Interview
France Mali : Le partenariat IBK–Tomi
René Naba
Mardi 15 avril 2014
René Naba |
15.04.14 – France Mali : Interview du
15/04 paru dans le journal « Le Relais
de Bougouni »
- 1- Le
partenariat IBK–Tomi, une variante
de la Françafrique, dans sa zone
ultra-grise ; une magouille à gros
dividendes.
- 2 – La
démocratisation du Mali sous le
tandem Hollande IBK est une
supercherie.
- 3- IBK: Le
copinage comme mode d’accession au
pouvoir et comme mode de
gouvernement.
Bamako (Mali) –
Interview de René Naba par «Le Relais de
Bougouni». Propos recueillis par Seydou
Koné, le directeur de ce bimensuel
malien, lié par un accord de partenariat
avec www.renenaba.com (1).
Le Relais: Dans
son édition du 28 mars 2014 du journal
‘’Le Monde’’, les journalistes Gérard
Davet et Fabrice Lhomme ont fait une
révélation parlant des relations louches
entre l’homme d’affaires corse Michel
Tomi et le président malien Ibrahim
Boubakar Keïta. Selon cette information,
IBK, le président malien aurait
directement bénéficié du système supposé
avoir été mis en place par le magnat des
casinos en Afrique. Dans cet article,
nos confrères ont mis en exergue des
missions en France d’IBK en tant que
président au cours desquelles il aurait
été entièrement pris en charge par
l’homme d’affaire Corse. Quel jugement
faites-vous sur ce scandale qui aura
coûté à IBK?
René Naba: Sur la
forme, d’abord, précisons que Le Monde
n’a pas le monopole de cette
information. Elle circulait dans
plusieurs rédactions. Il ne faut pas
mésestimer le travail de journalistes
plus discrets mais certainement tout
aussi efficaces. La preuve pour vos
lecteurs est là:
http://mondafrique.com/lire/bakchich/2014/03/31/affaire-tomi-un-valls-pas-bien-malien
Sur le Fond: Mon
Jugement est simple: IBK confirme ce que
je redoutais. Sa présence à la tête de
l’état malien est le cas type d’une auto
promotion au sein de l’Internationale
socialiste. La propulsion d’IBK à la
présidence malienne est une affaire de
copinage entre le socialiste François
Hollande et l’ancien vice-président
malien de l’Internationale socialiste,
de même que le partenariat d’IBK avec
des éléments représentatifs du grand
banditisme corse, le réseau ¨Pasqua and
co», une grosse magouille, porteuses de
dividendes certains.
Une variante dans sa zone ultra-grise de
la Françafrique, le pacte de corruption
des élites à l’échelle transcontinental
entre la France et l’Afrique, que tous
jurent pourtant avoir définitivement
enterré, qui se perpétue pourtant dans
de nouvelles déclinaisons. L’affaire IBK
TOMI est la bonne preuve que la
démocratisation du Mali sous le tandem
Hollande IBK est une supercherie de la
même manière que l’instauration de la
démocratie en Libye par les missiles
tomahawk grâce au tandem Sarkozy BHL a
été une mystification. Tant en Libye
qu’au Mali, qu’en Syrie, qu’en Ukraine,
le pouvoir français dans ses variantes
Nicolas Sarkozy et François Hollande
apparait comme un pays de hâbleurs et de
bonimenteurs de foire, le grand perdant
de la mondialisation le grand perdant de
l’européanisation du continent le grand
perdant de la bataille de Syrie et de
Crimée, le grand perdant de l’Afrique.
Le compte à rebours a commencé pour la
France, « à l’insu de son plein gré ».
Cinquante ans après l’indépendance, les
Africains continuent à alimenter le
train de vie des dirigeants français à
coup de djembés et les mallettes.
Comment voulez-vous que l’Afrique et les
Africains soient respectés. Maliens
faites le ménage chez vous, ne tolérez
plus la gabegie et la démagogie. Il en
va de votre dignité et de votre
pérennité en tant que peuple et en tant
que nation.
Le Relais :
Selon vous IBK est-il en droite ligne
pour la renaissance d’un Mali nouveau
sur le plan international? Que
reprochez-vous à IBK du jour de son
investiture jusqu’à l’instant où je vous
parle?
RN: En ce qui
concerne IBK, un tel comportement
témoigne de son profond mépris pour son
peuple, de sa souffrance alors que la
plus grande incertitude pèse sinon pour
sa survie à tout le moins pour son
redressement. L’Afrique et les Africains
ne sauraient tolérer désormais tant de
désinvolture et cautionner qu’une
mafiocratie succède à une autre
mafiocratie. Quelle insulte pour le Mali
que le seul ancien dirigeant malien
invité à la cérémonie d’investiture ait
été l’ancien dictateur Moussa Traoré, un
des grands responsables avec ATT et
Ahmadou Aya Sanogo des malheurs du
peuple malien et de la dislocation du
pays. IBK a raté l’occasion de donner un
clair signal de sa volonté de rompre
avec les turpitudes du passé.
