Investig'Action
Yémen: Ce n'est pas Al-Qaïda que
les USA combattent,
mais la démocratie
Mohamed Hassan
Mercredi 13 janvier 2010
Interview de Mohamed Hassan par
Michel Collon et Grégoire Lalieu
Un pantalon prend feu dans un avion près de
Détroit et des missiles pleuvent au Yémen : l’effet papillon ?
Pour Mohamed Hassan, la menace terroriste n’est qu’un prétexte.
Dans ce nouveau chapitre de notre série « Comprendre le monde
musulman », notre spécialiste nous explique le véritable enjeu
du Yémen : combattre la démocratie dans le Golfe pour garder le
contrôle du pétrole.
Depuis l’attentat manqué de l’avion
Amsterdam-Détroit, le Yémen fait la une des journaux : c’est là
que le jeune terroriste nigérian aurait été entraîné. Comment ce
pays, allié des Etats-Unis, serait-il devenu un refuge pour
Al-Qaïda ?
Tout d’abord, nous devons observer ce
phénomène qui se répète : chaque fois qu’un régime soutenu par
Washington est menacé, des terroristes apparaissent. Dans le cas
de pays musulmans, ça tombe sur Al-Qaïda. Ce groupe terroriste
fantôme apparaît partout où des mouvements nationalistes ou
anti-impérialistes ébranlent des gouvernements marionnettes
soutenus par les Etats-Unis. C’est ce qui se passe aujourd’hui
au Yémen. Ce pays est dirigé par un régime corrompu allié de
Washington. Mais il est menacé par des mouvements de résistance.
Et voilà qu’apparaît ce jeune Nigérian qui
embarque avec des explosifs dans un avion à destination de
Détroit. Ca n’a pas de sens. Ce présumé terroriste était placé
sur des listes de surveillance depuis que son père avait prévenu
les autorités américaines. De plus, les Etats-Unis disposent
d’importants dispositifs de sécurité et de matériel de pointe :
avec leurs satellites, ils pourraient dire si vous mangez un
sandwich au thon ou au poulet ! Cette histoire de terrorisme
ressemble à une popote interne qui montre que la situation du
Yémen échappe aux Etats-Unis et que leurs intérêts sont en
danger.
Pourquoi le Yémen est-il devenu si
important aux yeux de Washington ?
Le président du Yémen, Ali Abdullah Saleh,
est au pouvoir depuis trente ans. Son régime est corrompu, mais
aligné sur la politique des Etats-Unis. Un groupe de résistants
dans le nord du pays et des séparatistes dans le sud menacent la
stabilité du gouvernement. Si un mouvement révolutionnaire
renverse Saleh, cela pourrait avoir un impact dans toute la
région et encourager les résistants qui luttent dans les Etats
pro-impérialistes de la région. Particulièrement contre le
régime féodal d’Arabie Saoudite.
D’ailleurs, lorsque les combats avec les
résistants du nord ont éclaté au Yémen, la Ligue Arabe, dirigée
par l’Egypte, a immédiatement condamné les rebelles et apporté
son soutien au gouvernement yéménite. J’attends encore que cette
même Ligue condamne les agressions d’Israël contre le Liban et
la bande de Gaza. Le conseil de coopération du Golfe, une
organisation dévouée aux intérêts occidentaux, regroupant
certains pays producteurs de pétrole, a également condamné les
résistants du Yémen. Pour les Etats-Unis, qui sont en pleine
récession, leur colonie saoudienne ne peut être menacée par des
mouvements de résistance. L’Arabie Saoudite fournit en effet une
part importante de pétrole à Washington et constitue un précieux
allié dans le Golfe. Si la région devenait instable, cela aurait
de graves conséquences économiques pour les Etats-Unis.
Qui sont ces résistants au nord du pays ?
Quelles sont leurs revendications ?
Dans le nord du pays, le gouvernement
affronte depuis plusieurs années la résistance armée des Houtis
qui tirent leur nom du fondateur de ce mouvement, Hussein Al-Houti.
Ce dernier est mort au combat il y a quatre ans et son frère a
pris la relève. Tout comme la majorité des Yéménites au nord,
les Houtis sont zaydites. L’islam est divisé en plusieurs
courants tels que le sunnisme ou le chiisme. Ces courants se
déploient à leur tour en différentes branches, le zaydisme étant
une branche du chiisme.
