Opinion
Frappe contre la
Syrie - cible: la Russie
Andrej Fursov
Lundi 10 septembre
2012
«Il n’y a qu’une chose qui
puisse être pire que l’hostilité
avec les Anglo-Saxons: c’est
l’amitié avec eux»
(Alexej Jedrichin-Wandam)
Interview d’Andrej Iljitsch
Fursov
L’entretien ci-après avec le
professeur Andrej Fursov, directeur
du Centre d’études russes à
l’Université des sciences humaines
de Moscou et membre de l’Académie
internationale des sciences (Munich)
a été publié le 9 août 2012 dans
KP.ru. Compte tenu de l’orientation
des questions au départ, il embrasse
un large spectre imprévu de sujets
abordés. Partant de la situation
actuelle en Syrie et du «Printemps
arabe», l’historien russe tente des
prévisions et des réflexions sur les
développements à venir, allant du
concret au global.
Dernière remarque liminaire: en
russe, le terme de «régime» n’a pas
forcément de connotation négative.
Pourquoi
l’Occident est-il si pressé
d’enfoncer les clous dans le
cercueil du régime d’Assad?
Andrej Fursov: Ce
pays de taille moyenne au
Proche-Orient est tout à coup devenu
le point le plus névralgique de la
planète. L’ONU siège en permanence à
son sujet. La Russie et la Chine y
adoptent une attitude inflexible.
Une flotte russe de bâtiments de
guerre avec de l’infanterie de
marine à bord a mis le cap sur la
Méditerranée et fera aussi escale en
Syrie. Les USA mettent 15 millions
de dollars supplémentaires à
disposition des «rebelles». Est-il
possible que ça sente la grande
guerre?
La guerre pour le gaz
En quoi la petite
Syrie a-t-elle gâché la soupe au
puissant Occident?
En tout,
simplement. Procédons par ordre –
allant du plus petit au plus grand,
du régional au global. Dans les
constellations proche-orientales et
en général dans le conflit des
Américains et des monarchies
sunnites (Arabie saoudite et Qatar)
contre l’Iran chiite, ce pays n’est
pas seulement un allié de Téhéran,
mais le membre d’une chaîne qui
relie celui-ci avec les groupements
chiites du monde arabe. Sans cet
intermédiaire, l’influence de l’Iran
dans le monde arabe serait
passablement moins importante. Je ne
veux même pas parler de l’oléoduc
qui, provenant de l’Iran, traverse
la Syrie. Sans solution de la
question syrienne, les Anglo-Saxons,
c’est-à-dire les Britanniques et les
Américains, ne pourront pas prendre
le risque de s’attaquer à l’Iran.
Le régime syrien est de fait le seul
régime fort et laïc du monde arabe.
Le fait qu’il soit fort dérange les
Atlantistes dans leurs plans de
transformation du Proche-Orient et
du monde entier. Qu’il soit laïc et
en même temps économiquement
couronné de succès dérange les
dirigeants de l’Arabie saoudite et
du Qatar.
Bien des gens
disent qu’il s’agit de la première
guerre pour le gaz naturel.
On a détecté des
gisements de gaz naturel dans le Sud
de la Méditerranée – autant en mer
que sur terre en Syrie (Kara). C’est
difficile de connaître leur
dimension, mais ils existent. Le
Qatar exporte du gaz naturel
liquéfié à l’aide d’une flotte de
tankers. Si le régime d’Assad
s’effondre, le Qatar aura la
possibilité de transporter
directement le «combustible bleu»
via le territoire syrien sur la côte
de la Méditerranée. Cela doublerait
au moins son volume d’exportations
et gênerait simultanément les
exportations de l’Iran. Le
renforcement du Qatar sur le marché
du gaz naturel affaiblit la position
de la Russie. Si les Américains
réussissent simultanément à prendre
le contrôle du gaz naturel algérien,
cela ressemblera bien à un blocage
des exportations de gaz naturel pour
la Russie. Ce qui signifie que les
intérêts économiques du Qatar sont
identiques aux intérêts
géopolitiques des Etats-Unis, et à
leurs efforts d’affaiblir la Russie
autant que possible, car la Russie
ne doit pas de nouveau se renforcer.
Les Anglo-Saxons sont des
joueurs de billard au niveau
mondial. Ils agissent par «chaos
orchestré»
Cela signifie au
fond qu’en Syrie, les Yankees
attaquent indirectement le Gazprom
aimé des Russes?
Les Anglo-Saxons
sont des joueurs de billard au
niveau mondial, ils travaillent
selon le principe de tirer
simultanément plusieurs balles d’un
coup (ce qu’on devrait apprendre
d’eux). Le chaos orchestré se
déroulant au grand Proche-Orient
sépare la Chine des sources de
pétrole et de gaz naturel dont elle
a besoin, ce qui entraîne en même
temps une rupture entre la partie
chinoise de l’Eurasie et celle de
l’Europe occidentale. Le contrôle du
pétrole et du gaz provenant du
Proche-Orient signifie en première
ligne
le
contrôle des Etats-Unis sur
l’Europe, notamment sur l’Europe
occidentale, ce qui serait favorable
à un affaiblissement de la Russie et
de ses positions. Et si un jour cela
devait déplaire à l’Europe, on
pourrait là aussi provoquer pour un
oui pour un non quelques troubles
arabo-africains – de telle manière
que les citoyens rassasiés
désireraient que ça prenne fin.
