|
Interview
Pourparlers Israélo-Palestiniens
René Naba
Vendredi 1er octobre 2010
http://www.jeune-independant.net/
La
ligue arabe se réunit les 2 et 3 octobre au Caire, en vue de
faire le point des négociations israélo palestiniennes, un mois
après leur lancement, alors que le moratoire sur le gel des
constructions de nouvelles colonies en Cisjordanie occupée est
venu à expiration sans qu’il soit prolongé par le gouvernement
israélien faisant peser le risque d’une interruption des
pourparlers.
Le
président Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré, entend obtenir
quitus pour la poursuite des négociations, sans la moindre
perspective d’une concession de la part de Benyamin Netanyahu,
le premier ministre israélien, torpilleur des précédents accords
d’Oslo(1993).
Anticipant cette évolution, René Naba analyse, dans une
interview au journal algérien parue à la mi septembre, la
dynamique de ses négociations et leurs enjeux
«C’est le Hamas qui sortira vainqueur de cette pantalonnade
palestinienne»
René Naba est le spécialiste du
Moyen-Orient ayant été des années le correspondant de l’AFP dans
la région. Correspondant de cette même agence à Alger dont il
était ami de feu Boumediene, auteur de plusieurs titres
politiques…, il nous révèle ses sentiments d’un terrain qu’il
maîtrise bien : la Palestine. De ces pourparlers palestiniens,
il ne retient qu’un mot : mascarades.
Le Jeune
Indépendant : L’intérêt est suscité et les yeux du monde arabe
sont braqués sur les négociations en cours. Pouvez-vous nous
faire le point sur ces dernières ?
René Naba
: Je n’ai pas l’impression que ces négociations suscitent le
moindre intérêt. Elles donnent l’impression du déjà vu, le
remake d’un mauvais film.
Je décèle néanmoins des intérêts bien compris des participants.
Obama, à mi-mandat, cherche à redorer son blason diplomatique
alors que le bilan en Afghanistan et en Irak est désastreux (7
200 tués dans ces pays pour la coalition occidentale). Moubarak,
accompagné de son fils Jamal, a cherché à accréditer son fils
auprès des Israéliens et des Américains, en vue de sa
succession. Le roi de Jordanie, un des principaux bénéficiaires
de l’aide militaire américaine, en cautionnant de sa présence
cette mascarade, justifie ainsi son rôle de sous-traitant de la
stratégie américaine au Moyen-Orient.
Reste Benyamin Netanyahou, qui avait torpillé en 1996 les
accords d’Oslo. Avant de venir à Washington, et en deux ans de
pouvoir, il a gommé le caractère arabe de près de quatre mille
villages palestiniens, criminalisé l’enseignement de la «nakba»
– la défaite de 1948 – dans les enseignements de la couche
palestinienne de la population, accentué la judaïsation de la
Cisjordanie. Il n’a pas renoncé à la construction de colonies de
peuplement, a obtenu, pour son armée, un système de défense
balistique «Dôme d’acier»
et le blocus de Gaza est maintenu. Sa présence porte quitus de
l’administration américaine du comportement israélien, en
violation manifeste du droit international. Mahmoud Abbas, dont
le mandat a expiré, de même que celui de l’Assemblée
parlementaire palestinienne, ainsi que celui des instances de
l’Organisation de libération de la Palestine, contestée par une
large fraction palestinienne, est sous perfusion. Et c’est ce
Monsieur, sans légitimité, sans légalité, sans la moindre
représentativité, en état de grande faiblesse, qui avait engagé
le Monde arabe et musulman sur le point central de leur combat !
Le quatuor est à l’épreuve. Si ces négociations échouent, malgré
les concessions continues et interminables des Palestiniens, il
importera de dissoudre l’Autorité palestinienne, de démissionner
Mahmoud Abbas, et de confier le pouvoir au Hamas, vainqueur a
posteriori de la pantalonnade palestinienne, avec une nouvelle
stratégie de combat.
