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Par Fériel Berraies Guigny. Paris
Khadi Hane: « j'ai des souvenirs d'une époque, où Dakar était la
Capitale culturelle du Monde » !
Fériel Berraies Guigny et Khadi
Hane - © Fériel Berraies Guigny
Nous avons rencontré Khadi Hane, écrivaine sénégalaise, femme
engagée et entière dans ses combats et sa pensée pour la mère
Afrique.
Khadi Hane est née le 6 septembre 1962 à Dakar. Elle fait ses
études secondaires au lycée J. F. Kennedy, et passera son
baccalauréat scientifique en 1982. Elle réussira un DEUG de
physique chimie deux ans plus tard à l'université Cheikh Anta
Diop de Dakar. Elle décide alors de poursuivre ses études en
France, à Limoges en langues étrangères appliquées.
Mais elle commencera par obtenir d'abord en 1991 une maîtrise
option affaires et Commerce à Nanterre. Elle se spécialisera
ensuite en 1992 en commerce international à l'Association
Polytechnique à Paris. Mais c'est une demande d'inscription en
maths- appliquées mal comprise par un fonctionnaire qui changera
le cours des choses pour Khadi Hane.
Khadi HANE fera de nombreux allers retours entre Dakar et Paris
puis décidera de s'installer dans la Capitale française où elle
continuera d'écrire.
D’emblée rien ne la prédestinait à cette vocation, si ce n’est
une incidence de la vie qui lui a fait découvrir le chemin d’une
véritable vocation. Aujourd’hui Khadi envisage de retourner à
ses sources, au Sénégal, elle nous confie « Quand on vit à Paris
on regarde tout le temps derrière soi on est toujours en
instance de départ pour le grand retour, mais on n’arrive jamais
à partir » !
Khadi a fait de cette contradiction entre l’envie de rester et
l’envie de partir, un des axes de sa réflexion littéraire,
partagée entre deux Mondes, deux cultures, deux langues, deux
appartenances qui tantôt la complète, tantôt la voue à une
véritable schizophrénie morale et culturelle. Avoir le sentiment
d’être une copie du « Toubab » dès l’enfance n’est pas facile à
vivre, « nous étions les assimilés, la classe supérieure par
rapport à l’indigène, nous ne savions pas que nous assassinions
notre africanité ».
Un constat aujourd’hui assumé et qui explique son engagement
actuel pour la revalorisation de l’identité africaine et de son
patrimoine culturel. De retour à Dakar, Khadi a fermement
l’intention de s’imposer dans la vie culturelle sénégalaise,
d’écrire des pièces de théâtre en Ouolof, de faire bouger un peu
les choses. Le FESMAN elle veut y croire, mais émet quelques
réserves. Le Panafricanisme ? Oui mais c’est un projet en
devenir qui restera tributaire de la solidarité des africains.
La Francophonie ? Oui absolument car elle peut aller de pair
avec l’identité africaine sans risquer l’assimilation.
Entretien avec Khadi Hane :
Parlez-nous de votre parcours littéraire,
quand comment est venu cet amour pour l'écriture ?
Je suis arrivée à l’écriture par hasard.
Je suis venue faire mes études à Paris et mon but premier était
de trouver un emploi. J’avais envoyé mon CV sans photo et
j’étais parvenue à obtenir un rendez-vous pour discuter d’un
emploi intéressant. Le futur employeur au téléphone, me disait
qu’il était impressionné par mon parcours et mes diplômes. Mais
le jour de mon entretien, quand mon employeur m’a rencontré, dés
« qu’il a vu ma sale gueule » il m’a fait comprendre que le
poste était pourvu. Je n’avais pas le physique de l’emploi, faut
croire.
Cette expérience malheureuse, m’a remplie de rage, il me fallait
un exutoire et j’ai commencé à griffonner des petites choses. Un
ami a un jour lu, et m’a encouragé à tenter ma chance auprès
d’une maison d’édition. Je suis rentrée au Sénégal, j’ai fait
lire le manuscrit aux nouvelles éditions africaines et le reste
de l’histoire n’est plus que littérature. Mon premier roman
s’intitulait « Sous le regard des étoiles ».
Vous écrivez depuis quand ? Vous cumulez
cela à une carrière professionnelle ?
