CIREPAL
Le document du Hamas coupe la route à
une révision globale de la stratégie
palestinienne
Ziyad Nakhale
Dimanche 7 mai 2017
Ziyad Nakhale,
secrétaire général adjoint du Mouvement
du Jihad islamique en Palestine répond
aux questions de « Falastine al-Yom »
Dans une discussion
franche et globale, il a explicité la
position de son mouvement à propos du
document politique du Hamas et répondu à
d’autres questions.
Texte intégral
de l’interview, réalisée le 5 mai
2017
Question :
Finalement, le mouvement Hamas a
officiellement publié son document
politique. Certains y voient un progrès
et une avancée au niveau de la position
politique, d’autres y voient un abandon
et recul quant aux constantes du Hamas
et de la cause. Certains affirment qu’il
n’y a rien de nouveau. A cet égard,
comment le mouvement du Jihad islamique
considère le document du Hamas ?
Réponse :
Premièrement, en tant que partenaires
avec les frères du Hamas dans le projet
de la résistance et de la libération,
nous aurions souhaité les féliciter pour
cet important document, mais en toute
franchise, et en tant que « partenaires
en conseils », nous ne sommes pas
apaisés quant à certains points de ce
document. Du point de vue de la position
politique, certes, le document présente
un progrès et une avancée, mais sur une
impasse, une route vers la recherche de
solutions et des semi-solutions à la
cause palestiniennne, sous la direction
de ce qui s’appelle la légalité
internationale.
L’expérience de
ceux qui ont emprunté cette voie a
poussé nombreux à exprimer leurs
craintes d’abandonner les constantes.
Cependant, et malgré les divergences
d’opinions, nous avons confiance dans
Hamas, et nous espérons qu’il ne se hâte
pas, et que son pari demeure fixé sur
notre peuple et notre nation, et non sur
ceux qui nous sont hostiles. Dire qu’il
n’y a rien de nouveau dans le document,
à mon avis, a du vrai, car ce que Hamas
a dit au cours des dix années passées,
par morceaux, il l’a dit d’un coup et
officiellement. Hamas avait déjà signé
le « document des prisonniers », il
s’était adapté au programme de l’OLP et
s’était éloigné de la charte du Hamas.
Question :
quelle est la position du Mouvement du
Jihad islamique à propos du contenu de
ce document ?
Réponse :
Sans aucun doute, nous sommes d’accord
sur de nombreux points dans ce document,
comme la confirmation que la Palestine
est la patrie du peuple palestinien, la
non reconnaissance d’Israël,
l’affirmation du droit au retour,
l’attachement à la résistance et ses
armes, mais nous n’approuvons pas le
fait que le Hamas accepte l’Etat
palestinien dans les frontières de 1967,
car ceci entame les constantes, à notre
avis, et reproduit les égarements dans
lesquels nous a plongés le programme
provisoire de l’OLP. De même, la
formulation avancée par Hamas pour
expliquer son acceptation des frontières
de 1967 dans l’article 20, disant qu’il
s’agit d’une « forme d’accord réciproque
national commun » n’est pas judicieuse
et n’exprime pas la réalité.
Question :
pouvez-vous clarifier ce point et
expliquer la position quant à cette
forme ?
Réponse :
D’abord le fait d’accepter la ligne du 4
juin (1967) comme frontière de l’Etat
palestinien est une reconnaissance
implicite de l’Etat situé à côté, établi
sur 80% de la terre de Palestine, qui
est « l’Etat d’Israël ». Ce qui
signifie, en somme, que nous sommes face
à la solution de deux Etats, que l’OLP
avait acceptée et que « Israël » refuse
d’appliquer.
Deuxièmement, que
signifie cette forme d’accord réciproque
national commun ? Est-ce que ceux qui
refusent la « solution de deux Etats »,
comme le Jihad islamique et d’autres,
n’est pas national et n’est pas en
accord avec les autres ?! C’est pourquoi
nous disons que la formulation n’est pas
judicieuse, elle blesse les sentiments
des frères d’armes dans le camp de la
résistance. Nous disons qu’elle
n’exprime pas la réalité, car Hamas dit
que son programme est différent de celui
du Fateh, mais il s’est placé dans le
camp de ceux qui acceptent la solution
de deux Etats, et parle d’accord
réciproque… Nous disons, tant qu’il y a
un seul Palestinien qui refuse la
solution de deux Etats, ou de limiter
les frontières de l’Etat palestinien aux
frontières de 67, il n’y a pas de
programme d’accord réciproque ou
d’unanimité nationale.
Question :
Le mouvement du Fateh a favorablement
accueilli le document du Hamas, mais
certains de sa direction ont considéré
que Hamas se prépare, par ce document, à
être l’alternative à l’OLP et à
l’Autorité palestinienne, dans les
négociations futures avec « Israël »,
comme le discours de Khaled Mechaal à
Doha a été compris. Qu’en pensez-vous ?
