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ENTRETIEN AVEC PAUL-ÉRIC
BLANRUE
Sarkozy
ou la souveraineté nationale en péril ?
Paul-Eric Blanrue
Lundi 29 juin 2009
« Le livre de Paul-Éric Blanrue, Sarkozy, Israël et les juifs
(*) s’il arrive à être diffusé, fera date. C’est le premier
ouvrage à braquer les projecteurs sur ces groupes de pression,
qui évidemment veulent agir dans l’ombre, même si leur influence
devient de plus en plus évidente depuis l’élection de Sarkozy »,
observe le physicien belge Jean Bricmont (**). Car si le livre
est distribué dans divers pays, et fait déjà l’objet de quatre
traductions, il n’est pas encore diffusé dans le propre pays de
l’auteur, la France !
Paul-Éric Blanrue, 42 ans, est un personnage franc, attachant.
Il fait partie de ces historiens qui contestent la légitimité de
lois qui portent atteinte à la liberté d’expression, comme la
loi Gayssot et qui se rebellent à juste titre contre
l’intoxication et la désinformation médiatique et politique.
Silvia Cattori :
Votre livre
« Sarkozy, Israël et les juifs » permet de comprendre en quoi
les liens tissés entre Nicolas Sarkozy et les différents réseaux
sionistes en France, et dans le monde, sont dangereux pour la
souveraineté nationale. Liens qui ramènent évidemment à l’Etat
juif d’Israël : le cœur du problème. Quel évènement précis vous
a-t-il conduit à écrire ce livre en toute hâte ?
Paul-Éric Blanrue :
Ce qui m’a fait réagir c’est quand, après le carnage de l’armée
israélienne à Gaza, la France de Sarkozy a envoyé la frégate
Germinal [1]
pour empêcher le transfert d’armes aux Palestiniens assiégés.
Cette nouvelle m’a fait bondir parce que c’était un acte
politique très clair de la part de la France en faveur d’Israël.
C’était un acte d’autant plus grave, à mon sens, que les
Etats-Unis n’y avaient pas pris part.
« Sarkozy,
Israël et les juifs » a vraiment commencé à exister à partir
de ce moment-là, avec ce qui s’est passé à Gaza. J’ai été
scandalisé par la façon dont la France a réagi à ce massacre,
dont Bernard Kouchner et les proches de Sarkozy en ont parlé,
dont Bernard-Henry Lévy (BHL) en a disserté dans « Le
Point ».
J’ai alors cherché à montrer
les accointances qu’il y avait, malgré une réserve de surface,
entre BHL, et un certain nombre de personnages qui se prétendent
de gauche. Qu’il y avait une véritable coalition du monde
intellectuel parisien, de cette intelligentsia déliquescente,
avec la politique pro-israélienne de Sarkozy. Que c’était très
grave.
Cela dit, je suis un
observateur de la chose politique. J’avais déjà accumulé de
nombreuses informations lors de la rédaction, l’an passé, d’un
petit livre sur le mariage de Sarkozy [2].
J’avais suivi sa campagne électorale ; j’avais remarqué comment,
grâce à Henri Guaino [3],
il avait réussi à se faire passer pour un « gaullien ». Il était
parfois libéral dans ses discours. Dans d’autres très
protectionniste. La question était : qu’est-ce que cela va
donner ?
Par la suite j’ai constaté
que la stratégie ouvertement pro-israélienne de Sarkozy, n’avait
pas été seulement une tactique pour se faire élire, mais qu’il
continuait de s’y tenir. Les résultats sont là. On voit
aujourd’hui qu’il s’y est accroché et qu’il est aussi voire plus
pro-israélien que ne l’était George W. Bush.
Au mois de janvier 2009
qu’est-ce qu’on a vu ? Alain Finkielkraut se faire décorer de la
légion d’honneur [4].
Et en avril c’était au tour d’André Glucksmann. Et que tout cela
était logique, répondant à une logique incroyable ! Et qui
voit-on aujourd’hui défiler, au Trocadéro contre le Président
Ahmadinedjad ? On voit les mêmes ! On voit Pascal Bruckner, BHL,
Alain Finkielkraut, André Glucksmann, Jack Lang. Bref tout
l’entourage pro-israélien de Sarkozy.
Silvia Cattori :
BHL ne faisait-il
pas partie de l’entourage de Mme Royal ?
Paul-Éric Blanrue :
BHL a fait partie de l’entourage de Ségolène Royal durant la
campagne électorale, mais pas très longtemps. Elle ne doit pas
être considérée comme suffisamment sioniste par le réseau
pro-israélien [5].
C’est une des rares personnalités politiques à avoir émis des
réserves sur le dîner du CRIF.
