Actualité
Lettre d’un camarade à ses camarades
CGT,
à propos de la lutte des “gilets jaunes”
Roland Diagne
Vendredi 30 novembre 2018
Alors que le comité Adama, le comité des
sans-papiers et d’autres organisations
issues des quartiers populaires
appellent à manifester aux côtés gilets
jaunes le 1er décembre, Roland Diagne
adresse une lettre à ses camarades de la
CGT. Il attire l’attention sur le fait
que les récentes actions ne portent pas
uniquement sur la taxe du diesel et
appelle à faire revivre le syndicat de
classe et de masse qui a permis de
gagner tant de conquis sociaux par le
passé.
Depuis le 17 novembre 2018, les
travailleurs et citoyens “gilets jaunes”
sont dans l’action contre cette énième
agression contre nos intérêts de classe
qu’est l’augmentation du prix du
carburant par le biais d’une nouvelle
taxe. Ce mouvement dans un contexte
colonial prend la forme d’une
quasi-insurrection populaire à l’Île de
la Réunion.
Nous savons tous que le prétexte
“écologique” à ce nouvel renchérissement
de la vie des travailleurs et nos
familles, est un faux et usage de faux
permanent comme l’ont été tous les
prétextes pour justifier la “loi
travail”, “les réformes Macron” que nous
avons combattues avec courage de toutes
nos forces, sans les stopper.
Deux faits récents
démontrent à suffisance le mensonge
attrape-nigaud Macronien de “taxe pour
l’écologie”: l’écolo-libéral de service
qu’est N. Hulot, après avoir ravalé ses
promesses non tenues, a jeté l’éponge
sans aucune dignité – la longue grève de
nos camarades cheminots contre une
libéralisation-privatisation
anti-écologique de la SNCF.
Nous savons aussi
d’expérience qu’à chaque lutte que nous
menons, l’intoxication et la
manipulation gouvernementale, patronale
et médiatique sont systématiques pour
dénaturer, isoler notre combat voire
dresser le reste de la population contre
nous. Ces procédés montrent que le
mensonge fait partie des méthodes de
manipulation des exploiteurs
capitalistes et de leurs commis
gestionnaires de l’appareil d’état, dans
leur lutte de classe contre le monde du
travail.
Rejetons
le mensonge de “fascistes” pour
caractériser la lutte des “gilets
jaunes”
Dès l’annonce de
leurs actions de blocage, les
média-mensonges ont utilisé le mot
“taxe” pour dénoncer le “poujadisme”.
Ensuite, a été mis en avant le fait que
“c’est un mouvement pas organisé et sans
leader” pour suggérer ” la récupération
par l’extrême droite”. Pour jeter
l’opprobre sur ces actions combatives de
la colère populaire, la propagande
bourgeoise et gouvernementale, jusqu’ici
férocement antisyndicale, en particulier
anti-CGT, a connu brusquement une mue
pour vanter les “syndicats qui, au
moins, déclarent leurs parcours, sont
organisés et sont des interlocuteurs
responsables” (sic!).
Contre cette
révolte spontanée de masse (300.000
selon la police et 1 million 400.000
selon la presse étrangère), le
gouvernement loue les services des
“corps constitués” syndicaux présentés
comme les rouages républicains du
système, système qui ne tolère le droit
constitutionnel de manifester tant que
ça ne bloque pas l’économie ! C’est
exactement par ce même procédé que JC
Juncker de la Commission Européenne
justifie le vote parjure des
parlementaires contre le référendum
victorieux du NON au TCE, quand il dit
qu’ «Il ne peut y avoir de choix
démocratique contre les traités
européens».
La caractérisation
de “mouvement fasciste” des “gilets
jaunes” est un sous-produit de la
caractérisation de “populiste” que l’on
balance à tout propos dès qu’on fait
référence au peuple. L’élite bourgeoise
et ses thuriféraires ne supportent pas
que la “populace”, les “prolos”, les
artisans, les autoentrepreneurs, les
Ubérisés, les petits commerçants ou
patrons des PME et PMI, bref que le
peuple se mêle des affaires de la cité,
des affaires du pays et disent STOP à
l’engraissement sans fin des
actionnaires du CAC40, des firmes
monopolistes au détriment de tous.
