Depuis Alep, lettre Ouverte à François
Hollande, Président de la République
Française, pour la paix
Pierre Le Corf
Dimanche 22 janvier 2017
Qui
que vous soyez, je vous dédie ce message
ainsi qu’à toute personne susceptible de
prendre des décisions, apporter leur
goutte d’eau, qui fassent de la paix, de
la population civile, une priorité.
Pierre
Le Corf Humanitaire Français expatrié à
Alep, Syrie. Association
We Are Superheroes
Lettre également remise en mains propres
du Président.Monsieur le Président de la
République Française, François
Hollandeen copie aux candidats à
l’élection présidentielle.
Monsieur le Président,
Aujourd’hui, je remets en question les
valeurs avec lesquelles j’ai grandi, les
valeurs d’un pays que j’aime, mon pays,
la France. Je m’adresse à vous en tant
que citoyen français arrivé sans idées
préconçues en territoire syrien, vivant
à Alep Ouest, redevenue Alep, et ce, en
qualité d’humanitaire politiquement
neutre, depuis environ un an. L’exercice
est difficile, non seulement parce que
je suis le seul Français à vivre ici, ce
qui me place en ligne de mire avec un
témoignage à contre-courant, mais aussi
de par la difficulté de témoigner de ce
que nous avons vécu ici qui défiait
parfois l’horreur. Je suis témoin d'un
massacre et d'une situation humanitaire
catastrophique dont nous sommes les
acteurs et en partie commanditaires, en
soutenant le terrorisme. Je vous dédie
ce message ainsi qu’à toute personne
susceptible de prendre des décisions qui
fassent de la paix, de la population
civile, une priorité.
Tous
les jours j’ai dû affronter la mort,
comme tout un chacun dans cette ville et
la mission que je me suis donnée, m’a
amené à visiter des familles qui
résidaient au plus près de ceux que nous
décrivons comme des « opposants » depuis
le début du conflit. Personnellement, je
n’ai pu observer que des drapeaux noirs,
photos à l’appui, sur toutes les lignes
de front, signe de ralliement des
groupes que nous combattons depuis de
nombreuses années en France.
La
population est aujourd’hui unie, non
pour combattre le gouvernement, mais
pour combattre les groupes de
djihadistes quels que soient les titres
que nous pouvons leur donner pour «
modérer » leurs actions et leur raison
d’être. Ces groupes armés se font
appeler Al-jaïch al-hour (Armée Syrienne
Libre ou ASL), Jabhat al-Nosra (ou aussi
nommé Fatah al-Cham, branche
d’Al-Qaïda), Jaïch al-Islam, Harakat
Nour al-Din al-Zenki, Brigade Sultan
Mourad, etc. Certes, il existe une
opposition anti-gouvernementale comme
c’est le cas pour tout gouvernement, une
opposition plus ou moins pacifique, mais
elle est réellement minoritaire. Depuis
le début et jusqu’aujourd’hui, la
quasi-totalité des forces sur place, qui
continuent de bombarder Alep, sont
celles des combattants armés appartenant
à des groupes terroristes prêts à tout.
J’utilise le terme « terroriste » car il
n’y a pas de rebelles à Alep, tout du
moins rien qui permette de les
considérer comme tels. Il est
irresponsable de continuer à jouer avec
les mots en préférant les désigner
ainsi, en Syrie, alors que nous les
classons dans la liste des organisations
terroristes en France. Les combattants
ont été évacués avec leurs armes
individuelles par accord avec le
gouvernement et sont « tous » partis à
Idlib qui est quasi uniquement occupé
par divers groupes armés et leurs
familles. Malheureusement, nombre
d’entre eux sont revenus en bordure
d’Alep et ont repris les bombardements
sur les civils et les attaques suicides,
ici comme partout en Syrie.
Tout
ce que j’avance, je suis à même de le
documenter. Je m’y emploie tous les
jours, depuis des mois, en fonction de
ce que la guerre me permet, en
recueillant les témoignages de civils
par vidéos et par écrits, indépendamment
de leur religion et de leur option
politique et en l’absence de militaires
ou de membres du gouvernement. Des
témoignages que je publie et transmets,
ponctuellement, à une commission
d’enquête des Nations Unies chargée
d’étudier les attaques et crimes de
“l’opposition” , tout en essayant de la
mettre en contact avec des témoins.