Silvia Cattori :
On sent un vent de
liberté chez vous, une énergie toute juvénile, une force, une
gravité. C’est fascinant. C’est donc cet alignement de la France
sur la politique d’un pays qui prêche la guerre contre ses
voisins arabes et l’Islam, qui vous a conduit à réagir ? Est-ce
à dire que « Sarkozy Israël et les juifs » n’aurait jamais vu le
jour sans cette alliance entre la France de Sarkozy et Israël ?
Paul-Éric Blanrue :
En effet. C’est l’envoi par Sarkozy de cette frégate destinée à
empêcher la résistance palestinienne de recevoir des armes qui
m’a conduit à réagir. Cette décision m’a paru grave, car nous
n’étions plus ici simplement dans le discours.
La France n’aurait jamais
agi de cette façon sous la présidence de Jacques Chirac. Ni sous
la présidence de François Mitterrand. Même si, avec ce dernier,
les choses étaient plus complexes.
Tant que Sarkozy faisait des
déclarations destinées à se mettre les musulmans français dans
la poche, ou les catholiques [6],
nous pouvions mettre cela sur le compte d’une démagogie purement
électoraliste. Mais avec l’envoi d’une frégate dans des eaux
contrôlées illégalement par Israël, Sarkozy entrait dans
l’action.
En 2006 déjà, lors de
l’agression israélienne contre le Liban, Sarkozy, alors
ministre, avait déjà montré un net parti pris pro-israélien en
demandant à Zeev Boïm, ministre israélien en visite à Paris, de
« combien de temps » il avait besoin « pour
terminer le travail ». Mais alors il n’y avait pas eu
d’action concrète, sinon ce parti pris stupéfiant.
Silvia Cattori :
Vous avez réussi à
rendre accessible à un large public une réalité terriblement
complexe. On comprend que 2007, avec l’arrivée de Sarkozy à
l’Elysée, marque un tournant. C’est la fin du régime
« gaullien ». La France ne sera plus jamais cette nation unique
aux yeux du monde ! Finie la résistance aux pressions des
réseaux pro-israéliens. Vous vous attaquez à un tabou. Des
personnalités en vue qui, par le passé, ont osé l’enfreindre,
l’ont chèrement payé. Je pense à Raymond Barre, à Dieudonné, à
Tariq Ramadan, à Guigue [7].
Les temps sont-ils plus propices aujourd’hui ? N’avez-vous pas
pensé que vous marchiez sur un champ frappé d’interdits ?
Paul-Éric Blanrue :
Je ne me suis pas posé la question de savoir si c’était
dangereux ou pas. Si je me posais cette question, je crois que
je ne ferais rien ; je resterais chez moi à regarder la
télévision en mangeant des chips. Ca n’a jamais été ma façon de
penser ni d’agir. Je ne puis pas vivre sans dire ce que je
pense. Je crois qu’il y a en moi une forme d’énergie ou de
revendication de liberté, comme Fanfan-la-Tulipe ; un côté
mousquetaire. Je ne supporte pas l’injustice ; je ne supporte
pas, surtout, la contrainte et l’interdiction de s’exprimer.
C’est quelque chose d’épouvantable, cet interdit !
Quand on n’a plus le droit
de parler, ça devient très grave. Alors, quand on vit dans un
pays où le mot « Liberté » est inscrit sur le fronton de tous
les monuments, je crois que, quand même, il faut se dresser. Je
crois à la vertu de l’exemple de la personne qui part au combat,
« sans peur et sans reproche ». Un côté chevalier Bayard. Mais
je ne veux pas me comparer à ces personnages-là parce que, tout
de même, je ne fais qu’écrire. Je suis un écrivain, je ne pars
pas au combat avec un fusil. Mon fusil, c’est mon stylo. Donc,
voila, j’essaie d’être efficace dans mon domaine.
Par ailleurs, je ne suis pas
du tout partisan de la guerre ; au contraire, ce livre est
également un livre pacifiant, je l’espère en tous cas. Il
appelle au calme et à la raison ces représentants de la
communauté juive, comme le Conseil représentatif des
institutions juives de France (CRIF), et que je ne confonds pas
avec l’ensemble de la communauté juive. Je leur dis qu’ils n’ont
pas intérêt à faire monter la tension.
Du reste, on prête beaucoup
trop d’importance à ces réseaux pro-israéliens français. Certes
ils ont beaucoup d’influence, surtout aujourd’hui où ils sont
arrivés au pouvoir grâce à leur homme-lige, grâce à Sarkozy.
Mais je pense qu’ils sont en réalité très faibles et divisés. Il
y a des tensions énormes à l’intérieur du CRIF. L’ancien
président du CRIF, Théo Klein, s’est fait traiter de terroriste
par un de ses successeurs. Il suffit d’ailleurs d’écouter Radio
J, ou Radio Shalom, – je l’écoutais tous les soirs quand
j’écrivais mon livre – pour comprendre l’ampleur des dissensions
internes.
