La politique palestinienne est dans une
impasse. Le mandat de 4 ans du Conseil Législatif
Palestinien (CLP) s’est terminé le 25 janvier sans qu’aucune
élection n’ait été prévue. Les élections présidentielles,
qui devaient se tenir l’année dernière, ont été reportées
elles aussi indéfiniment. IPS s’est entretenu avec le Dr.
Mahmoud Al Ramahi, neurochirurgien et secrétaire-général de
CLP, sur cette impasse politique.
Q : Vous avez passé
trois ans dans une prison israélienne et vous avez été
relâché l’année dernière. Quelle était la cause de votre
emprisonnement ?
R : Avec 47 autres membres du Hamas ainsi
que des parlementaires élus du CLP, nous avons été arrêtés
par les Israéliens suite à la prise du pouvoir dans la Bande
de Gaza par le Hamas en juin 2007 et à la capture d’un
soldat israélien qui avait été fait prisonnier par des
combattants basés à Gaza. Nous n’avons été accusés de rien
d’autre que d’appartenir au Hamas.
Q : Le mandat de 4 ans
s’est donc terminé le 25 janvier sans autres élections de
prévues bien que les activités du CLP aient été gelées
depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza. Comment
voyez-vous la situation actuelle et que s’est-il passé quand
vous avez essayé de tenir une conférence de presse il y a
plusieurs jours sur cette situation ?
R : L’Autorité palestinienne exerça une
pression sur les médias locaux pour qu’on ne puisse pas
tenir la conférence de presse dans leur bâtiment et nous
avons dû la faire dans nos propres bureaux.
Par la suite des membres de notre bureau
furent arrêtés par la sécurité de l’Autorité palestinienne
qui les accusa sous le prétexte qu’ils blanchissaient de
l’argent sale. Je fus moi-même suivi par la patrouille de la
sécurité mais grâce à mon immunité parlementaire je ne fus
pas arrêté. Notre groupe fut relâché à minuit et les
accusations ont été levées sous la pression exercée par les
membres du Fatah installés à Gaza qui craignaient que de
semblables mesures soient prises par les autorités du Hamas
contre eux.
Le président de l’Autorité palestinienne,
Mahmoud Abbas, avait fait passer un décret selon lequel
aucune élection présidentielle ou législative ne serait
tenue dans un futur proche même si l’année dernière il en
avait publié un autre qui affirmait que des élections
seraient tenues en janvier cette année.
Q : Le président Abbas
a déclaré que tant que le Hamas ne signerait pas un accord
de réconciliation sous l’égide des égyptiens il n’y aurait
pas d’élections. Pourquoi le Hamas refuse-t-il de signer le
document ?
R : Il existe trois conditions pour
signer le document. La campagne politique d’arrestations
contre les membres du Hamas en Cisjordanie doit cesser. Tous
les membres cisjordaniens du Hamas licenciés sur la base de
leur filiation politique doivent être réintégrer et de
nouvelles élections auraient dû être tenues le 25 janvier.
L’Autorité palestinienne accepta ces conditions pendant les
conversations unitaires l’année dernière.
Cependant, suite à la visite au Caire
l’année dernière de l’envoyé américain au Moyen-Orient
George Mitchell, les Etats Unis exercèrent une pression sur
l’AP, et Abbas revint sur l’accord.
L’Autorité
palestinienne déclara qu’elle n’avait plus les fonds pour
réemployer les fonctionnaires du Hamas qui avaient été
congédiés. Elle déclara plus tard que les commissions
électorales dans le futur ne pouvaient inclure que des
membres du Fatah. Ces conditions sont absolument
inacceptables pour nous qui avons gagné les dernières
élections, lesquelles étaient libres et justes.
Q : Y-a-t-il interaction entre le Fatah
et le Hamas malgré le gel du CLP ?
R : Préalablement à la conférence
inattendue du Fatah au mois d’août dernier nous avions des
relations tout à fait cordiales avec nos collègues du Fatah.
Cependant, au fur et à mesure que s’approchait la
Conférence, la communication cessa presque totalemetn, et on
leur fit savoir que parler avec nous mettrait en péril leurs
chances d’être élus au Comité Central du Fatah.
