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Monde arabo-musulman - Entretien avec Pierre Piccinin : à propos du "Printemps arabe"...

Samedi 9 juillet 2011

propos recueillis par Lina TAYEB KENNOUCHE

Comment expliquez-vous le contraste entre les révolutions égyptienne et tunisienne, et la situation en Libye, où dès le départ les aspirations révolutionnaires ont été détournées par des groupes armés qui ont pour seul objectif de s’arroger la place de Kadhafi ?

Plusieurs erreurs ont été commises par la grande majorité des analystes dans l’approche de ces révoltes qui secouent le monde arabe depuis le début de l’année. Et le résultat en a été cette expression de « Printemps arabe », qui résume à elle seule la distorsion qui existe entre ce que l’on peut trouver sous la plume même des observateurs les plus avertis (je pense, par exemple, à ce que l’on a pu lire –et récemment encore- dans le Monde diplomatique) et la réalité du terrain ou, plus justement « des » terrains…

Au tout début des événements, je me suis emballé également. C’est humain. Ce qui semblait se passer était impressionnant : l’émergence d’une société civile forte dans la plupart des pays arabes ; l’idée que cette société civile, dont on ne soupçonnait pas jusqu’alors l’existence, s’affirmait soudainement partout ou presque, à la grande surprise de tous les observateurs, et qu’elle allait complètement transformer la donne en Afrique du nord et au Moyen-Orient ; une série de révolutions, en cascade… Et je me suis pris à rêver : à plus ou moins court terme, cette vaste région du monde aurait un tout autre visage, politiquement et socialement. Elle saurait certainement alors générer en son sein des mécanismes de collaboration qui lui permettrait un essor économique, lequel passerait par une maîtrise pleine et entière de ses innombrables richesses. Dès lors, l’Union européenne aurait pu –aurait dû !- reconnaître en ces pays des partenaires de choix, géographiquement très proches, et, logiquement –pourquoi pas ?-, s’ouvrir à ces peuples, accomplissant ainsi le vieux rêve de réunir les deux rives du grand lac Méditerranée, libérées de l’influence, souvent néfaste –et pour l’Europe aussi-, qui nous vient d’outre-Atlantique.

Au-delà et plus encore, ces mouvements, qui paraissaient principalement s’organiser autour de composantes à teneur sociale-démocrate forte, laissaient espérer un renouveau pour l’Europe sociale et politique : par leur engagement, par leur volonté de changer les choses concrètement, par leur soif de justice sociale et leur croyance en un avenir plus équitable, toutes ces jeunesses arabes pouvaient devenir un modèle pour les jeunesses européennes. Elles pouvaient leur redonner le courage et la foi nécessaires pour mener les combats sociaux qui s’imposent aujourd’hui, dans une Europe dont les dirigeants politiques et économiques ont saboté les objectifs originels, à savoir l’unité politique et la sécurité sociale pour tous les citoyens, et imposent au contraire, de plus en plus radicalement, le chemin d’un libéralisme économique funeste.

Mais, très rapidement, j’ai compris ce qui se passait en réalité et je me suis immédiatement désillusionné…

Ces erreurs qu’il ne fallait pas commettre dans l’analyse des révoltes arabes, j’en dénombrerais quatre, pour l’essentiel.

Tout d’abord, il est important de conserver la distance scientifique par rapport à l’objet étudié. Cela paraît évident, mais la plupart des commentateurs se sont laissé aller à cet emballement que j’évoquais et certains ne s’en sont toujours pas départis. Pire, en dépit de toutes les évidences qui s’imposent à présent, ils continuent à soutenir leur thèse de départ et refusent, consciemment ou non, de se dédire.

Deuxièmement, le piège était de considérer le monde arabe (voire arabo-musulman, si l’on inclut dans ce « Printemps arabe » les troubles qui ont ressurgi en Iran, soubresauts de la fameuse « révolution verte » de juin 2009) comme un ensemble cohérent ayant des structures politique et socio-économique uniques. Alors que, en réalité, les États arabes sont tous très différents et ne fonctionnent absolument pas de la même manière : la Libye n’est pas la Tunisie ; la Syrie n’est pas le Bahreïn. Même dans le cas de situations qui paraissent très similaires, il existe des différences fondamentales. Je pense à la Tunisie et à l’Égypte : sur le plan sociétal, ce sont deux pays très dissemblables, ne serait-ce que par le niveau éducationnel de la population ; en Tunisie, la majeure partie des citoyens sont passés sur les bancs de l’université ; c’est loin d’être le cas en Égypte, où les masses analphabètes s’entassent par millions dans les quartiers populeux du Caire et des grandes villes, sans parler des campagnes.