QUI donc veut coûte
que coûte, nous faire croire que la
colère populaire est “populiste” et
“fasciste”? Il suffit d’entendre les
revendications qu’exprime le ras le bol
de la vie chère et contre QUI elles sont
avancées : gouvernement et patronat.
Alors nous comprenons que la propagande
de Macron et celle de l’extrême droite
fasciste déclamant son “soutien aux
gilets jaunes” veulent nous faire
prendre des vessies pour des lanternes.
Macron cherche tout simplement à
fabriquer l’adversaire dont il a besoin.
Le faux duel “droite/gauche” est
démasqué, il s’agit maintenant de le
remplacer par un autre faux duel
“républicain/populiste”,
“européiste/nationaliste”,
“démocrate/fasciste”.
REFUSONS
D’ÊTRE LES IDIOTS UTILES QUI CONFONDENT
LE DOIGT ( la taxe ) ET LA CHOSE QU’IL
DÉSIGNE ( la vie chère ). C’est
ce que nous devenons de fait si nous
nous laissons prendre à ce piège qui
nous met ainsi dans le camp du président
ultralibéral Macron et des
multinationales de l’essence et du
diesel.
REFUSONS
D’ETRE DES BRISEURS DE LUTTES CONTRE DES
TRAVAILLEURS EN LUTTE au nom de
la formule confusionniste et hypocrite
selon laquelle , “la CGT ne manifeste
pas avec l’extrême droite”, ce qui est
une façon de dire que les “gilets jaunes
sont fascistes”.
Ce que nous
devons retenir c’est la justesse et la
légitimité des revendications que nous
partageons et, à partir de là, faire en
sorte que, comme dans les grèves que
nous organisons, tous les travailleurs
soient unis dans le combat sur la base
de leurs intérêts de classe au-delà de
leur croyance, leur religion ou pas,
leur choix politique personnel.
Les fascistes
ne peuvent dévoyer les luttes sociales
que si nous faisons la politique de la
chaise vide dans le mouvement social,
que si nous leur laissons, par stupidité
et trahison syndicale, le terrain du
combat social pour la satisfaction des
revendications des masses contre la vie
chère qui est synonyme de refus de la
hausse des prix et donc de la baisse par
ce moyen des salaires. La nature a
horreur du vide.
Syndicalisme de classe et de masse
Notre pays compte à
peine 8% de syndiqués dont près de 4%
sont à la CGT. Nous sommes loin de faire
le plein du syndicalisme de masse et de
classe. Nous savons tous que les taxes
(TIPP, CSG, TVA, etc) et la nouvelle
taxe sur le diesel servent à FAIRE
PAYER LA CRISE DU CAPITALISME, ses
déficits, ses dettes, PAR LES
TRAVAILLEURS.
Depuis 40 ans
l’offensive libérale a pour objectif,
LA BAISSE DES SALAIRES au
nom de la “compétitivité” des
entreprises capitalistes. Les principaux
moyens pour réaliser cela sont la hausse
des prix, le blocage des salaires,
l’embauche de précaires dans le privé
(intérim, cdd, saisonniers, journaliers,
etc.) et dans le public (vacataires,
contractuels, cdd, cdi, etc.). Tous les
travailleurs du secteur privé et du
secteur public sont de plus en plus
frappés.
C’est se tirer une
balle dans le pied pour le syndicalisme
et en particulier pour la CGT que de se
positionner en spectateur du combat des
“gilets jaunes” au nom du fait que “ceux
et celles qui sont dans l’action étaient
absents du combat contre la loi travail
et les contre-réformes Macron” ou encore
parce que “la hausse des salaires n’est
pas clairement revendiquée”, etc.