J’écris depuis 1998, cela fait dix ans
exactement. A l’heure actuelle, je suis en train de terminer un
dernier roman, intitulé des « Fourmis dans la bouche » Ce roman
je l’ai commencé il y a trois ans. Je travaille également sur
une pièce de théâtre. Je cumule l’écriture à un emploi fixe,
bien sûr c’est assez contraignant mais j’éprouve le besoin de
rester dans la vie active, pour être dans le mouvement et être
toujours dans le fait des choses de la vie. C’est ma source
d’inspiration et par ailleurs, j’ai tenté l’expérience de
l’écriture seule, cela m’a tellement isolé, que je n’ai pas tenu
le coup. Je suis quelqu’un qui travaille beaucoup, j’arrive à
concilier les deux, même si je traverse des périodes de grande
fatigue. J’écris beaucoup la nuit, et tôt le week-end.
Khadi Hane, la femme Afrique, comment la
voyez vous ?
Je ne vois pas la Femme d’Afrique comme un
tout, car chaque femme est différente d’une autre, si je prends
le cas du Sénégal par exemple, une femme peuhle est différente
de la ouolof, de la sérère tant dans sa culture que dans sa
manière d’être une femme. Je préfère parler de la femme en tant
qu’individu qui a des droits et qui se bat pour les faire valoir
et des devoirs aussi. Je vois une femme qui s’implique dans son
village, pour son pays et même au niveau du Continent pourquoi
pas ?!
Aujourd’hui,
beaucoup de femmes originaires de l’Afrique bougent et
s’engagent pour des causes
africaines nobles.
J’ai beaucoup de respect par exemple, pour la Malienne Aminata
Traore, elle s’investit beaucoup pour la femme en Afrique. Bien
sûr on peut lui reprocher beaucoup de choses aussi car elle a
fait partie du gouvernement malien un certain moment et elle a
été limogée pour corruption. Mais cette dame a continué de se
battre et de prêcher la parole pour que les droits des Femmes en
Afrique soient pris en compte. La femme africaine je la vois
comme Aminata Traore mais aussi comme la femme qui travaille
dans son village qui cultive son champ qui s’occupe de sa
famille. Cette femme là, est un individu à part entière car elle
ne subit aucune influence extérieure.
S’agissant de la femme sénégalaise, c’est encore plus
complexe tant les femmes sont différentes. Mais je peux dire que
c’est surtout l’homme sénégalais qui devrait s’inquiéter
aujourd’hui ! Depuis la nuit des temps, la Sénégalaise est
impliquée, elle est le pilier de la famille et de l’économie.
Même dans les villages, c’est toujours la femme qui ramène
quelque chose.
Vous aimez dresser des portraits de
sociétés à travers elles ? Les femmes africaines « importées »
comment les voyez vous ? Et celles restées la bas ?
L’écrivain est très influencé par son
environnement immédiat, ce qu’il vit, ce qu’il voit, ce qu’il
observe. C’est une sorte de comédie humaine. En tant
qu’africaine noire, tout ce que j’ai vécu est de la comédie !
Je me sens une caricature de l’être humain, car je suis
née à Dakar, après l’indépendance, tout en étant dans
l’indépendance, c’est quelque chose qui ne veut rien dire. Car
Dakar c’est comme Paris, les gens se comportent de la même
manière, on parle français, dans certaines familles on mange à
table, alors que nous normalement, c’est la main autour du bol.
Je me suis toujours habillée en robe et pantalons, durant toute
mon adolescence j’ai boycotté les pagnes et les boubous. J’ai
parlé et pensé en français longtemps. Heureusement que j’ai eu
la chance de faire des études en France, c’est là le déclic. Je
me suis rendue compte que toute ma vie a été une comédie. J’ai
enfin ouvert les yeux, je n’avais rien d’africain. J’ai commencé
alors à faire une recherche sur moi-même. Je me comparais aux
femmes africaines d’ici et je demandais en quoi est ce que je
suis supérieure à elle. Et là je me suis rendue compte, que
c’étaient elles qui étaient supérieures, car elles étaient
authentiques.