Le président Saleh est lui-même zaydite, mais
les Houtis ne reconnaissent pas son autorité. Le fait est que le
Yémen est un pays très pauvre : son économie repose
essentiellement sur une agriculture en déclin, quelques rentes
pétrolières, un peu de pêche ainsi que l’aide international et
l’argent envoyé par les travailleurs expatriés. Et avec tout
cela, seule une poignée de personnes dans l’entourage du
président profite des quelques richesses du pays alors que la
population devient de plus en plus pauvre. La majorité des
Yéménites ont moins de trente ans mais aucune perspective pour
le futur : le chômage atteignait 40% en 2009. Les Houtis ont
donc interpellé le gouvernement sur le sous-développement de la
région, le manque d’eau et les problèmes d’infrastructures. Mais
le président Saleh n’a pas répondu à leurs appels. Depuis, les
Houtis ont entamé une lute armée. Leur bastion est la ville de
Saada. Ce qui est très symbolique : c’est dans cette ville que
s’installa il y a plus de dix siècles le fondateur du zaydisme
yéménite.
Les combats près de Saada font rage. On
dénombre plusieurs milliers de réfugiés et le gouvernement
accuse l’Iran de soutenir les rebelles…
Cette accusation est fausse. L’Iran est à
majorité chiite, mais les zaydites du Yémen, par leur manière de
prier et bien d’autres choses encore, sont en réalité plus
proches des sunnites. Si la résistance houtiste a suffisamment
d’armes pour continuer le combat pendant les dix prochaines
années, c’est parce qu’elle bénéficie de l’aide d’une partie de
l’armée yéménite. En effet, beaucoup de soldats et d’officiers
sont zaydites eux aussi. Les combats dans la région ont déjà
fait plus de 150.000 réfugiés et les militaires zaydites voient
que leurs frères souffrent. Certains rejoignent même la
résistance.
Le président Saleh doit donc mobiliser des
sunnites opportunistes au sein de l’armée pour combattre la
résistance dans le Nord. Ce qui n’est pas sans conséquence : ce
président zaydite, qui a déjà usé de ses convictions religieuses
pour mobiliser la population et l’armée, fait aujourd’hui appel
à des sunnites pour combattre d’autres zaydites. Saleh est en
train de perdre tout le soutient qui lui restait au nord du
pays.
Et le Sud demande la sécession ! Le
président yéménite semble vraiment en mauvaise posture…
L’histoire du Yémen est essentielle pour
comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Le pays dans sa
configuration actuelle est né de la fusion en 1990 de la
République démocratique populaire du Yémen au Sud et de la
République arabe du Yémen au Nord. Ces deux Etats ont eu des
parcours différents…
La création du Nord remonte à plus de dix
siècles avec l’arrivée des zaydites à Saada. Mais, en 1962, une
révolution éclate pour renverser le régime féodal et installer
une république. Nasser, le président égyptien défenseur de
l’indépendance arabe, soutient le mouvement révolutionnaire. De
leur côté, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite
et le chah d’Iran envoient des mercenaires pour secourir les
éléments réactionnaires de l’ancien régime féodal et affaiblir
Nasser. Le conflit débouche sur une guerre horrible où plus de
dix mille soldats égyptiens perdent la vie. Finalement, le
gouvernement républicain n’est pas renversé, mais sort très
affaibli du conflit. Il n’a pas les moyens d’amorcer une
révolution culturelle, de démocratiser complètement le pays, ni
de l’industrialiser. Bien que l’imam-roi qui dirigeait le pays
se soit enfui en Arabie Saoudite, une grande partie du Yémen du
Nord reste à l’état féodal.
Et au Sud ?
Le Yémen du Sud a eu un parcours différent.
