BDSF34
Boycotter l’apartheid israélien :
une interview de Nasser Mashni, BDS
Australien

Nasser Mashni
Mardi 27 octobre 2020 21/10/2020
par
Paul Gregoire |
Source | Traduction CG pour BDS
France
De plus en plus,
l’utilisation du mot apartheid concerne
le système de gouvernance qui opère
actuellement dans la nation connue comme
Israël et les territoires palestiniens
occupés — le pays de la Palestine
historique.
Mi 2018, la Knesset
(le parlement israélien) a voté
la loi de l’état-nation, qui relègue
officiellement les Palestiniens d’Israël
au rang de citoyens de deuxième classe.
La législation
stipule que seul le peuple juif a droit
à l’auto-détermination, entérinant en
loi un système préexistant.
Alors que le
Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou a indiqué en juin que sa
nation poursuivra l’annexion de jusqu’à
30 % de la Cisjordanie, et après une
promesse récente aux nations du Golfe
qu’il abandonnerait ce plan, Israël a
affirmé qu’il l’avançait avec plus
de 2000 nouvelles maisons pour des
colons la semaine dernière.
Parallèlement, le
troisième endroit le plus densément
peuplé sur Terre, la Bande de Gaza,
continue de fonctionner comme une prison
à ciel ouvert, la région se trouvant
sous
un blocus israélien et égyptien
renforcé, par terre, air et mer
depuis 2007.
Le sang de la
Palestine
Le mois prochain,
le salon d’armement Electronic Warfare
Europe 2020
devait avoir lieu dans la ville de
Liverpool au Royaume-Uni. Et le plus
grand fabriquant d’armes privé d’Israël,
Elbit, était l’un des sponsors mondiaux
du salon.
Une coalition
d’organisations palestiniennes et de
groupes anti-guerre, dont le mouvement
BDS (Boycott, désinvestissement et
sanctions), a mené une campagne suivie
contre le salon, ce qui a conduit le
Conseil municipal de Liverpool à
l’annuler et finalement à se mettre
d’accord sur une politique
d’interdiction de tels événements à
l’avenir.
Elbit se spécialise
dans le développement et la fabrication
d’équipements électroniques militaires,
de systèmes de surveillance, de drones
et de systèmes de sécurité. La compagnie
promeut le fait que ses armes et sa
technologie ont été testées au combat,
ce qui veut dire sur les populations
palestiniennes.
Le
mouvement BDS a appelé depuis
longtemps les organismes du monde entier
à boycotter les produits d’Elbit. Il
remarque que la compagnie d’armement
contribue à deux facettes de
l’occupation israélienne : les assauts
aveugles contre les civils et « la
ghettoïsation toujours plus resserrée de
la Cisjordanie ».
Une résistance
internationale croissante
Etabli en 2005,
Boycott, désinvestissement et sanctions
(BDS) est un mouvement mondial mené par
les Palestiniens qui permet aux
individus, aux entreprises et aux
gouvernements de prendre position pour
soutenir les droits humains des
Palestiniens en retirant leur soutien
financier à des organismes israéliens.
BDS Australie est la section locale
de cette campagne mondiale qui emploie
une stratégie basée sur celle utilisée
par le mouvement anti-apartheid du
siècle dernier, celui qui a exercé sur
le gouvernement d’Afrique du Sud de De
Klerk une telle pression qu’il a mis fin
à son système raciste de ségrégation
lourdement imposée.
Sydney Criminal Lawyers a parlé avec
Nasser Mashni, membre du comité de BDS
Australie, sur l’importance croissante
de l’usage du terme apartheid en lien
avec Israël, sur les raisons pour
lesquelles Gaza continue d’être
bombardée pendant la pandémie et sur
l’impact très réel du mouvement de
boycott.
Tout d’abord,
cette année a vu le coronavirus déferler
sur le globe, ce qui a conduit des
nations entières à se confiner.
Des systèmes
de santé bien subventionnés ont lutté
pour gérer la pandémie mais dans les
territoires palestiniens occupés, les
services de soin sont limités en premier
lieu à cause des restrictions
israéliennes.
Nasser,
comment les communautés palestiniennes
dans les territoires occupés ont-elles
affronté le COVID-19 ?
Comme dans le reste
du monde la situation a été tragique,
particulièrement pour les Palestiniens,
parce qu’ils sont si proches de ce qui
est sans aucun doute le monde développé,
dans ce qu’ils peuvent voir en Israël.
