Note de lecture par
Fériel Berraies Guigny
Benazir Bhutto : Mourir pour la liberté !
« Je n’ai pas choisi cette vie, c’est elle qui m’a choisie»… (p
9)
L’Aveu de toute une destinée se retrouve en ces premiers mots
que l’on peut lire dans le roman autobiographique (Benazir
Bhutto fille de l’Orient, 2007 ; éditions Eloise D’Ormesson,
Paris) qui vient d’être traduit de l’ anglais par Simone
Lamblion et Isabelle Taudiére.
Le récit d’un parcours exceptionnel, celui d’une grande
figure de la démocratie qui vient de s’éteindre sous le joug de
l’extrémisme politique au Pakistan.
Infidèle à ce célèbre vers de Brassens « mourir pour des
idées, d’accord, mais de mort lente », la figure emblématique de
la démocratie, Benazir Bhutto vient de partir, mais point de
mort lente.
Un coup terrible pour la démocratie dans le Monde, un coup
terrible pour une Femme qui tout comme Indira Gandhi, n’a pu
changer à temps le destin de son pays.
Héritière de l'une des familles les plus puissantes du
Pakistan, Benazir Bhutto a grandi auprès de son père,
Zulfiqar Ali Bhutto,
devenu héros du peuple, démocratiquement élu au suffrage
universel et
premier chef du
gouvernement
progressiste (de 1972
à 1977) à avoir tenu tête aux militaires.
Durant toute sa vie Benazir Bhutto vivra, sera sous le poids
de l’héritage paternel, elle verra sa famille décimée, son père
puis ses deux frères ; elle même et sa mère seront emprisonnées,
passées à tabac à plusieurs reprises « Ma vie n’a pas pris le
cours que j’aurais prédit, mais je n’échangerais ma place contre
celle d’aucune femme au monde ( p 11)
Un message empreint de vérité et de prémonition, tant Benazir
se savait condamnée à payer prochainement sur l’autel de la
démocratie.
Car la liberté, la démocratie, les droits de l’homme ces
valeurs inébranlables et universelles sont aussi assassines en
Afrique, au Moyen Orient et en extrême Orient. Sombre fatalité
que nos peuples du Sud continuent de subir.
Benazir Bhutto avait pourtant une vision pour la liberté,
tout comme Martin Luther King avait eu un rêve pour la
fraternité entre les peuples; « Je suis une femme politique qui
se bat pour rapporter au Pakistan, le Modernisme, les
communications, l’éducation et la technologie » ( p 11)
Après l'exécution de son père, Benazir reprend le flambeau à
la tête du
Parti du peuple pakistanais
qu'elle portera au pouvoir à deux reprises. Ayant dû quitter le
Pakistan en 1999 pour échapper à la prison,
Benazir y retournera
en 2007. Juste le temps de se faire assassiner à son tour.
Tragédie qui nous fait étrangement penser à la malédiction du
clan Kennedy. La Famille Bhutto avait en effet fini par elle
aussi rentrer dans la légende.
Benazir Bhutto sera la première femme élue à la tête du
gouvernement d'un pays musulman, elle cassera bien des tabous,
consciente d’une responsabilité léguée par ce père tant aimé
qu’elle a vu partir prématurément « … une demi heure pour dire
adieu à l’être que j’ai le plus aimé qu’aucun autre dans ma
vie » ( p 32).
.. Sa vie est à l'image de ses combats de femme « dès que
l’opposition apprit que j’étais enceinte, elle déclencha un
véritable branle bas de combat » ( p 13), de mère séparée de ses
enfants « Aucune mère ne devrait jamais avoir à prendre un
enfant avec elle et à en laisser un autre » ( p17), d’épouse et
de politicienne.
Elle défendra tout au long de sa vie un islam de tolérance et
de pluralisme, mettant en lumière les dangers du Jihadisme et le
terrorisme qui en découlait « Le rétablissement d’une région
démocratique et libérale à Islamabad… ce devrait être l’objectif
de tous les citoyens du Monde qui cherchent à éviter un choc des
civilisations » ( p 23)
Elle dénoncera aussi la collaboration de l’Occident qui a
intronisé des juntes militaires qui empoisonnent son pays.
Dans sa dernière lettre écrite à Londres, en avril 2007 elle
dira « … si dieu le veut, je reviendrais dans mon pays pour
mener les forces démocratiques pakistanaises dans une bataille
électorale, contre le pouvoir absolu des dictateurs, des
généraux et des fondamentalistes »
Belle croisade utopique pour cette femme libre qui a donné
son sang pour un idéal de vie et pour l’amour de son pays.
La Terre de la démocratie dans le Sud, est si infertile,
qu’il lui faut s’abreuver continuellement du sang de ses fils,
nous nous augurons que ces enfants une fois partis, sauront
amener aux hommes cette lumière qui fait tant défaut.
Fiche de lecture :
Benazir Bhutto Fille de l’Orient. 1953-2007 Une vie pour la
démocratie
Autobiographie traduite de l’anglais par Simone Lamblin et
Isabelle Taudière
Editions Eloise d’Ormesson. Paris 2007
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