Les pro-israéliens se
sentent forts parce que certains d’entre eux occupent des postes
hauts placés. Un député sur six appartient au Groupe d’amitié
France-Israël. Ils ont réussi à faire accourir chaque année le
pouvoir politique au dîner du CRIF. Mais rien n’obligeait le
président Sarkozy à y aller. Il suffirait que la classe
politique dise au CRIF « Nous ne nous rendrons pas à votre dîner
annuel » pour que cette influence tombe. Ils sont arrivés au
faîte de leur puissance et ils ne peuvent que retomber.
Silvia Cattori :
Vous montrez tout
cela en perspective. En ce sens, vos réflexions ouvrent une
brèche. Elles peuvent conduire ceux qui vous lisent à refuser ce
climat d’intimidation et de peur créé par le CRIF et consorts.
Vous avez dit : « J’aurai fait tout mon possible pour que ce
livre puisse être une base de discussion raisonnable entre deux
camps que tout oppose. Il faut que la situation se débloque… ».
Quelles sont les chances de sortir de ces blocages, et comment
voyez-vous ces deux camps ?
Paul-Éric Blanrue :
Je crois que « les juifs » de France – je parle ici non pas de
leurs représentants mais de tous les juifs en tant
qu’appartenant à la religion juive - vont un jour prendre
conscience du fait que le CRIF les manipule. Que le CRIF, qui
prétend les représenter, ne les représente nullement. Et que
cela leur donne une très mauvaise image. A l’intérieur du CRIF
il y a des gens, qui ne supportent plus cette situation. J’ai
rencontré hier un journaliste d’un quotidien suisse et d’un
hebdomadaire français qui m’a dit « Je ne peux
pas faire une interview de toi, car ma rédaction ne le
permettrait pas, mais je suis tout-à-fait d’accord avec ce que
tu dis ; je suis scandalisé par ce qui arrive aux Palestiniens,
et je ne suis pas d’accord avec le fait que le CRIF parle en mon
nom ».
C’est pour cette raison que
je dis « les juifs » ; car je crois qu’ils peuvent en ce moment
agir, être une des sources de salut. Comme disait Léon Bloy : « le
salut par les juifs » ! Autrement dit, ils ont, dans
l’histoire, souvent eu des caractères, des personnages qui sont
sortis du lot. Je ne suis pas religieux du tout, mais si vous
voyez le christianisme, c’est une branche qui a rompu avec le
judaïsme pour faire tout autre chose, une œuvre civilisatrice à
visée universaliste. Il y a eu des personnalités éminentes qui
ont rompu avec les synagogues, comme Spinoza ; dans un autre
domaine, Karl Marx a lui-même brisé avec son milieu. J’espère
que des personnalités vont sortir, et contester le pouvoir du
CRIF. J’en appelle à eux parce que, justement, les personnes qui
ne sont pas de confession juive, si elles s’entêtent à mener des
campagnes, par exemple contre l’existence de la loi Gayssot, ou
contre les prérogatives du CRIF, ou contre le dîner du CRIF,
seront marginalisées, accusées d’antisémitisme. Donc
définitivement disqualifiées, aux yeux des médias en tout cas.
Silvia Cattori :
Vous dites « les
juifs » comme s’il s’agissait d’une ethnie, comme s’il
s’agissait d’un peuple, alors qu’il s’agit d’une religion.
Alors, pourquoi ne pas dire « les gens de confession juive » ?
Paul-Éric Blanrue :
Je suis entièrement d’accord avec vous. « Juif », c’est d’abord
et avant tout une religion. Par le fait du sionisme certains,
comme Moses Hess ou Theodor Herzl ont commencé à parler de
peuple, d’ethnie ou de race juive. Evidemment c’est une
aberration totale. Shlomo Sand l’a très bien montré [8] ;
il y a eu une fabrication qui est totalement désastreuse parce
qu’elle confond deux choses : une religion millénaire et une
idéologie politique destinée à la doubler, voire à la remplacer,
ce qu’ont fort bien compris certains rabbins qui se sont opposés
au sionisme dès l’origine.
Silvia Cattori :
Cette confusion ne
sert-elle pas un objectif idéologique bien précis ?
Paul-Éric Blanrue :
Oui, l’objectif est très clair. D’abord je dirais que l’objectif
principal du CRIF, aujourd’hui, c’est de jouer sur ce terme
« juif », sur l’assimilation entre peuple et religion. Je pense
ici en particulier à la campagne qu’ils mènent en ce moment pour
faire passer la loi appelée « Loi Martin Luther King ». Cette
loi, qui est en gestation, vise à assimiler légalement
l’antisionisme à l’antisémitisme. Si cette loi passe, cela veut
dire qu’en France, l’antisionisme sera considéré comme un délit.