Être hors de cette
expression massive du ras le bol par la
mobilisation des “gilets jaunes” pour de
tels prétextes, c’est se tromper de
colère, c’est dévoyer sa colère contre
d’autres travailleurs et non le patronat
et son gouvernement, c’est donner un
coup de sabre à la nécessaire unité des
travailleurs, c’est marquer un but
contre son propre camp au profit des
patrons et de leur gouvernement avant de
se lamenter demain, que les travailleurs
ne répondent pas à notre appel.
Être avec elles et
eux dans l’action, c’est justement faire
grandir la conscience de la nécessité
d’un cahier revendicatif mieux élaboré,
de l’unité de classe et des masses pour
stopper et vaincre les agressions
antisociales du grand patronat et du
pouvoir politique libéral à son service.
A y regarder de
plus près, ce mouvement des “gilets
jaunes” peut et doit être considéré
comme l’entrée dans le combat social des
“abstentionnistes” jusqu’ici très
souvent non-grévistes dans les combats
que nous avons menés contre la
destruction des conquis sociaux gagnés
de haute lutte par nos anciens. Elles et
ils sont aussi très souvent
“abstentionnistes” dans les urnes lors
des élections pour savoir qui parmi les
politiciens au service de la bourgeoisie
va régner pendant 5 ans.
Les “gilets jaunes”
annoncent donc l’entrée en scène de la
partie passive du monde du travail,
celle qui faisait confiance au système
bourgeois, celle qui patientait
jusqu’ici, celle qui acceptait de se
serrer la ceinture en attendant le
“ruissellement promis”.
Mais les “gilets
jaunes” sont aussi ceux et celles qui
commencent justement à comprendre qu’ils
ont été les dindons de la farce du
“ruissellement promis”, alors que les
fraudes fiscales et les dividendes
(plus-value) en milliards d’euros des
grands patrons du CAC40 s’étalent au
grand jour.
Opportunité et tournant pour le
syndicalisme CGT
Les luttes de ces
dernières années, après la lourde
défaite sur la retraite de 2010, ont été
marquées par une poussée combative de la
CGT, qui a montré à la fois le frein du
réformisme opportuniste encore pesant à
la tête et les limites de nos forces
organisées de la base.
De la loi travail,
aux ordonnances Macron jusqu’à la
dernière lutte des cheminots, la base
CGT suivie de Solidaires a mené un
combat qui, même si il n’a pas permis
d’arrêter l’attaque patronale et
gouvernementale, nous mettait sur le
chemin de victoires à venir. Il y a
énormément de luttes défensives et
partiellement offensives dans les taules
qui se soldent par des victoires
partielles et locales.
NOS POINTS
FAIBLES, QUI CRÉENT UN CERTAIN MANQUE DE
CONFIANCE DANS LE SYNDICAT DE LA PART
DES TRAVAILLEURS SYNDIQUÉS OU NON
SYNDIQUÉS MAJORITAIRES SONT : LE MANQUE
D’UN CALENDRIER DE LUTTES
INTERPROFESSIONNELLES CONFÉDÉRALES,
L’ABSENCE D’EXPRESSION CONFÉDÉRALE DE LA
COLÈRE QUI SOURDE DANS LES LIEUX DE
TRAVAIL ET DANS LES FOYERS,
L’ACCEPTATION DU SOI-DISANT “DIALOGUE
SOCIAL” ATTRAPE-NIGAUD.
N’oublions
pas les scandales que l’adversaire de
classe s’empresse de diffuser en
confondant délibérément l’ivraie et la
bonne graine syndicale.
L’intégration
du syndicalisme dans le système de la
République bourgeoise pour en faire un
élément des “corps constitués” est à
terme la mort du syndicalisme de classe
et de masse radicalement défenseur des
intérêts du monde du travail contre les
intérêts du capital.