On a
focalisé l’attention de l’opinion
publique sur les bombardements de zones
minoritairement opposantes mais
majoritairement terroristes où
mourraient tous les jours des civils,
sans jamais préciser que la majorité des
civils de l’Est d’Alep ne pouvaient
s’échapper car retenue par les
combattants. C’est en empruntant les
récents couloirs humanitaires organisés
par les Russes et les Syriens (couloirs
indiqués 1 à 2 jours plus tôt, avec
précision des heures d’ouverture, par un
envoi groupé de messages téléphoniques à
tous les propriétaires de mobiles sur
les réseaux syriens MTN / SYRIATEL, dont
le mien.) que de nombreux civils ont été
abattus pour avoir essayé de s’échapper
par des groupes armés qui le leur
interdisaient. Heureusement que
plusieurs milliers de civils ont réussi
à fuir en dehors de ces couloirs,
parfois via des zones minées.
Rares
sont les médias qui ont précisé que ces
civils étaient des boucliers humains, ce
que les témoignages confirment. Ils ont
souvent préféré les décrire comme pris
entre les feux d’un combat opposant des
combattants révolutionnaires à leur
gouvernement, lequel gouvernement
défendait son peuple contre des
djihadistes dont la majorité sont des
mercenaires étrangers entrés en Syrie,
puissamment armés, fanatiques pour qui
la vie humaine a peu d’importance. Pour
ne parler que d’Alep, venus envahir les
périphéries et le centre ville,
bombardant au quotidien la population de
l’Ouest, s’octroyant le droit
d’assassiner les civils à l’Est pour un
oui ou un non.
Les
groupes armés présents sur le terrain
n’ont jamais témoigné de leur «
prétendue modération » envers la
population. J’ai constaté par moi-même
que les combattants disposaient d’armes
et de munitions provenant de plusieurs
pays, nombre de ces munitions étant de
fabrication française, américaine,
anglaise, saoudienne etc. Des armes
utilisées quotidiennement contre la
population civile de l’Est et de
l’Ouest, que ce soit par des groupes
reconnus terroristes ou que ce soit par
des groupes rangés sous la bannière de
la prétendue Armée Syrienne Libre, en
majorité constituée de jihadistes que
nous essayons de faire passer pour des
combattants de la liberté.
Ils
tiraient sur l’Ouest depuis les zones
les plus peuplées de L’Est, parfois
depuis les hôpitaux pour limiter les
tirs retours. Il n’empêche que des
combats s’enclenchaient entre les
groupes armés et l’Armée syrienne. Je
tiens mes témoignages de civils de l’Est
ayant survécu à ces combats et dont je
m’occupe comme d’autres organisations
internationales présentes ici. Alep Est
comptait 120 000 personnes prises dans
les combats (dont environ 15 à 20 000
combattants) correspondant aussi en
grande partie à de nombreuses familles
qui ont refusé d’abandonner leurs
maisons de peur qu’elles ne soient
occupées, détruites ou pillées. En
Syrie, peu d’habitants sont locataires.
Il faut du temps pour devenir
propriétaire de son logement, mais c’est
culturel, car la maison est le symbole
de la famille. Le point essentiel est
que nous avons occulté une réalité,
celle de 1 300 000 Syriens de toutes les
confessions vivant à l’Ouest et
essayant, malgré la mort omniprésente,
de maintenir le fonctionnement de leurs
institutions et d’envoyer leurs enfants
à l’École ou à l’Université. Nous les
avons effacés dans un objectif
politique, du fait qu’ils vivaient dans
une zone contrôlée par le gouvernement
syrien. Ce faisant, nous avons occulté
dix fois la population de l’Est, et,
dans les deux cas, nous l’avons fait au
nom d’une minorité dont la cause
n’engage qu’eux.
