Palestine
Khodr Adnan : « N’attendez pas les
autorisations pour entrer dans al-Quds,
il y a d’autres moyens »
Khodr
Adnan
Vendredi 31 juillet 2015
Interview réalisée par Amoun
Sheikh, pour al-Akhbar
Quelques heures après la libération de
Sheikh Khodr Adnan, les autorités
ennemies l’ont arrêté au cœur d’al-Quds.
Alors que la nouvelle de son arrestation
se propageait, des voix palestiniennes
se sont élevées pour critiquer ce pas,
pendant que d’autres s’élevaient pour
critiquer son interview accordée à la
presse « israélienne ». Depuis ce jour,
les nouvelles de Adnan ont disparu, son
état de santé s’est détérioré, et il a
été transféré plus d’une fois à
l’hôpital. Les rapports « israéliens »
disent qu’il vit ses derniers jours, en
conséquence de la grève de la faim menée
sans support de vitamines et sans
examens médicaux, pendant 54 jours. Et
la knesset « israélienne » vient
d’approuver la loi sur l’alimentation
forcée des prisonniers grévistes de la
faim.
Q. Qu’est-ce qui
a changé au cours de ta deuxième grève
de la faim ?
R. Cette expérience
nous a fait acquérir, à nous
Palestiniens, une nouvelle victoire sur
l’occupant et le geôlier « israélien »,
et a suscité une nouvelle vigueur à
notre peuple et sa résistance. Elle a
convaincu beaucoup qu’il est possible,
et même nécessaire de vaincre l’occupant
et le briser. Beaucoup ne s’attendaient
pas à ce que je sorte de prison, mais
j’ai été libéré, par la grâce et la
puissance de Dieu. Il est vrai que la
précédente grève (2012) a été
accompagnée par une mobilisation
populaire et médiatique plus importante,
mais la valeur de cette victoire est
plus grande.
Au cours de cette grève, la solidarité
des Palestiniens de l’intérieur occupé
(en 48) et al-Quds a été remarquable.
Ceci est probablement dû à l’état de
division politique, mais je dois
beaucoup à notre peuple dans al-Quds et
l’intérieur. Sa voix m’est parvenue. Ils
étaient (les Maqdissis et les
Palestiniens de 48) à deux mètres de mon
lit, et ont essayé d’ouvrir les fenêtres
de ma chambre.
Q. Est-ce cela
la raison de ta victoire ?
R. Oui, Les
Maqdissis et les Palestiniens de
l’intérieur ont introduit la peur
dans le cœur du geôlier, avec
leurs slogans, comme les déclarations de
dr. Ramadan Abdallah (secrétaire général
du mouvement du Jihad islamique) ont
introduit la peur dans le cœur de la
direction « israélienne », qui a bougé
« le dôme de fer » craignant la réaction
de la résistance si je tombais martyr.
L’occupant n’a pas réalisé que Khodr
Adnan pouvait revenir à la grève.
Certains geôliers et les dirigeants
sécuritaires et des renseignements
disaient aux prisonniers qu’ils
attendaient l’instant où Khodr Adnan
reprendrait la grève. Ils disaient que
Khodr commencerait la grève mais ne la
terminerait pas, la grève se terminerait
par son martyre, puis les grèves de la
faim s’arrêteraient. Mais je suis sorti
vivant et victorieux.
Q. A ton avis,
pourquoi la mobilisation populaire et
officielle a reculé ?
R. Personnellement,
je souhaitais au cours de ma grève que
personne ne soit atteint, ni par une
arrestation ni par un martyre. Je
suppliais Dieu qu’Il allège mon fardeau,
car dans les grèves précédentes, j’ai
senti que certains voulaient me faire
payer leur attitude solidaire. De plus,
dans les grèves précédentes, le
président palestinien et le premier
ministre avaient accueilli la famille,
mais cette fois-ci, cela n’a pas eu lieu
ni au cours de la grève, ni après. En
réalité, je ne comprends pas pourquoi
est-ce ainsi, si nous sommes
politiquement divergents ! J’ai mené la
grève de la faim pour la liberté et la
dignité, et c’est une grève pour tous
les Palestiniens.
Q. Comment
perçois-tu l’avenir de la grève de la
faim en tant que moyen de pression ?