Le mouvement des
“gilets jaunes” hors du syndicalisme est
une punition des dérives réformistes,
carriéristes et de l’opportunisme du
syndicalisme trop perçu, pas toujours à
tort, comme une caste aristocratique et
bureaucratique légaliste qui n’organise
plus la colère et la combativité
revendicative des masses laborieuses
exploitées. Ce syndicalisme-là est, bien
entendu, celui des composantes CFDT, FO,
UNSA du “syndicalisme rassemblé” et qui
par ce biais malheureusement déteint sur
la tête de notre CGT.
Le mouvement des
“gilets jaunes” fusionne des femmes et
des hommes salariés, retraités,
chômeurs, précaires, artisans, paysans,
petits commerçants, petits patrons de
PME/PMI, etc. contre la vie chère, tout
comme l’avait fait précédemment les
“bonnets rouges” en Bretagne. Il y a
parmi eux des gens du peuple qui sont de
droite, socialistes, anti-libéraux de
gauche, communistes, anarchistes, sans
étiquette politique pour la majorité et
même d’extrême-droite.
Ce qu’elles
et ils ont en commun, c’est le
REFUS DE LA VIE CHÈRE DONT ELLES
ET ILS SONT VICTIMES. C’est là où réside
la RAISON FONDAMENTALE DE NOTRE
ENGAGEMENT AVEC ELLES ET
EUX POUR STOPPER LA BROYEUSE SOCIALE ,
QUI APPAUVRIT LE PEUPLE, LIQUIDE NOS
CONQUÊTES DÉMOCRATIQUES ET DÉTRUIT NOS
CONQUIS SOCIAUX.
Ce texte est
un appel aux UL, UD, UP , CCN pour qu’à
l’instar du NON AU TCE, LA CGT PRENNE
TOUTE SA PLACE ET SOIT AVEC LES “GILETS
JAUNES” POUR QUE VIVE LE SYNDICALISME DE
CLASSE ET DE MASSE QUI A PERMIS DE
GAGNER TANT DE CONQUIS SOCIAUX ET
DÉMOCRATIQUES EN 36, 45, 68.
NOUS DEVONS
ÊTRE DIGNES DE NOS ANCIENS ET MÉDITER
CET ENSEIGNEMENT DU GRAND
RÉVOLUTIONNAIRE PROLÉTARIEN SOVIÉTIQUE
LENINE: “Quiconque
attend une révolution sociale ‘pure’ ne
vivra jamais assez longtemps pour la
voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en
paroles qui ne comprend rien à ce qu’est
une révolution. (…) La révolution…ne
peut pas être autre chose que
l’explosion de la lutte de masse des
opprimés et mécontents de toute espèce.
Des éléments de la petite bourgeoise et
des ouvriers arriérés y participeront
inévitablement : sans cette
participation, la lutte de masse n’est
pas possible, aucune révolution n’est
possible. Et tout aussi inévitablement,
ils apporteront au mouvement leurs
préjugés, leurs fantaisies
réactionnaires, leurs faiblesses et
leurs erreurs. Mais objectivement, ils
s’attaqueront au capital, et
l’avant-garde consciente de la
révolution, le prolétariat avancé, qui
exprimera cette vérité d’une lutte de
masse disparate, discordante, bigarrée,
à première vue sans unité, pourra l’unir
et l’orienter, conquérir le pouvoir,
s’emparer des banques, exproprier les
trusts haïs de tous (bien que pour des
raisons différentes) et réaliser
d’autres mesures… dont l’ensemble aura
pour résultat le renversement de la
bourgeoisie et la victoire du
socialisme”.
ALORS TOUS
AVEC LES “GILETS JAUNES”!
pour dire à
MACRON , le président des milliardaires:
“Les
automobilistes, les travailleurs, les
sans-papiers/
réfugiés/migrants ne sont pas des vaches
à lait”.
Diagne
Roland, membre des Commissions
Exécutives de la CGT Educ’Action Nord,
de la FERC-CGT, de l’UD CGT Nord, de
l’UL CGT Tourcoing. 21/11/2018
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