J’arriverai à redevenir ce que je voulais être auparavant. Moi
j’ai subi, je suis née en étant une copie de quelque chose. Je
me rappelle quand j’allais à l’école à Dakar, d’un terme qu’on
utilisait c’était le terme « assimilé » à l’époque on disait que
c’était positif. Cela signifiait être supérieur, c’est un statut
supérieur entre celui qui est indigène et avant le français, on
était quasi français. C’était une copie. Heureusement qu’on
s’est réveillé, on peut côtoyer l’autre, prendre le positif de
l’autre, sans pour autant s’identifier.
Pour vous Paris est à bien des égards
devenue l'antichambre de ce qui se passe en Afrique ?
Il y a une vague de femmes africaines dont
des sénégalaises qui sont arrivées pour des études puis elles
sont restées, car elles créent des liens avec des personnes ou
ont trouvé une situation professionnelle. Là on reste, mais on
est toujours tournée vers le Sénégal. Je compare toujours Paris
à une pute, c’est elle qui nous possède car on ne rentre jamais.
C’est plutôt Paris qui libère quand elle a assez de nous !
Et puis, oui on a tout de l’Afrique même à Paris ! Pas
besoin de prendre l’avion (rires)
Petite anecdote, que pensez-vous de
l'affluence des Marabouts dans la capitale ?
Je pense que la misère fait que l’on a
tendance à croire n’importe quoi pour s’en sortir. Les clients
sont multi couleurs, tout le monde y croit. Même dans ce livre
que je finis, je parle de ce phénomène qui est très présent, on
joue sur la psychologie des gens. Mais les vrais Marabouts ne
voyagent pas, ils restent dans leur pays d’origine.
Comment selon vous, vivre ce métissage
entre africanité et occidentalisme ?
J’essaye de combiner les deux influences,
aujourd’hui j’accepte plus la cohabitation car je vis en
Occident et il est normal de prendre un peu du pays de
résidence. Aujourd’hui j’avoue aussi que j’ai du mal à lire en
ouolof ou en peuhle. Je me suis mise à apprendre l’alphabet
ouolof et peuhle après, car je veux écrire des pièces de théâtre
dans ces deux langues, une fois installée à Dakar.
S'agissant de votre style littéraire, vous avez fait de
l'autodérision et des critiques de la société africaine votre
thème de prédilection ? Ne craignez-vous pas de figer notre
Continent sur des clichés qui perdurent et qui pourraient être
désavantageux pour lui ?
Ca serait un mauvais procès à me faire car l’autodérision me
permet d’entrer en fait dans les choses en profondeur, dans le
douloureux de ce que je suis. Il n’y a pas de récupération, la
dérision peut faire passer le message plus souplement. Car quand
le récit est dur, le message ne passe pas facilement, cela
permet de capter l’intérêt du lecteur et pour moi, d’avoir un
certain recul.
Ceci dit n’y a t-il pas certains clichés
qui perdurent sur l’Afrique ?
Oui absolument, mais comment les
déconstruire ?! (Rires) par contre je pense que l’africain doit
faire un sérieux travail sur lui-même, car la victimisation à
vie il faut la dépasser, elle nous mène à une impasse. Il m’est
arrivé à des salons du livre, dont le plus récent à Turin, où on
a donné la parole à un écrivain d’origine camerounaise sur la
thématique de la culture africaine contemporaine et le voilà
parti sur l’esclavage !
Je ne vois pas le lien avec la colonisation et
l’esclavage, de nous réduire à cela, c’est terriblement
frustrant !
L’Afrique fait des choses, elle s’est construite, elle n’a plus
de chaînes à ses pieds, avançons pour continuer
Pensez-vous qu’il y ait des résurgences de
néocolonialisme avec la francophonie ?
Je pense que oui et c’est tellement
évident ! La Francophonie en tant qu’Institution n’a pas sa
raison d’être ! Mais parler une langue étrangère, ne veut pas
dire qu’on lui est esclave. La cohabitation est possible !
Que pensez-vous de la France actuelle par
rapport à ces phénomènes? la présence de femmes d'origines
étrangères comme la Ministre Rama Yade, est ce un espoir que les
communautés seront plus entendues?
J’ai connu Rama Yade, c’est une battante,
elle est engagée et elle a de bonnes idées par rapport au
Sénégal. Mais je pense aussi, que maintenant dans sa position
actuelle, elle a les mains liées, elle ne peut rien faire dans
ce gouvernement.
