénonce sans équivoque la gouvernance Sarkozy et
la diversité politique qui n’est pour elle que façade et
démagogie « Des
hommes et des femmes alibis occupent en somme des postes
où ils peuvent
maquiller la face hideuse d’un gouvernement qui promet de
chasser, c’est à dire humilier, 25 000 personnes par an, dont
une majorité d’africains » p 27.
Constat affligeant qui révèle également,
l’incroyable banalisation de la violence sous toutes ses formes
où des jeunes contraints à l’émigration clandestine deviennent
des criminels. Quelle issue ? Pas de solution facile ou de
solution de facilité, mais une
nécessaire introspection pour mieux faire face aux fautes
et aux responsabilités de chacun : « … il n’y a point
d’issue à la lutte contre la paupérisation de l’Afrique, la
corruption, les conflits et l’émigration en dehors d’une
critique honnête et rigoureuse des modalités et des conséquences
de l’ouverture au marché mondial » p 29.
L’heure est véritablement venue pour la
déconstruction des thèses misérabilistes de l’immigration
choisie, il faut arrêter de faire du Continent africain, un
Continent cobaye ou alibi. Il doit cesser également d’être le
complice idéal au gré de quelques leaders africains consentants
qui y trouveraient un profit personnel. Il faut crever l’abcès,
aussi purulent soit -il. Il faut se démarquer de la coopération
bilatérale qui étouffe, se désengager des relations UE et ACP
qui étranglent, prendre de la distance de l’étau FMI, Banque
Mondiale et OMC. La solution n’est pas dans l’augmentation de
l’APD ( assistance publique pour le développement) ni les
dans les IDE ( investissement direct étranger)
Elle réside en partie dans un bilan honnête des trente dernières
années sur les effets de la libéralisation des économies
africaines et de la privatisation des entreprises publiques.
Cela permettrait une réelle prise en compte des causes de
l’augmentation des flux migratoires, pour arrêter l’excuse de la
prétendue pauvreté du continent « Il n’y a pas d’un côté une
Europe des valeurs et du progrès et de l’autre, une Afrique des
ténèbres et des malheurs » p 33
Il faut arrêter la logique de la machine économique qui broie et
met à genoux l’Afrique.
Seule une réponse globale, régionale, africaine pourra s’opposer
à la loi du dominant « La vérité sur le coût social
économique et écologique de la mondialisation est désormais une
question de paix et de guerre, de vie et de mort » P 36
La seule arme contre la destruction massive de l’Afrique,
restera son unité !
Par cette unité, l’Afrique pourra alors espérer à terme,
préserver ses ressources humaines, protéger sa jeunesse,
et empêcher que ses ressources naturelles tant convoitées,
soient à nouveau dilapidées.
Crédits :
NEW AFRICAN PROPRIETE
EXCLUSIVE
Article de presse Courtesy of Fériel B.G
Rédactrice en chef
www.africasia.com
Publié le 6 décembre 2008 avec
l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny
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