La troisième erreur, c’est cet acharnement à vouloir comparer les révoltes arabes aux révolutions qui ont eu lieu en Europe au XIXème siècle, à la révolution française de 1789, notamment, ou au Printemps des peuples de 1848. La conséquence en est l’application de schémas et de grilles d’analyse complètement inadéquats qui donnent de ces révoltes arabes une image tout à fait déformée et inexacte. La France de 1789 n’est pas l’Égypte de 2011. Le Moyen-Orient du XXIème siècle n’est pas l’Europe du XIXème. Et l’avenir de ces révoltes ne passera pas par les mêmes vicissitudes et ne connaîtra pas le même développement que l’Europe a connu au XIXème siècle.

Enfin et surtout, quatrièmement, il y a systématiquement eu confusion sémantique entre « révolte » et « révolution » : je n’emploierai pas le terme « révolution »  pour qualifier ce qui s’est passé, même en Tunisie et en Égypte. En effet, le système politique qui y met le pays en coupe n’a pas été renversé. Quelques têtes sont tombées –c’est vrai-, mais tout l’appareil de gouvernement et les réseaux économiques qui gravitent autour de lui, cet ensemble cohérent qui détient les moyens de financement et contrôle les rouages étatiques, est encore en place et gouverne toujours. Les révoltes ont résulté de coups de colère spontanés, mais désorganisés, et, sans leaders déterminés et conscients des objectifs à atteindre pour changer de régime, l’essai n’a pas été transformé, la révolte n’a pas abouti à une révolution.  

En Égypte comme en Tunisie, les figures de proue du régime se sont retirées sous la pression de la rue. Elles ont servi de fusibles, en somme, et la population s’en est satisfaite (moins en Tunisie qu’en Égypte) ; et certains devront accepter de jouer le rôle de boucs-émissaires et de subir procès et jugements. Mais ce ne sont là qu’apparences : les seconds couteaux ont pris le relais. Ce sont eux qui siègent aujourd’hui dans les « gouvernements provisoires », soutenus en coulisse par l’establishment. Quant à l’armée, qui a affirmé s’être rangée du côté des révoltés, elle s’est en fait mise en situation de pouvoir encadrer et gérer ces révoltes, de les maîtriser en douceur. En Tunisie, la police politique de Ben Ali est toujours en activité et continue d’inquiéter les opposants. Le système est intact. C’est, dès le départ, totalement différent de ce qui s’est passé en France en 1789 ou en 1848…

Quant à la Libye, il s’agit d’un cas tout à fait spécifique : on est bien loin, en Libye, sur le terrain des opérations, de l’image virtuelle et simplifiée, véhiculée par la plupart des médias, d’une rébellion populaire opposée à la dictature féroce du gouvernement de Mouammar Kadhafi.

La société libyenne, en effet, se structure en un ensemble de tribus, dont les intérêts divergent ; organisées en fonction de liens de parenté solides, elles sont elles-mêmes segmentées en plusieurs clans, plus ou moins rivaux, dont les alliances se recomposent en permanence, en fonction des circonstances et d’intérêts sur le très court terme.

Ainsi, s’il est vrai que, au début des événements, le 17 février 2011 et durant les jours qui ont suivi, on a pu voir l’émergence, timide cela dit, d’une société civile s’exprimant lors de manifestations hostiles au colonel Kadhafi, d’une jeunesse urbaine éduquée issue de la classe moyenne, ces mouvements sont néanmoins restés très limités et ont rapidement servi de prétexte aux soulèvements de chefs de clans, auxquels ils ont cédé la place, et lesquels ont plongé la Libye dans le chaos.

Ces chefs de clans n’ont toutefois pas l’ambition de remplacer Kadhafi : ils ont récupéré la maîtrise de leur espace traditionnel et ne voient pas du tout l’intérêt de faire la guerre aux autres tribus pour conquérir d’autres espaces. Ainsi, le Conseil national de Transition, ce gouvernement autoproclamé reconnu par la France, ne parvient pas à fédérer ces clans pour lancer une réelle offensive contre le sud (le Fezzan) et l’ouest (la Tripolitaine), dont les tribus sont restées fidèles à Mouammar Kadhafi.

