Site d'information sur la Palestine, le Moyen-Orient et l'Amérique latine

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  Sommaire Pierre Barbancey  -  Massacres à Gaza  -  Originaux  -  Analyses  -  Mises à jour


Le web de l'Humanité

Sihem Bensedrine: « Le peuple tunisien n'oubliera jamais... »


Photo: L'Humanité

Vendredi 21 janvier 2011

Sihem Bensedrine porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie et rédactrice en chef de Radio Kalima, interdite par le régime, fustige l’attitude de Paris.

Le gouvernement d’union nationale annoncé lundi ne semble pas obtenir l’assentiment du peuple tunisien. Pourquoi ?

Sihem Bensedrine. La rue n’a pas reconnu ce gouvernement dans sa composition actuelle parce qu’il est infesté de vipères de Ben Ali. Au moment où je vous parle, la rue est en ébullition. Les gens exigent le départ de l’exécutif. Les membres de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) de ce gouvernement ont démissionné. En ce moment, les partis sont en réunion pour réfléchir à leur position. La rue a démis ce régime. Et elle a été choquée de retrouver ses figures de proue dans ce gouvernement. Cela a provoqué une colère terrible. Les manifestants demandent « RCD, dissolution ». Et maintenant, sur les trottoirs, sur les chaussées, vous voyez partout l’inscription « RCD, dégage ! ». Ils ne veulent plus entendre parler du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, l’ancien parti au pouvoir – NDLR).

Que faire pour éviter que la révolution ne soit trahie ?

Sihem Bensedrine. La demande de la société civile et de la rue, c’est un gouvernement provisoire, et non un gouvernement d’union nationale. Un exécutif qui gérerait les affaires courantes et qui assurerait la transition pour faire une Assemblée constituante le plus rapidement possible, qui refonderait la Constitution tunisienne et rédigerait un nouveau Code électoral sur la base duquel il pourrait y avoir des élections sincères et représentatives. À partir de cela, nous reconstruirons toutes nos institutions.

Sur quelles forces peut s’appuyer la société tunisienne pour fonder un État de droit ?

Sihem Bensedrine. Notre peuple est éduqué. Il est informé. Il réagit sur Facebook, dans la rue. Il dit ce qu’il veut. Tant qu’il y aura cet esprit chez les citoyens, dans notre jeunesse, ce sera la barrière contre toute confiscation de notre révolution. Pour reconstruire ce pays, il faut s’appuyer sur ce peuple qui est éduqué, qui sait ce qu’il veut, et qui a eu le courage d’affronter les balles traîtresses de ce dictateur mafieux.

Quelques voix seulement dénonçaient les méfaits du régime. Comment se fait-il qu’il y a un mois, tout a changé ?

Sihem Bensedrine. C’est une accumulation et il y a eu cette petite étincelle : ce jeune qui s’est immolé par le feu pour dénoncer les humiliations et la répression policière. Il n’essayait que de trouver un boulot tout à fait précaire pour survivre. Et la police a trouvé le moyen de confisquer sa marchandise. C’est la colère du peuple. Cela vient du peuple. Personne n’a encadré cela. Personne n’a prévu cela.

 Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement français n’a pas été clair lors de la mobilisation du peuple tunisien. Il l’avait été encore moins avant. Comment évaluez-vous l’attitude de Paris ?

Sihem Bensedrine. L’opinion tunisienne regarde d’un très mauvais œil l’attitude du gouvernement Sarkozy. Vous avez dit : « Il n’a pas été clair. » Il a été clair, au contraire. Nous considérons que c’est lui qui a donné le feu vert à Ben Ali pour tuer les citoyens. Le plus gros carnage a eu lieu l’après-midi du jour où le ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a rencontré Michèle Alliot-Marie. Ça a été une nuit noire. Cinquante personnes ont été tuées dans quatre localités. C’est cela, l’attitude de la France. Deux jours après, Michèle Alliot-Marie a eu l’indécence d’offrir à Ben Ali l’expertise technique de la France pour réprimer le peuple tunisien. Le peuple tunisien ne l’oubliera jamais.

Quel est le meilleur moyen, pour les progressistes européens et français, de soutenir le peuple tunisien ?

Sihem Bensedrine. Premièrement, c’est de dire fortement et clairement qu’ils soutiennent cette révolution, qu’ils vont accompagner la mise en place d’institutions démocratiques. C’est dire qu’ils ne vont pas parler de chaos et brandir des épouvantails comme le font les ennemis de cette révolution. Deuxièmement, nous demandons à l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) qui a soutenu à bout de bras ce régime, qui a fait des déclarations publiques pour accorder le statut avancé alors qu’il n’était encore qu’en négociations, qu’il prenne la parole publiquement pour présenter ses excuses au peuple tunisien qu’il a méprisé. Troisièmement, nous demandons que l’UE vienne observer ces élections. Qu’elle accompagne les observateurs tunisiens pour que les élections soient sincères.

En tant que journaliste, qu’attendez-vous pour permettre le développement de la presse tunisienne ?

Sihem Bensedrine. Au moment où vous m’avez appelée, nous avons procédé à la reconquête de notre studio, celui de Radio Kalima. Nous avons forcé les scellés qu’ils ont mis sur nos studios depuis deux ans. Nous avons reconquis notre espace de travail. Et nous allons commencer à émettre sur d’autres fréquences, même en pirates ! Les collègues de radio peuvent nous aider à avoir des émetteurs. Nous allons nous remettre au travail. Nous n’allons pas attendre qu’ils nous donnent des autorisations de fréquences, celles qu’ils se sont autoattribuées pour les donner à la fille, au cousin et au gendre de Ben Ali.

Entretien réalisé par Gaël De Santis

Le dossier Tunisie
Les dernières mises à jour

© Journal L'Humanité
Publié le 21 janvier 2011 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité



Source : Le web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/...


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient, de l'Amérique latine et de la Corse.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux