Opinion
Un historien
français, Paul-Éric Blanrue:
L'ONU n'a aucun pouvoir lorsqu'il s'agit de sanctionner les pays
les plus puissants
Dimanche 3 octobre 2010
http://www2.irna.ir/fr/news/view/line-96/1010032102151923.htm
Interrogé sur les politiques
américains qui bafouent les fondements même de
l’Organisation de l’ONU mise en place en 1948 et dont les
missions étaient justement d’empêcher toutes actions
militaires unilatérales, l’historien français, Paul-Éric
Blanrue répond que «comme la guerre du Kossovo à ses débuts,
l'invasion de l'Irak a démontré que l'ONU n'avait aucun
pouvoir lorsqu'il s'agit de sanctionner les pays les plus
puissants, puisque les États-Unis ont pu attaquer librement
ce pays sans avoir reçu l'aval du Conseil de sécurité ».
Dans une interview exclusive donnée au correspondant de l’Irna
à Paris, l’historien et penseur français, Paul-Éric Blanrue
évoque l’actualité internationale et notamment les
interrogations qui pèsent sur le rôle et l’avenir de l’ONU
et sur les politiques des Etats-Unis.
Rappelant les mensonges des États-Unis qui se sont permis
d'y proférer par la bouche de Colin Powell, qui avait brandi
devant ce même Conseil de faux documents censés prouver que
Saddam Hussein produisait des armes de destruction massive,
Paul-Éric Blanrue souligne que compte tenu du rapport des
forces en présence, cela n'a pas empêché cette guerre d'être
légalisée a posteriori ».
Pour l’historien français, les règles de l'ONU ont été
brisées depuis bien longtemps par les États-Unis, qui
préfèrent mener une politique unilatérale, conforme à leurs
intérêts ou à leur vision du monde impérialiste.
Citant l'exemple de Cuba, Paul-Éric Blanrue souligne que «
l’Assemblée Générale de l’ONU (moins Israël) condamne depuis
20 ans le blocus économique, commercial et financier des
Etats-Unis contre ce pays, et cela ne empêche pas ces
derniers de le pratiquer depuis 50 ans et même de mener des
mesures de rétorsions contre les pays qui ne le respectent
pas ».
Il dénonce Israël, qui est soumis à d’innombrables
condamnations de l'ONU et poursuit son chemin sans être le
moins du monde sanctionnée et qui occupe les zones
territoriales attribuées aux Palestiniens de Cisjordanie
malgré la résolution 242 de l'ONU, tout en se demandant qui
sait que les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU
définissent comme frontières entre Israël et la Palestine
celles qui sont antérieures à la guerre de 1967.
Interrogé sur le droit de véto dont disposent les cinq
membres permanents de l’ONU et sur l’évolution que l’on peut
envisager, l’historien et penseur français, Paul-Éric
Blanrue déclare que « ce droit de veto, dans le cadre de
l'ONU, c'est le droit du plus fort à dominer les plus
faibles. Quand la France a menacé de l'utiliser avant la
guerre d'Irak, cela n'a pas empêché les Américains d'envahir
ce pays. Qui l'utilise le plus aujourd'hui ? Les États-Unis,
comme par hasard ! Et pour quelles raisons ? En général,
pour éviter des innombrables résolutions censurant Israël !
L'État juif peut donc agir comme il l'entend, sans crainte
d'être sanctionné par les Nations unies.»
Évoquant les meurtres commis lors de l’arraisonnement de la
flottille Free Gaza, il critique la politique d’Israël qui «
s'est même permis de refuser de coopérer avec les enquêteurs
de l'ONU, qui désiraient faire la lumière sur ce drame.»
De fait, pour l’historien français, « Israël bénéficie du
soutien inconditionnel de l’administration Obama, qui a
qualifié le rapport Goldstone d’inégal. Depuis que le
rapport a été sanctionné, Washington a réitéré à maintes
reprises son appui à Israël et a publiquement critiqué
l’ONU. Israël se permet tout . Si un pays se permettait le
dixième de ce que se permet Israël, il se serait aussitôt
sanctionné, voire envahi par les États-Unis »,
s’indigne Paul-Éric Blanrue.
Après le rapport Goldstone qui a accusé Israël d’avoir
commis des crimes de guerre durant son assaut sur Gaza en
2008-09, l'État juif a dénoncé l’ONU et tenter de renverser
le droit international « Netanyahu a en effet affirmé
qu’aucun officiel israélien ne serait jugé pour crimes de
guerre et a promis qu’un veto (celui de Washington, bien
sûr) allait rejeter la résolution au Conseil de sécurité. Il
a donné l’ordre à son gouvernement de préparer une campagne
mondiale de lobbying pour modifier les lois internationales
de guerre « dans l’intérêt de quiconque luttant contre le
terrorisme » rappelle l’historien français soulignant que
les États-Unis se moquent totalement du droit international
et agissent comme s'ils étaient les "gendarmes du monde".