C’est aussi
vraiment dur pour eux parce qu’un énorme
fragment des Palestiniens en Palestine
historique orientale — la Cisjordanie —
travaille en Israël ou est connecté à
Israël et qu’Israël a fermé la
frontière. Ils ne permettaient pas aux
ouvriers de traverser. Donc,
économiquement, cela a été un énorme
marasme.
Un défi de
l’occupation est que nos hôpitaux — les
hôpitaux palestiniens — ont été
sous-subventionnés et manquent de
ressources depuis 70 ans.
Donc le meilleur
service de soins est dans les hôpitaux
palestiniens à Jérusalem Est, mais avec
le mur d’apartheid, l’accès à ces
hôpitaux est sévèrement restreint pour
les Palestiniens de Cisjordanie.
C’est au point que
l’un des visages palestiniens les plus
connus sur la scène internationale, Saeb
Erekat — notre chef négociateur avec
l’Autorité palestinienne — se trouve
dans une condition critique.
Il n’y a aucun
hôpital palestinien qui a la capacité de
gérer la situation où il se trouve :
très près de la mort apparemment. Donc,
il a été transféré dans un hôpital
israélien pour recevoir les soins
urgents dont il a besoin. Bien sûr, ce
n’était pas bien accepté par certains
membres de la Knesset israélienne. En
fait, ces membres de la Knesset ont
suggéré qu’il ne devrait pas recevoir
d’aide médicale du tout.
Voilà pour la
Cisjordanie. Si on regarde ce qui se
passe à Gaza, heureusement, un des
bénéfices d’être la plus grande prison à
ciel ouvert du monde qu’est Gaza, est
que cela a pris longtemps au virus d’y
arriver et que les Gazaouis sont
habitués à vivre en confinement.
Donc, au départ
c’était resté sous contrôle,
malheureusement le virus est maintenant
arrivé. Il y a eu des rapports la nuit
dernière selon lesquels il y avait 77
nouvelles infections. Le vrai défi pour
Gaza est qu’il y a moins de 100
respirateurs. Et les hôpitaux y manquent
déjà de médicaments un jour normal et
n’ont de l’électricité que de manière
intermittente à cause de la destruction
par Israël de l’unique centrale
électrique de Gaza.
La densité de
population est de plus de 5500 personnes
par km2 ; avec la même densité de
population, l’Australie aurait 42
milliards d’habitants. Donc, si le virus
arrive et n’est pas géré, il va déferler
là comme nulle part ailleurs sur la
Terre.
Fin juin, le
Premier ministre Benjamin Netanyahou a
indiqué qu’Israël poursuivra ses plans
d’annexer jusqu’à 30% de la Cisjordanie
occupée.
Rien que la
semaine dernière, Israël a donné le feu
vert pour la construction de plus de
2100 nouvelles unités d’habitation dans
la région. Quelles sont les implications
de cette mesure ?
C’est la suite du
statu quo. Israël, particulièrement sous
Benjamin Netanyahou, n’a pas été
intéressé par une solution à deux états.
Le processus d’Oslo — tout le processus
de paix jusqu’à maintenant — a été
dévoilé comme tactique dilatoire.
L’établissement de
2000 unités d’habitation supplémentaires
est un pouce enfoncé dans l’œil des
Emirats arabes unis qui ont normalisé
leurs relations avec Israël le mois
dernier. C’était avec l’engagement
d’Israël qu’il n’y aurait plus de
constructions d’habitations et qu’il
n’annexerait pas.
La réalité est que
si vous construisez des maisons pour
juifs seulement sur ce qui devrait être
l’état de Palestine, c’est une annexion
de jure.
C’est la
perpétuation et la continuation de la
Nakba palestinienne de 1948 : la
catastrophe qui a vu le nettoyage
ethnique de plus de 750000 Palestiniens
et la destruction de plus de 400 anciens
villages ancestraux.
Israël n’est pas
intéressé par la paix. Et il est temps
que nous commencions à appeler Israël
pour ce qu’il est, un état d’apartheid.
En 2002, le monde
arabe entier a offert à Israël la paix,
basée sur les résolutions des Nations
Unies : c’était l’initiative arabe de
paix. C’était la paix totale — pas
seulement la normalisation — avec chaque
pays arabe et musulman sur terre si
Israël revenait seulement à ses
frontières de 1967, avec Jérusalem Est
comme capitale de l’état de Palestine et
une solution juste pour les réfugiés
palestiniens.
C’est le manuel
standard dont tout le monde parlait de
Madrid à Oslo et aux pelouses de la
Maison Blanche jusqu’à aujourd’hui.