Critiquer Israël pourra vous conduire en prison. C’est très
grave. C’est l’Union des patrons juifs de France (UPJF), qui
soutient ce projet de loi transmis à tous les députés français.
C’est le plus fort syndicat sioniste de France - je dis fort
dans tous les sens du terme. L’UPJF a élu Sarkozy l’« homme
politique de l’année » en 2006, un an avant la
présidentielle.
Silvia Cattori :
Avant vous, à ma
connaissance, en France, voire en Europe, aucun auteur n’avait
jamais traité cette question des réseaux pro-israéliens. Vous
montrez comment des personnalités politiques haut placées font
passer les intérêts d’Israël et des États-Unis avant ceux de
leur pays ! On voit comment Sarkozy en vient à renverser les
valeurs de la République française. Et en quoi il y a là double
allégeance. Toutes choses d’une extrême gravité. Et on se dit
avec étonnement : comment se fait-il qu’il ne se soit trouvé
personne avant vous, y compris dans l’opposition, pour dénoncer
ces dérives ?
Paul-Éric Blanrue :
Il n’y a eu personne parce que les gens sont en général
terrorisés, moralement, mentalement, professionnellement. Mon
éditeur est un Belge, ce n’est pas par hasard ! Lui au moins ne
peut pas subir les foudres de Sarkozy. Ces foudres peuvent être
multiples ; aller du redressement fiscal, aux convocations à la
police, à la garde à vue, et à la perte de son emploi.
Silvia Cattori :
Vous ne craignez pas
ces foudres ?
Paul-Éric Blanrue :
Non, je ne les crains pas. Non, je ne crains rien. J’irais
écrire à l’étranger s’il le fallait. S’il faut partir, je
partirai. S’il faut s’exiler, je m’exilerai, ce n’est pas grave.
Je gagne ma vie en écrivant. Je peux écrire partout, même dans
le désert. Il est important que ce livre soit diffusé en France.
Il est dans toutes les librairies belges. Il sortira au Canada.
Il va être mis en vente au Moyen Orient, en Amérique du sud,
dans les pays anglophones. Pourquoi les Français ne
l’auraient-ils pas ?
Silvia Cattori :
Vous le montrez fort
bien. Sarkozy a toujours laissé entendre ce qu’il projetait
d’accomplir d’inquiétant. Il n’a jamais caché qu’il allait
mettre Israël au centre de tout ; et la France au service du
projet unipolaire des Etats-Unis. Il a laissé entrevoir, bien
avant d’être candidat, qu’il se consacrait au lobbying en faveur
d’Israël ; que les cibles désignées par Israël – les forces de
résistance anticoloniales du Hamas, du Hezbollah, les opposants
Frères musulmans au régime dictatorial de Moubarak, l’Iran -
allaient être également ses cibles prioritaires. Cela,
curieusement, n’a jamais fait réagir ses opposants ! Je me
souviens que Nicolas Dupont-Aignan, avait eu, lui, l’honnêteté
de dire en 2007 : « Nous sommes à la veille d’un changement
profond de la politique étrangère de la France si M. Nicolas
Sarkozy ou Mme Ségolène Royal devaient être élus ». [9]
Êtes-vous d’accord avec cette symétrie entre les deux grands
partis ?
Paul-Éric Blanrue :
Nicolas Dupont-Aignan avait raison. Élue, Ségolène Royal
n’aurait pas été seule à gouverner. Certes, elle n’a pas
exactement la même vision des choses que Sarkozy sur le Proche
Orient, je la crois beaucoup plus prudente. En revanche, elle
aurait été entourée de conseillers, de ministres qui, eux, sont
liés au réseau pro-israélien. Est-ce qu’elle aurait eu la force,
l’intelligence, la culture, pour résister à leur pression ? Je
n’en suis pas certain. Il ne faut pas oublier que Bernard
Kouchner était au Parti socialiste. C’est lui que Ségolène Royal
aurait probablement nommé comme chef de la diplomatie étrangère.
Vous avez vu le tollé quand
Sarkozy avait laissé croire – encore une fois très fin, très
malin –qu’il hésitait entre Védrine et Kouchner. Le nom d’Hubert
Védrine avait tout de suite soulevé des protestations à
Jérusalem. Le Jérusalem Post avait titré « Nous
sommes choqués ». Un journaliste français de la télévision
BFM, qui était sur place, rapportait à l’époque que M. Kouchner
était vu là-bas comme plus « israélo-compatible
qu’Hubert Védrine ».
