L’étranglement de la population
de Gaza par Israël
Une flottille internationale au secours de Gaza
Tanks israéliens aux frontières
de Gaza
Mardi 13 avril 2010
La population de Gaza est victime du plus grand scandale
de notre temps. Gaza est à l’agonie non pas à cause d’une
catastrophe humaine naturelle mais à cause d’une catastrophe
minutieusement organisée et exécutée par Israël. Une coalition
internationale, qui rassemble nombre d’organisations et
mouvements, se prépare à envoyer une flottille de dix bateaux
pour briser le blocus israélien illégal qui asphyxie Gaza. Paul
Larudee, un participant californien à cette audacieuse
entreprise, répond aux questions de Silvia Cattori.
Silvia Cattori :
Avec le Free Palestine Movement
californien que vous présidez, vous vous
préparez à vous joindre en Méditerranée à un convoi composé
d’une impressionnante flottille. Vous étiez à l’origine du
projet dont les bateaux ont réussi à accoster Gaza en août 2008.
Ce succès avait alors consacré la naissance du Free Gaza
Movement (FGM).
Qu’est-ce qui n’allait pas avec ce mouvement qui vous a conduit
à en créer un autre [1] ?
Paul Larudee :
Nous n’étions à l’origine qu’un petit groupe de gens basés en
Californie que le projet de partir à Gaza par mer avait réunis.
Après avoir réussi à naviguer avec notre groupe jusqu’à Gaza,
pour la première fois en 40 ans, je pensais que, après ce test
réussi, Free Gaza devait s’en tenir là et
cesser d’envoyer des petits bateaux sans envergure et sans
matériel conséquent. Qu’il fallait envisager quelque chose de
plus ambitieux susceptible d’ouvrir à la population de Gaza des
perspectives concrètes. Je pensais qu’il fallait organiser un
système régulier de transport de marchandises et de passagers
capable de contribuer à l’amélioration de la vie des
Palestiniens de Gaza.
Après cette expérience,
notre groupe s’est scindé en plusieurs groupes, dont celui qui
est devenu le Free Palestine Movement. De
nouveaux groupes sont nés qui ont créé d’autres initiatives, et
ont poursuivi la lutte pour contraindre Israël et l’Égypte à
lever le blocus qui enferme Gaza [2].
Aujourd’hui le mouvement
prend de l’ampleur. Grâce aux efforts de plusieurs ONG - pas
seulement européennes - soutenues par des volontaires et des
personnalités de 30 pays, une grande coalition s’est créée [3], ;
elle prépare l’envoi d’une flottille de dix navires qui vont
transporter plus de 500 personnes, et trois cargos qui vont
livrer 5’000 tonnes de matériel urgent à Gaza.
C’est la plus grande
initiative internationale de ce genre jamais organisée. 30 pays
sont représentés par les gens qui vont partir avec ce convoi
maritime. Le départ vers Gaza est prévu dans le courant de mai
et les bateaux devraient atteindre leur destination avant la fin
du mois.
Silvia Cattori :
Avec quel groupe le Free Palestine Movement
va-t-il naviguer ?
Paul Larudee :
Nous allons naviguer avec les bateaux affrétés par le
Greek Free Gaza Movement. Chaque groupe est
responsable de ses propres bateaux et des passagers qu’il prend
à son bord.
Silvia Cattori :
Quelques jours après
l’annonce de cette coalition destinée à secourir Gaza, il y a eu
des menaces sur des militants [4].
Les organisateurs de cet impressionnant convoi n’ignorent pas
que l’armée israélienne et ses agents se préparent certainement
déjà à faire capoter ce projet ?
Paul Larudee :
Avec une flotte de cette importance, dont les préparatifs ont
duré plus d’une année, les organisateurs ont fait ce qu’ils
pouvaient faire de mieux. La dimension de ce convoi se hausse à
la hauteur de la tâche. Elle devrait rendre plus difficile toute
tentative d’interdire le passage de la flottille.
Silvia Cattori :
Cela n’en reste pas moins un défi dont l’issue
est incertaine. Israël cherche notamment à liquider la direction
du Hamas à Gaza. Ses agents se sont toujours servis du mouvement
de solidarité pour faire du renseignement en Palestine. La
suspicion demeure qu’Israël a laissé accoster plusieurs bateaux
conduits par Free Gaza
en 2008 parce qu’il y avait trouvé son
intérêt. Quand il n’y a plus trouvé son intérêt, il les a
stoppés [5].