A l’époque, le
Premier ministre Ariel Sharon a dit :
« Ce n’est pas un point de départ
envisageable. Nous ne nous retirerons
pas dans les frontières de 1967. »
C’était en 2002 et
maintenant, 18 ans plus tard, nous
sommes toujours en train de parler de
solution à deux états, alors que
Benjamin Netanyahou construit des
maisons pour juifs seulement dans toute
la Palestine.
La pandémie
n’a pas empêché les forces israéliennes
d’attaquer Gaza en août et septembre.
Qu’est-ce qui s’est passé ?
Il y a quelques
années, les Palestiniens de Gaza ont
entamé ce que les gens décriront dans le
futur comme l’une des plus sérieuses
actions civiles non-violentes de
l’histoire.
Soixante-dix pour
cent des deux millions de résidents de
Gaza sont des réfugiés. Plus de 80% de
ces personnes vivent à moins d’une
journée de marche de leurs maisons
ancestrales. Ils ont les titres de
propriété et les clés de ces maisons.
Beaucoup d’entre eux peuvent voir leurs
terres et leurs maisons depuis Gaza.
Avec la Grande
Marche du retour, ils ont dit : « Nous
voulons rentrer chez nous ». Ils ont
marché jusqu’à la clôture de la
frontière. Ils ne pensaient pas qu’ils
la passeraient, mais ils ne pensaient
pas non plus qu’ils seront accueillis
par des snipers, qui se vanteraient de
leur ôter les genoux.
Un sniper s’est
vanté d’avoir eu 42 genoux en un jour.
Nous entrons
maintenant dans la 14e année du siège.
Nous avons lu des choses à propos de
sièges historiques mais nous n’avons
vraiment pas un contexte des temps
modernes pour un seul siège. C’est un
terme médiéval. A l’époque, une armée
d’invasion entourait un château et lui
refusait nourriture et eau afin
d’affamer les résidents jusqu’à ce
qu’ils se soumettent — c’est ce qu’est
un siège.
Gaza a été
hermétiquement scellée et sous siège
depuis 14 ans. Personne n’a été capable
d’y entrer ou d’en sortir sans
l’approbation d’Israël.
Des enfants qui ont
besoin de chimiothérapie et ne peuvent
être traités à Gaza sont souvent envoyés
à Jérusalem-Est, sans être accompagnés
par leurs parents.
Ces enfants ne sont
pas envoyés sans être accompagnés parce
que leurs parents ne veulent pas être à
leurs côtés, mais parce qu’Israël refuse
à leurs parents des permis pour voyager.
Tragiquement,
quelques-uns des enfants sont morts sans
un parent à leur côté. Ces parents ont
ensuite reçu le corps de leur enfant
mort à Gaza.
Rappelez-vous que
dans ces hôpitaux à Jérusalem, ils ne
peuvent même pas traiter notre
Palestinien de la plus haute notoriété.
Il doit aller dans un hôpital israélien.
Ces enfants sont
envoyés sans leurs parents. C’est la
brutalité du siège imposé par Israël,
essayant de contraindre ces gens à se
soumettre.
Il y a quelques
années, ces Palestiniens ont commencé la
Grande Marche du retour : une
manifestation non-violente. Ils
voulaient que le monde sache qu’ils sont
vivants et qu’ils sont étouffés.
Maintenant, cela a
tristement tourné court, à cause de la
violence qu’ils ont rencontrée à la
frontière israélienne avec des snipers
arrachant des jambes, tuant des
journalistes, des infirmiers, etc.
Donc cela a tourné
court. Ceci dit, la frustration continue
à monter. Et récemment, les Palestiniens
là-bas ont pris leur outil de combat le
plus sophistiqué jusqu’alors, en
gonflant un ballon avec un morceau
d’étoffe en feu accroché.
Ils relâchent le
ballon au-dessus de la clôture et quand
il tombe du ciel, ce morceau de tissu
enflammé déclenche un incendie. Les
Israéliens les appellent « ballons
terroristes ».
Donc la réponse
naturelle à un ballon terroriste est,
bien sûr, un avion de combat F-16 ou un
hélicoptère Apache.
La réalité est que
la violence envers les Palestiniens est
bonne pour les sondages. Récemment il a
fallu à Benjamin Netanyahou trois
élections pour entrer dans un
gouvernement de minorité. Il sait que
c’est seulement une question de temps
avant qu’il ne soit plus Premier
ministre. Et les ramifications
potentielles de cela sont qu’il sera
inculpé et envoyé en prison pour
corruption.
