Note de lecture par
Fériel Berraies Guigny
Mongo
BETI - Le Rebelle II
Mongo BETI
Le Rebelle II
Gallimard, 2007, 294 p ( Collection, « Continents
noirs »)
La pensée et les combats du « perturbateur » le
plus illustre de la pensée africaine, Mongo Beti ont été réunis
dans « Le Rebelle II », second tome, d’une trilogie
annoncée. Les textes réunis retracent les réflexions du retour
au bercail ( 1990-1995), après trente années d’exil. Polémiste
par excellence la réflexion de Beti est plus actuelle que jamais,
mettant en lumière un auteur à l’épreuve du temps, que l’on
découvre façon grandeur nature.
Hommage posthume à un auteur qui a enfanté le renouveau de la
pensée anti et néocolonialiste. Faisant fi des censures et des
dictatures en tout genre, il a décrit tout au long de son combat
de penseur éclairé, une Afrique rongée par l’impérialisme
des blancs. L’heure est aux vraies indépendances, sans
compromission ni concession et Beti la décrit haut et fort.
Prince des pauvres et des démunis, son écriture est à l’image
de son honnêteté intellectuelle. Dissident de la pensée, il
condamne les systèmes politiques corrompus en Afrique et leur
marchandage politique avec l’ancien colonisateur. Engagé
parfois au péril de sa vie il n’a cependant pas changé:
intransigeance, éthique et austérité éclairées. Pour Mongo
Beti « L’histoire est faite de conflits et de contrariétés
à surmonter» ( p. 16)
Taxé d’antifrançais et de raciste inversé, l’auteur,
toute sa vie durant, dénoncera la tutelle française en Afrique
sous couvert du leurre de coopération pour le développement.
Car, «un peuple n’est jamais trop libre» ( P. 20). Il s´attaque
aussi à la machine à oppression qu’est la Francophonie. Dénonçant
tous ces écrivains africains larbinisés par la France, et dont
certains abondent volontairement dans le plagiat.
Triste vocation que de plaire à tout prix à la Culture qui
vous opprime. Car si pour un Senghor « la raison est hellène et
l’émotion nègre» ( Dictionnaire de la négritude) pour Beti
l’africain, il est temps aussi de devenir des hommes.
Orphelin d’une terre, l’œuvre romanesque de l’auteur
nous raconte aussi cette blessure intime, qui n’est jamais guérie,
« il n’existe pas de plus grande douleur au monde que la
perte de sa terre natale», écrivait déjà Euripide dès 430
avant JC. Et si l’Afrique a manqué de ces fils intrépides et
courageux, Beti malgré son absence, ne cessera jamais d’être
présent au Cameroun et dans tous les combats contre
l’oppression, par le verbe.
De ces tyrannies intronisées par la France, il raconte les méfaits :
Autopsies d’un bain de sang, rafles, déportations, milices des
partis uniques, censure, terreur et extermination, «chez nous les
camps de concentration étaient situés sur le territoire même de
la Nation» ( P.45)
Il est convaincu pourtant que le retour à la liberté signera
aussi pour les camerounais le retour à la dignité, «car il
n’y a pas de pire conseiller que le mépris en matière de décolonisation»
(P.69). A quand donc la fin de cette Afrique infantilisée et déresponsabilisée ?
Tribalisme, « kleptocratie» africaine, entretenus par l’ingérence
étrangère, serait-ce le prélude d’une balkanisation à venir?
car «la culture française, culture d’intolérance et terreau des
totalitarismes sournois, s’est toujours posée en civilisation
idéale» ( P.179)
Mais il est vain de renoncer à son destin. Tout comme il est temps
que l’Afrique revienne aux Africains. Et ce proverbe Beti de dire
que «le propre de l’étranger, c’est à la fin de retourner chez
lui».
Beti l’homme de tous les combats, a lutté jusqu’au bout de
sa plume « … sans la bagarre il n’y a pas de progrès (
P. 245), mais il sera aussi un pacificateur, lui le fils spirituel
africain de Gandhi et de Martin Luther King.
Si le thème de la libération des peuples aura imprégné l’essentiel
de son oeuvre, il ne parviendra pas à temps pour voir naître cette
démocratie africaine utopiste. Il disparaîtra en 2001, à l’âge
de 69 ans, laissant l’Afrique, orpheline d’une œuvre inachevée.
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