Cette logique (bien que ce ne soit
pas la seule chose) détermine la
poussée vers l’Est des élites de
l’Atlantique nord à travers le monde
arabe: la Tunisie, l’Egypte, la
Libye. Actuellement, ils sont
arrivés en Syrie. Cependant, les
Atlantistes se voient confrontés
dans ce coin de terre syrienne à une
autre puissance mondiale, qui peut
se mesurer à eux du point de vue
économique et même militaire, mais
qui représente une civilisation
totalement différente. C’est la
Chine avec sa poussée vers l’Ouest.
La poussée de la Chine est une
espèce de croisade pour gagner des
ressources. Le Pakistan se trouve
déjà sous l’influence de la Chine.
Les Chinois ont depuis longtemps des
relations avec les talibans
d’Afghanistan. L’Iran est aussi un
allié, bien que très spécial. Le sud
de l’Irak est déjà de facto contrôlé
par les alliés chiites d’Iran. Du
point de vue géostratégique et
géoéconomique, la Chine parvient ici
pas seulement jusqu’à la côte de
l’océan Indien, mais, vu sous cet
angle, jusqu’à l’Atlantique (à
savoir jusqu’à la côte syrienne de
la Méditerranée).
Pour le dire objectivement, en
Syrie, les croisés occidentaux sont
parvenus à la Grande Muraille de
Chine.
Pour la première fois, l’élite anglo-américano-juive,
qui s’était formée au cours des
derniers siècles et est devenue une
conquête organisationnelle
historique de l’Occident, a été
confrontée ici à un adversaire
mondial d’un genre non-occidental
(car la direction de l’URSS était la
transposition d’un projet de gauche
de l’Occident, d’un jacobinisme de
l’époque moderne). Par ailleurs, le
segment européen de l’élite
occidentale se trouve en face d’un
segment chinois pas moins ancien et
peut-être même plus ancien, d’où il
reçoit aussi l’expérience
historique. Orienté tout autant vers
les valeurs matérielles, le commerce
et l’argent. Mais ayant encore
l’esprit très aventureux, car à
l’évidence les Chinois ont leur
propre système criminel mondial.
Le but de l’Occident: voir
tomber la Chine, la séparer des
sources d’approvisionnement en
matières premières et l’étouffer
technologiquement
La mafia chinoise
est probablement encore un peu plus
violente que l’italienne…
Oui, et ne
parlons même pas des réserves d’or
chinoises comme arme financière
menaçante.
Pékin a très bien compris que la
Syrie n’est qu’une étape de la
poussée principale des Atlantistes
du Nord – et
le
but est de voir tomber la Chine, de
la renvoyer à l’intérieur de ses
frontières nationales, de la séparer
des sources d’approvisionnement en
matières premières et de l’étouffer
technologiquement. C’est ce
qui explique la position si dure de
la Chine à l’ONU en ce qui concerne
la Syrie.
Qu’en est-il de
la position de Moscou? Pourquoi
est-elle si différente que dans le
cas de la Libye?
Premièrement,
nous avons à présent un autre
président. Deuxièmement, je pense
que l’affaire avec Kadhafi a appris
pas mal de choses aux dirigeants
russes. Troisièmement, la Russie
entretient une base navale en Syrie.
Quatrièmement, l’industrie
d’armement russe a des intérêts
importants en Syrie, et les intérêts
économiques sont une chose sacrée
pour les dirigeants russes.
Cinquièmement, la Syrie est bien
plus proche des frontières de la
Russie et de l’espace postsoviétique
que la Libye. Tout ceci détermine la
position de Moscou, une position qui
par son potentiel nucléaire et
diplomatique renforce la position
chinoise. Ni la Russie ni la Chine
ne parviendraient à affronter seuls
la communauté internationale.
Les Anglo-Saxons peuvent sûrement se
ficher du veto de la Russie et de la
Chine, de l’ONU et du droit
international en général, qu’ils ont
de toute façon l’intention
d’abroger. Mais jusqu’ici, ce ne
sont que des intentions. Car comme
Staline a dit une fois,
la logique des circonstances est
toujours plus forte que la logique
des intentions. Ces
circonstances sont la Russie et la
Chine qui provoquent une furieuse
rage chez les Atlantistes du Nord –
il n’y qu’à écouter quelques fois
Madame Clinton et observer sa
mimique.
Les USA d’aujourd’hui dans la
surtension des forces
En dépit des
positions intransigeantes de Moscou
et de Pékin, l’Occident ne se retire
pas. Pourquoi donc?
Premièrement,
cela ne fait pas partie des
traditions des Anglo-Saxons de
lâcher prise après avoir planté
leurs crocs dans une proie comme un
pitbull. Ils feront pression à fond
jusqu’à ce qu’ils aient imposé leur
projet ou jusqu’à ce que
l’adversaire leur brise les reins.
