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Par Fériel Berraies Guigny
Note
de lecture
Tarmac
des Hirondelles
Georges
Yemy
Roman
Editions Héloïse D’ Ormesson
287 pages
19 Euros
Mis en vente mars 2008
Conte
initiatique et cruel qui nous guide par delà l’enfer de la
guerre, dans les yeux d’un enfant soldat. Des yeux inondés par
trop de sang et de non sens. Voilà ce qu’inaugure ce titre
pourtant rêveur et poétique. Derrière ce tarmac, gît une
vision presque maléfique, sortie du tréfonds de l’âme noire
de celui qui a ôté la vie. Une vision pourtant nostalgique
d’une nuit d’été africaine pour l’auteur, qui en a fait le
titre de son roman. Hors sujet pourrait on penser, car comment
accepter que là où tout n’est que beauté et pureté, le sang
et la haine de l’autre, vont souiller les pas d’un enfant
perdu ?
Un
enfant à qui on a volé son enfance « ... Je n’ai connu
que des choses d’adultes, leurs mots et leurs passions. Je suis
de nos jours, un homme encore jeune, mais déjà cassé » p
13
Quand
la réalité crue de la machine de guerre broie l’enfance, alors
on ne croit plus à son humanité. Abandonné dans les limbes,
Muna se noie, à mesure qu’il raconte sa descente aux enfers,
hachant et broyant tout sur son passage. Quand les repères sont
disqualifiés, les valeurs morales atrophiées, tout n’a plus de
sens sauf le sang « … Ils nous fallaient … être des
lions. La prédation en mouvement » p15
Et
Muna troque l’école
contre une carrière de tueur, d’exterminateur et de violeur.
Elevé au rang de bête, il tue sur son passage, sans peur ni état
d’âme, convaincu de sa mission « … je suis le fils des ancêtres,
le fils des pères morts mais vivant » P 37
Il
incarne tous ces enfants endoctrinés par le monde irrationnel de
l’adulte et de la violence. Le sermon des pairs est plus fort
que tout devant la vulnérabilité de ces âmes perdues par la
guerre , « … les responsables placides regardaient le suicide
des chérubins » P 41
Mais
comment se défaire de ce substitut de père, qu’est devenu le
chef de guerre, comment retrouver cette famille perdue, cette
creuse illusion que sont l’identité et le sentiment
d’appartenance à une structure sociale ?
Alors
c’est plus fort que tout, « … Le sergent devient notre père »
P41
Cela
se passe au Libéria, au Soudan, en Somalie, dans ces enfers où
l’on continue d’instrumentaliser l’enfance. L’anti-héros
est pourtant conscient de ce mal qui fait de lui un monstre
« ils avaient fait de nous des bêtes » p 16 et de là naissent
les pires transgressions comme manger des restes humains, pour mieux
se prouver cette insensibilisation et cette emprise qu’il a sur
l’autre. Un enfant paradoxal dans sa vulnérabilité et sa puissance
carnassière. Le récit est d’une terrible crudité, à l’image
de la guerre, qui déshumanise et diabolise l’autre pour mieux
exterminer. De son humanité Muna ne conservera rien, si ce n’est
la nostalgie d’une amitié perdue, ou le réconfort éphémère
du sein d’une captive, qui le fait parfois ramener à sa carapace
d’enfant qu’il n’a jamais cessé d’être au fond. Car comme
l’explique Georges Yemy dans la plus grande des noirceurs, il y
a toujours cette lumière d’une rédemption possible. Toucher le
fond, serait peut être alors, l’ultime étape pour pouvoir
rebondir. La résilience en quelque sorte et cette incroyable foi
en l’humanité qui ont fait que Georges Yemy, l’auteur, n’a
jamais cessé d’espérer en de meilleurs lendemains. Rien n’est
absolu, rien n’est irrémédiable comme la vie qui prend mais qui
sait aussi, parfois donner.
Alors
si l’on réfléchissait on comprendrait que sous cette assurance
arrogante, gît une incroyable solitude morale, que nous percevons
à travers les lignes. Elle transpire chez Georges Yemy, il en a fait
son credo littéraire. Et ce jeune héros devient une partie de lui
même ; un enfant enfermé et passionnément épris de liberté
qui a du grandir trop vite.
Paradoxe
qu’est l’humanité, car la solitude, le rejet, l’exclusion Georges
Yemy les a connu enfant, et jeune adulte, il a su les terribles tourments
de l’absence maternelle, la nécessité de forger sa propre
identité, de se construire par soi même.
Yémy
écrit à fleur de peau, chaque mot tranche comme un rasoir, la violence
est sauvage et sans détour, le récit met mal à l’aise par tant
de réalisme cru. Mais la plume est enivrante, passionnelle, elle
séduit car elle sait se parer des plus beaux atours tout en se jouant
de l’âme.
Georges Yemy ©
Crédits :
article de presse,
propriété exclusive de Destin de
l’Afrique.
Sénégal.
Article de presse
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Publié le 21 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies
Guigny
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