Sans le soutien de l’OTAN, cela fait longtemps que l’armée régulière libyenne aurait remis de l’ordre dans le pays.

Comment analysez-vous la stratégie contre-révolutionnaire déployée aujourd’hui par les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe ? La révolution égyptienne, par exemple, semble menacée : les jeunes ont appelé à des manifestations pour préserver leur projet, rappeler leurs revendications premières et mener à terme le processus de transition démocratique. Quelles forces tentent-elles de freiner les changements ?

Je ne suis pas convaincu qu’il existe une « stratégie » de la part des Etats-Unis, dont le but serait de contrer les  « mouvements révolutionnaires ».

Si, lorsque les révoltes ont commencé, une vive inquiétude s’est manifestée à Washington, de voir voler en éclats l’échiquier nord-africain et moyen-oriental, qu’ils avaient patiemment organisé pour s’en assurer la maîtrise, très rapidement, ces craintes ce sont dissipées, lorsqu’il s’est avéré que les révoltes n’aboutissaient pas.

D’où l’absence de réaction des Etats-Unis, face à une opposition désorganisée et incapable d’imposer le changement.

En Égypte, la « nouvelle » constitution a été rédigée en deux temps et trois mouvements, par un comité restreint « d’experts », nommés par le gouvernement provisoire, constitué presqu’uniquement d’anciens moubarakistes, avec, en termes d’opposition, le seul concours des Frères musulmans, qui ont ensuite appelé au vote du texte lors du referendum, lui aussi organisé illico presto, le 19 mars: les Égyptiens, encore tout étourdis par la chute de Moubarak et confiants en la « révolution », ont massivement soutenu ce texte et l’ont approuvé par 77 % des votes.

L’affaire est donc dans le sac pour les tenants de l’ancien régime qui, de surcroît, bénéficient désormais de l’aval « démocratique » que leur confère le referendum… Les élections législatives, programmées en septembre, ne réserveront donc guère de surprise ; des élections qui arrivent beaucoup trop tôt pour une opposition à peine en train d’entamer sa reconstruction.

Idem en Tunisie : le gouvernement provisoire (toujours composé, pour l’essentiel, des ministres choisis par Mohamed Gannouchi, l’ancien premier ministre de Ben Ali, démissionnaire) veut hâter au maximum l’élection de « l’Assemblée nationale constituante », qui sera chargée de rédiger une nouvelle constitution, avant des élections législatives et présidentielles, et ce de sorte à couper l’herbe sous le pied de l’opposition en ne lui laissant pas le temps de s’organiser en vue de ces élections. Initialement prévue en juillet, l’élection de cette « Assemblée constituante » a finalement été reportée en octobre, à la demande de l’opposition. Mais ce court laps de temps supplémentaire suffira-t-il à l’opposition pour qu’elle puisse mener campagne pour affronter ce puissant establishment qui s’est reconverti sous de nouvelles étiquettes ?

Derrière les apparences, les anciens maîtres restent aux commandes de ces États et de l’ensemble du secteur économique. On peut dormir tranquille à la Maison blanche…

Quant aux monarchies du Golfe, elles ne craignent pas réellement de déstabilisation, car la majeure partie de leur population est économiquement satisfaite des retombées financières du secteur pétrolier et ne souhaite  pas mettre en danger sa situation.

Le cas du Bahreïn, ainsi, est très exceptionnel. Mais l’opposition a été très rapidement écrasée, dans un bain de sang, et avec l’accord tacite des Etats-Unis, présents dans ce pays avec la cinquième flotte et une armée de plus de trois mille soldats.

Pensez-vous que les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite pourraient réussir dans leur tentative d’exploiter la situation instable du Yémen, et d’instrumentaliser les divisions entre les opposants d’Ali Abdallah Saleh pour anéantir le projet révolutionnaire?

Le cas du Yémen est comparable, jusqu’à un certain point, à celui de la Libye : l’opposition civile, très minoritaire, a été débordée par les chefs de bandes qui font désormais la loi dans plusieurs régions du pays.

Si les Etats-Unis, mais surtout l’Arabie Saoudite, s’inquiètent de cette situation de chaos, ce n’est pas tant parce qu’ils craignent un « projet révolutionnaire » qu’à cause de la présence, dans ce cas précis, de mouvements islamistes radicaux, dont une filière d’al-Qaïda, qui pourraient profiter du désordre pour s’implanter durablement et menacer la région du Golfe.