Silvia Cattori :
Ce n’est donc pas la
tendance gauche ou droite qui prime, mais le fait que tel
politicien est clairement identifié comme sioniste ?
Paul-Éric Blanrue :
Exactement. Les réseaux pro-israéliens ont misé sur Sarkozy
depuis très longtemps mais ils n’ont pas mis tous les œufs dans
le même panier. Ils ont leurs poissons pilotes dans tous les
partis : Strauss-Kahn et Sarkozy, c’est bonnet blanc et blanc
bonnet. C’est la raison pour laquelle Sarkozy, aujourd’hui « roi
des sionistes », arrive à débaucher des socialistes ou des
centristes. La grille de lecture du gouvernement, c’est qu’il
est sioniste et que la plupart les gens qu’il nomme, y compris
dernièrement Frédéric Mitterrand, sont des amis décomplexés
d’Israël.
Silvia Cattori :
Ils peuvent aussi se
montrer pro-israéliens par opportunisme ?
Paul-Éric Blanrue :
Alors là, je n’ai pas du tout sondé les cœurs et les reins de
Sarkozy et de tout son entourage ! Je pense que Sarkozy agit
plus par opportunisme que par tradition familiale. Anecdote
amusante, j’ai rencontré dernièrement, sur la place Péreire,
près des Champs-Elysées, Patrick Buisson, un homme brillant, un
des conseillers de Sarkozy durant la présidentielle. Sarkozy
avait le choix entre capter les voix du centre ou capter les
voix de l’extrême droite, c’est-à-dire les voix de Le Pen. Et
Patrick Buisson qui, lui-même, vient de la « droite nationale »
(il avait une fonction importante à l’hebdomadaire
Minute) lui a conseillé de pêcher les voix
de Le Pen. Seulement, pour prendre les voix de Le Pen, il
fallait tenir un peu le discours de Le Pen sur les immigrés, les
banlieues ; en parlant de les « nettoyer au
karcher », il allait encore plus loin que Le Pen !. Mais
comment faire pour ne pas être considéré comme raciste et pour
qu’il n’y ait pas une campagne contre lui dans toute la presse
française qui l’assimile à Le Pen ? Eh bien, c’est très simple :
il se présente comme sioniste. Autrement dit, il a avec lui, par
exemple, la LICRA (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme),
dont le président est Patrick Gaubert, qui est un de ses
meilleurs amis, un sioniste militant lui aussi. Vous voyez ?
J’ai remis mon livre à
M. Buisson ; quand il a lu le titre, il m’a dit « Mais, vous
savez, Nicolas Sarkozy ne se sent pas spécialement juif, il se
sent immigré hongrois ». Je lui ai répondu : « C’est exactement
ce que je dis, c’est par opportunisme, c’est par démagogie, ou
en tout cas par intérêt politique, qu’il est allé vers le lobby
pro-israélien, américain d’abord, pour ensuite faire sa tournée
en Israël, et se présenter comme la valeur refuge des sionistes
français ». J’ai ajouté qu’évidemment, comme il soutenait
Israël, il espérait le soutien d’Israël en retour. Et là
M. Buisson m’a dit « Ah, évidemment, c’est vrai qu’il soutient
Israël, on ne peut pas dire le contraire ». Il disait ça sur un
ton presque désabusé, mi-ironique.
Silvia Cattori :
Pas de réactions judiciaires ? Pour bien
moins, le simple sketch de l’humoriste Dieudonné en 2003 avait
déclenché une avalanche de procès. L’Etat s’en était mêlé, ce
qui avait conduit Dieudonné à être poursuivi par une ribambelle
de tribunaux. L’antisémitisme trop galvaudé n’est-il plus un
argument qui porte ?
Votre avocat, Maître John
Bastardi Daumont, a qualifié le refus par le milieu de l’édition
française de diffuser votre livre, de « censure par le vide » [10]
N’est-ce pas là le signe que les droits fondamentaux sont
menacés en France ? Peut-on parler de censure politique pour
autant ?
Paul-Éric Blanrue :
L’excellent et très courageux John Bastardi Daumont, qui
bataille avec ardeur à mes côtés, a trouvé là le mot juste. Mais
attention, mon livre n’est pas interdit, au sens légal, je ne
peux pas parler de censure politique. Je ne connais pas la
raison exacte pour laquelle il n’a pas été diffusé. Cela dit,
mon livre est très posé, ce n’est pas du tout un pamphlet, je
donne 500 références. Sa non diffusion en France reste donc une
chose bizarre. Mais surtout, les journalistes français, eux,
auraient dû en parler, auraient dû se dire « Tiens, un livre qui
parle de Sarkozy qui n’est pas diffusé en France, c’est très
étonnant ! » Or pas un journaliste français n’en a soufflé mot
alors que, l’année dernière, quand j’ai publié deux livres -
« Carla et Nicolas, Chronique d’une liaison dangereuse » et
« Jérôme Kerviel seul contre tous »- j’ai eu une très large
couverture médiatique.