Comme presque tous les autres membres du gouvernement ce
sont des pions pour ne pas dire des «bouche trous », mais pour
Rama Yade, c’est encore pire, car elle multiplie les conneries
avec ces déclarations à la télé comme quand elle traite la
presse française de « charognards »
Je pense aussi qu’elle est très mal entourée. L’idée de la
diversité dans le gouvernement français, est une bonne chose,
mais actuellement tous ceux qui ont été nommés n’avaient ni
l’envergure ni la compétence de l’emploi. Du coup, on a un
gouvernement fantoche et ceux issus de la diversité n’oeuvreront
pas pour les communautés concernées. L’individualisme prévaudra
sur les belles promesses.
Que pensez-vous de la production
littéraire et artistique sénégalaise actuelle? Les politiques
culturelles au Sénégal sont-elles incitatives pour la création
locale ? Que pensez-vous de l'avènement futur du FESMAN, le
Président Wade y voit une façon de concrétiser le projet
panafricaniste ?
Il y a beaucoup à faire en terme
politique, budget et organisation et en terme de présence de
maisons d’éditions. Au Sénégal, il n’y a pratiquement plus de
maisons d’éditions, les nouvelles éditions africaines qui ont
fait l’âge d’or sont les seuls sur la place et encore.
Heureusement que le pays regorge d’une vie culturelle
trépidante, car tout ce qui s’y passe est culturel. Les gens
n’attendent pas que le politique vienne les chercher pour le
culturel, ce sont les gens qui y vont spontanément. Dès
l’instant où c’est organisé par un gouvernement, là cela ne
marche plus !
Les deux dernières foires du livre à Dakar ça a été
n’importe quoi !!! Et c’est l’occasion aujourd’hui pour moi de
pousser mon coup de gueule !!!
Figurez-vous que s’agissant de la Foire du livre à Dakar, j’y ai
été qu’une seule fois en 1999.
Et depuis lors, on ne m’a plus invitée et pourtant ils parlent
de littérature sénégalaise, or ils invitent des auteurs
congolais, béninois, togolais mais pas moi !!!
Tous ces auteurs vivent à Paris, on leur envoie le billet, et
moi je n’y suis pas !
Il faut mettre l’accent sur ses auteurs aussi ! Donc on ne voit
que les Sénégalais en place car il n’y a pas de billet à
acheter, mais on préfère payer le billet à l’auteur étranger sur
Paris, plutôt que l’auteur sénégalais sur Paris !
J’irais même plus loin, en vous disant que j’ai été reçue en
février dernier par la personne qui organise la foire et qui m’a
promis l’invitation, il s’agit de Saher Samb !
Saher si tu lis ça, saches que je t’en veux ( Rires)
Pensez-vous que la relève se fera par
l'Afro culture ?
En 1966 j’étais très petite, mais j’ai un
vague souvenir de la chanson à la radio sur le festival mondial
des Arts nègres, je me souviens être sortie avec ma mère, il y
avait de la culture partout, c’était impressionnant, il y avait
aussi un bal populaire. J’ai des souvenirs sur la place de
l’indépendance, j’ai en fait des souvenirs d’une époque où Dakar
était la Capitale culturelle du Monde !
Et là l idée que le FESMAN revienne est une bonne chose,
mais depuis qu’on en parle, est ce que cela va se passer
vraiment ? Je pense que les obstacles majeurs viendront des
conflits entres les organisateurs, qui fait quoi, qui prend
quoi ?
Moi je n’ai pas ma langue dans ma poche, tout de suite j’ai
adressé un message à Saher Samb et je le donne aussi à Alioune
Badara Beye qui est le président de l’association des écrivains
du Sénégal pour dire qu’il est temps de réagir, il est chargé de
coordonner l’organisation de cet évènement, mais depuis rien
n’est fait !
Dakar est une ville de Culture, il faut lui redonner la
possibilité de se faire rencontrer les artistes africains de la
Diaspora avec leurs frères d’Afrique !
Pour la relève de l’Afrique, la Culture jouera une grande part
mais il faudra aussi d’autres victoires comme celle de la
démocratie et de l’unité. Il faut la solidarité entre les
Africains, faire naître l’envie de travailler pour un pays. Il
faut raser tout ce qui existe dans le pays, pour faire des
nouveaux nés pour inculquer la citoyenneté !