Il a été colonisé par les Britanniques pour bloquer l’expansion
des Français qui s’étaient emparés de Djibouti et des Russes qui
s’étendaient jusqu’à l’Asie centrale. Mais il s’agissait aussi
de maintenir la domination britannique dans le Golfe arabe et
sur le passage stratégique du détroit d’Hormuz. C’est la
Grande-Bretagne qui a construit la ville portuaire d’Aden au
Yémen du Sud. Cette ville est devenue très importante pour
l’empire britannique. On pourrait dire que c’était le Hong-Kong
ou le Macao de l’époque. Beaucoup d’étrangers ont également été
envoyés dans la région.
Voici quelle était la pyramide sociale dans
cette société coloniale : au sommet, trônaient les colons
britanniques ; venaient ensuite des communautés somaliennes et
indiennes qui constituaient une sorte de tampon avec la dernière
classe, les Yéménites. C’était une stratégie classique des
colons britanniques : utiliser un groupe d’individus contre un
autre pour se préserver eux-mêmes. Ce faisant, toutes les
personnes que la Grande-Bretagne jugeait dangereuses dans sa
colonie indienne - comme les nationalistes ou les communistes -
étaient envoyées en exil à Aden.
Comme nous l’avons vu pour la Somalie, ces
prisonniers politiques vont influencer le cours de l’Histoire
dans la région ?
Tout à fait. Des mouvements indépendantistes
font fuir les colons britanniques en 1967 et la République
démocratique populaire du Yémen voit le jour deux ans plus tard.
Elle est gouvernée par le Parti socialiste yéménite : une
coalition des divers éléments progressistes hérités en partie
des prisonniers d’Aden. On y trouve des communistes, des
nationalistes, des libéraux, des baasistes venant de Syrie ou
d’Irak… Tous ces acteurs se trouvent réunis sous la bannière du
Parti socialiste.
Le Yémen du Sud devient alors l’Etat arabe le
plus progressiste de la région et connaît ses plus belles années
avec une réforme agraire, l’égalité des sexes, etc. Cependant,
le Parti socialiste reste composé de nombreux éléments aux
origines diverses. Les communistes encadrent le parti et
maintiennent une certaine cohésion mais chaque fois qu’il faut
faire face à un enjeu de taille, les contradictions éclatent au
grand jour. A cause du manque de base industrielle et du
caractère petit bourgeois de la coalition, ces contradictions
débouchent sur des assassinats. Les membres s’entretuent
littéralement ! Le parti connaîtra ainsi trois révolutions
internes sanglantes. Et la dernière lui sera fatale. La plupart
des cadres idéologiques qui dirigeaient le parti sont assassinés
et l’aile libérale prend la tête du mouvement. C’est donc un
Parti socialiste très faible qui gouverne le Yémen du Sud
lorsque la réunification des deux Yémen prend effet en 1990.
Bien qu’elles aient eu des parcours relativement différents, les
parties Nord et Sud ont toujours inscrit l’unification du pays
dans leurs agendas respectifs.
Alors, pourquoi a-t-il fallu attendre 1990
pour que le Nord et le Sud s’unissent ?
Au nord, l’Etat était très faible depuis la
guerre. Il était dirigé par des libéraux dépourvus d’idées
vraiment révolutionnaires et contrôlés par les pays du Golfe,
surtout l’Arabie Saoudite. Le voisin saoudien fournissait en
effet des armes et de l’argent à la classe féodale afin
d’affaiblir le gouvernement central. Pour l’Arabie Saoudite, un
Yémen du Nord tribalisé était plus facile à gérer. Le Sud était
par contre devenu un bastion des idées progressistes. En pleine
guerre froide, il était considéré comme un ennemi de la région
et devait être placé en quarantaine.
Mais en 1990, les choses avaient changé. Tout
d’abord, l’Union soviétique s’était effondrée et la guerre
froide était finie. De plus, le Parti socialiste yéménite ne
représentait plus une grande menace. En effet, ses leaders
idéologiques avaient été supprimés lors de la troisième
révolution interne du parti. Pour les pays de la région et pour
les intérêts stratégiques des Occidentaux, l’unification du
Yémen ne présentait donc plus de gros danger. Ali Abdullah
Saleh, qui était déjà président de la République Arabe du Yémen
depuis 1978, prit la tête du pays. Il est encore au pouvoir
aujourd’hui.
