Rencontre avec George Galloway
Tous unis avec les musulmans pour briser le siège de Gaza
Vendredi 22 janvier 2010
George Galloway, député britannique à la Chambre des communes
(*), est un homme posé, vif, chaleureux. Son regard bleu est
attentif et amical. Il n’a pas de temps à perdre. Il est
préoccupé par la gravité de la situation à Gaza. Il a mille fers
au feu mais il a néanmoins accepté de venir donner, le 26
janvier, une conférence à Lyon (**). C’est dans ce cadre que
nous l’avons rencontré. D’une
voix forte, claire et limpide, il délivre son message : face à
la guerre que mène l’Occident contre le monde musulman, c’est
une faiblesse mortelle de la gauche de ne pas s’unir avec les
musulmans [1].
Il est impératif que toutes les forces progressistes et
anti-guerre s’unissent avec eux. Car les positions des musulmans
aujourd’hui sont objectivement les mêmes que celles de tous les
progressistes dans le monde : en finir avec les guerres et les
injustices.
Silvia Cattori :
Après le dernier
convoi de « Viva Palestina » à Gaza [2],
que comptez-vous faire ?
George Galloway :
Je pense que le temps des discussions est passé. Les actions
parlent plus fort que les mots. Nous devons briser le siège de
Gaza par tous les moyens. Nous l’avons brisé trois fois au cours
des derniers onze mois ; nous devons continuer de le briser de
plus en plus pour obtenir la fin définitive de ce siège.
Nous n’allons pas laisser
seule la population de Gaza. Le prochain convoi se fera par la
mer. Nous n’avons pas d’autre choix. On prendra la mer en mai
2010. Il y aura des navires d’Afrique du Sud, du Venezuela, de
Malaisie, de Turquie, etc. Nous avons besoin d’autant de navires
que possible, du soutien d’autant de gouvernements que possible,
de la protection d’autant de drapeaux que possibles pour
apporter à Gaza autant d’aide que possible ; du ciment, du bois,
des clous, pour reconstruire Gaza.
Certes, c’est beaucoup plus
difficile maintenant que l’Egypte a interdit l’entrée de son
territoire aux convois. J’aurais préféré aller par terre plutôt
que par mer, je ne suis pas un marin, mais c’est la seule voie
pour aller à Gaza. Nous voulons que ce convoi international
puisse naviguer sous pavillon turc, qu’il y ait à son bord des
personnalités éminentes, et qu’il puisse transporter une grande
quantité de matériel. Nous avons de bonnes chances d’arriver à
bon port. Si nous y parvenons, nous pourrons revenir avec nos
bateaux remplis de produits de Gaza, et amorcer ainsi une ligne
commerciale maritime entre Gaza et le monde.
Nous sommes en train de
construire une coalition internationale ; le mouvement « Viva
Palestina » existe maintenant dans de nombreux pays :
Afrique du Sud, Australie, États-Unis, Malaisie, Grande
Bretagne, Irlande ; je souhaite voir le mouvement de solidarité
en France se joindre à nous.
Silvia Cattori :
Si je comprends
bien, vous comptez rassembler et unifier internationalement les
groupes et les gens, actuellement dispersés et affaiblis, pour
atteindre la plus grande efficacité possible et devenir
éventuellement le leader de ce mouvement ?
George Galloway :
Non, je ne pense pas en être le leader. Je crois que la Turquie
est le leader. Le Premier ministre, M. Erdogan, devrait être
notre leader. C’est, je crois, le seul homme d’État qui peut
réellement avoir un large écho - en particulier dans le monde
musulman, le monde arabe - et qui peut réveiller le géant
endormi de l’opinion publique arabe.
La Turquie a été un élément
très important dans notre réussite. Elle est un nouveau facteur
dans cette équation palestinienne. Après des décades d’alliance
stratégique avec Israël, la Turquie est dirigée aujourd’hui par
un gouvernement que les citoyens du monde ne peuvent qu’admirer.
L’ONG humanitaire turque, IHHA a été décisive dans le succès de
notre dernier convoi. Elle nous a apporté des véhicules et plus
du 40% des personnes qui ont participé au convoi. M. Erdogan est
intervenu personnellement pour obtenir que Moubarak nous laisse
passer. Il nous a apporté tout le soutien politique et
diplomatique qu’il nous fallait pour que nous puissions
atteindre notre objectif d’entrer à Gaza pour offrir à la
population notre matériel et notre soutien.
Silvia Cattori :
Je comprends que
vous soyez pressé de repartir, et de vous lancer dans un nouveau
défi pour attirer l’attention du monde sur Gaza et sa population
délibérément affamée, et toujours prise au piège d’un
enfermement plus que jamais cruel et dangereux. Mais n’est-ce
pas un rêve irréalisable ? En naviguant sous pavillon turc, ne
craignez-vous pas d’être accusé de vouloir dresser un État
contre un État ? Cela ne sera-t-il pas considéré par Israël
comme un acte de guerre ?