Deuxièmement, au cours des 25 à 30
dernières années, après avoir vaincu
l’élite soviétique (il s’agit
exactement de l’élite soviétique –
elle a capitulé) ils sont simplement
devenus arrogants. Ils se sont
habitués à ce que la Russie
abandonne tout et ils comptent sur
le fait qu’ils peuvent faire
pression sur l’élite russe, déjà
rien que parce celle-ci a déposé son
argent dans des banques
occidentales. Troisièmement, et
c’est la raison principale qui
l’emporte sur toutes les autres: les
mises sont beaucoup trop élevées,
c’est le destin des élites de
l’Atlantique nord elles-mêmes qui
est en jeu, il ne s’agit pas du tout
seulement de réserves
d’hydrocarbures ou du Proche-Orient.
L’Occident n’a pas d’autre
possibilité que de foncer en avant.
L’affaire se présente ainsi: en
dépit de l’énorme potentiel matériel
et d’information de cette machinerie
gigantesque qui est dirigée par des
géo-constructeurs et géo-ingénieurs
supranationaux extrêmement
expérimentés, les Etats-Unis font
actuellement l’expérience d’une
surtension des forces. «Nihil dat
fortuna mancipio» – le destin
n’accorde rien pour l’éternité! Le
temps de l’Amérique est en train de
passer. Afin de retarder la chute
définitive ou même de l’éviter,
l’Amérique a besoin de faire une
pause pour souffler. Ce n’est pas un
hasard si dans la nouvelle doctrine
militaire qu’Obama a proclamée le 5
janvier 2012, il ne s’agit plus
maintenant que les USA – comme
jusqu’ici – soient armés pour mener
deux guerres parallèles, mais plus
que pour une, plus des actions
indirectes dans plusieurs régions.
Il faut par ailleurs tenir compte du
fait que les Américains regroupent
jusqu’à 60% de leur puissance
militaire dans l’océan Pacifique,
l’espace du Pacifique oriental, et
qu’ils se préparent ainsi à des
confrontations avec la Chine. Ce
n’est pas un hasard si la revue
Foreign Affairs, une publication du
Council on Foreign Relations (CFO) –
une des structures américaines les
plus influentes en matière de
relations internationales – ne cesse
de publier depuis peu des articles
qui disent ouvertement: les
Etats-Unis ont besoin de faire une
pause «pour se concentrer sur la
reconstruction des bases de la
prospérité nationale». Aujourd’hui,
l’Amérique rappelle l’Empire romain
du temps de l’empereur Trajan (début
du IIe siècle de notre ère). A cette
époque, Rome a passé des offensives
stratégiques à la défense
stratégique; Rome a commencé à bâtir
le limes et à abandonner quelques
régions conquises, avant tout au
Proche Orient.
Un chaos orchestré: afin que la
place ne soit pas reprise par des
concurrents en cas de retrait
C’est une
analogie directe. Les Etats-Unis ont
l’intention de quitter
l’Afghanistan, et ils se sont déjà
retirés de l’Irak …
Les résultats du
Sommet de l’OTAN de Chicago, les 20
et 21 mai 2012, en ont apporté la
démonstration: ni les Etats-Unis ni
l’OTAN ne quitteront réellement le
Proche-Orient et l’Afghanistan. Ce
n’est pas pour cela qu’ils s’y
étaient rendus. Il est toutefois
vrai qu’ils doivent en «sortir»
mais avant tout pour y installer un
nouveau modèle de commandement. Et
cela, tout simplement pour éviter
que la place ne soit prise par les
concurrents, c’est-à-dire par l’UE
et surtout par la Chine. Voilà la
vraie raison de ce nouveau modèle de
domination de la région: un chaos
orchestré. On ne peut imaginer de
meilleur candidat pour installer ce
modèle et le maintenir que les
Islamistes, «les chiens de garde de
la mondialisation à la mode
américaine».
On voit donc au Proche-Orient –
notamment dans le pays-clé qu’est
l’Egypte – que le «Printemps arabe»
a porté au pouvoir les Islamistes.
En réalité, on leur a aplani le
chemin. Mais, les Anglo-Saxons ont
buté sur deux pays dans leur marche
en avant, dans lesquels les
Islamistes étaient faibles ou
inactifs. Il s’agit de la Libye et
de la Syrie. La Libye a déjà été
écrasée par l’atroce attaque de
l’OTAN, la Syrie est actuellement
assiégée. L’armée syrienne se bat
contre le terrorisme international,
qui est, comme il se doit, dirigé
par les manipulateurs des dirigeants
anglo-américains.
Le vrai visage des «amis de la
Syrie»
Permettez, Andrej
Iljitsch! Les médias occidentaux
prétendent que le peuple s’est
révolté contre le régime d’Assad.
Les insurgés sont des Syriens qui
ont déserté l’armée.
En sont
responsables les médias occidentaux,
ou autrement dit: les moyens de
propagande de masse, d’agitation et
de désinformation. Leur tâche est
purement militaire, soit de mener
une campagne de désinformation et de
guerre psychologique. Les «rebelles
syriens» sont dotés d’armes de
précision, de canons antichars,
d’appareils de détection à
infrarouge, d’excellents fusils pour
tireurs d’élite, et de bien des
autres armes, de production turque
pour l’essentiel. N’est-ce pas un
peu beaucoup pour des déserteurs et
des réfugiés? L’essentiel est,
toutefois, l’organisation de ces
combats. Depuis juin, la situation
en Syrie a complètement changé.
