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Fériel Berraies Guigny

Pétrole : la guerre économique ?


Jean-Pierre Favennec

Le Pétrole est une arme redoutable, qui renvoie le plus souvent à la question de la dépendance. L’augmentation du niveau et des conditions de vie dans les pays développés depuis un siècle, mais aussi la multiplication des échanges internationaux, donc la mondialisation contemporaine, sont étroitement corrélés à l’utilisation toujours plus systématique de cette énergie pour le  plus grand intérêt des pays producteurs et le plus grand dam des pays consommateurs non producteur ou petits producteurs.
La question de la hausse du prix du  pétrole nous amène à nous poser, certaines questions face à une carte géo-énergétique en pleine mutation :
Quel est l’impact de la hausse du pétrole sur les économies du Monde Arabe ? Qu’elles en sont les répercussions sur les pays pauvres ? Comment pallier à cette surenchère sur le long terme ?
La globalisation et la dépendance croissante au pétrole de nos économies ont amplifié la dimension stratégique de cette énergie. Et, c’est en retour, l’instrumentalisation du pétrole par des Etats dépendants, qui crée une situation où le cours du baril apparaît très volatile et durablement élevé même lorsque la conjoncture économique ne le justifie plus. Dans ce contexte, les Etats semblent pour le moment dans l’incapacité de proposer des réponses cohérentes et adaptées. Les marchés quant à eux sur-réagissent face à une situation incertaine qu’ils ne maîtrisent pas. Le manque de visibilité est évident quant aux enjeux énergétiques futurs.

L’Expression a rencontré Jean-Pierre Favennec, Directeur du Centre Economie et gestion de l'Ecole du pétrole et des moteurs, pour évoquer toutes ces questions. Jean-Pierre Favennec est ingénieur diplômé de l'Ecole nationale supérieure des industries chimique et de l'Ecole du pétrole et des moteurs.
En 1990, après vingt années passées dans le secteur du conseil pour les industries de l'énergie, il rejoint l'Ecole du pétrole et des moteurs en tant que responsable de la formation des étudiants. En 1991, il développe les activités de formation permanente dans le secteur économie et gestion des hydrocarbures. Jean-Pierre Favennec est nommé Directeur du Centre Economie et Gestion en 2000.

Entretien avec  J P Favennec :

1) La hausse  du pétrole, comment  se répercute t-elle pour les économies du Monde Arabe et  le Maghreb ?  

Dans le Monde Arabe, il y a d’une part, les pays producteurs de pétrole et ils sont assez nombreux. Cela concerne en grande partie, les pays autour du Golfe et les pays arabo persiques : Iran, Irak, Arabie Saoudite, Koweït, les Emirats Arabes Unis. Ces cinq pays, à eux seuls détiennent les 2/3 des réserves de Pétrole mondiales. Ils en assurent une importante production. Il y a également, d’autres producteurs dans le Monde Arabe, comme Oman, le Yémen et bien sûr, en Afrique du Nord, il y a l’Algérie et la Libye. Il est clair que pour tous ces pays là, l’augmentation, du prix du pétrole, est une manne. Si on prend en exemple, l’Algérie, c’est un pays qui souffrait beaucoup en 1998 s’agissant du prix du pétrole qui était à dix dollars le baril.. A partir de 2000 et  pendant plusieurs années, ce pays a fait son budget sur la base de 19 dollars le baril. L’Algérie utilisait ses surplus pétroliers pour rembourser sa dette. Aujourd’hui avec la hausse du pétrole, ses recettes sont devenues considérables. C’est vrai pour la plupart des pays producteurs de pétrole. A l’inverse, les pays arabes non producteurs, je pense en particulier au Maroc sont dans une situation délicate, dans la mesure où ils sont uniquement importateurs. La Tunisie, elle produit un peu de pétrole, le problème est donc moins important. S’agissant de l’Egypte, c’est un pays qui a les mêmes difficultés que le Maroc, car il produit du gaz et pas de pétrole.

2) Faut-il baisser la taxe de l'Etat ?  

S’agissant des taxes sur les produits pétroliers, je ne connais pas la situation dans les différents pays consommateurs. Tout ce que je peux vous dire par conséquent, s’agissant d’un pays consommateur non arabe comme la France, c’est que la taxe représente une partie très importante du prix des carburants. Il y a quelques années, elles étaient à 80% du prix. Aujourd’hui avec l’augmentation du prix du pétrole, elle n’est plus que de l’ordre de 60 %. Ca atténue d’une certaine façon la hausse des prix au consommateur final. Baisser les taxes, par contre à mon avis, ne serait pas une bonne solution. Pour deux raisons : d’abord  parce que dans les pays industrialisés ce sont des ressources capitales, en contraste avec la taxe sur les revenus et le logement. Cela reste une taxe relativement indolore, elle représente 15 à 20% des traites de l’Etat. D’autre part, baisser les quote-parts, inciteraient les consommateurs à utiliser davantage cette énergie. Alors que l’urgence est à l’économie de cette ressource. Même si cette hausse est douloureuse pour les plus pauvres aussi bien dans les pays industrialisés que les pays pauvres d’Afrique Subsaharienne.

3) Comment amortir la hausse du prix pour les consommateurs ? 