Dès la naissance on doit dire à l’enfant «tu es né sénégalais »
à l’école on doit faire la même chose !
Il faut inculquer le respect pour son pays dès le berceau ! Il
faut enlever les « symboles du blanc» la mâchoire suspendue à
une corde, c’est l’équivalent du bonnet d’âne en France. On
apprend à s’automutiler moralement en singeant une copie pour
devenir une contrefaçon.
Il ne faut pas qu’il écoute des chansons du genre « il fait bon
de dormir auprès de ma blonde » ! Il ne faut pas qu’il renie sa
langue maternelle à l’école, ouolof, peuhle ou serere. Car tout
ça cause la fuite des cerveaux, ses pirogues qui voguent au bout
de la mort dans l’espoir d’un eldorado européen. Cela a crée un
mal être incroyable à nos intellectuels, moi la première j’ai
été otage de tout cela, de cet assassinat récurrent des racines
nourricières.
Que pensez-vous de l'Alliance
panafricaniste crée par Wade en 2006, mythe ou réalité à
construire ? Les Etats-Unis d’Afrique ?
Le Panafricanisme oui pourquoi pas une
réalité à construire ? Comme pour le FESMAN ! Par contre par je
ne suis pas trop pour les Etats-Unis d’Afrique ! Car cela
supposerait la perte des identités respectives, la richesse
d’une rencontre comme je le disais auparavant c’est de prendre
des deux bords et non se fondre en un. Quant à l’unité politique
du continent elle serait dangereuse et impossible !
Regardez comment les Chefs d’Etats africains arrivent au
pouvoir, à part Wade qui a été réélu !
Regardez ce que Idriss Deby vient de faire avec le scandale de
l’Arche de Zoé !!! Il a amnistié des gens qui ont pris des
centaines d’enfants pour garder sa place au gouvernement !
Ces leaders sacrifient leur peuple pour rester au pouvoir !
S’ils devaient se fondre en un seul leadership il y aurait des
luttes sanglantes pour avoir le pouvoir central !
C’est une mauvaise idée l’unité politique de l’Afrique, laissez
les gouverner à leur manière, mais que le peuple se réveille !
Arrêter de dormir et surtout de gueuler pour rien !
Si je vous dis Mongo Beti vous dites
quoi ?
Odile Tobner sa
femme ! Comme Senghor
me fait penser à Colette
Senghor, en d’autres termes ce sont des
nègres qui ont tout donné à la négritude et qui sont mariés à
des causes blanches. Je me pose des questions par rapport à ces
choix, car leur époque à eux était très dure. Ils étaient les
piliers du réveil de l’individu noir et pourtant ils se sont
laissés avoir. Aujourd’hui, notre époque veut l’amour et le
métissage, mais pour leur époque, c’était très tendancieux. J’ai
envie de comprendre aujourd’hui, même pour Cheikh Anta Diop,
cela m’interpelle !
Que pensez-vous des blancs qui deviennent
africains ?
Richard Bohringer, je l’adore, c’est un
homme vrai ! Quand il dit qu’il aime le Sénégal, il aime le
Sénégal. J’ai fait avec lui un salon à Bordeaux. J’aime beaucoup
sa fille, Romane aussi qui vient souvent dans le pays.
Je suis convaincu de son choix affectif pour ma terre.
La Revue française Cultures Sud est une
revue qui aide à la promotion des talents africains locaux.
Qu’en pensez-vous ?
C’est une revue qui fait du bon travail,
elle aide à faire connaître nos auteurs. Et tout ce qui aide à
faire connaître le talent de quelqu’un au Monde entier, est une
grande opportunité !
Si l’on tape par exemple un nom d’auteur africain, on
tombe presque toujours sur cette revue qui a une réputation
solide à l’international. Elle a fait connaître toute une
nouvelle génération d’auteurs du Sud. La Revue est une
initiative noble.
Aimé Césaire vient de nous quitter, et
pour beaucoup la négritude doit être dépassée qu'en dites-vous ?
C’est plutôt aujourd’hui, qu’on doit
s’appuyer sur la négritude pour avancer !