Assad se heurte à une culture
d’état-major hautement qualifiée, de
ceux qui planifient les diversions
militaires dont seraient bien
incapables les déserteurs, même au
rang de capitaine ou de major. Les
«insurgés» ont passé de la tactique
d’usure et de harassement de l’armée
syrienne à celle d’attaques
massives, soutenues par des
contingents comportant 25 000 à 30
000 hommes. Ces hommes armés
viennent de Libye, de Tunisie,
d’Afghanistan et d’autres pays
islamiques. De les envoyer en Syrie
permet aux Occidentaux et aux
monarchies sunnites de résoudre un
problème crucial. Car ces énergies
meurtrières doivent être occupées
quelque part. Il ne faut pas
s’attendre à ce qu’elles se mettent
à travailler sérieusement, et un
chien enragé peut aussi mordre son
maître.
Le terrorisme international,
contre lequel les Etats-Unis
prétendent lutter, est en réalité
leur arme, créée par eux-mêmes
Une partie des
clans criminels syriens combattent
avec les mercenaires professionnels
et les terroristes internationaux
contre les troupes gouvernementales;
ils assassinent leurs propres
voisins et accusent le régime Assad
d’avoir commis ces horreurs. La
situation en Syrie a mis au jour une
réalité:
Le
terrorisme international, contre
lequel les Etats-Unis prétendent
lutter, est en réalité leur arme,
créée par eux-mêmes. En
Libye, c’est Al-Qaïda qui a accompli
la tâche ordonnée par les
Atlantistes. En Syrie, on a
introduit les hommes d’armes de
l’Islamiste Abd al-Hakim Balhadsch,
qui fut commandant des «insurgés»
libyens. Il est le militaire le plus
influent de Tripoli et lié à
Al-Qaïda depuis longtemps.
Cette organisation est un instrument
parfaitement adapté pour les
services secrets américains et
britanniques. En cas de
besoin, on peut les utiliser pour
faire exploser ses propres Twin-Towers,
puis rendre responsable
l’organisation de Ben Laden. Et, si
le besoin s’en fait sentir, on peut
s’allier à cette organisation pour
se lancer contre Kadhafi ou contre
Assad. Al-Qaïda peut reprendre du
service; comme le déclara en son
temps notre patriarche Avvakoum
«hier encore fils de pute,
aujourd’hui déjà un prêtre».
Il doivent cesser de nous raconter
des stupidités: les Syriens ne se
battent pas contre les Syriens, mais
contre l’élite anglo-saxonne qui
mène sa guerre au travers des
terroristes internationaux. Leur
façon d’agir ressemble fort à celle
des escadrons de la mort de John
Negroponte au Guatemala. Les «amis
de la Syrie» (qui furent auparavant
les «amis de la Yougoslavie, de
l’Irak, de la Libye») voudraient, de
leur point de vue, aussi devenir les
«amis de la Russie», alors qu’ils
sont le principal pouvoir terroriste
international. J’espère bien qu’ils
se retrouveront un jour, avec leurs
complices (y compris ceux de La
Haye), à «leur Nuremberg». Nombreux
sont ceux, à l’ouest aussi, qui
comparent l’invasion de l’Irak par
Bush jr. à celle de la Pologne, des
Pays-Bas et de la France par Hitler.
La question qui se pose est de
savoir si la Syrie sera la dernière
ligne avant une nouvelle guerre, non
seulement mondiale, mais globale? La
criminalisation de la politique par
les dirigeants occidentaux y
conduira finalement, tôt ou tard.
Les Etats-Unis
ont de fait justifié les derniers
actes terroristes à Damas qui ont
coûté la vie à plusieurs membres du
gouvernement syrien.
Oui, parmi les
victimes se trouvent le ministre de
la Défense Daud Radschha, le chef
des services secrets militaires
Assef Schawkat et le chef du comité
anticrise Hassan Turkmani. Des
personnes très proches d’Assad, ses
soutiens. Il fallait s’attendre à
une pareille action, et je ne pense
pas qu’elle a été possible sans
l’aide de services secrets
occidentaux. Mais Bachar el-Assad
tient bon, on n’a pas pu le briser
au cours des 15 derniers mois, c’est
pourquoi on vise maintenant à
l’éliminer physiquement, lui et ses
proches. On espère qu’une fois
disparu, son régime s’effondrera. Y
arrivera-t-on? C’est une autre
question. Mais dans ce contexte, il
y a autre chose qui est important:
l’élite occidentale s’est, après
l’assassinat de Kadhafi, engagée
ouvertement et sans scrupule sur la
voie de l’assassinat de ces
dirigeants, qui s’opposent à leurs
projets, c’est-à-dire: sur la voie
du terrorisme. Alors qu’avec
Milosevic et Saddam Hussein on
s’était donné la peine d’ouvrir un
procès bidon, on a assassiné Kadhafi
d’après des méthodes «concrètes» de
grand banditisme et on n’a pas même
caché sa satisfaction. Qu’on se
souvienne de la scène présentant les
dirigeants américains réunis à la
Maison-Blanche devant le téléviseur
pour assister à la mise à mort de
«Ben Laden». Quand on tombe
pareillement dans l’abrutissement et
dans la dégénérescence morale on se
retrouve au niveau de la populace
moyenâgeuse qui trouvait plaisir à
assister aux exécutions. Les
dirigeants occidentaux se comportent
comme une organisation mondiale de
criminels et ne s’en cache même pas.