Il n'y
a pas un seul jour où nous n'avons pas
été victimes de tirs de snipers ou
d’attaques aux mortiers, balles
explosives, vraies roquettes ou
bonbonnes de gaz et chaudières à eau
montées en roquettes, etc. sur les rues,
habitations, hôpitaux, écoles. Il n’y a
pas un seul jour où des dizaines de
personnes ne sont pars mortes, n’ont pas
été évacuées dans un état critique vers
les hôpitaux surpeuplés par les attaques
continuelles, alors qu’il n’y avait pas
d’armée dans la ville à part quelques
checkpoints ; armée et miliciens
protégeant les lignes de front. Tous les
jours, des adultes, des enfants, des
familles ont été broyés par toutes
sortes de projectiles. Si je m’exprime
comme un Syrien c’est pour avoir été
confronté à cette guerre au quotidien.
J’ai de la chance d’être encore en vie
car Alep était comme un champ de
bataille, les roquettes ne prévenaient
pas. Etant secouriste j’ai essayé de
sauver des vies, je n’ai pas toujours pu
y arriver, les gens avaient les jambes,
bras, morceaux de corps arrachés,
fondus, brûlés … Je n’ai plus les mots
justes pour décrire ce que la population
a vécu ici, c’est très dur à partager,
j’ai vu trop de gens mourir et on se
demandait sincèrement chaque jour si
nous allions pouvoir rester en vie.
J’ai
continuellement été à la rencontre des
civils déplacés à l’intérieur du pays.
Leurs témoignages sont sans appel. À
l’est d’Alep, la loi de la charia
régnait à travers des « tribunaux
Islamiques » sommaires, constitués par
des combattants et des Cheikhs
s’autorisant, en fonction des fatwas
(décrets religieux) d’emprisonner, de
torturer, de marier des enfants et
d’exécuter qui bon leur semblait. Après
la libération d’Alep Est, il s’est avéré
que les terroristes disposaient aussi
d’un énorme stock de nourriture. J’ai vu
des amoncellements de colis humanitaires
pouvant suffire à un an de siège. Les
familles témoignent de leur
impossibilité d’en profiter et de la
famine endurée du fait du siège de
l’armée mais, surtout, du monopole des
tarifs ou trocs prohibitifs pratiqués
par les groupes armés, allant jusqu’à 50
fois le prix normal. Ceux qui
acceptaient de combattre de leur côté
bénéficiaient d’un traitement de faveur.
En revanche, comme me l’ont dit
récemment certains de leurs
sympathisants restés à l’Est: « Nous
n’aimons pas ce gouvernement, mais si
quelqu’un critique les combattants de
l’ASL ou d’autres groupes, ils le tuent.
Elle est où la liberté ? ».
Infrastructures, hôpitaux, écoles
étaient partiellement utilisés par ces
groupes comme quartiers généraux qui
leur servaient aussi de prison et
d’entrepôts pour leurs armes. Dans une
de ces écoles, j’ai pu constater qu’ils
fabriquaient des armes chimiques avec
des produits importés de différents
pays. Et, ces derniers mois, suite au
pire des combats, j’ai assisté à
l’arrivée de blessés à la chlorine dont
la peau brûlait littéralement. À l’Est,
les hôpitaux soignaient principalement
les combattants et leurs familles, ou
ceux qui pouvaient payer. Là aussi,
après la libération d’Alep, j’ai
constaté par moi-même les tonnes de
médicaments et deux hôpitaux qui
restaient pourtant fonctionnels pour une
zone de guerre malgré leurs façades et
certaines zones partiellement atteintes,
ceux-là même qui avaient été annoncés
plusieurs fois entièrement détruits.
Les «
Casques blancs », que le gouvernement
français a financé entre autres et que
nous avons reçus à l’Elysée sont, pour
un grand nombre d’entre eux, secouristes
le jour et terroristes la nuit, et
vice-versa ; Ils ont prêté allégeance à
Jabhat al-Nosra (Al-Qaïda), comme le
prouvent les documents retrouvés après
leur départ et comme en témoignent les
habitants.