Netanyahou
s’oriente probablement vers une
quatrième élection, où il espère obtenir
une majorité.
Vous êtes un
membre de BDS (Boycott,
désinvestissement et sanctions)
Australie, un mouvement qui organise des
campagnes pour boycotter les
entreprises, les organisations et les
individus impliqués avec le régime
israélien.
Quelles
sortes de campagnes BDS mène-t-il
actuellement ?
Depuis quelque
temps, nous menons une campagne
internationale demandant aux gens de
boycotter Hewlett Packard.
Le boycott de
Hewlett Packard concerne la technologie
que la compagnie a créée, qui est
impliquée dans la surveillance et le
contrôle des Palestiniens par les forces
de défense. Donc nous demandons aux gens
de ne pas acheter HP.
Nous venons de
lancer une
campagne Puma contre le géant
mondial du sportswear. Puma est un
sponsor de l’Association israélienne de
football (IFA).
L’association
israélienne de football a des équipes
juives israéliennes en Cisjordanie
occupée qui participent effectivement
aux compétitions de la Fédération
israélienne de football.
Plus de 200 clubs
palestiniens ont demandé à Puma de
mettre fin à son contrat de sponsoring.
En 2018, Adidas a
retiré son sponsoring de l’IFA, après
une campagne de militants BDS. Donc nous
espérons que Puma fera de même.
Localement, en
Australie, Puma soutient le Carlton
Football Club [NDLR : Le Carlton
Football Club est une équipe
(australienne) de football australien],
qui me tient à cœur, parce que c’est
l’équipe dont je suis supporter. Et il
sponsorise aussi quelques autres équipes
de football. Donc nous voudrions
demander à Puma d’arrêter de sponsoriser
l’IFA.
Notre impact a été
croissant. Le mouvement a été établi en
2005 par la société civile
palestinienne. Il a impliqué plus de 170
organisations palestiniennes :
syndicats, églises, groupes de mosquées,
etc.
Ils ont dit : «
Voyez, la violence n’a pas marché. Nous
sommes contre la violence. La
négociation n’a pas marché. La seule
façon dont nous allons pouvoir faire
rendre des comptes à Israël selon le
droit international est d’utiliser le
modèle inspiré par l’Afrique du Sud, en
demandant aux pays, aux entreprises et
aux personnes de faire ce qui est juste
et de choisir de ne pas s’associer à
l’apartheid israélien et aux actions
israéliennes illégales. »
C’était il y a
seulement 15 ans. Depuis, cela a eu un
impact incroyable.
Je dis incroyable,
parce que si nous n’avons pas obtenu
qu’Israël respecte le droit
international, le soutien pour les
Palestiniens et le soutien pour la
campagne de boycott, désinvestissement
et sanctions ont augmenté.
La meilleure chose
à propos de la campagne BDS est que cela
donne une manière morale et éthique aux
êtres humains, aux entreprises et aux
pays de soutenir par votre choix les
Palestiniens.
Nous vous demandons
de faire quelque chose avec quelqu’un
qui n’est pas complice des violations
des droits humains palestiniens. Donc,
si vous achetez une imprimante, achetez
une Canon. Vous n’avez pas à acheter une
Hewlett Packard.
Si vous faites un
projet universitaire, nous vous
demandons de faire le projet avec une
université qui n’est pas sur une terre
palestinienne volée, ni une université
qui est subventionnée par de l’argent
des systèmes de fabrication d’armes
Elbit.
Elbit est un
rejeton des Forces de défense
israéliennes et il commercialise ses
produits comme étant « testés en
combat ».
Donc il dit aux
régimes répressifs dans le monde entier
: « Nous avons les systèmes de
contrôle, les scanners à reconnaissance
d’iris, les drones contrôlés par radio,
qui nous permettent de soumettre six
millions de Palestiniens — de contrôler
les vies quotidiennes de six millions de
Palestiniens. »
Je ne suis pas un
partisan du militarisme, mais si vous
allez faire quelque chose, n’utilisez
pas Elbit.
Un de nos grands
succès localement était le Royal
Flying Doctors Service [le service
royal des médecins volants d’Australie]
il y a quelques années. La compagnie
Elbit a été sur le point de gagner le
contrat pour entraîner les pilotes de
nos médecins volants. Donc les pilotes
et les simulateurs de vol qui avaient
bombardé des enfants comme dans une
partie de chasse dans la prison à ciel
ouvert qu’est Gaza allaient importer ces
compétences en Australie pour entraîner
notre service de médecins volants.
A leur grand crédit
— étant donné la vérité sur les
antécédents d’Elbit, quand ils ont
appris leurs compétences — le Royal
Flying Doctors Service n’a pas
continué [à envisager d’utiliser Elbit].
Cela a été une grande victoire.
De plus en plus,
cela arrive dans le monde entier.
L’Afrique du Sud a rétrogradé dans ses
relations diplomatiques avec Israël.
Elle a retiré son ambassade à Tel Aviv.
Dans toute l’Europe
nous avons des syndicats majeurs qui ont
conduit des entreprises à se retirer
d’appels d’offres pour construire un
système de tram que les Israéliens
bâtissent à travers des terres
palestiniennes volées.
De plus en plus,
les votants démocrates aux Etats-Unis
voient Boycott, désinvestissement et
sanctions comme un moyen légitime pour
que les Palestiniens obtiennent leurs
droits nationaux.
Et nous avons plus
d’artistes menant un boycott culturel
d’Israël. Ils refusent de se produire
là-bas.
BDS est
modelé sur le mouvement anti-apartheid
contre le système qui était à l’oeuvre
en Afrique du Sud.
Dans les
années récentes, le mot apartheid a été
de plus en plus appliqué à la situation
à laquelle sont confrontés les
Palestiniens dans leur patrie.
Pouvez-vous
nous dire pourquoi l’utilisation de
l’apartheid gagne en importance ?
Cela gagne plus
d’importance parce que c’est ce que
c’est, un apartheid. Mais nous n’avons
pas la même optique.
En Afrique du Sud
et dans le Sud profond de l’Amérique,
vous aviez des robinets qui disaient
« Pour personnes de couleur » et vous
aviez des restaurants avec des signes
disant « Blancs seulement ».
Nous n’avons pas
cette optique en Palestine-Israël, parce
que la différenciation n’est pas basée
sur la couleur de peau.
De manière
générale, c’est très facile de
distinguer un Palestinien d’une personne
juive en Europe. Mais la réalité est que
plus de 60% des juifs en Israël sont en
fait arabes, donc ils ont la même
apparence que moi. Ils ont une peau
mate, des cheveux noirs et des yeux
noirs, donc ce n’est pas facile de les
différencier.
Le différenciateur
n’est pas la couleur de peau. C’est en
fait quand vous célébrez Dieu. Si vous
célébrez Dieu le samedi, vous êtes juif,
vous avez les droits de l’état juif.
Cela a été revalorisé dans la loi de la
nation en 2018, celle qui a donné aux
seuls juifs l’autodétermination sur la
terre d’Israël.
La façon la plus
facile de l’expliquer est le casse-tête
qu’est le sionisme. Le sionisme veut
tout le pays qui correspond à l’Israël
antique, comme ils le croient. Et il le
veut juif et une démocratie. Donc tout
le pays, et il doit être juif et une
démocratie.
Mais ils ne peuvent
avoir que deux de ces choses. Juif et
démocratie, mais pas avoir tout le pays.
Ou vous pouvez avoir tout le pays et
avoir une démocratie, mais vous n’allez
pas l’avoir entièrement juif.
Ou, et c’est ce
qu’ils ont maintenant, tout le pays et
ils le veulent juif ; et ce n’est pas
une démocratie.
Près de 40% de
toute la population qu’Israël contrôle
n’a pas le droit de voter parce qu’ils
ne célèbrent pas Dieu le samedi, ils
célèbrent Dieu le vendredi ou le
dimanche, parce qu’ils ne sont pas
juifs.
Pas tous, mais une
immense portion des Palestiniens —70%,
ceux de Cisjordanie, ceux de Gaza — n’a
pas le droit de voter pour le régime qui
contrôle le registre des naissances et
des morts.
Nous utilisons tous
la même monnaie. Tout le monde, à Gaza,
à Jérusalem-Est, à Jérusalem-Ouest, en
Cisjordanie, sur les Hauts de Golan, qui
est une partie de la Syrie, et en Israël
à proprement parler, si vous voulez —la
Palestine de 1948— tout le monde utilise
la même monnaie.
Tout le monde
utilise les mêmes timbres. La même
entité contrôle tous les impôts, toutes
les frontières, les entrées et les
sorties, mais seulement ceux qui
célèbrent Dieu le samedi ont
l’opportunité d’être impliqué
complètement dans le processus
démocratique.
Ceci est
l’apartheid.