Interrogé sur une déclaration d’un ancien ministre des
Affaires étrangères de la France qui affirmait qu’une «
seule hyperpuissance » domine la scène, l’historien
français, Paul-Éric Blanrue, a déclaré que «le monde dans
lequel nous vivons aujourd’hui est énormément polarisé
», dénonçant
l’hégémonie américaine sans partage, devant le reste des
États membres dont certains disposent de capacités
économiques et politiques, mais qui ne font pas le poids
devant l’hyperpuissance américaine.
D’ajouter à cela « une situation où de nombreux États sont
relativement mis de côté par de grands acteurs économiques
et politiques, notamment les entreprises transnationales.
L’État associé à la nation qu’on a connu pendant des
décennies n’est plus le seul et dans bien des cas n’est plus
le principal acteur ».
Se demandant si une réforme de l’ONU comme par exemple
l’élargissement du Conseil de sécurité serait suffisant,
l’historien français, Paul-Éric Blanrue estime que « pour
rééquilibrer ces forces au niveau mondial, l'élargissement
du Conseil de sécurité serait nécessaire, mais non
suffisant. Tout est à revoir : il convient de réformer tout
le système politique, économique et social international. Le
monde ne peut pas se développer harmonieusement sous
l'empire du néo-libéralisme. Le Mouvement des Pays
Non-Alignés, créé en 1961, doit être développé et démontrer
qu'il a la capacité de protéger la paix et la justice dans
le monde ».
Interrogé sur le rôle qu’aurait pu jouer l’ONU, à titre de
bonne conscience du monde et d’autres documents fondamentaux
qui restent des références essentielles comme la Déclaration
universelle des droits humains qui indiquaient la volonté ou
l’espoir de construire un monde meilleur et sur le fait que
désormais l’ONU n’est plus le lieu où les vraies décisions
sont prises, l’historien français déclare que l’ONU «est
resté le "machin" dénoncé par de Gaulle, et devrait être
traité comme tel. Ce n'est rien d'autre que le support de la
politique extérieure américaine. L'ONU a raté tous ses
objectifs : elle devait encourager le développement, or
depuis 1948, les pays riches sont devenus encore plus riches
et les pauvres encore plus pauvres ; elle avait pour
ambition de prévenir les guerres, or elle ne fait
qu'absoudre les guerres que mènent les grandes puissances,
se révéler incapable de régler les grands conflits ou les
massacres (Georgie, Rwanda,...), et n'a toujours pas été
capable de donner aux Palestiniens le pays qu'elle leur a
promis. »
Selon Paul-Éric Blanrue, il est temps de revoir tout cela en
profondeur.
Après les politiques néolibérales qui se sont imposées un
peu partout dans le monde et le rôle en ce sens de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international pour imposer
ces politiques avec les conséquences catastrophiques que
l’on connaît aujourd’hui, concernant le discours dominant
dans l’appareil de l’ONU, sur la nécessité d’ « humaniser »
la mondialisation néolibérale Paul-Éric Blanrue rétorque que
« prétendre qu'on lutte pour rendre le capitalisme plus
"humain" est une imposture. Taxer quelques transactions
spéculatives, comme certains le proposent, ne reviendrait en
fait qu'à s’attaquer à une infime partie de la spéculation
et cacherait le fait que la crise du capitalisme ne porte
pas uniquement sur la spéculation mais sur l’ensemble du
capitalisme. Le capitalisme se fonde sur l'inégalité et
l'exploitation ».
Il estime que « nous vivons sous le rouleau-compresseur du
néo-libéralisme, qui, de crise en crise, démontre qu'il est
à bout de souffle. Étant donné ses conséquences (mort des
cultures, disparition des particularismes, etc.), la
mondialisation apparaît comme un "holocauste mondial", ainsi
que l’a dit le sociologue et philosophe français , Jean
Baudrillard».
Enfin, pour l’historien français, Paul-Éric Blanrue « il n’y
a pas de société "juste" dans le cadre du capitalisme dont
l’essence conflictuelle nourrit des antagonismes en cascade.
Le capitalisme est, par nature, une économie poussant à la
mondialisation et à la marchandisation. Or tout est
marchandisation en puissance. La seule réponse historique
valable est de le dépasser, en développant les luttes contre
l’exploitation de la force de travail et les rapports
capitalistes de production. Heureusement, face la
mondialisation du capital, on assiste à une mondialisation
des résistances et des luttes ».
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