Selon
les témoignages, la majorité de leurs
équipes portaient d’abord secours aux
combattants puis, éventuellement, aux
civils. La particularité étant que
chaque équipe avait un cameraman, et
qu’ils aidaient ces derniers tant que la
camera tournait. Beaucoup de civils
m’ont dit que de nombreuses personnes
sont restées sous les décombres sans
aide, car ils refusaient de s’y rendre.
D’autres m’ont affirmé qu’ils mettaient
en scène des attaques, de faux
bombardements avec de faux blessés et de
fausses interventions. Notre
gouvernement finance également des
associations comme « Syria Charity »,
porteuse du drapeau à 3 étoiles,
laquelle s’appelait initialement « ligue
pour une Syrie libre », appellation qui
figure toujours dans ses comptes rendus.
Bien qu’apportant une aide humanitaire,
une association qui a dépassé la ligne
rouge en participant à une guerre
d’opinion pour justifier le renversement
du gouvernement en cachant la réalité du
terrain, leur proximité des groupes
armés (leur présence aussi,
soigneusement effacée de toutes les
vidéos) et apportant un soutien médical
constant aux djihadistes.
De
nombreuses associations et organisations
humanitaires Françaises et
internationales en zones « rebelles »,
ont fait plus de mal que de bien en
instrumentalisant la souffrance de la
population en manipulant l’opinion au
nom d’une cause et de donations
orientées, elles ont elles aussi pris la
population civile en otage, permettant à
cette guerre de continuer en la «
légitimant » de manière malhonnête,
permettant aux combats de perdurer, à la
mort de rester un quotidien.
Nous
avons d’ailleurs placé quelques heures
le drapeau syrien à trois étoiles à
l’Elysée, le temps de recevoir le (faux)
maire d’Alep avec les honneurs, homme
qui n’a jamais élu par le peuple Syrien,
qui ne vient pas d’Alep mais reconnu et
élu par les leaders de groupes
djihadistes ainsi que quelques partisans
et étrangers. Ce drapeau n’a plus le
sens de la liberté en Syrie, ici il est
un symbole de mort au quotidien, car
désormais associé à l’ASL, un
conglomérat de groupes terroristes au
plus proche Al-Qaïda qui ne prônent la
démocratie que devant les médias et que
nous soutenons. Nous ne devons surtout
pas confondre le mouvement citoyen en
2011 et ceux qui s’en sont servi, ici et
partout dans le monde, pour créer cette
guerre.
Oui,
beaucoup de gens sont morts. Aucune
guerre n’est juste, je ne suis pas là
pour nier ou défendre la violence
extrême des bombardements sur Alep Est
pour permettre non pas sa chute, mais sa
libération. C’est une réalité.
Une
autre réalité est que mis à part des
enfants blessés, des bombes ou des cris,
nous avons effacé la présence des
groupes armés mais surtout effacés les
civils, la vie. Nous les avons privés de
voix laissant les gens déduire la
situation à partir de leurs propres
émotions face à une situation
continuellement illustrée de manière
catastrophique, utilisant le plus
souvent des enfants. Comment remettre en
question ce qui se passe ici, quels que
soient les arguments et preuves
proposées quand on vous montre une
situation où on vous fait croire que
toute la Syrie est à feu et à sang de
manière unilatérale à cause de son
gouvernement ? Que tout ce qui se passe
ici et qui ne correspond pas à cette
image est de la propagande ? Que la
priorité est d’imposer des « no-fly »
zones ; lesquelles, grâce à Dieu, ne
sont jamais arrivées. Oui, elles
auraient pérennisé le conflit, augmenté
le nombre de morts et auraient permis
aux groupes armés de prendre Alep, au
lieu de la libérer de la guerre et de la
mort. Les gens qui se sont échappés de
l’Est ont vécu l’enfer mais vivent leur
arrivée ici comme une libération pour la
majorité d’entre eux, non une
déportation puisque la plupart sont
retournés chez eux maintenant. Personne
n’a souligné que près de 85% des civils
sont venus se réfugier librement du côté
Ouest d’Alep, côté gouvernemental, alors
que des bus étaient affrétés pour Idlib
emmenant combattants et civils
volontaires.