Mais on a
quand même le sentiment que le dossier du conflit est traité
autrement par l’administration Obama. Une autre approche que
celle de son prédécesseur. On est allé jusqu’à dire que la
nouvelle administration américaine s’est débarrassée du poids du
lobby pro-israélien…
Pas du
tout. Le dossier est traité par Obama dans le même objectif que
ses prédécesseurs, mais dans un habillage différent. Pérenniser
Israël, en contrepartie de concessions symboliques pour les
Palestiniens, ce qui libérerait les Etats arabes
pro-occidentaux, principalement les pétromonarchies, de leur
solidarité de façade avec la question palestinienne.
Judas est né dans la zone. Dans le passé, les Etats arabes
luttaient pour la cause palestinienne. De nos jours, ils se
servent de la question palestinienne pour obtenir des avantages
personnels auprès des Etats-Unis et d’Israël. Les Etats-Unis ont
désormais conscience que leurs intérêts à long terme dans le
monde musulman pourraient ne pas être préservés avec la
persistance du prurit palestinien. Ils cherchent à le régler à
leur avantage avec le grand basculement des rapports de force
internationaux qui est en train de s’opérer, avec l’affirmation
de la Chine, de l’Inde, du Brésil, sur la scène internationale,
et, sur le plan régional, de la Turquie et de l’Iran.
L’UE a
été écartée -preuve en est que la France a fait actionner ses
relais diplomatiques- des négociations. Quelles en sont les
raisons selon vous ?
L’Europe brasse de l’air, sans aucune originalité, ni autonomie
de décision par rapport aux Etats-Unis et aux groupes de
pression pro-israéliens. Songez que Le maire de Paris, Bertrand
Delanoë, a inauguré une esplanade à Paris en l’honneur de David
Ben Gourion, fondateur de l’armée israélienne, en pleine
tourmente de l’assaut israélien contre la flottille humanitaire
pour Gaza. La démagogie électoraliste n’est pas toujours de bon
conseil et se retourne souvent contre ses propres auteurs.
Songez que la grande œuvre diplomatique majeure de Nicolas
Sarkozy, l’Union Pour la Méditerranée, a tourné à la catastrophe
absolue et ridiculisé son promoteur.
Netanyahou a affiché sa volonté de paix. Quelle est la part de
la sincérité de la ruse. Autrement dit, quel gage donnerait-il à
la concrétisation de cette paix ?
Netanyahou n’a rien à perdre. Il a multiplié les pré-conditions
à un degré tel que sa campagne imputera aux Palestiniens tout
échec, comme cela fut le cas dans les négociations de Way
Plantation entre Arafat et Ehud Barak. Il prend des gages auprès
d’Obama, qui lui sera redevable de la moindre avancée et devra
lui rembourser comptant sur le dossier iranien.
Les
différents groupes d’opposition en territoires occupés
accepteront-ils à ce point une paix préfabriquée ? Quelles
seraient les ripostes ?
L’opposition à l’hégémonie israélo-américaine est une réalité
bien ancrée dans la conscience des peuples arabes (je ne parle
pas des gouvernants). Libanais et Palestiniens ne se paient pas
de mots et ne se contentent pas de paroles verbales. Le combat
contre la domination israélo-américaine est un fait collectif
tant au Liban qu’en Palestine, la guerre du Liban, 2006, et elle
de Gaza, 2008, ont montré au monde leur détermination à
s’opposer à l’injustice, l’oppression et la spoliation.
Un mot
sur votre ami Arafat ?
Qu’il
repose en paix au terme d’une vie de combat. Une belle épitaphe
et, a posteriori, une belle victoire morale sur son ennemi
irréductible, Ariel Sharon, transformé en légume, une triste fin
pour ce général belliqueux et impétueux. Comme quoi la force
brute et bestiale ne règle pas tout sur terre.
Entretien réalisé à Paris, Samir Méhalla
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 2 octobre 2010 avec l'aimable autorisation de René Naba.
Les
textes de René Naba
Le dossier
Monde
Les dernières mises à
jour
|