R. Je souhaite que
le bénéfice soit partagé par les
prisonniers, qu’ils mobilisent plus leur
moral et notamment après le recul des
pas collectifs dans les prisons. Je
n’aime pas mener une grève tout seul,
mais le mouvement des prisonniers n’a
plus mené des grèves collectives depuis
2004, et même en 2012, ce ne sont pas
tous les prisonniers qui ont lutté, à
cause de la division et l’influence des
partis. Il est important que les gens
sachent que les prisonniers ne veulent
pas seulement de l’argent, mais une
protection sociale qui comble le vide
lors de l’absence du prisonnier, ou même
du martyr, loin de sa famille. Je refuse
que le prisonnier demeure une icône, de
laquelle on parle seulement, car il doit
être libéré.
Q. Quelle était
la position de la famille ? Sa crainte
de ton martyre a-t-elle influé sur la
grève ?
R. Ma famille a
compris le pas de la grève. J’ai fait
mon possible pour les convaincre encore
plus, car
cette fois-ci, je n’ai pas entamé
la grève dès le début de mon
arrestation, mais après 9 mois
d’emprisonnement. J’ai reporté la grève
pour prouver à tous que si je ne menais
pas la grève, je ne serais pas libéré.
Pendant neuf mois, qui a agi pour me
libérer ? Au début, j’ai mené une grève
de la faim de sept jours, pour alerter.
Et après le troisième renouvellement,
j’ai entamé la grève, malgré ma
conviction et les mises en garde des
prisonniers que l’occupant m’emmènerait
là où il le désire. Les instructeurs
disaient : Khodr Adnan a gagné une fois,
et nous l’attendons s’il essaie une fois
encore, il ne vaincra pas.
Q. As-tu pensé,
en ton for intérieur, qu’il fallait
arrêter ou reculer ?
R. J’étais certain,
dès le début, que celui qui envisage ce
pas ne peut reculer, même s’il devenait
martyr. Au contraire, je souhaite que
les prisonniers soient libérés, sans
faim ni douleur, et ceux qui affirment
qu’ils sont contre la grève de la faim,
qu’ils agissent pour libérer les
prisonniers, de manière à éviter la
grève, s’ils le peuvent.
Q. Crains-tu une
nouvelle arrestation ?
R. Nous sommes sous
occupation. Nous l’étions et le sommes
toujours. Evidemment, car dans ma grève,
je ne réclamais pas le statut de VIP de
la part d’ « Israël », la protection
populaire et des libres de ce monde
suffit. C’est cela qui rend l’occupant
anxieux si une photo de Khodr Adnan
circule, alors qu’il est menotté et
attaché au pied gauche, selon la méthode
appelée « attaché en croix ». L’individu
qui mène une grève est affaibli, malade,
mais il est attaché sur son lit, dans
les toilettes, et même au cours de la
prière.
Q. De nombreuses
critiques t’ont été adressées pour avoir
visité al-Quds, disant que tu cherchais
la popularité..
R. Ceci a été une
critique issue d’une voix qui n’a aucune
valeur auprès des Palestiniens, et d’une
personnalité qui ne représente pas le
Fateh, et s’il l’avait représenté, je
répondrais au Fateh à ce moment. Si
j’avais recherché la popularité, je ne
serais pas entré seul, et déguisé. Ce
n’était pas par crainte de l’occupant,
mais afin que personne ne me voit, parmi
les Maqdissis, et qu’il n’y ait pas de
remous à l’extérieur d’al-Aqsa ou des
affrontements, qui briseraient la
sérénité de « la Nuit du Destin ». Je
suis entré déguisé, pour arriver
calmement et tranquillement à al-Aqsa,
pour rencontrer les maqdissis et les
Palestiniens de Cisjordanie, qui s’y
trouvaient, pour leur parler des
prisonniers et des malades.
Avant d’arriver à la mosquée, je suis
entré dans quatre maisons, celle de
l’avocat Jawad Boulos, du martyr
Mohammad Abu Khdayr, des prisonniers
Issawi et Muslimani, sans les prévenir à
l’avance, tout comme je n’ai pas
contacté les médias dans ces maisons
pour y prendre des photos. Je ne cherche
pas un poste dans le cadre de
l’occupation, qui nous écrase tous. Si
une personne s’imagine pouvoir obtenir
un passeport diplomatique ou autre
chose, tout cela ne vaut pas le sang des
martyrs et la souffrance des
prisonniers.
Lorsque je suis entré dans al-Quds, la
porte-parole de la police de
l’occupation m’a attaqué et dit : Khodr
est un terroriste et du Jihad islamique,
il est interdit d’entrer dans al-Quds.
Mais elle est aussi lâche que son
gouvernement, elle a tout de suite émis
un communiqué aux médias disant que
Adnan serait libéré quelques heures
après, pour ne pas susciter des
réactions.
