LA DÉTENTION
ARBITRAIRE DU PHYSICIEN ADLÈNE HICHEUR SE POURSUIT
Une lettre du Professeur Jean-Pierre Lees
Lundi 25 avril 2011
J’ai
visité Adlène Hicheur à Fresnes vendredi 22 avril et je l’ai
trouvé en petite forme et très démoralisé, probablement suite à
l’interrogatoire chez le juge (voir ci dessous) mais aussi peut
être à cause de la chaleur caniculaire qui rend les conditions
d’incarcération encore plus pénibles. Son avocate, que j’ai eue
au téléphone mardi soir après la séance chez le juge avait l’air
aussi inquiète sur l’état psychologique d’Adlène qu’elle avait
vu pour préparer l’audition. Elle pense que ça devient de plus
en plus dur pour lui et c’est aussi mon sentiment. Il a d’autre
part pas mal de problèmes de santé et, selon un rhumatologue
qu’il a pu consulter, aurait besoin d’infiltrations et de soins
en externe, or l’administration ignore toutes ses demandes pour
de tels soins malgré les certificats médicaux produits…
Au niveau de l’instruction on
peut dire pour résumer la situation que le règne de l’arbitraire
et du présumé coupable se poursuit. Le juge a fait part de son
intention de ne clore l’instruction qu’en septembre, et d’autre
part la cour de cassation a rendu le 15 mars un verdict négatif
pour une demande de remise en liberté refusée par la chambre de
l’instruction en novembre.
Adlène a fini de remplir et a
posté en recommandé avec accusé de réception son dossier pour la
cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Interrogatoire chez le juge le 19 avril : le magistrat
instructeur refuse de clore l’instruction avant septembre, juste
un mois avant la date limite après extension (le renouvellement
du mandat de dépôt aura lieu début juin). Comme cela laisse un
mois au procureur pour les réquisitions, on peut craindre, en
cas de procès, qu’Adlène ne reste bloqué en prison huit mois
supplementaires en détention, comme la loi l’autorise. Le point
sur lequel Adlène insiste est sa remise en liberté, puisque rien
ne justifie la détention provisoire et qu’on ne voit pas en quoi
sa liberté pourrait interférer avec la procédure judiciaire.
Ayant parfaitement coopéré et répondu sans résultat à toutes les
questions jusqu’à présent, Adlène, en accord avec son avocate et
compte tenu du traitement qui lui est réservé, a désormais
résolu de ne plus parler et refuse de répondre aux questions du
juge, comme la procédure lui en donne le droit.
Au niveau de la procédure, on
en est encore à l’exploration des dizaines de milliers de
fichiers et des traces de fichiers internet, pourtant
reconstitués avec la pleine coopération d’Adlène dès la garde à
vue. L’abus de l’argument de l’exploitation du disque est encore
utilisé au jour d’aujourd’hui pour le maintien en détention et
la prolongation de l’enquête alors même qu’une expertise de haut
niveau a reconstitué les fichiers voici plus d’un an. Adlène est
interrogé sur le contenu de fragments de messages épars
disséminés sur une période de plusieurs années et il lui est
reproché de ne pas se souvenir de chaque détail. On l’interroge
également sur l’effacement de certains fichiers (ce qui pour la
police les rend automatiquement suspects). Selon lui, il a
simplement, comme tout le monde, fait le ménage de ses fichiers
de temps en temps, quand ce n’est pas simplement le ménage
automatique du système. Selon Adlène, ces dizaines de milliers
de fichiers, traces, etc représentent pour l’instruction des
possibilités infinies de distiller l’information au compte
goutte pour motiver l’allongement de la détention alors qu’on
voit difficilement en quoi la liberté d’Adlène interfèrerait
avec la poursuite de l’enquête et l’exploration du disque dur.
Cassation : la cour de cassation a examiné et rejeté
l’appel consécutif au refus de la chambre de l’instruction pour
une demande de remise en liberté datant de novembre 2010.
L’arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011 est
publié sur le site Légifrance.
CEDH :
Adlène a déposé un dossier de plainte expédié en recommandé avec
accusé de réception le 21 avril, après relecture et correction
avec son avocate. La plainte porte sur la garde à vue ainsi que
sur la détention provisoire arbitrairement longue et qui n’est
pas motivée par des arguments précis mais seulement par des
généralités (ce qui a déjà entraîné la condamnation de la France
dans d’autres affaires) et par l’intitulé du délit (Association
de malfaiteur en relation avec une affaire terroriste) et non
par son contenu.
Auditions : La famille et les proches ont été entendus
pour la première fois par la police à mi-avril, soit après 18
mois d’enquête, sur des éléments « dérisoires »selon Adlène.
Demandes
de mise en liberté : Adlène continue à déposer des
demandes de mise en liberté chaque mois. La chambre de
l’instruction, qui ne se donne même pas la peine de convoquer
Adlène pour l’auditionner, en examinera une nouvelle cette
semaine.
Jean-Pierre Lees
Le 25 avril 2011.
Voir également : « Adlène
Hicheur, toujours en détention sans jugement », 25 avril
2011.
Voir aussi la page du
Comité international de soutien à Adlène Hicheur :
http://soutien.hicheur.pagesperso-orange.fr/
Source : Jean-Pierre Lees.
Articles antérieurs sur le même sujet :
« Adlène
Hicheur : deuxième Noël en détention sans jugement »,
Blog Scientia, 25 décembre 2010.
« Adlène
Hicheur abusivement maintenu en détention », par divers
signataires, 28 octobre 2010.
« Adlène
Hicheur ou le "terroriste" malgré lui », par le Prof.
Jean-Pierre Lees, 17 octobre 2010.
Les
interviews et analyses de Silvia Cattori
Dernières mises à
jour
|