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Par Fériel Berraies Guigny
Note
de lecture
Maroc, éclats instantanés
Maati KABBAL
Nouvelles
Paris, éditions Le Grand Souffle, 2007, 90 p
9,80 €
Dans un ballet interminable d’aller et de
retour au pays, Maati Kabbal nous raconte son retour aux
sources, à Khuribga le village de son enfance. Il évoque un
Maroc aux mille visages et nous confie les vicissitudes de la
Ghorba, cet exil qui fait de lui cet être unique et singulier
dans sa diversité. A cheval entre deux cultures, deux héritages,
il n’en finit pas de redécouvrir le berceau de ses ancêtres, ce
Maroc qui n’est jamais le même, entre souvenirs et nostalgie,
impression de déjà vu et de nouveautés.
Car
le pays a grandi et il est à la fois familier et étranger ; et
pour cette quête interminable des racines oubliées l’auteur
raconte 13 instants d’une vie, 13 histoires singulières pour
mieux exprimer cette douleur muette de l’exil. Le ton est léger,
anecdotique, minimaliste et cru parfois, comme pour dédramatiser
et décrire cette sensation de ne jamais être chez lui, entre
nulle part et quelque part, mais toujours ailleurs. Il sait qui
il est, d’où il vient mais ne sait plus trop où il va.
Les espaces changent, les personnages et les
scénarii aussi, mais l’auteur reste partagé entre deux rives,
deux cultures, où s’entrechoquent excès et richesses. Des
histoires d’hommes perdus qui se cherchent dans des sociétés qui
les rendent de plus en plus anonymes. Le pays qu’on a laissé
n’est plus le même « Ce pays de notre enfance prend un visage
inconnu » p 9. Et maintenant, la terre nourricière rejette son
fils pour en avoir été trop privée. Mémoire faillible et comme
nul n’est prophète en son pays, alors « La reconnaissance… il
faudrait aller la chercher ailleurs » P 19
Dilemme que partage aujourd’hui une certaine
élite de la diaspora maghrébine. Fuite des cerveaux, confortée
par cet écart de plus en plus grand avec le pays d’origine.
Plaie morale de plus en plus béante pour une communauté qui n’a
pas fini de se noyer entre deux écarts civilisationnels.
Kabbal
nous conte cette dualité qu’il vit lui-même, partagé entre
modernité et tradition, religion et laïcité, comme s’il fallait
quelque part renoncer à une partie de soi pour avancer. Il
s’interroge sur l’essence même du grand retour au bled, entre
désenchantement et illusions perdues. Ce Maroc de son enfance,
cette terre tant rêvée est aussi porteuse de dangers, car le
spectre de l’ignorance n’est jamais bien loin, avec son cortège
d’intolérances. Conflit entre les religions, difficultés du
mariage mixte, tabous de la sexualité. Son regard de sociologue
est acéré et il met à nu les turpitudes du paupérisme social,
les conflits de pouvoir au sein des sociétés arabes,
l’hypocrisie sociale qui caractérise les relations
interpersonnelles. Il est témoin de drames humains et au travers
des acteurs qu’il met en scène, sa touche humoristique n’arrive
pas à cacher un certain malaise existentiel.
Qui est donc cette génération des deux rives
? Où est son avenir ?
Alors que sont abordés les thèmes graves qui
font mal: l’arabe au service du Roumi. « Prêt à mourir pour la
France ». Petite parenthèse historique, qui rappelle un
engagement certain des indigènes de l’ancienne colonie française
« … Larbi devient l’espion éclaireur « … P 52 prêt à mourir pour
la France. Même si les clichés racistes continuent d’avoir la
peau dure : « … l’arabe qui mange le pain des français et baise
leur femme » P 62 pour rappeler combien la post décolonisation
et l’intégration euro maghrébine, reste une affaire des plus
douloureuses.
Des tragédies humaines, drôles et pathétiques
à la fois, pour rappeler le sort de la condition humaine dans un
pays qui ne cesse d’oublier ses promesses.
Crédits :
Cette note de lecture est une
Exclusivité de la revue Cultures France. Parue dans le numéro
169 du mois de mai 2008.
Article de presse
Courtesy of F.B.G Communication:
www.fbgcom.net/
Publié le 22 mai 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel
Berraies Guigny
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