Selon le principe: «Tu es déclaré
coupable uniquement parce que j’ai
faim!»
Ainsi, l’ancien président français
pro-américain, Sarkozy, avait
directement menacé les chrétiens
syriens (environ 10% de la
population syrienne) que, s’ils
continuaient à soutenir Assad, ils
pourraient se trouver victimes
d’attentats. Et c’est bien ce qui se
passe actuellement. Mais on ne se
contente pas d’assassiner des
chrétiens, mais aussi des Druzes,
des Alaouites, des membres du parti
Baath au pouvoir depuis 1963. Mais
les grands massacres commenceront,
dans la mesure où l’Occident
réussira à faire tomber le régime d’Assad.
Ce qui ne sera possible que par une
intervention militaire venant de
l’extérieur.
Combinaison d’une tactique de
désorganisation et d’attaques
massives
Pensez-vous que
l’Occident ira aussi loin?
Il vaut mieux
poser cette question à cette
organisation criminelle qui a ses
«actions» à Washington, New York,
Londres et Bruxelles. Nous ne
pouvons qu’imaginer des variantes.
La seule puissance militaire sur
laquelle s’appuie l’OTAN est la
Turquie, laquelle rêve de voir la
Syrie divisée en quatre ou six
parties, d’obtenir le contrôle de la
moitié, ce qui commencerait à lui
donner l’image de ce que nous avons
connu comme l’Empire ottoman.
Toutefois, une telle guerre serait
un vrai risque pour la Turquie, du
fait des positions de la Russie, de
la Chine et de l’Iran, sans compter
la question kurde, cela même avec
l’aide de la technique militaire de
l’OTAN. Et la Syrie elle-même n’est
pas dénuée de force. On peut donc
plutôt s’imaginer que la guerre
actuelle continuera de la même
manière, l’Occident s’efforçant
d’écraser la Syrie au moyen des
mercenaires,
en
combinant la tactique de
désorganisation et d’attaques
massives, tout en cherchant à
liquider physiquement Assad.
Les Etats-Unis et la Grande Bretagne
ont déjà trop investi pour la
destruction du régime syrien et ne
reculeront que si le prix d’une
victoire est trop élevé.
Ont-ils vraiment
autant investi?
Oui. Tant en ce
qui concerne la finance que
l’organisation. Déjà en 2006, on a
mis en place le programme
«Démocratie en Syrie», avec un
financement prévu de 5 millions de
dollars. En 2009, le «Conseil pour
la démocratie», qui répartissait cet
argent entre les acteurs qui
voulaient «démocratiser» de
l’intérieur les pays qui devaient
être affaiblis par les Etats-Unis,
reçut du Département d’Etat la somme
de 6,3 millions de dollars pour le
programme, lié à la Syrie, intitulé
«Initiative pour le renforcement de
la société civile» (il faut croire
que les Anglo-Saxons s’imaginent
qu’on met en place une société
civile en faisant assassiner des
femmes et des enfants par des
mercenaires).
Le «Syrian Business Forum»
administre actuellement un budget
d’au moins 300 millions de dollars.
La moitié de ce montant sert à
financer l’«Armée syrienne libre».
L’Arabie saoudite et le Qatar, qui
ont signé un accord secret à ce
sujet, jouent un rôle important dans
le financement des forces anti-Assad.
Les positions des Saoudiens et du
Premier ministre du Qatar, cheikh
Hamad ben Dschassem Al Thani,
démontrent parfaitement la collusion
entre l’Occident et les Salafistes.
C’est au Qatar que furent tournés
des films sur de prétendus combats à
Tripoli et à Damas, alors que ces
combats n’avaient pas encore
commencé. L’émir finança l’assaut de
Tripoli et y envoya une troupe arabe
de 6000 hommes qui portaient
l’uniforme militaire du Qatar.
D’ailleurs, c’était aussi Ben
Dschassem qui ordonna l’attaque
contre le diplomate russe Titorenko
au Qatar.
La bataille pour l’Eurasie
Certains
politiciens occidentaux pensent que
la Russie accueillera Assad et sa
famille. Partant de l’idée que le
peuple syrien en sera reconnaissant
à la Russie. Quelles peuvent être
les répercussions pour la Russie de
la chute du régime Assad?