On a voulu faire le silence
total sur mon livre. Ce qu’ils ne savent pas est que mon livre
en est déjà à la seconde édition. J’introduis des corrections,
mon avocat y ajoutera une préface, où il expliquera dans le
détail le concept de censure par le vide. On est en bonne voie
pour trouver un diffuseur français. Le livre est traduit en
anglais, en espagnol et en arabe.
Quant à l’accusation,
fausse, d’antisémitisme, face à des gens qui ne le sont pas,
elle ne porte plus du tout, en particulier chez la jeune
génération. C’est un argument trop daté, qui a été trop utilisé.
Les jeunes, sur internet, ont trouvé un petit gimmick pour se
moquer des gens qui utilisent cet argument, ce sont les « points
Godwin »… C’est comme un joker ; on dit : « Tu as utilisé
l’argument d’Hitler tu as perdu, tu es éliminé automatiquement
du débat » !
On l’a vu avec le livre de
Pierre Péan sur Kouchner [11].
Cela n’a pas marché. Cet argument ne fonctionne plus. Je suis
totalement décomplexé et j’appelle les Français à l’être tout
autant.
Silvia Cattori :
Vous étiez-vous
attendu à ce bannissement humiliant ?
Paul-Éric Blanrue :
Ce n’est pas du tout humiliant ! Au contraire c’est
honorifique ! Cela montre que j’ai vraiment touché la cible au
coeur.
Silvia Cattori :
Vous avez dit
n’avoir peur de rien. Pourtant, j’ai noté que les gens qui vous
lisent et vous apprécient ont peur pour vous. Ils vous
qualifient de « courageux ». Ce qui laisse penser qu’il faut du
cran pour parler d’Israël et de ceux qui légitiment ses crimes.
Vous parlez d’une réalité très inquiétante, faite de
manipulations et d’impostures dont l’objectif machiavélique
n’est-il pas de préparer la prochaine guerre ? Cela vous honore
mais vous expose ?!
Paul-Éric Blanrue :
Ce livre est apprécié parce qu’il vient confirmer ce que les
gens pressentent, comprennent, mais n’osent expliciter, ou ne le
peuvent par manque d’information. En ce qui concerne la
prochaine guerre, je crois effectivement qu’Israël se croit
obligé, pour survivre, d’entretenir un climat belliqueux
permanent. Il y a des divisions en Israël aussi. En fait, ce qui
leur permet d’assurer leur cohésion, c’est la désignation d’un
ennemi commun, hier Saddam, aujourd’hui Ahmadinedjad.
Silvia Cattori :
L’échec de la
politique du « Grand Moyen-Orient » de Bush, le discrédit et
l’affaiblissement des USA, sont un sujet de préoccupation pour
les autorités israéliennes. Sarkozy n’est-il pas arrivé pile,
comme un miracle pour Tel Aviv ?
Paul-Éric Blanrue :
Miracle préparé tout de même de longue date. Depuis la seconde
Intifada, en 2000, ils ont misé sur Sarkozy, sur le bon cheval ;
et lui, il a vu tout l’intérêt politique qu’il pouvait en tirer.
C’était donnant donnant.
Lui, il s’est dit : je vais être porté au pouvoir grâce aux
réseaux ; et les états-majors israéliens se sont dit : une fois
que nos amis seront arrivés au pouvoir nous allons avoir un pays
de plus dans notre escarcelle pour soutenir l’axe Israël-
Etats-Unis.
Ils ont gagné sur toute la
ligne, pour le moment. Leur seul problème est que Sarkozy
n’avait pas prévu ce que dirait Obama. On pensait qu’Obama
allait être un bon pro-israélien, un bon sioniste avec Emanuel
Rahm à ses côtés.
Cela dit, attention, il se
peut que Sarkozy soit comme le poisson pilote de Washington.
Qu’il soit celui qui va plus loin que l’administration Obama
pour tâter le terrain.
Silvia Cattori :
Nous venons de le
vérifier avec l’Iran ! Là où des dirigeants un peu rationnels,
comme Obama, sont restés d’abord très prudents, réservés, les
pro-israéliens, ce réseau sioniste que vous avez très bien
identifié, les ont forcés à crier avec les loups. Sarkozy ne
s’est-il pas ridiculisé en convoquant deux diplomates iraniens ?
Voulait-il faire oublier ce qui est au cœur du problème : la
Palestine ?