C’est pourquoi l’Arabie Saoudite s’est dite prête à une intervention militaire, comme au Bahreïn, qui pourrait bien recevoir l’accord du Conseil du Golfe, pour justement balayer les oppositions et soutenir le président Saleh ou, à défaut, l’appareil politique qu’il a installé aux commandes du Yémen.

Toutefois, le nombre important d’acteurs claniques et résistants rend la situation extrêmement complexe et la crise pourrait devenir ingérable et déboucher soit sur une intervention longue et coûteuse, comme en Afghanistan par exemple, soit sur la somalisation du pays, si l’intervention échouait.

Mais, pour l’instant, le régime d’Ali Abdallah Saleh n’a pas encore dit son dernier mot.

L’opposition syrienne est divisée. Jusqu’ici on  ne sait pas grand-chose des opposants de l’intérieur. Sont-ils représentatifs du peuple syrien ?  Quelle est l’influence des Frères musulmans au sein de l’opposition?  Quel est son programme ?

Le cas syrien est encore différent des autres « révolutions » arabes.

Tout d’abord, il faut bien faire la différence entre l’opposition démocratique, très minoritaire, et les révoltes, parfois armées et qui ont nécessité une intervention militaire.

Ces révoltes, violentes, ne sont en effet pas généralisées à tout le pays et ne concernent que deux territoires bien délimités situés, l’un, au nord-ouest, le long de la frontière turque, et, l’autre, à l’extrême sud-ouest, autour de la ville de Deraa. Un troisième foyer s’est déclaré dans la ville de Hama, ville très religieuse et fief des Frères musulmans syriens. Chacun de ces territoires s’est insurgé pour des raisons différentes, et différentes aussi des motivations des manifestants réclamant des réformes démocratiques.

Très puissants en Syrie et idéologiquement ultra-radicaux, les Frères musulmans syriens représentent probablement la branche la plus intransigeante de ce mouvement au Moyen-Orient, bien moins accommodants que leur équivalent égyptien par exemple. Profitant des troubles qui touchent la Syrie, ils ont relancé la révolte qu’ils avaient déjà soulevée à Hama, en 1982, contre Hafez al-Assad (le père de l’actuel président), qui avait réprimé l’insurrection dans le sang.

Au nord-ouest, la population est essentiellement composée de Turcomans, descendants de populations turques ; ils sont également très présents à Hama, aussi à Homs, ville plus au sud de la frontière où de violentes altercations ont eu lieu avec les forces de l’ordre. Soutenus par Ankara, des éléments de cette communauté revendiquent une autonomie régionale, revendication tout à fait contraire à la conception de l’État baathiste.

Au sud-ouest, enfin, Deraa et ses environs abritent une très large majorité de Druzes. Historiquement repoussée et concentrée dans cette région, la communauté druze a toujours été écartée du gouvernement et socialement défavorisée. L’appel à manifester contre le pouvoir alaouite a été l’occasion pour elle de se révolter contre l’hégémonie de Damas.

En revanche, le régime bénéficie du soutien de plusieurs autres communautés (et notamment des Chrétiens), qui craignent l’essor du courant islamiste radical, dont les intentions sont très claires : l’instauration d’une république islamique sans concession et l’éradication du christianisme et des courants musulmans considérés comme hérétiques. Il jouit aussi du soutien d’une large partie de la bourgeoisie sunnite, laquelle se félicite des mesures économiques promues par Bashar al-Assad depuis son accession à la présidence.

En Syrie également, on est loin de l’image simpliste du « Printemps arabe ». 

La Turquie a reconnu le CNT libyen ; elle s’est également rapprochée de l’opposition syrienne, peut-être dans l’espoir de faire de ces opposants les principaux leviers de son influence. A-t-elle rejoint le camp de la contre-révolution en abandonnant son jeu équilibriste

Ma réponse sera brève, car je ne suis nullement spécialiste de ce pays et, surtout, je crois que, en ce moment, personne ne voit vraiment bien clair; et les analystes se demandent quel jeu joue la Turquie, notamment envers la Syrie de Bashar al-Assad, avec laquelle elle avait pourtant passé de nombreux accords économiques, très fructueux pour les deux parties et qui avaient mis la météo de leurs relations au beau fixe.