La Syrie est
notre seul allié dans le monde
arabe. S’il chute, nous perdrions
nos dernières positions dans la
région. Mais il ne s’agit pas
seulement du monde arabe. La Russie
peut facilement disparaître de la
carte. Après la Syrie et l’Iran (car
il est plus que probable qu’après la
Syrie, les Atlantistes envahiront
l’Iran – les analystes émettent déjà
le nom de cette opération militaire
«La grande tempête», qui devrait
commencer par une attaque
américano-israélienne contre le Hizbollah) ce sera probablement
notre tour. On peut donc affirmer
qu’on vainc la Syrie (et l’Iran),
mais ce qu’on vise finalement c’est
la Russie. Les préparatifs sont déjà
en route dans toutes les directions:
la situation au Proche-Orient, le
«bouclier anti-missiles»,
l’élargissement de l’OTAN vers
l’Est, etc.
Les affaires
concernant le bouclier anti-missiles
et l’extension vers l’Est de l’OTAN
sont claires. Mais quels sont les
liens entre la Syrie et l’Iran et
notre sécurité?
Ils sont très
proches de nos frontières et de nos
zones d’influence – la Transcaucasie
et l’Asie centrale. Si les régimes
actuels de Damas et de Téhéran
tombent, alors la zone du «chaos
orchestré» par les Atlantistes
s’étendra de la Mauritanie et du
Maghreb, jusqu’en Kirghizie et au
Cachemire. L’arc d’instabilité
s’enfoncera comme un coin dans
l’Eurasie centrale, d’où les
Atlantistes menacent déjà
directement la Russie et la Chine.
Mais avant tout la Russie.
Tout cela pour la folie du
pouvoir – au lieu d’acheter les
matières premières
Pourquoi avant
tout la Russie?
La crise du
système mondial attendue augmente
l’importance du contrôle des
ressources de manière
incommensurable. L’importance est
encore potentialisée en prenant en
compte les conditions de la
catastrophe géo-climatique et
géophysique pronostiquée. Je ne
parle pas ici du «réchauffement
global» mythique. Mais du recul
prosaïque du courant du Golfe, du
changement de la chaîne alimentaire
dans les océans mondiaux (cela
arrive une fois tous les 11
millénaires et demi à douze
millénaires et demi) – ce sont là
des bouleversements d’une dimension
planétaire qui ont commencé environ
au début du XXe siècle et se
termineront environ dans le premier
tiers du XXIIe siècle. Dans de
telles conditions de crise et après
une telle crise, la seule région
stable avec suffisamment de
ressources dans le monde est
l’Eurasie du Nord, donc
principalement le territoire
géographique de la Russie. C’est
pourquoi notre territoire devient
l’une des plus importantes proies
géo-historique du XXIe siècle et des
siècles suivants. Les russophobes
célèbres Brzezinski, Albright et
d’autres Occidentaux ont déclaré à
plusieurs reprises, qu’il était
injuste que la Russie dispose d’un
tel territoire et de telles
ressources. Cela devrait appartenir
à la communauté mondiale –
c’est-à-dire aux élites atlantistes,
qui sont organisées en loges, clubs,
commissions, ordres et autres
structures exceptionnelles.
Toutefois, pour cela, il est
nécessaire d’obtenir le contrôle sur
l’Eurasie du Nord, et le territoire
pour déployer ses troupes est –
l’Asie centrale. Les Américains sont
déjà sur place. Bien qu’ils
contrôlent déjà le Proche-Orient,
ils sont néanmoins encore séparés de
l’Asie centrale par la Syrie et
l’Iran. Ici, la mèche qu’on a
allumée en Afrique du Nord, reste
jusqu’à présent interrompue et s’est
éteinte. Sans la destruction de ces
deux pays, les Atlantistes ne
peuvent pas entamer leur combat pour
l’Eurasie du Nord. Ils considèrent
la Russie comme source de matières
premières, la Chine comme source de
main-d’œuvre, c’est-à-dire comme
quelque chose de secondaire. Et si
cette entité secondaire contrarie
leurs plans, cela les rend fou. La
solution pour la question russe et
chinoise est abordée par l’Occident
justement avec l’aide de l’Islam,
des Arabes. Peu importe si cela se
passe sous la forme d’un chaos
orchestré, d’une nouvelle conquête
arabe ou d’une guerre entre le
Califat et les incroyants.
Fidèles à leur tradition, les
Anglo-Saxons s’efforceront de monter
de grands Etats et des peuples les
uns contre les autres, de les
affaiblir, voire de les exterminer
(deux fois au cours du XXe siècle,
la Russie et l ’Allemagne ont été
montés l’une contre l’autre),
toutefois, ils s’efforceront aussi
d’éliminer l’Islam. Cela se fait par
sa radicalisation maximale avec le
wahhabisme, le sevrage de sa force
économique interne et démographique
au cours des guerres eurasiennes,
après quoi le monde islamique sera
transformé plus tard en une sorte de
Ghetto d’une nouvelle tradition, qui
ne possèdera pas de propres
ressources et technologies. Ceux qui
ont joué dans leur enfance à
«Donjons et Dragons» [un des tous
premiers jeux de rôle
médiéval-fantastique créé aux
Etats-Unis dans les années 1970, ndt.],
se souviennent probablement d’une
variante d’un «Monde du soleil
noir». Les mondialistes tenteront de
briser le monde islamique en une
quantité de petites unités, avec
lesquelles des entreprises
militaires privées ou des
mercenaires de multinationales
arriveront facilement à extraire de
ceux-ci les restes de ressources
pour ensuite s’en débarrasser sur la
décharge de l’histoire. L’Occident
n’exercera son contrôle que
ponctuellement dans des endroits
avec grande concentration de
ressources (par exemple, aujourd’hui
déjà, le contrôle de la côte
méditerranéenne de la Libye longue
de presque 1800 km); le reste, on le
met à libre disposition de tribus,
de clans et de syndicats criminels,
parmi lesquels chacun contrôlera son
petit morceau. Des parties de
l’Arabie saoudite, du Pakistan
(séparé du Béloutchistan), de l’Iran
pourront aussi devenir de tels
«morceaux» – une véritable mosaïque
islamique. En même temps, l’Occident
a besoin de surveillants dans la
région et ce rôle peut aller au
Grand Kurdistan. Un seul Etat, à qui
il sera permis d’être grand.