Franchement, s’acoquiner avec un
tenancier de casinos quelle idée. IBK se
croit-il à Chicago du temps de la
prohibition? Le Mali a-t-il vraiment
besoin de salles de jeux, alors que le
pays est en état de déperdition?
Vivement que le peuple malien se soulève
et exige des comptes. Qu’il n’hésite pas
à sanctionner par une grève générale
illimitée un tel comportement jusqu’à ce
que le responsable d’une telle
forfaiture s’explique et mette son
mandat à la disposition du peuple. Cela
coupera l’envie à quiconque de se
comporter avec désinvolture avec le
peuple malien.
Le Relais: Dans
le domaine de la politique
internationale, quels sont les résultats
positifs d’IBK de son investiture à nos
jours?
RN: IBK par son
comportement dilatoire a réussi le tour
de force de pousser les Touaregs dans
les bras de Moscou à un moment où le
Kremlin opère un retour en force au
Moyen orient (Syrie), en Europe centrale
(Crimée), alors que son protecteur
français est en grande difficulté. Faute
de parrains crédibles, les Touaregs se
sont tournés vers Moscou, où Bilal Bilal
Ag Acherif, le chef de Mouvement pour la
Libération de l’Azawad (MNLA) a
rencontré fin mars Mikhaïl Bognanov, le
vice-ministre russe en charge de
l’Afrique et du Moyen Orient pour
obtenir un soutien, en contrepoids à
celui de la France à IBK, en vue de
faire pression sur le gouvernement
malien.
Bamako tarde en effet à mettre en œuvre
les accords de Ouagadougou, signés en
juin 2013, et qui prévoyaient la
possibilité d’une large autonomie pour
les Touaregs. Pratiquant un double jeu,
Blaise Compaoré, président du Burkina,
garant de l’accord signé dans sa
capitale, semble désormais hors-jeu,
d’autant que les services français ont
découvert un trafic d’armes via le
Burkina Fasso, à destination des
djihadistes du Mujao. La seule
réalisation d’IBK sur le plan
international est de s’être placer dans
une conjoncture particulièrement
défavorable. IBK est maintenu en état de
flottaison par François Hollande, lequel
est lui, même en très grande difficulté.
Le sort du Malien est lié à celui du
Français. IBK est tenu comme une corde
tient un pendu………Qu’elle rompt et il se
rompra.
IBK: Le copinage
comme mode d’accession au pouvoir et
comme mode de gouvernement.
Paris- Les jeux
étaient faits d’avance. Les élus connus
d’avance et les élections
présidentielles du Mali du 28 juillet
2013, censées restaurer l’ordre
républicain et constitutionnel, sont
passées dans les annales comme la plus
grande mascarade de l’histoire politique
de la France-Afrique, pourtant riche en
événements de ce genre.
Le choix d’Ibrahima
Boubakar Keita pouvait surprendre mais
répondait à une logique de prédation:
IBK n’est pas JFK.
Vieux cacique de la vie politique
malienne, Ibrahima Boubakar Keita a été
pendant six ans premier ministre du
président Alpha Omar Konaré, puis
président de l’assemblée nationale sous
le dernier président Amadou Toumani
Touré (ATT). Autant le dire tout de
suite un perdreau de l’année. Plus que
tout, toutefois, au-delà de son
expérience et sa capacité manœuvrière de
survie dans le marigot, sa qualité
transcendantale qui s’impose à tous et
l’imposait d’emblée comme le meilleur
futur président, sa martingale en somme,
était son statut de vice-président de
l’internationale socialiste, le parti de
François Hollande, le vainqueur de la
bataille du Mali.
IBK versus
Soumayla Cissé, un remake des
compétitions électorales françaises
Pour donner crédit
au processus électoral, le scenario
prévoyait même un deuxième tour
électoral mettant en compétition IBK à
Soumayla Cissé, en un remake des
compétitions électorales françaises en
ce qu’il opposait IBK, le poulain
socialiste, à un ancien cadre supérieur
des entreprises françaises, notamment
Air Liquide et Pechiney, Soumayla Cissé,
qui passe pour bénéficier des sympathies
de la droite française.
Un arrangement
scellant la réconciliation entre les
anciens frères ennemis de l’ADEMA
(Alliance pour la Démocratie au Mali),
l’ossature politique des deux
précédentes mandatures présidentielles
(Alpha Omar Konaré et ATT), avait été
conclu sous l’égide du président
intérimaire Diougounda Traoré. Il
prévoyait d’exclure de la phase finale
du processus électoral, Modibo Sidibé,
le dernier premier ministre d’ATT, ainsi
que Cheikh Modibo Diarra, le spécialiste
malien de la Nasa, dont le retour aux
affaires aurait signé des caciques de la
politique malienne. Le scientifique,
beau fils de l’ancien dictateur Moussa
Traoré, a été évincé sans ménagement de
ses fonctions de premier ministre durant
la phase intérimaire.