Réponse :
chaque organisation a le droit
d’exprimer son point de vue, et assume
la responsabilité de ses positions et
comportements. Quant à nous, nous ne
pouvons juger Hamas ou toute autre
organisation sur des intentions futures.
Notre position est liée à une réalité
qu’exprime le document, et ce qui a été
dit par les frères du Hamas pour
l’expliquer ou pour le faire accepter,
quelles que soient les circonstances
internes à Hamas et la question des
élections, nous considérons que le
moment de proclamer le document n’est
pas approprié.. Certains ont commenté le
document en revenant sur un proverbe
arabe disant « est-ce que Hamas va en
pèlerinage au moment où les gens en
reviennent ? », voulant dire que le
processus de règlement a échoué, et il
n’y a pas de chance pour la solution à
deux Etats. D’abord, Netanyahu affirme
que ce conflit ne peut être résolu.
Ce qui nous
importe, nous, en tant que mouvement de
la résistance, c’est que l’échec du
parcours du règlement et des
négociations impose de mener une
révision complète du processus
palestinien depuis un quart de siècle,
et d’adopter une nouvelle stratégie qui
s’appuie sur un programme de résistance
et de libération.
A notre avis, le
document du Hamas coupe la route à cette
révision politique palestinienne, et
conforte le Fateh et l’OLP dans le choix
du règlement et des négociations, car
les gens de la résistance, représentés
par Hamas, rejoignent aujourd’hui des
parties de leurs programmes, après
qu’ils aient demandé sa suppression et
son abandon au profit de la résistance.
Question :
Que pensez-vous des déclarations de
Khaled Mechaal au CNN américain, et son
appel en direction du président
américain Trump, affirmant que le
document du Hamas offre une occasion
pour réaliser une solution juste du
conflit sur la Palestine ?
Réponse :
Malheureusement, des déclarations ou
positions de certains frères dirigeants
du Hamas peuvent susciter une inquiétude
chez les amis et alliés du mouvement,
plus que ne le fait le document
lui-même. Notre frère et ami Abul Walid
(Khaled Mechaal) connaît plus que
d’autres l’alignement absolu et aveugle
de la position historique américaine,
aux côtés « d’Israël . Si Obama, qui
avait des divergences avec Netanyahu,
n’a pu rien faire, est-ce que Trump ou
le mari de sa fille, qui est un juif
extrémiste, va-t-il nous offrir une
solution juste ? De plus, je ne
comprends pas ce que signifie la
solution juste, dans ce contexte,
lorsqu’elle est liée à l’appel à Trump
de profiter de l’occasion que représente
le document du Hamas ? Est-ce que les
frontières de 67 sont-elles une solution
juste ?
De plus, si
l’accord d’Oslo et la reconnaissance
« d’Israël » par l’OLP, et l’initiative
arabe, tout cela a représenté une
occasion pour « Israël » et les
Etats-Unis qui le soutiennent, est-ce
que le document du Hamas, qui statue la
non reconnaissance « d’Israël » sera, à
leurs yeux, une occasion pour
l’accepter ? Si « Israël » va donner aux
Palestiniens un Etat dans les frontières
de 67, où sont implantés aujourd’hui
750.000 colons, avec al-Quds, il
l’aurait donné à Abu Mazen ou Yasser
Arafat avant lui. Hamas le sait bien, et
le monde entier le sait aussi. Donc,
pourquoi nous placer dans une situation
où pointe un soupçon d’abandon d’une
parcelle de la terre de Palestine ?
Question :
Comment évaluez-vous la visite d’Abu
Mazen à la Maison Blanche, et la
position de la nouvelle administration
américaine concernant la cause
palestinienne ?
Réponse : il
est clair que l’administration de Trump
se dirige vers l’adoption de la vision
« israélienne » et de la solution
« israélienne » de la cause
palestinienne. En premier lieu, se
trouve le retour à la politique des
négociations pour les négociations, pour
acheter le temps et imposer de nouvelles
réalités sur le terrain, en intensifiant
la colonisation, en judaïsant la terre,
en menaçant les lieux saints.. Trump n’a
rien promis, et n’a donné aucun signe
disant qu’il est différent des autres
présidents américains. Et s’il est
différent, à notre avis, c’est qu’il est
pire. Il n’a donné aucun engagement pour
la solution de deux Etats, qui est
terminé dans l’agenda sioniste ; il n’a
pas promis d’arrêter les mesures pour
transférer l’ambassade américaine vers
al-Quds, ou autres signes pouvant
justifier de considérer la rencontre
comme un acquis pour les hommes de
l’Autorité en Palestine.
La rencontre, à
notre avis, est une rencontre de
relations publiques, une tentative de
remettre en marche la vente des
illusions à notre peuple, de faire
renaitre des espoirs morts concernant
« la paix impossible » avec l’ennemi
sioniste. Mais il s’agit aussi d’une
étage dangereuse si elle est liée à ce
que prépare l’administration américaine
prochainement, concernant le règlement
régional.