Ce qui nous laisse penser qu’il ne laissera passer votre convoi
que s’il y trouve son compte. Ou si, en cas d’épreuve de force
en mer, votre flottille se voyait assurée du soutien d’États.
Comment les organisateurs de ce convoi vont-il résoudre la
question cruciale des infiltrations ?
Paul Larudee :
Nous sommes des groupes ouverts et transparents. Nous sommes
bien sûr conscients de tout cela et prenons des précautions en
conséquence. Je crois que nos alliés palestiniens qui attendent
notre arrivée savent mieux que quiconque que, malgré toutes les
précautions, l’infiltration d’agents est possible. Cela fait
partie du jeu.
Silvia Cattori :
Avez-vous établi une
stratégie dans le cas où Israël vous barrerait le passage ?
Paul Larudee :
Oui, bien sûr. Je crois que ce ne sera pas chose facile pour
Israël de nous barrer la route. Il y aura à bord des
personnalités éminentes. Il y aura des journalistes. Il va être
difficile aux médias qui voudraient l’ignorer de passer sous
silence une flottille de cette ampleur et comprenant autant de
personnalités ayant pour but de porter secours à une population
en grande détresse.
Israël n’a aucune légitimité
à empêcher notre convoi de naviguer dans les eaux
internationales, puisque nous n’entrons pas dans des eaux
reconnues par aucune autorité – y compris israélienne - comme
territoire israélien. Nous sommes déterminés à ne pas nous
laisser stopper par son armée car c’est notre droit de naviguer
dans cette zone. Nous allons résister ; nous ne céderons pas. La
marine israélienne devra faire usage de la force, envoyer des
commandos à bord de nos bateaux….
Silvia Cattori :
Depuis 43 ans, aucun
bateau palestinien n’a jamais pu franchir cette zone ; la marine
israélienne coule les bateaux palestiniens. Tout n’est-il pas
envisageable ?
Paul Larudee :
Toutes sortes de scénarios sont prévus. Nous nous préparons à
mobiliser l’opinion publique et à faire connaître notre droit de
navigation. Des avocats sont prêts à intervenir et à nous
défendre si ce droit est menacé. Nous pouvons compter sur
l’effet médiatique qu’une pareille opération ne manquera pas de
provoquer. Plus de 30 pays vont avoir des ressortissants à bord
de ces bateaux. Ils feront appel à leurs gouvernements. Quant au
Free Palestine Movement, il peut compter sur
l’appui de membres du Congrès des États-Unis. Barbara Lee,
représentante de notre département en Californie, est prête à
défendre nos droits. Je suis assez optimiste.
Silvia Cattori :
Quand on parle avec
des gens à Gaza, on les sent très désabusés sur les va-et-vient
d’internationaux. Ils disent n’en avoir jamais vu de retombées.
La première fois, les bateaux de Free Gaza ont suscité de la
joie. Puis cela les a laissés totalement indifférents. C’était
pour eux des effets médiatiques sans conséquences. En quoi ce
nouveau convoi pourra-t-il véritablement trancher ?
Paul Larudee :
Après le premier accostage en août 2008 avec les deux petits
bateaux symboliques, je souhaitais que l’on transforme ce succès
en envisageant la réalisation de projets plus substantiels : un
cargo et l’utilisation de cette voie maritime pour transporter
des marchandises et permettre aux gens de Gaza de faire des
échanges commerciaux librement. Je n’étais donc pas très content
de répéter l’envoi de petits bateaux à Gaza. Maintenant on voit
que la grande coalition internationale est en train de réaliser
ce grand projet. En tant que Free Palestine Movement, nous avons
pour mandat d’assurer qu’il y ait une présence de personnalités
états-uniennes parmi les participants au convoi.
Silvia Cattori :
Une question est toujours posée par des gens qui
ont contribué financièrement au succès de Free Gaza.
Combien d’argent a-t-il été
englouti dans l’achat de bateaux et les dépenses des militants ?