27 candidats
dont une femme, Mme Cissé Chatou
Haidara, au titre de la parité.
Vingt-sept (27)
candidats postulaient à la magistrature
suprême malienne, dont une femme,
diversité oblige, non pas Aminata
Dramane Traoré, la prestigieuse ancienne
ministre de la culture du Mali,
interdite de séjour en France pour cause
d’hostilité à Serval, mais une candidate
du folklore local, Mme Cissé Chatou
Haidara, originaire du Nord
sécessionniste, ancienne camarade de
travail au sein de la compagnie Air
Afrique d’Edith Bongo, fille de Sassou
Nguessou et épouse de l’ancien président
gabonais Omar Bongo, mais surtout
ancienne confidente de deux présidents
africains, ATT du Mali et Sassou Nguesso
du Congo Brazza, qui disposerait d’une
force de dissuasion par les secrets
d’alcôve qu’elle détiendrait.
Autre curiosité de
la campagne, Omar Mariko, candidat
trotskyste, seul candidat à jouir d’une
audience certaine au nord Mali, a été
interdit de faire campagne dans cette
zone sous contrôle militaire français,
de crainte que ses harangues ne mettent
en route un mouvement de protestation
contre la présence militaire française
dans le septentrion.
Sous cape, il se
murmurait que la chancellerie française
à Bamako s’était activée pour dissuader
les opposants de contester les résultats
de ce simulacre électoral, contre
arguments sonnants et trébuchants: le
remboursement des frais électoraux,
particulièrement la caution de dix
millions de Frs CFA bonifiés d’une prime
au silence.
Au Parti socialiste
français, les divergences sur la
question malienne sont tues. Le
secteur international du PS est entravé,
notamment sur les questions africaines,
au détriment du cabinet de Harlem Désir,
exfiltré depuis vers le gouvernement
après la débacle municipale d’Avril 2014
pour cause d’incompétence notoire dans
tous les champs de son intervention.
Harlem Désir avait confié le dossier
malien, de façon officieuse, à Corinne
Bord, laquelle travaillait en étroite
collaboration avec Thomas Melonio. Une
coordination qui ne faisait pas
l’unanimité au sein du parti où l’on
pointait les conséquences de ces
élections bâclées sous la pression de la
communauté internationale avec ces
possibles conséquences sur le Niger, la
réhabilitation d’Idriss Deby que Serval
a provoqué, de même le rôle ambigüe du
président du Burkina Faso, Blaise
Compaoré, ainsi que la gestion du
contentieux de Kidal et du MNLA, qui a
demandé à l’Algérie de garantir les
futurs accords conclus avec le pouvoir
central à Bamako.
Autant de signes
qui marquaient le retour en grâce de la
Francafrique et la non prise en compte
de l’avis de la diaspora sur les
questions politiques.
La dernière
élection présidentielle malienne a
ignoré des millions de Maliennes et
Maliens pourtant désireux d’y prendre
part à travers leur vote. Des millions
de laissés-pour-compte ont été recensés,
soit du fait des défaillances techniques
du dispositif, ou du fait que les
potentiels recensés se trouvaient dans
des localités où le recensement n’a pas
eu lieu.
Le mécontentement
populaire est réel et justifié en ce que
le pays recru d’épreuves a vécu la
connexion d’IBK avec le réseau corse de
Charles Pasqua comme une nouvelle
trahison qui s’ajoute aux forfaitures du
putschiste Ahmadou Aya Sanogo et du
planqué de Dakar ATT.
La fin du Mali, en
tant qu’état moderne né en 1960, est
intervenue en janvier 2013, 53 ans après
l’indépendance, à la défaite de Konan
face aux djihadistes, donnant un
formidable prétexte à la France de
revenir en sauveur par la grande porte
pour faire du Mali, la plus grande
plateforme opérationnelle militaire de
l’Afrique occidentale.
Les maux du Mali
sont à rechercher dans le Mali lui-même.
Et IBK en porte une lourde
responsabilité en ce qu’il représentait
l’espoir d’une résurrection.
Références
1- Le partenariat
de www.renenaba.com et Le Relais de
Bougouni
http://www.renenaba.com/partenariat-de-renenaba-com-avec-la-radio-malienne-radio-kafokan-de-bougouni/
-
2-
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bougouni
Tous droits
réservés © René Naba • 2014
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de René Naba
Le dossier
Afrique noire
Les dernières mises à jour
|