George Galloway :
Non, cela ne sera pas un acte de guerre parce que les eaux
internationales sont les eaux internationales ; et après c’est
la mer de Gaza. Il faut seulement avoir le courage de passer des
eaux internationales aux eaux de Gaza. Il n’y a aucune menace
contre Israël. Le convoi peut être inspecté par des
fonctionnaires des Nations Unies, pour vérifier qu’il n’y a pas
d’armes. Déjà plusieurs bateaux sont passés.
Silvia Cattori :
Les deux dernières
tentatives d’atteindre Gaza par la mer, en 2008, ont échoué ! Et
les trois premières tentatives, si elles ont réussi, n’est-ce
pas qu’Israël avait peut-être à ce moment là, un intérêt à les
laisser passer ?
George Galloway :
Il s’agissait d’un ou deux bateaux, et ils n’avaient pas la
protection d’États importants. Il faut s’assurer la protection
d’États qui pèsent d’un certain poids. C’est à quoi nous
travaillons maintenant.
Je crois que nous sommes en
mesure de créer les conditions qui nous permettront d’arriver à
bon port. Nous devons essayer coûte que coûte ; dans ce contexte
de blocus, il n’y a pas d’autre voie pour atteindre Gaza que d’y
aller par la mer. Au début des années 1960, quand Berlin Ouest
était isolé, tous les pays européens ont organisé un pont aérien
pour lui apporter de l’aide. C’est d’un tel pont dont nous avons
besoin. Nous ne pouvons pas le faire par air mais nous pouvons
le faire par mer. Plus important il sera, mieux ce sera. Nous
devons y aller en grand nombre ; nous devons avoir à bord des
personnalités de renom, et le soutien d’États importants, ou au
moins d’un État important. Et la Turquie sera, je crois, la clé.
Silvia Cattori :
Le groupe de « Free
Gaza » n’a-t-il pas annoncé son intention d’aller à Gaza à la
même époque ? Ne travaillez-vous pas ensemble ?
George Galloway :
Je ne sais pas ce que va faire « Free Gaza » ;
nous respectons ce qu’ils font. Nous savons qu’ils ont déjà
différé trois fois leur voyage ; je souhaite qu’ils se joignent
à notre convoi, mais s’ils décident d’y aller seuls, ils ont mon
entier soutien.
Silvia Cattori :
Les gens qui vous
ont fait confiance, qui vous ont accompagné durant les trois
convois, surtout lors du dernier, comment vont-ils ? Cela a dû
être une expérience fascinante et sans doute enrichissante, mais
aussi très traumatisante. Comment sont-ils revenus du troisième
et dernier convoi de décembre-janvier ? Et vous-même ? Brisés ou
plus forts ?
George Galloway :
Plus forts. Mais le prochain convoi par mer ne nécessitera pas
d’engager la présence d’autant de personnes. Dans ce cas, les
seules personnes qui peuvent être un soutien, qui peuvent être
vraiment efficaces, sont des personnalités connues, des gros
donateurs, et des gens qui ont une expérience de marin. Nous
n’avons pas besoin de beaucoup de passagers dans ces bateaux.
C’est une tactique différente, celle-ci. Dans un convoi par
terre, tout le monde était le bienvenu. Dans le dernier, nous
avions avec nous 520 personnes de 17 pays. Ici, nous n’aurons
besoin que de 15 à 20 personnes par bateau.
Silvia Cattori :
Les gens qui ont
suivi votre longue et pénible odyssée ont été impressionnés.
Cela doit vous faire plaisir de savoir que l’on entend dire :
« Si vous voyez quelqu’un de la trempe de Galloway, suivez-le ».
Mais vos succès ne pèsent-ils pas lourd sur vos épaules ? C’est
une grande responsabilité !
George Galloway :
Oui. Mais je suis dans ce combat depuis 35 ans. J’avais 21 ans
quand je l’ai commencé. Je ne vais pas l’abandonner. Nous
n’allons pas laisser seule la population de Gaza.
Silvia Cattori (*) Voir le
site web de George Galloway :
http://www.georgegalloway.com/index.php
(**) Invité par
l’association Résistance Palestine.
[1]
Par deux fois le public s’est levé et l’a ovationné pour lui
exprimer son admiration pour avoir réussi par trois fois de
véritables exploits en assurant l’arrivée des convois de « Viva
Palestina » à Gaza.
[2]
Voir : « “Viva
Palestina”, et maintenant ? », par
Stuart Littlewood, info-palestine.net, 14
janvier 2010.
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