Question :
Quel est à votre avis le secret du bon
accueil par le président Trump du
président de l’Autorité, qui a surpris
de nombreuses personnes, même au sein de
l’administration américaine ?
Réponse : Ce
bon accueil est, à notre avis, une sorte
de félicitation d’une part, et un
pot-de-vin de l’autre. Un remerciement
pour le rôle de l’Autorité et de ses
appareils sécuritaires dans la
coordination sécuritaire, et les efforts
faits pour réprimer le peuple
palestinien, sa résistance et son
intifada.. Les réalisations sécuritaires
de l’Autorité au profit de l’ennemi
sioniste ont stupéfait les Américains,
au point où Trump les a décrites comme
« incroyables ! ». Pot-de-vin pour faire
accepter la transaction historique que
prépare Trump, qui sera une nouvelle
catastrophe ou la « mère » des
catastrophes pour le peuple palestinien
et sa cause.
Question : Y
a-t-il des renseignements sur cette
transaction ?
Réponse : En
un mot, liquider la cause palestinienne
en acceptant que ce veut « Israël »,
puis suffit !
Question :
Pensez-vous que Abu Mazen (Mahmoud
Abbas) appliquera ses menaces en
direction de la bande de Gaza ? Quelle
est votre position ?
Réponse :
Oui, nous pensons que ces menaces sont
sérieuses, il s’agit d’une revendication
régionale et internationale, avant
d’être une décision de l’Autorité. Le
but est de semer un état d’anarchie qui
conduise à l’effondrement de la
situation dans la bande de Gaza…
Notre position à
propos de ces menaces est que c’est une
tentative de sanctionner collectivement
le peuple palestinien, et le passage de
l’Autorité d’une position de soutien au
blocus injuste contre la bande de Gaza à
une participation directe, au plus haut
degré. Nous espérons que le frère Abu
Mazen et les sages dans la direction du
Fateh reviennent sur cette question, car
si cela arrive, la bande de Gaza sera un
baril de poudre qui explosera à la face
de tous, et son feu brûlera les doigts
de tous ceux qui participent à ce crime.
Question :
Ya t-il un moyen d’arrêter le
processus ? Est-ce que la réalisation de
l’entente et la fin de la division
peuvent empêcher l’explosion ?
Réponse :
Nous avons maintes fois affirmé que
l’entente, dans les circonstances
actuelles, ne se réalisera pas, car ses
conditions ne sont pas assurées chez les
deux parties de l’Autorité, Fateh et
Hamas. La seule voie qui pourrait
modifier cette voie, et protéger le
peuple, sa cause et sa société, dans les
circonstances critiques, est de soutenir
activement les prisonniers, que la
solidarité avec eux déclenche une
intifada globale des prisonniers, pour
faire renaître l’Intifada tuée d’al-Quds.
Ainsi, nous pourrons sauver les
prisonniers et la voie vers al-Quds. Il
est regrettable et douloureux que la
situation palestinienne s’enlise dans un
règlement de comptes lié à l’Autorité et
les prérogatives, et que certains
tournent le dos à nos prisonniers qui
mènent la bataille de la liberté et de
la dignité face à l’occupation, sans
avoir le soutien de la direction de
l’Autorité, de la nation et du monde.
Question :
l’Autorité a annoncé son soutien à la
grève, et le ministre chargé des
prisonniers participe aux activités.
Qu’est-il demandé de l’Autorité pour
soutenir les prisonniers, à votre avis ?
Réponse : Il
est demandé que l’Autorité arrête la
coordination et la coopération
sécuritaire avec l’ennemi. Est-il
possible qu’un fils du Fateh en prison
affronte la mort, plié sous l’épée du
geôlier, sous l’épée de la faim à cause
de la grève, au moment où ses camarades
et frères dans l’organisation, qui
travaillent dans les appareils
sécuritaires, lèvent l’épée contre
l’Intifada, la poursuivent et
l’encerclent, et présentent des
renseignements à son propos aux hommes
de la sécurité « israéliens », qui
arrêtent les fils de notre peuple, et
les privent des droits humains les plus
élémentaires dans les prisons ? Et dans
ces prisons, ils se révoltent et se
soulèvent, par la faim, pour réclamer la
liberté et la dignité, alors que
l’Autorité ne pense pas à faire pression
sur ce geôlier en cessant la coopération
sécuritaire avec lui, contre le peuple
palestinien ?
L’Autorité se
trouve face à un grand défi, face aux
jeunes du Fateh d’abord, et face à tous
les Palestiniens, à tous les êtres
dignes et libres dans ce monde. Nous
voulons savoir qu’est-ce qui est sacré,
pour cette Autorité ? La coordination
sécuritaire avec l’ennemi ? Ou la vie du
prisonnier palestinien et de l’être
palestinien ? Qu’est-ce qui est sacré,
pour elle, la « sécurité d’Israël » ou
« la sécurité de la Palestine » et de
son peuple ?
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