En 1990, le Yémen est le seul pays avec
Cuba à s’opposer à la guerre en Irak. Vingt ans plus tard, si
Castro tient toujours tête aux « Yankees », Saleh s’est pour sa
part rangé aux côtés des Etats-Unis dans leur guerre contre le
terrorisme. Comment expliquez-vous ce changement ?
L’opposition à la guerre en Irak n’était pas
le fruit de la politique de Saleh, mais des membres de l’ancien
Parti socialiste yéménite qui occupaient quelques postes-clé
dans le nouveau gouvernement. Cependant, bien que le Parti
socialiste ait toujours souhaité l’unification des deux Yémen
sur une base progressiste, il était trop affaibli par ses
révolutions internes pour faire passer complètement sa
politique. De plus, l’Arabie Saoudite, fidèle allié des
Etats-Unis, fit payer très cher au Yémen cette prise de position
contre la guerre en Irak. Le royaume saoudien expulsa en effet
un million de travailleurs yéménites qui bénéficiaient d’un
statut spécial pour travailler librement de l’autre côté de la
frontière. Cela provoqua une grave crise économique au Yémen
tout en envoyant un signal fort au président Saleh. Ce dernier
revit sa politique pour devenir graduellement la marionnette de
l’impérialisme US que nous connaissons aujourd’hui.
Et les éléments progressistes du Sud l’ont
laissé faire ?
La réunification a été une grande déception
pour les dirigeants du Sud. Ils se sont lancés dans ce processus
sans véritable stratégie. Et comme nous l’avons vu, le Parti
socialiste était très faible. Le centre du pouvoir gravitait
donc au nord autour du président Saleh. Le régime était
corrompu, le renvoi des Yéménites travaillant en Arabie Saoudite
avait provoqué une crise majeure et la situation économique se
détériorait.
Tous ces facteurs ont amené le Sud à demander
la sécession en 1994. Les séparatistes étaient soutenus par
l’Arabie Saoudite qui préférait avoir un voisin divisé et faible
pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’elle entretenait des
contradictions avec son voisin sur le tracé de la frontière : le
Yémen réclamait en effet certains territoires situés en Arabie
Saoudite. Ensuite, parce qu’un Yémen uni avec un bon leadership
pouvait apporter des problèmes aux classes féodales des pays du
Golfe comme l’Arabie Saoudite.
Ces tensions entre Nord et Sud débouchèrent
finalement sur un conflit. Le président de confession zaydite
mobilisa la population du Nord et une grande frange de l’armée
autour de ses convictions religieuses pour lutter contre le Sud
à majorité sunnite. Les séparatistes furent vaincus, ce qui
affaiblit encore plus les anciens membres du Parti socialiste au
sein du gouvernement yéménite. Cette guerre a finalement offert
au Nord et à Saleh l’occasion d’asseoir leur domination sur les
plans militaire et politique.
Quinze ans plus tard, le Sud demande à
nouveau la séparation. Pensez-vous que le président Saleh s’en
sortira aussi bien cette fois ?
Non, évidemment. Saleh doit affronter des
problèmes de toutes parts. Le Sud réclame à nouveau un partage
équitable du pouvoir après que ce gouvernement corrompu ait
pratiquement ramené le pays à l’état féodal. Pour les Yéménites
du Sud qui ont un passé progressiste, la situation n’est pas
acceptable. Mais elle ne l’est pas non plus pour les Houtis au
Nord. Et dans ce cas-ci, le président Saleh ne peut plus
mobiliser une grande partie de la population et de l’armée
autour de ses convictions religieuses : les Houtis sont aussi
des zaydites ! La résistance houtiste a en fait permis de mettre
à nu la véritable politique de ce gouvernement comme aucun
stratège n’aurait pu le faire en si peu de temps. La population
découvre ce qui se passe vraiment et le mécontentement gronde de
plus en plus fort.
Quelles sont les raisons de la colère du
peuple yéménite ?
Tout d’abord, la situation sociale et
économique. Alors que le régime profite des richesses, le peuple
devient de plus en plus pauvre. Il y a aussi le fait que le
Yémen soit devenu un bastion de l’impérialisme US et que Saleh
se soit rangé aux côtés de Washington dans sa guerre contre le
terrorisme. Les Yéménites voient ce qui se passe en Afghanistan,
au Pakistan et en Irak. Pour eux, c’est une guerre contre les
musulmans. Barack Hussein Obama a beau avoir un nom musulman et
faire tous les discours qu’il veut, il n’y a pas d’autres mots
pour définir cette guerre.
