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Interview

Energie en Europe :
sortir des logiques basées sur les marchés
Elena Gerebizza

Lundi 21 mai 2012

Dérèglements climatiques, raréfaction des ressources facilement accessibles, envolée des prix de l’énergie, aggravation de sa dépendance énergétique, l’Union Européenne et ses pays membres sont confrontés à une crise énergétique sans précédent. Poursuivant son travail d’information sur ces questions, Alter-Echos (www.alter-echos.org) a décidé de faire le point sur la stratégie de l’UE en la matière en interviewant Elena Gerebizza du réseau italien Campagne pour la réforme de la Banque Mondiale, qui vient tout juste de publier un rapport intitulé « Au delà de nos frontières » ainsi qu’une vidéo (ci-dessous) faisant point sur ces enjeux.

Alter-Echos Pourquoi les enjeux énergétiques sont de plus en plus présents dans l’agenda de l’Union Européenne ?

Elena Gerebizza : L’énergie est fondamentale pour toute société sur la planète. Le modèle de développement et de production de l’Union Européenne est profondément lié au modèle énergétique qui a été construit en Europe, un mix de l’énergie produite localement et d’énergie qui est importée d’autres pays. Au final, la majorité de l’énergie dont dépend l’UE hors de de ses frontières – 60 % du gaz et 80 % de du pétrole utilisés en Europe – proviennent de pays qui ont été définis comme « stratégiques » pour la sécurité énergétique de l’UE, la plupart se trouvant en Asie centrale, dans la région Caspienne, en Afrique du Nord et en Afrique sub-saharienne. Les tensions en matière de transit de l’énergie de la dernière décennie, avec la Russie et les pays de l’Est voisins, ainsi que la modification rapide du paysage politique dans la région méditerranéenne, ont poussé la Commission européenne à avancer sur un agenda plus large en matière d’énergie et à définir la dimension extérieure de la politique énergétique de l’UE

Après avoir défini plusieurs scénarios et une feuille de route énergétique européenne, l’UE veut déterminer des politiques énergétiques afin de garantir une « Europe plus verte pour aider à résoudre la crise financière ». Qu’est-ce que cela signifie ?

En Février 2012, la Commission Européenne a présenté sa feuille de route énergétique 2050 (Energy 2050 Roadmap), une communication qui comprend cinq scénarios possibles pour mener la transition énergétique en Europe d’ici à 2050. C’est un document intéressant sur certains aspects. Il se réfère notamment à un mix énergétique possible que pourrait prendre l’Europe, qui la conduirait vers la décarbonisation et la réduction de l’utilisation de combustibles fossiles. Cependant, ce document prévoit que l’utilisation de combustibles fossiles restera dominante, même après 2050. Le gaz en particulier, est envisagé comme un « carburant de transition » dans un marché européen plus intégré, où le gaz naturel liquéfié et le gaz de schiste joueront un rôle important. Compte tenu de cela, la vision d’une « Europe plus verte pour résoudre la crise financière » est en fait celle d’une Europe qui va continuer à être coincée dans la dépendance aux combustibles fossiles, avec des émissions de CO2 croissantes qui pourraient seulement être réduites sur le papier par le biais des solutions de marché telles que la compensation et l’expansion des marchés du carbone, tout en contribuant à l’augmentation de l’accaparement des terres et des ressources énergétiques au sein même de l’Europe, mais aussi des pays voisins et de l’Afrique subsaharienne. Voilà qui n’est pas « vert » du tout ! 

Sur les questions énergétiques, comme sur les matières premières, l’UE parle le plus souvent de « stratégie de sécurité énergétique », de « sécurité d’approvisionnement et d’accès à l’énergie ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Depuis 2010, la Commission a publié plusieurs documents sur les stratégies et politiques énergétiques, mais la dimension extérieure de la stratégie est seulement arrivée à un stade ultérieur. En parcourant ces différents documents, il est clair que la « sécurité » est interprétée comme « la sécurité des sources d’énergie », un concept qui peut devenir très délicat étant donné que l’Europe s’approvisionne principalement auprès de sources qui sont situées à l’extérieur de ses frontières. Pour « sécuriser » les sources d’énergie, la Commission propose une formule de marchés intégrés avec des interconnexions qui permettent le transfert d’énergie entre les pays et également avec les pays voisins. En d’autres termes, il s’agit de réaliser des investissements à l’échelle de milliards d’euros dans les grandes infrastructures pour le transport de gaz naturel et d’électricité à partir de l’endroit où l’énergie est produite jusqu’au marché européen.

Ces investissements impliquent de grandes quantités de fonds publics provenant d’institutions financières publiques telles que la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui soutiennent de plus en plus les entreprises privées européennes et des intermédiaires financiers actifs dans la région méditerranéenne et en Afrique sub-saharienne. Mais ces projets impliquent également d’autres institutions comme la Banque mondiale, dont font partie les États membres de l’UE, qui fournissent une assistance technique pour modifier la législation dans les pays riches en énergie et ressources naturelles afin de garantir un « environnement favorable aux investissements » pour les investisseurs étrangers. Ces institutions aident aussi les gouvernements à créer des marchés de capitaux financiers et de l’énergie qui sont perçus comme une étape essentielle pour permettre aux investisseurs étrangers d’opérer.