Je pense que l’on ne peut pas l’amortir et c’est difficile de dire cela. Mais je suis réaliste, je travaille beaucoup pour ma part avec les pays d’Afrique de l’Ouest. Chaque année, je participe à un Sommet de l’énergie en Afrique. Je viens de revenir d’un Sommet à Dakar et ce problème a été évoqué. Le Président sénégalais Abdoulaye Wade a déclaré en ces termes « … je ne peux pas payer le pétrole plus que 29 dollars le baril » ce qui était le prix en 2003, « donc, tout ce qui est au-delà de 29 dollars le baril, doit être payé par soit le pays producteur, soit les sociétés pétrolières, soit une institution internationale ». Comme on le dit dans ces cas là, même si la question est bonne la réponse n’est pas toujours satisfaisante. Ce qu’il faut dans ces pays, c’est réduire les consommations, faire des économies d’énergie. C’est d’autant plus gênant pour moi de dire cela, que ces pays sont déjà des pays où la consommation d’énergie reste relativement faible. Quand on considère qu’un américain consomme 70 fois plus d’énergie, qu’un africain de l’Ouest. Et au fond si on veut parvenir à un équilibre mondial, une réduction de la consommation d’énergie serait beaucoup plus efficace, si elle venait à se faire aux Etats-Unis ou en Europe, plutôt que dans les pays pauvres. C’est très cynique de notre part, d’attendre de ces pays plus d’efforts. Je crois que l’on doit aider le consommateur à trouver des méthodes de substitution et la hausse des prix est un bon indicateur de cette nécessité.

4) Jusqu'où peut aller cette hausse ? Et les pays pauvres, qui s'en soucient ? 

Le Président Pompidou, avait dit cette phrase que j’aime beaucoup « lorsque les bornes sont franchies il n’y a plus de limite » et s’agissant du pétrole, c’est bien le cas. Aujourd’hui on ne sait pas très bien jusqu’où cela peut aller, les seules remarques que l’on peut faire par contre, c’est que la hausse doit normalement freiner la consommation. Actuellement, le problème n’est pas relatif aux réserves qui sont encore là, mais c’est  plutôt un problème de capacité de production.  Le robinet pour faire sortir ce pétrole, n’est pas assez gros. La hausse pourra avoir tendance à réduire la demande, elle pourra inciter les pays à produire un peu plus, et ainsi réduire le déséquilibre. Maintenant, il se passe quelque chose de beaucoup plus complexe et qui n’est pas très facile à expliquer : la hausse des prix est telle, qu’actuellement les pays producteurs de pétrole n’ont pas intérêt à augmenter leur capacité de production !
Je ne peux donc vous répondre concrètement. Je ne pense pas que la hausse se poursuive encore très longtemps, tout comme je ne suis pas certain que le prix reste de l’ordre de 80 à 90 dollars le baril.  Pour les pays pauvres, ces prix sont très chers et beaucoup ne peuvent pas se permettre de l’acquérir à ces prix, ils dépensent près de 10% de leur richesse pour acheter le pétrole. C’est beaucoup trop.

5) Le renchérissement du prix du pétrole va t il accélérer les recherches d énergie de substitution  bio carburants, énergies renouvelables? 

Oui certainement, on  voit bien tout l’intérêt actuellement qui est mis sur les biocarburants. Mais j’avancerai deux choses également : le biocarburant actuellement n’est que 1% de la demande mondiale. Les nouvelles énergies renouvelables : le solaire, le vent etc., ne constituent que 1% des demandes d’énergie.  Bien sur ces énergies il faut les développer. S’agissant des biocarburants, c’est la même chose, c’est une alternative nécessaire, mais il ne faut pas trop attendre d’eux. Ils ne suffiront pas à résoudre le problème actuel.

6) Les pays producteurs de pétrole et les compagnies, s y préparent ils?  

En fait, il me semble que les pays producteurs de pétrole, optent plus pour une stabilisation de leur production. Certains d’entre eux, sont par contre en train de penser à développer des programmes nucléaires. Le redéploiement de l’énergie nucléaire dans les pays déjà détenteurs et ceux qui ne l’ont pas encore, est une option à considérer. D’ailleurs durant la visite du Président Sarkozy, en Algérie, cette question sera abordée.
Mais il convient de préciser que les pays producteurs de pétrole, bien que cherchant à diversifier leur activité, attribuent aux autres énergies, une part relativement limitée de leur activité.

7) Le système énergétique mondial va t il évoluer dans les prochaines années? 

Il le faudra pour deux raisons : la première raison est relative aux réserves de pétrole, car actuellement 80 à 90% de l’énergie est l’énergie fossile, issue du pétrole, gaz et charbon.
Pour l’heure, les réserves de charbon ne sont pas limitées, par contre pour le gaz et le pétrole, le problème va se poser dans une dizaine d’années. Il faudra trouver des solutions progressives. La principale menace sur le système énergétique actuel, n’est pas le problème des ressources mais plutôt le problème des changements climatiques. On consomme 90% d’énergie fossile et cela dégage du CO2. On a réellement un problème et il faut changer. De mémoire, certains pays ont déjà annoncé qu’ils allaient réduire considérablement leur émission de CO2. La France a annoncé qu’elle renoncerait de 75% les émissions de CO2 d’ici 2050, grâce à une meilleure efficacité énergétique etc.
D’autre part la prochaine conférence de Bali, devrait normalement mettre en place, la suite du protocole de Kyoto. Mais il faut être réaliste il ne faut pas s’attendre à  une baisse radicale des émissions de CO2, du jour au lendemain. S’agissant de nos consommations futures, quand on regarde les prévisions elles sont surtout faites de consommation de gaz, pétrole et de charbon. Clairement, la diversification sera nécessaire, les énergies renouvelables, le solaire. Il faut penser aussi aux énergies que l’on ne consomme pas, en d’autres mots, trouver les moyens pour réduire les consommations. Cela reste l’enjeu majeur pour les prochaines années.

 

Crédits Presse : Courtesy of F.B.G Communication
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Entretien réalisé exclusivement pour  l’Expression Tunisie.
Publiée le 21 janvier 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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