Auparavant nous respections le Fatah sous
la direction du président feu Yasser Arafat comme la
première organisation révolutionnaire. Désormais, nous
croyons que la présente politique qui consiste à persécuter
les membres du Hamas et à nier le droit à la résistance
contre l’occupation israélienne est une faute grave de la
part de l’AP.
Q : Croyez-vous que la
popularité du Hamas en Cisjordanie a grandi et pensez-vous
que cette popularité pourrait expliquer le refus de l’AP à
tenir des élections ?
R : Abbas a publiquement reconnu notre
popularité grandissante. Je ne doute pas un seul moment que
si des élections libres étaient tenues demain nous les
gagnerions encore comme en 2006. Dans des élections tenues
par les étudiants à l’Université de Birzeit nous avons
remporté plus de 20% de voix par rapport à l’an passé et
perdu seulement pour un faible pourcentage.
Parmi les employés de l’AP beaucoup se
sont affiliés à l’AP seulement parce qu’ils dépendent de
l’AP pour l’emploi et le salaire. Si les Etats Unis avaient
arrêté de les payer pendant un seul mois la base qui
soutient l’AP aurait diminué encore plus que maintenant.
Q : Le Hamas accuse
l’AP de suivre une politique de base antidémocratique dans
laquelle les arrestations politiques, le non respect des
droits humains et le fait de museler la presse sont la
norme, mais le Hamas ne fait-il-pas la même chose à Gaza ?
R : La direction du Hamas en Cisjordanie
a non seulement critiqué ce qui se passe à Gaza mais obligé
la direction à cesser ces pratiques. Cependant, il faut se
souvenir que l’AP a plus de 500 prisonniers politiques en
Cisjordanie tandis que le Hamas en a seulement 50 et qu’un
certain nombre d’entre eux sont accusés de meurtre. Beaucoup
de ces arrestations ont été faites en représailles contre
des arrestations en Cisjordanie.
Q : Le Premier
Ministre de l’AP Salaam Fayaad a admis la torture de détenus
du Hamas en Cisjordanie, mais a dit aussi qu’elle s’était
arrêtée officiellement en octobre dernier. Est-ce vrai ?
R : Dans la plupart des cas les détenus
ne sont plus frappés aveuglement, les prisonniers ne sont
pas attachés dans des positions insupportables mais d’autres
formes d’abus subsistent comme le fait de forcer les détenus
à dormir dans le froid, sur des sols en ciment, sans matelas
ni couvertures en hiver ou en inondant les cellules d’eau de
telle sorte qu’il soit impossible de s’asseoir.
Q : Pourquoi les Etats
Unis devraient-ils négocier avec le Hamas s’ils ont des
raisons de croire que même si votre organisation gagnait des
élections libres, une fois au pouvoir vous ne renforceriez
pas une théocratie islamique ?
R : Nous sommes un mouvement islamique
modéré et on ne nous a jamais accordé ne serait-ce qu’une
période d’un mois après les élections, pour prouver notre
bonne foi. Si on nous avait donné une chance et qu’on ait
prouvé que nous étions antidémocratiques alors il aurait été
logique de nous boycotter, mais pas avant. J’ai expliqué
cela à l’ex-président Jimmy Carter après les élections de
2006 dont il avait été l’un des observateurs. Et laissez moi
ajouter que l’AP est loin d’être démocratique.
L’influence de l’Islam est en constante
progression dans la région, que l’occident le veuille ou
non. Le seul choix est de traiter avec des groupes
islamiques modérés comme les nôtres, ou de continuer à nous
boycotter et à alimenter un réel extrémisme de se développer
sous la forme d’Al Qaida, et ensuite essayer de négocier
avec eux.
Q : Les Américains
disent aussi que votre refus de reconnaître le droit
d’Israël à exister est source de problèmes.
R : Nous avons déjà affirmé à plusieurs
reprises que nous acceptons l’existence d’Israël dans les
frontières de 1967 comme une réalité politique même si nous
n’admettons pas sa légitimité morale.
D’un autre côté Israël n’a jamais reconnu
le droit d’un Etat palestinien à exister même sous l’AP,
malgré le fait que l’AP ait reconnu le droit d’Israël à
exister. Tout ce qu’Israël a reconnu c’est la légitimité de
l’OLP comme seul représentant du peuple palestinien."
Source :
http://www.informationclearinghouse.info/article24538.htm
(Traduit par
Annie et P. Osses pour CAPJPO-EuroPalestine)