Est-ce que l’UE prévoit de réduire sa dépendance aux importations d’énergie fossile ?

Le financement public est limité, encore plus dans le contexte actuel de récession en Europe et de profonde crise financière, environnementale et institutionnelle que nous vivons, où les marchés financiers dictent les règles et où les gouvernements sont devenus de simples exécutants. Les infrastructures, spécialement dans le secteur de l’énergie, sont les éléments clefs pour définir le modèle économique énergétique dans lequel l’Europe croit. Quoi que vous construisez aujourd’hui, ce sera utilisé et remboursé dans les prochaines décennies. Les nouveaux gazoducs et les usines de regazéification en Europe, la remise à neuf de vieilles centrales au charbon qui auraient dû être mises au rebut, sont en train de bloquer l’Europe dans sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles, tout en contribuant aux risques climatiques et environnementaux globaux. C’est donc ce genre d’infrastructures qui est considéré comme « stratégique » pour l’Europe, aussi bien aujourd’hui que dans ce qui est prévu pour les prochaines décennies.

L’un des résultats du G20 qui s’est tenu à Cannes en Novembre dernier a été d’établir une liste de projets d’infrastructure clés que les grandes puissances économiques ont identifié. La plupart d’entre elles sont orientées vers l’exportation. Ce sont des projets de grande envergure, comprenant les longues lignes à haute tension et les gazoducs, permettant de répondre aux besoins des investisseurs étrangers et des marchés de consommateurs (dans l’UE mais aussi dans les économies émergentes), mais pas nécessairement de répondre aux besoins des populations, tant dans les pays en développement qu’en Europe. L’idée de créer ces marchés de l’énergie et des capitaux suppose que les mécanismes fondés sur le marché sont la meilleure option pour garantir l’accès à l’énergie et les investissements nécessaires. Trente ans de privatisations apporte plutôt la preuve du contraire : les investisseurs privés recherchent des profits élevés et ne sont pas nécessairement intéressés pour les réinvestir dans l’entretien des infrastructures, tandis que les entreprises financiarisées sont encore plus enclines à reprendre cette logique. En outre, la privatisation n’augmente pas l’accès aux services tels que l’énergie. Au contraire les hausses de tarifs conduisent à laisser plus de gens hors de ce service. Si des financements publics sont utilisés pour financer ce type de projets, il restera très peu pour planifier la transition nécessaire vers une économie sobre en carbone, et pour répondre aux besoins des populations plutôt que des marchés financiers.

Quelles sont vos recommandations ? Et que devons-nous faire afin que ces recommandations deviennent les politiques des années à venir ?

Comme nous l’avons écrit dans notre rapport « Au-delà de nos frontières », nous sommes clairement à un carrefour. Définir l’avenir énergétique de l’Europe signifie décider aujourd’hui quel type d’infrastructures doit être construit, infrastructures qui seront utiles dans un futur prévisible, pour soutenir un agenda véritablement transformateur. Cela implique de définir le rôle de l’Europe vis-à-vis des pays voisins, de redéfinir les priorités des objectifs externes du traité de Lisbonne, ouvrir un espace pour discuter quels sont les besoins réels en Europe et comment la société doit être réorganisée pour surmonter les crises énergétiques, climatiques et économiques actuelles, et garantir une gestion différente des biens communs, y compris l’énergie. Les institutions de l’UE devraient fonctionner en cohérence de l’ensemble de ces objectifs hors d’Europe – ce qui signifie que le développement, droits de l’homme et la démocratie doivent être respectés et devenir prioritaires par rapport aux agendas relatifs au commerce et aux investissements, y compris dans la dimension extérieure de la politique énergétique européenne.

Le Parlement, le seul organe élu directement par les citoyens de l’UE, devrait avoir un rôle important dans la prise de décision, en particulier sur des projets et des politiques qui ont une incidence directe sur les pays voisins et les pays en développement. Les institutions financières européennes comme la BEI et la BERD devraient éliminer leurs prêts dévolus aux projets concernant les énergies fossiles, et plutôt se concentrer sur les infrastructures nécessaires pour la transition en Europe, sur le fait de garantir l’efficacité énergétique et l’accès à l’énergie dans les pays en développement. Ce ne sont que les premières étapes. Ce qui doit être fondamentalement abordé est le processus décisionnel sur les questions énergétiques, puisque les populations sont laissées de côté face aux priorités définies à un niveau institutionnel. Si nous voulons une véritable transition, nous devons passer d’une approche axée sur le marché de l’énergie à un modèle basé sur le droit où les citoyens européens peuvent prendre effectivement part dans le processus décisionnel afin de définir le modèle économique et énergétique que nous voulons pour l’avenir.

Publié sur Alter Echos

 

 

   

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Source : Maxime Combes

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