Et
finalement, Nasser, la campagne
internationale pour mettre fin à
l’apartheid en Afrique du Sud a commencé
dans les années 1960, dans les années
1980 elle avait un soutien étendu et le
système d’apartheid s’est terminé au
début des années 90.
D’après
l’opinion de BDS, quelle sorte de
changement est nécessaire en termes
d’opinion mondiale sur la Palestine? Et
comment mettra-t-on fin au système
israélien d’apartheid ?
Je suis
certainement assez vieux pour avoir
participé à quelques-unes des actions
contre l’apartheid en Afrique du Sud. Et
je me souviens de Margaret Thatcher et
de Ronald Regan échangeant des poignées
de main avec F. W. de Klerk.
Nelson Mandela
était encore en prison et dans les
grands halls du pouvoir, l’Afrique du
Sud était chouchoutée et c’est la
réalité d’Israël aujourd’hui.
De plus en plus,
cependant, des gouvernements de partout
se font dire par leurs électeurs
qu’Israël est un état d’apartheid et
cela est en train d’avoir un impact.
C’est en train
d’avoir un impact pour des choses comme
là où nous sommes aujourd’hui aux
Etats-Unis, avec une élection arrivant
dans les prochaines deux semaines et
demi.
Alexandria Ocasio-Cortez
est l’une des vedettes démocrates. Elle
a été invitée à la 25e commémoration
d’Yitzhak Rabin, qui a été assassiné par
un Israélien de droite.
Elle a été invitée
et a confirmé qu’elle viendrait. Alors,
les Palestiniens et leurs supporters lui
ont écrit et lui ont dit : « Alexandria,
nous ne pensons pas que vous devriez y
assister. Yitzhak Rabin n’était pas un
pacificateur. C’était un féroce homme de
droite avec un héritage teinté de
sang. »
Alors, c’est une
sénatrice américaine. Elle a écouté,
entendu et a retiré sa réponse positive
à l’invitation. C’est ce genre de choses
qui était inouï il y a trois ans, cinq
ans, vingt … Aucune chance.
Benjamin Netanyahou
était supposé parler à un événement dans
le Michigan avec beaucoup de
représentants de différents états dans
l’auditoire. Comme le lobby pro-Israël
est enclin à le faire, ils ont envoyé
des messages de remerciement en
présumant que les gens avaient répondu
positivement à l’invitation, parce que
vous ne l’auriez jamais refusée venant
d’eux.
Les Palestiniens et
leurs supporters se sont mobilisés dans
le Michigan et ont dit à leur
représentant élu : « Pas en mon nom.
Nous sommes des électeurs et si vous
assistez à cela, je ne voterai pas pour
vous. »
Miraculeusement, du
jour au lendemain, un email a été
envoyé, disant : « Dû à des
circonstances imprévues, cet événement
avec Benjamin Netanyahou a été annulé. »
En tant que
Palestinien, en tant que progressiste,
je suis quelqu’un qui comprend l’intersectionalité
des luttes de chacun — que ce soit la
lutte contre l’antisémitisme,
l’islamophobie, la transphobie, les
défis auxquels est confrontée notre
communauté LGBTIQ et nos frères et
soeurs autochtones en Australie et dans
le monde entier.
Le parti d’Evo
Morales a gagné une élection en Bolivie
hier, contre le gouvernement installé et
soutenu par les Etats-Unis qui a enlevé
le pouvoir à Evo Morales. Je veux dire,
c’est une victoire pour la démocratie et
une victoire pour chacun.
A un moment, nous,
le peuple, nous vaincrons en Palestine.
Nous vaincrons en Papouasie occidentale.
Nous vaincrons ici. Parce qu’en tant
qu’être humains, nous avons de
l’empathie et un sens d’humanité
partagée et nous ne pouvons nous
empêcher de nous en soucier. Le monde
est tellement plus petit qu’il l’était
avant et ils ne peuvent pas continuer à
nous mentir.
Murdoch peut bien
contrôler 70% de la presse en Australie
; de plus en plus, les gens obtiennent
l’information d’ailleurs.
Paul Gregoire

Paul Gregoire est un journaliste et
un écrivain, basé à Sydney. Ses centres
d’intérêts sont les questions de droits
humains, les empiètements sur les
libertés civiles, la réforme de la
législation sur les drogues, la
diversité de genre et les droits des
Premières nations. Avant Sydney
Criminal Lawyers®, il a écrit pour
VICE et a été le rédacteur des
informations au Sydney’s City Hub.
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