Paul-Éric Blanrue :
Oui, bien sûr. C’est une opération de diversion par rapport aux
excès de l’armée israélienne en Palestine. Les mêmes qui ont
justifié Gaza, sont ceux qui vont défiler contre l’Iran. Sarkozy
est ridicule mais, pour le moment, les Français ne s’en
aperçoivent pas. Pour le moment, je suis l’enfant du conte
d’Andersen qui dit « le roi est nu ». C’est un peu mon statut ;
tout le monde voit qu’il est obsessionnellement pro-israélien
mais personne n’ose le dire.
Silvia Cattori :
Les plans de guerre
de Sarkozy – Kouchner contre l’Iran sont-ils toujours sur la
table ?
Paul-Éric Blanrue :
C’est sûr qu’ils vont tout essayer pour déstabiliser ce pays
dans les prochaines années. Israël a l’Iran en tête. La France
va tout faire pour aider Israël. Mais je crois qu’avec l’Iran,
ils sont tombés sur un os. Certains ont essayé de déstabiliser
l’Iran de l’intérieur : ils n’y sont pas arrivés. Ils n’y
parviendront pas. Il peut y avoir une guerre. Mais les
Etats-Unis n’attaqueront pas l’Iran, je crois. Ils ont quantité
d’autres possibilités pour déstabiliser l’Iran.
Silvia Cattori :
Cette emprise du
réseau pro-israélien en France s’est accentuée au moment même
où, aux USA, les néoconservateurs avaient perdu de leur allant.
Au moment aussi où Bush, l’allié d’Israël, battait de l’aile.
Sarkozy ne s’est-il pas démené pour sortir Israël de ce mauvais
pas ? Ne se prend-il pas pour le chef du réseau des
néoconservateurs pro-israéliens dans le monde ?
Paul-Éric Blanrue :
C’est une très bonne définition. Il est devenu le remplaçant de
Bush. J’ai l’impression que la stratégie israélienne est une
stratégie de fuite en avant désespérée ; je vois que les peuples
du monde entier se révoltent. Souvenez-vous de la conférence « Durban
II » [12].
Les sionistes s’y sont préparés durant trois ou quatre ans pour
la déstabiliser. Ils ont fait un flop.
Le jour où les Etats-Unis
comprendront qu’Israël leur est préjudiciable, ce qui lui pend
au nez, c’est la fin du soutien financier et militaire. S’ils
coupent les fonds, que va devenir Israël ? Ce n’est pas la
France qui peut soutenir financièrement l’effort militaire
d’Israël !
Silvia Cattori : L’accord militaire
signé entre la France et l’Émirat d’Abu Dhabi, lors de
l’inauguration par Sarkozy d’une base militaire, n’a-t-il pas
placé la France aux avant-postes d’un éventuel conflit avec
l’Iran ?
Paul-Éric Blanrue :
C’est exactement le sujet de mon livre. Sarkozy met la pression
sur l’Iran, parce que c’est un pays qui, sur le plan
géostratégique, n’est pas contrôlé par les États-Unis. Jointe à
ces raisons il y a la question métaphysico-politique d’Israël
qui, lui, a ses propres intérêts. Je crois que Sarkozy est
devenu plus pro-israélien que pro-américain. Il veut devenir le
nouveau Bush.
Sarkozy nous entraîne dans
une course effrénée vers la guerre.
J’aimerais maintenant que
les questions graves que je soulève dans « Sarkozy,
Israël et les Juifs » soient mises sur la table, que l’on
puisse en discuter avec les responsables politiques. Et que l’on
nous explique où nous allons maintenant que la France soutient
Israël ! Rappelez-vous Kouchner qui avait proclamé en 2007 que
l’alternative « c’est la guerre ».
Israël et ses amis sont
persuadés que la guerre leur permet d’exister. Ils ne peuvent
pas exister sans cela. S’ils ne bougent pas, ils se dégradent,
ils se liquéfient. Ils sont obligés d’être toujours à l’attaque.
S’ils sont dans la moindre position défensive pour Israël, ils
sont perdants. Ils doivent attaquer en permanence. C’est pour
cela qu’ils perdront.
Silvia Cattori :
Sans Bernard
Kouchner, sans sa diplomatie brutale, violente, sans son vernis
« socialiste », Sarkozy aurait-il pu réussir à faire avaler aux
Français cet asservissement total à Israël et cette formidable
animosité à l’égard de tous les États qui représentent un
obstacle au projet atlantiste, Tel Aviv – Paris – USA ?
Paul-Éric Blanrue :
Les Français se désintéressent de la politique étrangère. Sans
Kouchner, il y en aurait eu un autre, et ça se serait passé de
la même façon. Sarkozy a été programmé pour accomplir un
programme précis : il l’a fait. S’il cessait de donner des
signes forts d’adhésion à Israël, il est probable que les
réseaux qui l’ont aidé à accéder au pouvoir le laisseraient
tomber. Il n’a aucun intérêt à les décevoir. Il va donc
continuer, puisqu’il veut manifestement se faire réélire en
2012.