Pourquoi?
Sur le territoire
du Grand Kurdistan, si celui-ci est
créé un jour, se situeront les
sources de tous les grands fleuves
de la région. Cela veut dire que
l’époque prochaine, pauvre en eau,
et suite à cela, époque de guerres
pour l’eau en tant que ressource,
les plus importants leviers de
l’influence dans la région – comme
au temps de l’Empire assyrien –
seront dans les mains du peuple
séculaire des Kurdes. Le Kurdistan
pourrait devenir le chien de garde
le plus important de la région et
remplacer Israël dans ce rôle.
Pourriez-vous
être plus explicite concernant
Israël?
Les perspectives
d’Israël sont, dans un Proche-Orient
changeant, assez diffuses. Très
probablement, l’Occident démontera
Israël, parce que Israël ne sera
plus nécessaire, comme l’a prédit
Arnold J. Toynbee encore en 1957.
Certes seulement après l’évacuation
du «tiers supérieur» de la
population. La variante de la
création d’un Grand Kurdistan et du
démantèlement d’Israël n’est pas
certaine à 100%, mais très probable.
C’est sûr que ce n’est pas l’affaire
des prochaines années.
Ne pas faire confiance aux
vipères
Que doit donc
entreprendre la Russie dans la
situation dramatique, qui se
développe autour de la Syrie?
Ce que fait la
Russie actuellement – c’est-à-dire
soutenir la Syrie jusqu’à l’extrême,
ne pas permettre qu’on l’écrase.
Nous avons déjà envoyé des unités de
marine de guerre, pas de grands
contingents, mais mieux que rien. Si
l’on doit conduire une guerre, alors
on ne doit pas le faire par la
quantité, mais par la qualité. De
plus, le 7 juin, il y a eu des tests
sur deux missiles balistiques
intercontinentaux: un «Topol» (nous
l’avons confirmé) et un «Bulawa»
(nous ne l’avons pas confirmé, mais
les Américains insistent du moins
sur le fait qu’il y a eu un tel
lancement). C’est un certain signe.
Car la Russie est malgré toutes les
réformes encore une puissance
nucléaire et c’est nous, pas trop
les Chinois, qui sommes considérés
comme le principal adversaire par
les Américains, et ils continuent et
continueront à nous considérer comme
tel. Nos diplomates font leur
travail. La manière dont Vitali
Tschurkin a parlé avec l’ambassadeur
du Qatar m’a plu, je constate avec
un certain plaisir l’impuissance
dans la méchanceté de Madame Clinton
et de quelques personnes officielles
de rang inférieur du Département
d’Etat, impuissance démontrée à
l’égard de nos dirigeants. Il faut
saluer le fait que la défense
aérienne syrienne a déjà obtenu 18
unités de nos systèmes de missiles «Buk-M2»
et 36 unités de nos systèmes de
missiles anti-aériens du type «Pantsir
S-1»; bientôt, il y aura encore des
livraisons de systèmes S-300 et
d’hélicoptères Mi-25.
Je compte beaucoup sur l’impulsion
de survie des dirigeants russes et
sur le fait qu’on ait tiré les
vraies conséquences des destins
tragiques de Milosevic, Saddam
Hussein et Kadhafi. Ceux-ci ont fait
d’abord confiance à l’Occident et
l’ont payé de leur vie. Hamlet de
Shakespeare dit à propos de «Rosencrantz
et Guildenstern», «… les deux,
auxquels je fais confiance comme aux
vipères.» On ne doit pas faire
confiance aux vipères – elles
mordent mortellement, dans le sens
littéral du mot. Ou elles tentent de
mordre et utilisent pour cela des
problèmes internes; la Russie en a à
revendre. Est-ce donc un hasard que
les attroupements des «Boucles
blanches» fin 2011/début 2012
coïncident avec la déclaration des
dirigeants russes relative à
l’affaire syrienne, de poursuivre
une position dure? Certainement pas.
Ici, surgit de pleine force le
problème de la «cinquième colonne»
qui s’est formée chez nous au cours
du dernier quart de siècle. Nous
vivons dans une époque de guerre,
qui a commencé avec l’attaque de
l’OTAN contre la Yougoslavie et qui
maintenant donne des coups de pieds
à la porte de la Syrie avec les
mêmes bottes de l’OTAN. Dans des
temps pareils, il faut agir selon
les directives des temps de guerre.