La «
légitimité» » ainsi accordée à ces
groupes ainsi qu’à leur cause par les
médias et les soutiens extérieurs leur a
permis des avancées critiques autour de
la ville, forçant des centaines de
milliers de personnes à abandonner leurs
maisons. Je me souviens que pendant des
semaines entières nous dormions
habillés, les sacs prêts à côté du lit,
les terroristes et combats étaient
tellement proches que parfois les balles
traversaient les rues et que, plus ils
avançaient leurs positions, plus je
pouvais les entendre hurler « Allah
Akbar » avant et après le tir de chaque
mortier sur la ville.
Quel
que soient les pays où ils ont été
utilisés, les vidéos et contenus créés
par les combattants et partisans,
parfois montés de toute pièce, ont été
diffusés en prime time par nos médias,
instrumentalisant la mort et la
souffrance des gens vivant au milieu des
combats, l’amour et la compassion de
ceux qui regardaient ces images. Comme
ces groupes armés fanatiques, nous avons
vendu tellement de peur que personne ne
s’est rendu compte que ces contenus
avaient tous une visée et étaient créés
en conséquence, sans jamais donner une
voix aux civils concernés, sinon à des
partisans ou terroristes (je précise que
les civils pouvaient difficilement
s’offrir du pain, alors une caméra et
surtout un réseau internet 3G c’était le
bout du monde, coutant l’équivalent de 5
kilos de viande). À défaut d’avoir le
nombre de combattants pour détruire le
gouvernement, nous avons complété notre
impact sur le conflit en jouant sur les
sentiments pour influencer l’opinion
publique et son consentement tacite dans
ce conflit.
Du
côté Ouest, documenter en temps réel la
situation n’a jamais été un réflexe pour
quiconque, car c’était trop dangereux,
de plus, les informations ne sortaient
pas de la Syrie. Faire un « live
Facebook » ou publier un reportage
montrant les lieux des attaques leur
permettaient de préciser, réajuster
leurs tirs et de viser les zones denses.
Dans un double discours et sur leur
propre chaine de télévision ici en Syrie
« Free Syrian Army *** », d’un côté ils
parlaient de soi-disant venir libérer la
population, et, d’un autre côté, ils
présentaient ces attaques comme des
punitions, nous, « infidèles vivant du
côté de Bachar Al Assad ». Cette chaîne
de télévision est accessible par
n’importe qui ici. A la libération, les
reportages des Russes comme les
témoignages des Syriens sous
l’occupation terroristes ont été
immédiatement qualifié de propagande, de
sorte à décrédibiliser tout ce qui
pourrait émerger de la Syrie elle-même,
de ceux qui y vivent ou sont sur le
terrain.
Cette
année passée a réellement été celle de
la désinformation.
Un
combat pour la « liberté » du peuple
syrien. Nous utilisons ce mot
fourre-tout sans jamais l’avoir
argumenté ni justifié. Quelle liberté ?
Quel peuple syrien ? Détruire le
gouvernement, étouffer le pays sous les
sanctions pour y apporter quoi ? Notre
bon savoir faire démocratique ? Les
Français ont-ils posé la question de
savoir quel serait le programme de «
l’après » ? Non ! La liberté, point.
Facile. Le programme politique et social
de ces groupes terroristes est en
opposition avec la liberté, la
démocratie, nos valeurs ou celles de la
majorité des pays du monde. C’est au nom
de nos intérêts, non au nom de la
liberté, que nous instrumentalisons ces
groupes qui appellent à la création d’un
Etat-Islamique en Syrie. Ne demandez
donc pas ce qu'ils comptent offrir au
peuple syrien, demandez-vous plutôt ce
qu'ils veulent lui enlever et lui
imposer. Tous les civils que je
rencontre au quotidien refusent
d’imaginer cette option un seul instant,
ceux qui l’ont vécu essayent d’oublier.