Q . Tu prévoyais
d’être arrêté dans al-Quds et tu as pris
le risque ?
R. La menace est
arrivée à ma famille par l’intermédiaire
du poste militaire de l’occupation en
Cisjordanie, rapportée par une
personnaité officielle palestinienne à
des proches, et tous m’ont mis en garde
contre une arrestation. Ils ont juste
arrêté une partie de moi, mon épouse
était dans al-Aqsa et a célébré « La
Nuit du Destin », bien qu’elle ait su
que j’ai été arrêté aux portes de la
mosquée. De toute façon, j’ai prié et
célébré la Nuit du destin, dans al-Quds,
en prison. J’ai mené une grève de la
faim de quatre heures et demi, la plus
courte grève que j’ai menée jusque là.
Il faut cependant savoir que ceux qui
m’ont fait entrer dans al-Quds, ce ne
sont pas des membres du Jihad islamique,
mais de la gauche et du Fateh. Je suis
entré calmement, je n’ai pas grimpé sur
le mur. Je ne dirai pas comment je suis
entré, mais il y a une faille
sécuritaire chez l’occupant. Cela ne fut
pas difficile. Et je dis à tous les
Palestiniens en Cisjordanie : ne prenez
pas des autorisations de l’occupant pour
entrer dans al-Quds, il y a d’autres
moyens. Là où mes jambes me porteront,
j’irai librement et si je peux arriver à
Ras an-Naqura (extrême nord du pays, à
la frontière avec le Liban), j’y
entrerai.
Q. De même, des
critiques t’ont été adressées à cause de
l’interview accordée à la presse
« israélienne »
R. J’étais d’abord
hésitant, sur cette interview avec les
médias « israéliens ». Mais après la
première grève, j’ai consulté un « cher
frère », de ceux qui ont retenu le Livre
d’Allah, je ne citerai pas son nom afin
qu’il ne soit pas ciblé, et de ceux en
qui j’ai confiance et qui a passé deux
décennies en prison. Il m’avait dit que
si j’étais sûr de mes pas, il faut y
aller, et si je savais que cela
servirait notre cause, de le faire.
Je suis sceptique quant à la relation
avec la presse « israélienne »,
j’emprunte un langage fort à tout moment
et je sais que même si elle censure des
passages, elle ne changera pas mes
paroles. C’est moi-même qui donne les
réponses. On me pose des questions sur
l’est, et je réponds sur l’ouest. Malgré
cela, je n’approuve pas l’ouverture des
portes, c’est tout de même le média de
l’ennemi, mais il parvient aux
prisonniers dans les prisons. Quant à
ceux qui souhaitent que Khodr Adnan ne
rencontre pas la presse « israélienne »,
qu’il vienne me rencontrer et qu’il
fasse parvenir ma voix, et notamment
dans les médias arabes.
Q. Que
réponds-tu à ce qui a été publié dans la
presse « israélienne », que tu vivrais
tes derniers jours ?
R. Ces paroles sont
graves, et réclament que les
Palestiniens s’y attardent. C’est
probablement pour préparer la rue à
propos de quelque chose qui arriverait à
Khodr Adnan, quelque chose qu’ils sont
en train de préparer dans les coulisses.
Ils ont peut-être fait quelque chose sur
le plan médical et ils attendent les
résultats. Ils veulent également faire
passer un message aux prisonniers pour
les empêcher de faire comme Khodr, et
ils veulent masquer les traces de leur
défaite. Il n’est pas étonnant que ceux
qui ont tué Yasser Arafat, les
dirigeants et les fils de notre peuple,
fassent de même contre moi.
Mon message à ceux
qui se sont solidarisés avec ma lutte et
à la jeunesse arabe : l’occident porte
la responsabilité de ce qui se passe en
Palestine. Il ouvre les portes aux
jeunes musulmans pour qu’ils arrivent à
tous les pays, sauf en Palestine, pour
qu’ils tuent et soient tués, et élargir
ces mares de sang. C’est de la Palestine
que les défauts sont découverts. Ceux
qui se dirigent vers la Palestine,
s’élèveront, mais quiconque tourne le
dos à la Palestine, perdront. Nous avons
été influencés par ce qui s’appelle
« printemps arabe ». Voyez nos
préoccupations et notre blessure en
Palestine. Etes-vous proches de nous ou
bien lointains ?
Le sommaire de Rim al-Khatib
Les dernières mises à jour
|