Silvia Cattori :
L’appellation
« Sarkozy l’Israélien » prend donc tout son sens ?
Paul-Éric Blanrue :
Vous savez que ce n’est pas moi qui l’ai le premier appelé
« Sarkozy l’Israélien », ce sont certains cercles israéliens.
Silvia Cattori :
En conclusion, la
politique de Sarkozy peut avoir de graves conséquences sur la
politique intérieure, si la « Loi Martin Luther King », devait
passer. Et, sur le plan extérieur, alors que l’indépendance de
décision de la France a déjà été compromise par son retour dans
le commandement intégré de l’OTAN, l’alignement de Sarkozy sur
Tel Aviv conduit la France sur un chemin très dangereux : à se
faire la complice de ces opérations de déstabilisation
criminelles engagées par le Mossad, pour assurer – comme vous
l’avez dit – le « climat belliqueux permanent dont Israël a
besoin pour survivre ». C’est-à-dire à favoriser le
déclenchement de nouvelles guerres. N’est-ce pas cela le plus
grave ?
Paul-Éric Blanrue :
En France, Sarkozy dirige tout, ou en tout cas, tente de le
faire car en réalité ses moyens d’action sont limités par la
crise, par l’Europe, etc. Il gesticule beaucoup. On l’entend
tous les jours ou presque à la télévision, comme s’il était une
speakerine. Mais même si ses moyens d’action ne sont pas aussi
importants que certains le redoutent, il a encore la capacité de
nous entraîner dans une nouvelle guerre, car il reste le chef
des armées ! Sur ce plan, mon livre tire la sonnette d’alarme.
Je veux informer les Français des risques encourus par notre
pays. Plus la France soutient Israël, plus nous risquons
d’entrer un jour en guerre à ses côtés, au Liban, en Iran ou
ailleurs. Mais pour m’entendre, encore faudrait-il que mon livre
soit diffusé dans mon propre pays ! Il y a des jours où je me
demande où est passée la France. Heureusement, je suis optimiste
de nature. Et, comme historien, je sais qu’aucun combat n’est
jamais perdu d’avance, surtout dans notre pays, parfois long à
la détente, mais qui a la tête dure.
Silvia Cattori (*) Sarkozy,
Israël et les juifs, Éditions Marco Pietteur, 2009 (sans diffuseur en
librairie en France, vente exclusive par correspondance).
http://www.oserdire.com/
http://sarkozyisraeletlesjuifs.blogspot.com/
(**) Figure du mouvement anti-impérialiste,
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à
l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié
« Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit
d’ingérence, droit du plus fort ? », (Éditions Aden, 2005).
[1]
« La
France participera au Blocus de Gaza »,
sindibad.fr, 24 janvier 2009.
[2]
« Carla et Nicolas : Chronique d’une liaison dangereuse » (avec
Chris Laffaille). Scali, 2008.
[3]
Et Henri Guaino est, depuis le 16 mai 2007, conseiller spécial
de Nicolas Sarkozy et l’auteur de tous ses discours.
[4]
Elévé par Sarkozy, le 1er janvier 2009, au grade d’officier de
la Légion d’honneur.
[5]
Voir :
http://www.dailymotion.com/video/x81hoi_lorsque-le-lobby-juif-francais-parl_news
[6]
Visite officielle au Pape en décembre 2007.
[7]
Voir sur :
Raymond
Barre :
« Raymond
Barre se dit injustement accusé d’antisémitisme »,
saphirnews.com, 7 mars 2007.
Tariq
Ramadan :
« Oui
Monsieur Tariq Ramadan est un antisémite »,
licra.org, 27 octobre 2003.
Bruno
Guigue :
« Bruno
Guigue l’honnête homme, sanctionné »,
par Silvia Cattori. silviacattori.net, 26
mars 2008.
[8]
Shlomo Sand : « Comment
le peuple Juif fut inventé »,
Ed. Fayard.
[9]
Voir : « Nicolas
Dupont-Aignan : “Il est temps que la France sorte de l’OTAN” »,
par Silvia Cattori, Réseau Voltaire, 30
janvier 2007.
[10]
Voir : « LA
CENSURE PAR LE VIDE - Réaction de Me John Bastardi Daumont,
Avocat de Paul Eric Blanrue, auteur de "Sarkozy, Israël, et les
Juifs" », 30 mai 2009.
[11]
« Le
Monde selon K. », de Pierre Péan,
Ed. Fayard.
[12]
Voir : « Le
document final de Genève ne répond pas aux aspirations des
peuples », par Silvia Cattori et
Sandro Cruz, Réseau Voltaire, 28 avril 2009.
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