Monsieur le Président, nous avons, comme
de nombreux pays, une très grande
responsabilité dans cette “guerre” que
nous avons essayé de porter à son terme,
terme sous-entendant le renversement du
gouvernement Syrien à tout prix. Ces
dernières années, nous avons aux côtés
de nombreux pays, participé à la
destruction de la Syrie, un pays en
grande partie francophone et dont le
peuple aime la France, nombreux sont
ceux qui parlent Français. Aussi
imparfait soit son gouvernement et quels
que soient ses erreurs, et les nôtres au
fil du temps, nous soutenons
actuellement l'instauration d'une
dictature, une vraie dictature dans un
pays où une vraie opposition existe,
tandis que les groupes armés ne sont
motivés que par le sectarisme, la
frustration, la rancœur et la haine.
Nous servir de ces groupes pour
concrétiser des objectifs géopolitiques
ou économiques n’a rien de démocratique,
au contraire nous condamnons les
Syriens. Ayant parcouru le pays, j’ai pu
constater que malgré certaines critiques
et quoi que l’on en dise, la très grande
majorité des Syriens soutiennent
honnêtement et sincèrement leur
gouvernement et soutiennent celui qu’ils
appellent leur président, et non pas
dictateur, Bachar el-Assad.
Je
conçois ce message comme un devoir. Je
suis un humanitaire et j’ai créé ma
propre association non politique, non
religieuse, que j’auto-finance
jusqu’ici. Je vis en zone de guerre,
j’en paye le prix et j’ai pris les
risques nécessaires pour aider
modestement les civils. Transmettre la
réalité ici me vaut les attaques de
médias mainstream et de leurs partisans
qui essayent de me faire taire, allant
jusqu’à me désigner comme une cible. Je
prends plus de risque encore en prenant
la responsabilité d’écrire cette lettre
dont je saisis le poids et la
responsabilité pour dénoncer une
situation que j’ai observée tous les
jours en poussant toujours plus loin mon
investigation. Je n’ai rien à gagner ni
aucun intérêt personnel, je prends ces
risques depuis de nombreux mois pour
combattre le terrorisme en transmettant
la vérité, la réalité de ce que vivent
les Syriens d’ici, de ce qu’ils
témoignent, en dénonçant les groupes
djihadistes et la manipulation
médiatique arrachant tous les jours la
vie des gens.
Demandons au peuple syrien ce qu’il
souhaite pour son pays au lieu de parler
en son nom, de lui voler sa voix, ses
libertés, son présent, son futur. C’est
le peuple syrien qui doit décider de son
avenir et non à nous de décider pour
eux. C’est une forme de dictature encore
plus terrible que notre illégitime
ingérence jusque là. La démocratie
commençant par soi-même, au-delà de
notre responsabilité à l’égard des
Syriens, il serait d’ailleurs temps de
consulter le peuple Français sur sa
volonté d’implication dans ce conflit,
vu le danger que cela représente pour
leur sécurité présente et future.
J’appelle ma France, le pays que j’aime
et dans lequel j’ai grandi, à cesser de
condamner la population par intérim et
d’encourager des groupes terroristes qui
frappent déjà nos familles, nos enfants,
nos citoyens, et ce quels que soient les
intérêts économiques ou géopolitiques en
jeu. Nous ne pouvons pas prendre le
parti, ni soutenir, des groupes armés
qui mènent une révolution pour retourner
à l’âge de l’obscurantisme.
Monsieur Le Président, à qui de droit ou
de cœur, je lance un appel et conjure la
France, dont les valeurs avec lesquelles
j’ai grandi me poussent à persévérer
dans mon action quotidienne ici, de
lever les sanctions contre la Syrie qui
pénalisent avant tout la population et
non le gouvernement, de trouver des
solutions diplomatiques alternatives à
cette guerre en faveur de la paix,
autant pour le peuple syrien que pour le
peuple français qui risque de subir le
retour de flamme de nos engagements en
faveur de groupes qui sèment la terreur
et dont les ambitions sont clairement
internationales.
En
vous souhaitant beaucoup de courage,
Monsieur le Président, ainsi qu’à celui
qui vous succédera, je vous prie de
croire en l’expression de mes meilleurs
sentiments.
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