En parlant de nègre fondamental, on a été valorisé dans
notre identité, notre culture, notre force et tout ce qui reste
à conquérir. Car aujourd’hui, tout ce qui reste encore à
conquérir, c’est l’Afrique c’est une terre vierge ! Il y a
beaucoup de choses à faire et à construire.
« Black is the future » !
Comment expliquez vous que la négritude
de Senghor ait moins d'émules que celle d'Aimé Césaire ?
C’est inexplicable mais j’ai aussi une
petite idée, car Senghor avait un côté « petit nègre du nègre »
oui ses poèmes sur la négritude étaient magnifiques mais il
suivait aussi « le maître » on peut penser que la négritude lui
faisait œuvre de fond de commerce, autant son poème « femme
noire » était mémorable, autant « ma poupée rose » pouvait
prêter à polémique. Senghor était auparavant marié avec la fille
de Félix Eboué, il n’a pu la supporter car sa peau était noire.
Je me rappelle d’une célèbre phrase à lui, étant toute petite «
… j’ai appris le Ouolof en même temps que j’ai appris le
français » ! cela m’ a choqué !
Il y a même un poème en ouolof où il dit « yetna yetna
…. » « je suis monté je suis monté au fond du trou » !
On ne monte pas, on descend au fond d’un trou non ! ? Quel est
le sens qu’on peut donner ? peut être ne sentait-il pas bien en
tant que nègre ! C’est un mystère encore aujourd’hui.
Fatou Diome, votre compatriote pense qu'on
peut écrire en langue étrangère et rester « africaine » qu'en
pensez vous ?
Le bilinguisme peut être sainement vécu,
mais dans le cas de Fatou Diome cela n’est pas le cas. Dans sa
récente interview avec Jeune Afrique, elle a dit quelque chose
d’aberrant « … si l’Africain ne communiquait pas en français ou
en anglais, il communiquerait aujourd’hui avec un Tam Tam » !!!!
Je trouve ça tellement débile de sa part et en même temps
je me demande ce qu’elle a dans la tête pour sortir une chose
pareille !
Franchement c’est une connerie de plus qui conforte les clichés
contre l’Afrique, pour ça je lui en veux
Quels sont vos projets futurs? Un retour
au pays natal est ce pour bientôt ?
J’espère que c’est pour bientôt, je m’y
prépare, fin 2008. Sur place j’ai envie de faire de la
production théâtrale en ouolof, français et en peuhle.
Qu'avez vous envie de dire aux femmes
sénégalaises ?
Battez vous, travaillez, prenez vos
destins en main, vous êtes des Humains et non uniquement des
femmes. Ne tournez pas la tête en direction de l’Europe en
parlant de féminisme, car vous êtes déjà émancipées, comme le
disait Kem Bugul, mon aînée « Quand le colon est arrivé en
France, sa femme est arrivée dans ses bagages et elle portait un
robe à longues manches qui traînait par terre, un voile et un
chapeau d’où l’on ne voyait rien, pendant toi que toi la
sénégalaise tu portais un pagne et les seins nus tu travaillais
la terre, donc ne tournes plus la tête !
Merci Khadi Hane
Publications :
Il y en a trop dans
les rues de Paris, théâtre, 2005, Editions NDZE
Le collier de paille,
roman, 2002, Editions NDZE
Ma sale peau noire,
roman, 2001, Editions Le manuscrit
Les violons de la
haine, roman, 2001, Editions Le manuscrit
Sous le regard des
étoiles..., roman, 1998, Nouvelles Editions Africaines du
Sénégal
Le désarroi, nouvelle
in Je suis vraiment de bonne foi, ouvrage collectif, 2001,
Editions NDZE
La maison sur la
colline, nouvelle in Enfances, ouvrage collectif, 2006, Editions
Tropiques
Aïcha, nouvelle in
Balançoires, ouvrage collectif, 2007, Editions Tropiques
Autres:
Présidente de
l'association Black Arts et Culture à Paris, spécialisée dans la
production théâtrale d'oeuvres d'auteurs du sud.
Crédits :
Cette interview est une exclusivité du
magazine Destin de l’Afrique Sénégal.
Photo : Courtesy of Fériel
Berraies Guigny
Article de presse Courtesy of F.B.G Communication
www.fbgcom.net
Publié le 28 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies
Guigny
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