Il en va de même, d’ailleurs, en ce qui concerne l’attitude de la Turquie à l’égard d’Israël : l’épisode du massacre des citoyens turcs lors de l’abordage de la Flottille de la Paix semblait avoir ruiné les relations entre les deux pays. Mais, tout en protestant et en gesticulant, Ankara a maintenu, dans les faits, d’excellents rapports avec Israël. Par exemple, les mesures d’interdiction de l’espace aérien turc à l’aviation israélienne, qui avaient été prises en représailles, ont été très rapidement levées…

Enfin, le revers de la Turquie à l’égard de la guerre en Libye laisse également perplexe.

Ne faudrait-il pas y voir l’influence croissante de son partenariat privilégié avec Washington ?

Comment analysez-vous la situation de l’Iran. Que se passera-t-il si Téhéran mettait sa menace à exécution ?

L’Iran est un cas très complexe et qu’il n’est pas aisé de résumer en quelques mots.

Je qualifierais l’Iran de « démocratie empêchée » : l’Iran, en fin de compte, est à ce jour le seul pays de l’espace arabo-musulman à avoir réussi une révolution qui, il y a trente ans, a débarrassé tout un peuple d’une effroyable dictature, celle du Shah, soutenu par les méthodes terribles de la CIA et de sa police politique, la Savak, dont les pratiques effrayaient même les agents états-uniens.

Mais il s’agit d’une démocratie très neuve encore et qui, à peine éclose, a été soumise à des menaces de déstabilisation et des pressions internationales telles, politiques mais aussi économiques, dont un embargo sans concession, que le gouvernement de cette jeune république n’a pas pu agir autrement qu’en durcissant son autorité pour faire face à cette situation de crise permanente. L’Iran, en somme, est un pays à proprement parler en état de siège depuis trente ans.

Placez n’importe quelle démocratie (européenne par exemple) dans les mêmes conditions et vous verrez se produire les mêmes effets de radicalisation des autorités. Faut-il rappeler, pour mémoire, l’attitude de la France en Algérie ? Les tortures et les violations innombrables des droits de l’homme dans ce contexte ? En 1961, la police française, à Paris, paniquée face à une manifestation de plusieurs milliers d’ouvriers algériens en faveur de l’indépendance de leur pays d’origine, a ouvert le feu : ce jour-là, on jetait les cadavres des manifestants dans la Seine !

La répression de la « révolution verte » de juin 2009, qui a récemment connu quelques soubresauts, est relativement comparable : surprises par ce mouvement de contestation dont elles ne savaient s’il s’agissait d’un phénomène strictement interne ou d’une révolution fomentée par l’étranger (à l’instar de ces « révolutions colorées » qui ont ébranlé l’Europe de l’est, par exemple), les autorités, dans ce contexte de siège permanent, n’ont pas attendu pour arrêter tout cela.

Il ne s’agit pas ici de déterminer si le président Ahmadinejad a oui ou non été légalement réélu (à ce propos, je dirais qu’il y a eu des fraudes, certes, mais que, soutenu par les masses populaires déçues du détricotage social amorcé par ses prédécesseurs, il a effectivement remporté l’élection).

Il s’agit en revanche d’affirmer le droit de l’Iran à l’autodétermination.

Dans ce cadre, la question n’est pas de savoir ce qui se passera si l’Iran ferme le détroit d’Ormuz en cas de bombardement de ses sites nucléaires, comme il en a fait la menace, mais de s’interroger sur le droit que les Etats-Unis ou Israël auraient d’intervenir militairement dans un État souverain, fût-il en passe de se doter de l’arme nucléaire.

Tout le monde sait qu’Israël possède cet armement, illégalement. Comment pourrait-il dès lors justifier une agression à l’encontre de son voisin sous le prétexte de l’empêcher de faire de même ?

La contre-révolution est-elle en train de ressusciter  le projet du Nouveau Moyen Orient ?

En un mot : ce projet états-unien de refaçonner le Moyen-Orient est en bonne voie et n’a, en définitive, jamais été réellement en péril, même si la chute de Ben Ali, puis la démission de Moubarak avaient laissé craindre le pire.

Au contraire, dans certains cas, comme en Égypte ou en Tunisie, où les régimes ont maintenant l’apparence de la démocratie, comme en Libye (si l’OTAN parvient à ses fins), sa réalisation pourrait même avoir été accélérée par le « Printemps arabe ».

Lien(s) utile(s) : Al-Balad (édition en français - version online).

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Source : Pierre Piccinin
http://pierre.piccinin-publications.over-blog.com/...

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