Paul Larudee :
Un demi-million d’Euros a été dépensé pour l’achat des deux
premiers bateaux et couvrir les dépenses des militants du
Free Gaza Movement durant deux ans de
préparatifs. C’est bien sûr beaucoup. Il est difficile de
justifier un tel niveau de dépenses à long terme. Mais, cette
fois, ce qui sera dépensé par les groupes qui composent la
flottille devrait se voir justifié par des résultats plus
concrets.
Silvia Cattori :
Votre action
est-elle humanitaire ou politique ?
Paul Larudee :
Ni l’une ni l’autre. C’est une action en faveur des droits
humains. Nous ne sommes pas liés à des partis politiques ; nous
livrons une aide humanitaire à Gaza dans des circonstances dont
la gravité nous impose de le faire. Nous voulons appeler la
communauté internationale à faire appliquer le droit des
Palestiniens de Gaza ; y compris le droit de sortir de Gaza. La
liberté de mouvement est un droit qui doit être garanti à toute
personne. Le Free Palestine Movement s’est
engagé à soutenir le droit international et les droits humains
du peuple palestinien.
Silvia Cattori :
Il n’y aura de solution que politique. Raison
pour laquelle les militants palestiniens [6]
considèrent que le soutien des mouvements est effectif
uniquement s’il se fonde sur deux exigences : le refus de
l’occupation coloniale et la reconnaissance des droits
fondamentaux des Palestiniens. Tous ceux qui vont naviguer avec
le Free Palestine Movement
sont-ils appelés à se déterminer à ce
sujet ?
Paul Larudee :
Tous les participants comprennent que ces principes sont à la
base de ce projet et de notre message. Toutefois il y a des
considérations stratégiques ; la présence de telle personnalité
est déjà en soi un acte de résistance à l’occupation, même si
sur les principes elle ne se prononce pas. Chaque personne a ses
propres raisons quand elle accepte de se rallier à ce projet. Et
nous avons nos propres raisons stratégiques en choisissant de
l’inviter.
Silvia Cattori :
Vous avez d’autres
actions en projet ?
Paul Larudee :
Oui nous avons de nombreux projets. Notre objectif est toujours
le même : mettre en cause Israël à propos de ses violations des
droits humains. Nous envisageons l’envoi d’un avion à Gaza à la
fin de l’année. Dans l’immédiat, nous sommes concentrés sur les
préparatifs liés à notre participation à la flottille.
Silvia Cattori :
Ce n’est que le
commencement d’une longue lutte ?
Paul Larudee :
Nous espérons pour le peuple palestinien qu’elle ne soit pas
trop longue ; et que la libération de la Palestine ne soit pas
trop lointaine. La patience est une vertu ; mais l’impatience
est elle aussi vertueuse.
Silvia Cattori
[1]
https://www.freepalestinemovement.org/index.php
[2]
La Gaza Freedom March, Viva
Palestina, le Greek Free Gaza Movement
basé à Athènes, et le Free Palestine Movement
basé en Californie.
[3]
Cette coalition est composée de l’
European
Campaign to End the Siege on Gaza
(ECESG), de l’ONG turque des droits humains
Insani Yardim
Vakfi (IHH), de la
Greek Ship
to Gaza campaign, de la
Swedish
Ship to Gaza campaign, et du
Free Gaza Movement.
[4]
Voir :
http://savegaza.eu/eng/index.php ?id=309
[5]
Par trois fois, en 2008, Israël a laissé passer les bateaux de
Free Gaza. Par la suite, les autres tentatives ont été stoppées.
[6]
La
Palestinian
campaign for the academic and cultural boycott of Israël
(PACBI) a demandé aux mouvements de solidarité internationale
qui veulent soutenir leur juste cause, de respecter deux
conditions. Primo : tout projet doit exprimer une forme de
résistance à l’occupation. Secondo : ceux qui participent à des
projets doivent appuyer les droits fondamentaux des
Palestiniens ; avoir des postions qui ne mettent pas en
discussion ces droits.
Ce sont des mesures qui devraient être
maintenues jusqu’à ce qu’Israël reconnaisse le droit inaliénable
des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement
les préceptes du droit international en mettant fin à son
occupation et à sa colonisation de tous les terres Arabes et en
démantelant le Mur ; en reconnaissant les droits fondamentaux
des citoyens Arabo-Palestiniens d’Israel à une égalité absolue ;
en respectant, protégeant et favorisant les droits des réfugiés
palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme
stipulé dans la résolution 194 de l’ONU.
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