Bellaciao
Réponse du
maire communiste d'Echirolles,
qui justifie le voile de sa conseillère municipale
Besma Mechta Déléguée Animation des Centre Sociaux
auprès de l’Adjoint M. Rouveyre Communistes et partenaires
Jeudi 4 février 2010
En réponse à la lettre d’une de ses
administrées protestant contre le port du voile d’une des élues
au Conseil Municipal dans le cadre de ses fonctions, le Maire
d’Echirolles (38) lui a envoyé une missive...
Lettre de Renzo Sulli, Maire
d'Echirolles
Madame,
Je vous remercie de votre courrier qui soulève
une question très importante : celle du combat pour la laïcité,
qui est et doit rester le socle inébranlable de notre
République. Vous le savez, j’en suis un ardent défenseur et je
partage donc complètement vos positions sur le sujet.
Mais la laïcité n’est ni un acquis définitif, ni
donné à chacun de nous à la naissance. Elle est le fruit d’un
modèle culturel dans lequel nous baignons dès notre enfance et
qui nous fait adhérer à ses valeurs. Au-delà de cette éducation,
nous en mesurons en grandissant et dans la pratique tous les
effets bénéfiques, ceux qui nous protègent de l’intransigeance,
qui permettent aux hommes et aux femmes de garder leur libre
arbitre, aux peuples d’échapper à certaines guerres.
La laïcité n’est jamais un acquis définitif et
le combat pour sa protection et son développement doit être
quotidien et vigilant.
Que faire alors de ces Français, venus
d’ailleurs, imprégnés d’autres cultures et traditions et qui
n’ont pas eu la chance d’être les héritiers de 1789, et bien
plus tard de la loi 1905. 111 ans pour convaincre le peuple de
France du bien fondé de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Certains d’entre eux ne veulent pas en entendre
parler et préfèrent rester dans leur approche religieuse de la
société, voire se radicalisent.
D’autres commencent à « s’ouvrir », font les pas
qu’ont eu à faire nos grands-pères, en France comme dans le
reste de l’Europe pour enfin adhérer à ces valeurs.
D’autres enfin s’engagent davantage pour
revendiquer le droit de vivre dans une République laïque (même
en restant croyants par ailleurs), ils mesurent la liberté qui
s’ouvrent ainsi à eux, celle que certains de leurs ancêtres
avaient pu déjà connaître dans une période trop éphémère de
l’Andalousie musulmane et éclairée.
Ils font ce chemin, agissent auprès de nous,
militent dans les associations et confortent leur confiance en
notre modèle laïque.
Besma Mechta est de ceux-là. Elle est engagée
depuis plusieurs années dans la vie associative. Elle est très
investie dans Cité Plurielle. Elle a rejoint enfin le groupe
communiste et partenaires de la ville. Elle est par ailleurs
écrivain public à titre bénévole.
Elle se présente dans tous ses engagements comme
une militante laïque, renvoyant à la sphère privée sa pratique
religieuse.
Pour tous ceux et celles qui hésitent encore,
qui attendent un signe de nos institutions pour conforter leur
choix, elle est un symbole. Pas celui d’un retour en arrière,
mais bien celui d’un pas en avant. Elle montre qu’on peut être
laïque et musulmane. Elle doit servir d’exemple, pour ouvrir la
porte à tous les autres. Si nous ne le faisons pas, nous
renverrons des millions de musulmans à un repli identitaire et
communautaire. En le faisant, nous leur offrons un autre modèle
identitaire qui les respecte et leur permet d’avancer. Sans
jamais renier notre engagement laïc, toujours clairement
affirmé.
Alors certes, il lui reste un turban sur la tête
et non pas un voile, cet espèce de « fichu » ou de foulard que
portaient encore nos grands-mères il n’y a pas si longtemps…par
tradition. Laissons le tomber tout seul. Demain, j’en suis
convaincu, beaucoup d’autres nous rejoindront pour s’intégrer
enfin comme français laïcs, croyants ou non. La laïcité aura
alors gagné une nouvelle victoire.
Quant à l’aspect plus politique de votre
courrier, je voudrais vous faire part des réflexions suivantes.
Depuis 30 ans que la gauche dans son ensemble
prône l’intégration des personnes d’origine étrangères (sans
avoir par ailleurs tenu ses promesses notamment celle du droit
de vote aux élections locales) avez-vous constaté une baisse du
communautarisme et un repli du fait religieux de cette
population ? Non, c’est le contraire qui s’est passé, faute pour
cette population d’être acceptée à participer à notre
république.
C’est sur ce terrain de la non intégration, et
de la discrimination à l’emploi, sociale, et politique dont
souffre cette population, qu’ont prospéré les idées rétrogrades,
le repli identitaire et religieux, et que la condition des
femmes et des jeunes filles s’est dégradée.
Pour « soulager » les populations du poids
religieux, quelle est votre proposition ? et à qui
s’adresse-t-elle ? Aux seuls musulmans ou aussi aux autres
religions comme la religion catholique par exemple ?
Cette dernière est toujours contre l’IVG, la
contraception ou le divorce. Leurs représentants sont pourtant
présents à tous les postes de notre république dans les
assemblées d’élus nationales ou locales. Alors certes ça ne se
voit pas, les femmes ne couvrent plus leurs cheveux comme le
faisaient avant leurs mères ou leurs grands-mères.
Pour les musulmans la solution serait simple et
hypocrite jusqu’au bout, ne choisir que des hommes qui eux n’ont
pas de couvre-chefs traditionnels. Une bonne façon sans doute
d’améliorer la condition des femmes.
Pensez-vous vraiment que c’est en continuant à
exclure les personnes qui font le pas de la laïcité que nous
permettrons à la laïcité d’avancer.
Nous autres occidentaux nous sommes prompt à
donner des leçons de démocratie et d’émancipation aux autres
peuples de la terre, sans que ne nous effleure jamais l’idée du
temps qu’il nous a fallu pour y parvenir, et que nous ne leur
reconnaissons pas, l’idée que peut-être il leur appartenait de
tracer eux-mêmes leur chemin pour y parvenir. Gardons toujours à
l’esprit comment « notre modèle de développement » a finalement
affamé l’Afrique et favorisé par la même, la radicalisation des
religions dans certains pays.
Je ne dirais jamais de Benhazir Bhutto qui
continuait à porter le voile en certaines circonstances qu’elle
était un symbole de l’oppression des femmes ; ni des militantes
Marocaines, Tunisiennes, Algériennes ou d’Afrique noire plus
généralement du droit des femmes qu’elles sont traîtres à leur
cause parce qu’elles continuent à respecter certaines traditions
tout en poursuivant leur combat.
Continuons d’exiger un 20 sur 20 à notre examen
de laïcité, et continuons à faire avancer le fait religieux. La
laïcité n’est pas un dogme, c’est un combat ! Je crois que vous
le partagez.
Aussi, en évitant toute confusion, je vous
invite à aider ceux qui s’engagent sur ce chemin et qui
serviront de modèles aux autres, plutôt que de les stigmatiser.
Le jour où faute d’avoir réussi cette ouverture
et cette intégration nous ne serons plus qu’un « village
d’irréductibles gaulois » gardiens du dogme, peut-être
serons-nous restés purs et durs et fiers de l’être, mais notre
monde aura fait un grand pas en arrière.
Renzo SULLI
Maire d’Echirolles
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