Libye - Syrie
Lettre ouverte au
président François Hollande
André
Chamy
Le 6
juillet 2012, le criminel de guerre Abou
Saleh (Katiba al-Farouk,
Emirat islamique de Baba Amr)
était l’invité spécial du président
François Hollande
(le jeune homme de face, assis sur le
côté de la tribune, à la droite de la
photo).
Mercredi 16 janvier
2013 Comment
diable la France s’est-elle embarquée
aux côtés des islamistes dans des crimes
de masse en Libye et en Syrie ? Sous le
prétexte fallacieux de protéger les
populations civiles, Paris renoue avec
le colonialisme. Pour Me André Chamy,
François Hollande ne peut trahir les
idéaux français et les valeurs de la
gauche, il doit changer de cap.
L'Union Européenne a été couronnée, le
10 décembre dernier, du prix Nobel de la
paix. Comment ne pas être surpris par
cette reconnaissance alors qu’un certain
nombre de pays européens ont participé
plus qu’activement à deux guerres en
moins d’un an ?
Il y a eu d’abord la guerre en Libye
avec toutes les conséquences que l’on
connaît, c’est-à-dire le chaos,
l’occupation des villes par des bandes
armées incontrôlables, le racket des
habitants, l’insécurité au quotidien, et
la proclamation de la charia comme
fondement du droit dans ce pays !
Le prétexte avancé pour justifier
cette guerre était la nécessité de
défendre les civils contre la fureur
d’un dictateur, en se basant sur des
informations volontairement truquées de
la situation sur place. L’opération dont
l’objectif était la protection des
civils est devenue, par le jeu d’une
tromperie internationale, une guerre
d’invasion menant à l’assassinat de M.
Kadhafi et à un changement de régime en
Libye.
Non seulement aucun mandat n’a été
accordé pour cette expédition militaire,
mais celle-ci a constitué un authentique
désastre pour la Libye, avec la
destruction de l’essentiel de ses
infrastructures, et la mort de près de
120 000 personnes, notamment du fait de
bombardements aveugles menés par la
France et la Grande Bretagne.
Ces mêmes pays membres de l’entité
récipiendaire du prix Nobel de la paix
ont repris le chemin de la guerre en
Syrie. Cette seconde guerre est menée
par le biais de bandes armées,
entraînées aussi bien par des militaires
de nos pays que par ceux de pays
limitrophes à la Syrie. Ces bandes
armées pénètrent en Syrie depuis la
Turquie et depuis le Liban.
Alors qu’au départ il s’agit
simplement de protéger des populations
civiles, on demande rapidement le départ
du régime en place, et on reconnaît
comme seul interlocuteur légitime un «
Conseil national de transition », non
représentatif, et non élu.
Il est pour le moins cynique, pour
prendre le cas syrien, de remarquer que
le Conseil de transition a été reconnu
dans les palaces du Qatar, une monarchie
absolue qui fonctionne selon le système
politique sans doute le plus
inégalitaire du monde.
On peut aussi se demander qui a
désigné notre pays (puisque la France a
été la première à reconnaître ce conseil
de transition comme seul interlocuteur
légitime), pour se prononcer au nom du
peuple syrien.
Parallèlement, nous encourageons la
destruction du pays, par le financement
et l’armement de milices salafistes,
telles que Jabhat Al Nossra, reconnue
comme organisation terroriste par les
États-Unis, alors que nous sommes censés
les combattre en France et en Afrique
(les derniers événements au Mali le
confirment !).
Nous nous liguons pour ce faire à des
pays tel que le Qatar ou l’Arabie
Saoudite qui sont tout sauf des
démocraties, et qui financent les mêmes
mouvements terroristes notamment en
Afrique.
Ces mêmes pays ont transféré des
groupes terroristes en Syrie, où ils
sévissent en tuant des civils
particulièrement à travers des attentats
à la bombe, et en semant la terreur dans
les villes ou quartiers où ils passent.
Ces mêmes groupes sont responsables
de l’assassinat du journaliste Gilles
Jacquier, des massacres qu’on a essayés
d’imputer au régime comme celui de Houla,
et des charniers qu’on découvre tous les
jours. Et comme si cela ne suffisait
pas, ils vont jusqu’à entraîner et armer
des enfants qu’ils associent à leurs
massacres, et appliquent la Charia dans
les quartiers où ils s’installent.
On parle de plus de 60 000 morts. De
combien d’entre eux sommes-nous
directement ou indirectement
responsables ?
Nous voulons en particulier attirer
l’attention sur les chrétiens de Syrie.
Les exactions des milices islamistes,
qui les considèrent comme des cibles
privilégiées, ont poussé des centaines
de milliers d’entre eux sur le chemin de
l’exode.
La destruction de ce pays se fait de
manière méthodique avec l’aide des mal
nommés « Amis de la Syrie ». La France
ou l’Angleterre n’ont jamais été les
amis, ni de la Syrie ni du peuple
syrien. Depuis quand date cette amitié ?
Et ne parlons même pas du Qatar et de
l’Arabie Saoudite.
Comment peut-on imaginer un instant
que ces mêmes pays puissent décider à la
place du peuple syrien celui ou ceux qui
doivent le gouverner ?
Qui nous a donné le droit de
commettre cette ingérence au lieu
d’inciter au dialogue ?
Après avoir donné leur accord à
Genève pour un règlement politique de
cette crise, les Occidentaux ont renié
leur parole, et ont poursuivi leur
soutien armé aux islamistes, en
prétextant que l’aide était apportée à
l’opposition, alors que l’essentiel de
l’opposition en Syrie refuse la guerre
et demande un règlement politique.
Monsieur le président, combien de
morts devons-nous avoir sur la
conscience pour qu’enfin cessent ces
horreurs et les mensonges qui leur
servent de caution, et pourquoi
refusez-vous obstinément de travailler
avec la Russie sur un règlement
politique dont les lignes ont été
définies il y a quelques mois à Genève ?
L’expérience désastreuse en Libye
n’a-t-elle pas été suffisante ? Faut-il
atteindre le chiffre de 120 000 morts
comme en Libye ?
Monsieur le président, la France est
un pays laïc et à ce titre, se doit de
soutenir les forces laïques. La France a
tiré un trait sur son histoire coloniale
et doit à ce titre œuvrer pour
l’autodétermination des peuples. La
France est un pays pacifique et doit
donc travailler avec les forces
pacifiques sur un règlement politique.
Il devient d’une urgence absolue que
vous changiez de politique en Syrie. En
poursuivant cette guerre néocoloniale
qui ne dit pas son nom, vous souillez
l’image et la réputation de la France,
et vous prolongez le martyre du peuple
syrien, dont vous serez tôt ou tard tenu
pour responsable, comme votre
prédécesseur sera tenu responsable (en
plus d’autres affaires) de la
destruction de la Libye et de la mort de
120 000 Libyens.
Ayez le courage et changer de cap
avant que toute la région ne s’embrase…
André Chamy,
Sociologue et avocat français. Auteur de
L’Iran, la Syrie et le Liban - L’Axe de
l’espoir (Les éditions du
Panthéon, 2012).
Article sous licence creative commons
Vous pouvez
reproduire librement les articles du
Réseau Voltaire à condition de citer la
source et de ne pas les modifier ni les
utiliser à des fins commerciales
(licence
CC BY-NC-ND).
Le sommaire du Réseau Voltaire
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|