De plus, le gouvernement yéménite n’est même
pas capable de protéger ses citoyens. Après les attentats du 11
septembre, certains ont été enlevés et séquestrés sans raisons.
C’est arrivé à un chef religieux yéménite éminent. Alors qu’il
se rendait aux Etats-Unis pour voir son fils, il a été arrêté et
envoyé à Guantanamo sans motif valable. Après six années de
détention, il a finalement été relâché. Mais il est décédé trois
semaines plus tard, car sa détention l’avait rendu malade. Cette
guerre contre le terrorisme ne fait vraiment pas l’unanimité au
sein du peuple yéménite !
Enfin, Saleh a reconnu les frontières de
l’Arabie Saoudite dans le différend qui opposait les deux pays.
Il a aussi autorisé les bombardiers saoudiens à pilonner la
région où sont établis les rebelles houtistes. Pour les
Yéménites, cette situation est inacceptable. Saleh est sur un
siège éjectable. C’est pourquoi il a besoin du soutien des
Etats-Unis qui agitent l’épouvantail d’Al-Qaïda afin de pouvoir
agir librement dans le pays.
Après l’Afghanistan et l’Irak, le Yémen
va-t-il donc devenir le troisième front des Etats-Unis ?
Je pense que ça l’est déjà. L’armée
américaine a déjà envoyé des missiles et des troupes spéciales
sur place. Elle fournit également beaucoup de matériel au Yémen,
mais une bonne partie de ce dernier passe aux mains des
résistants à cause des liens qu’ils entretiennent avec les
zaydites de l’armée yéménite ! Cela fait six mois que Saleh a
lancé une offensive de taille contre les Houtis. Il a également
fait appel aux renforts des armées saoudienne et US. Je ne
serais pas étonné qu’Israël rejoigne prochainement la partie.
Mais malgré tout, ils ne parviennent pas à bout de la résistance
houtiste. Cette dernière est logée dans une région montagneuse,
comme les talibans. On sait toute la difficulté qu’il y a à
combattre des rebelles sur ce terrain. De plus, les Houtis
disposent d’assez d’armes pour combattre encore longtemps.
Un nouvel échec en vue pour les Etats-Unis
?
L’histoire semble se répéter pour les
Etats-Unis. Ce pays a beau être aujourd’hui dirigé par un ancien
musulman, sa politique n’a pas changé. Le discours d’Obama peut
d’ailleurs être très semblable à celui de Georges W. Bush : il
promet de traquer les terroristes où qu’ils soient. Washington
agite l’épouvantail d’Al-Qaïda pour combattre des rebelles tapis
dans les montagnes du Yémen ? Bush a fait la même chose il y a
plus de huit ans avec l’Afghanistan et cette guerre n’est
toujours pas finie.
La question est de savoir combien de temps
cela va-t-il encore durer. L’historien Paul Kennedy a relevé que
le décalage entre la base économique et l’expansion militaire
était l’un des principaux facteurs de déclin des grands empires.
Si l’économie d’une grande puissance est en perte de vitesse,
mais que ses dépenses militaires augmentent, cette grande
puissance est condamnée à sombrer et à devenir très faible.
C’est la situation des Etats-Unis aujourd’hui.
Mohamed Hassan* est un
spécialiste de la géopolitique et du monde arabe. Né à Addis
Abeba (Ethiopie), il a participé aux mouvements d’étudiants dans
la cadre de la révolution socialiste de 1974 dans son pays. Il a
étudié les sciences politiques en Egypte avant de se spécialiser
dans l’administration publique à Bruxelles. Diplomate pour son
pays d’origine dans les années 90, il a travaillé à Washington,
Pékin et Bruxelles. Co-auteur de L’Irak sous l’occupation (EPO,
2003), il a aussi participé à des ouvrages sur le nationalisme
arabe et les mouvements islamiques, et sur le nationalisme
flamand. C’est un des meilleurs connaisseurs contemporains du
monde arabe et musulman.
Dossier
Monde
|