Jamais personne n’a réussi à vaincre
un adversaire extérieur ou à s’y
opposer sans en même temps ou
auparavant avoir mis sous contrôle
la «cinquième colonne»; bien entendu
avec des moyens légaux, uniquement
légaux. Finalement, une alliance
politique et militaire
internationale est nécessaire, qui
est capable de maîtriser l’agresseur
et de créer de la sécurité ou du
moins une pause pour respirer de
huit à dix ans. Pendant ce temps, la
Russie peut arriver à remonter la
pente et à se préparer pour la
grande guerre du XXIe siècle – à la
dernière grande chasse de l’époque
du capitalisme, qui malheureusement
est presque inévitable. A s’y
préparer et à la surmonter.
Pour l’instant, il s’agit de tenir
l’adversaire potentiel à l’écart et
de soutenir les faibles, pour qu’ils
repoussent cet adversaire qui vient
de loin – ce n’est pas seulement
stratégiquement, mais aussi
moralement juste.
Enseignements et pronostics
Quelles sont les
leçons à tirer de la Libye et de la
Syrie pour la Russie?
Tout d’abord:
n’aie jamais confiance, en aucun
cas, en les dirigeants occidentaux.
Ils nous considérerons toujours
comme leur adversaire principal et
au moment de notre faiblesse
maximale, qu’ils essaient eux-mêmes
de produire, ils frapperont de toute
leur force et tenteront de régler la
«question russe». Un jour, Leonid
Schebarschin s’est exprimé ainsi:
«L’Occident ne veut qu’une chose de
la Russie: qu’elle disparaisse.» La
manière dont on supprime les
faibles, on l’a vu à l’exemple de la
Lybie. La manière dont on se casse
les dents sur les plus forts, on le
voit à l’exemple de la Syrie.
Deuxièmement: Les variantes libyenne
et syrienne de l’attaque de l’OTAN
montrent, comment les évènements se
développeront chez nous dans le cas
d’actions militaires: la guerre est
menée par des mercenaires, avant
tout des Arabes, mais aussi par des
entreprises militaires privées.
Selon le modèle syrien, on tentera
de déstabiliser le Caucase et la
région de la Volga: on occupe une
ville ou une partie de celle-ci, on
perpètre des massacres, on en
appelle à l’«opinion mondiale», qui
exigera à des sanctions, des
contrôles, des bases militaires,
(nous en avons déjà une dans
l’arrière pays, c’est-à-dire la base
de renfort de l’OTAN à Uljanovsk).
Troisièmement: Malgré tout le rôle
décisif du facteur extérieur, l’état
de l’«objet», que vise ce facteur,
joue dans la situation en Syrie un
rôle extrêmement significatif: un
système de gouvernement inefficient,
la corruption etc., tout cela
agrandit la cible. De ce point de
vue, la Russie est aussi très
vulnérable. Nous avons des
dirigeants tout aussi inefficaces,
de la corruption, une économie
criminalisée, une étroite
imbrication entre nos dirigeants
économiques et l’économie mondiale,
par conséquent aussi une couche de
Compradores pro-occidentaux, en même
temps une couche supérieure de
niveau professionnel et moral très
bas, la pré-domination des intérêts
de certains clans avant l’intérêt du
pays. Sans parler de la décadence de
l’armée, de la crise intellectuelle
et morale, ainsi que de l’«usure» du
potentiel humain d’une partie
importante de la population.
Il est certainement vrai qu’une
menace extérieure peut souder et
mobiliser la population, car il en a
toujours été ainsi avec la Russie,
que ce soit en 1612, 1812 ou 1941.
L’adversaire ne le sait que trop
bien. Dans ce sens, l’article de
Henry Kissinger sur la situation de
la Syrie paru récemment est très
intéressant: Contrairement à ses
habitudes de tout exprimer
clairement, il existe là une
quantité d’explications diffuses, y
compris des allusions au
Saint-Empire romain et à la manière
dont il a finalement été détruit.
Pourtant, si l’on suit uniquement la
pure logique de ce texte et qu’on
exprime exactement ce que l’un des
plus grands «instigateurs» de ce
monde a insinué, on obtient ceci: Le
«vieil Henry» met en garde
l’Occident d’exercer trop de
pression sur la Syrie, car cela
pourrait avoir comme conséquence une
position intransigeante de la Russie
qui la pousserait à une
confrontation avec l’Occident. Et
cela cache le risque de perdre tout
ce qu’on a récolté au cours des
vingt dernières années à la suite de
l’affaiblissement de la Russie. Ces
résultats sont plus importants que
la Syrie.
Kissinger, le vieux chien, va
réellement au fond des choses!
En effet, une
confrontation avec l’Occident peut
modifier fondamentalement la
situation de la Russie et ceci dans
toutes les couches sociales, mais
avant tout dans la couche
supérieure, qui non seulement
comprendra mais aussi éprouvera à
ses dépens que l’élite occidentale
ne l’accueillera jamais dans son
milieu, mais qu’au contraire tôt ou
tard celle-ci la mangera. S’il en
est ainsi, alors un changement de
cours radical est nécessaire, au
moins pour préserver les richesses,
son statut et la vie. Les exemples
de dirigeants arabes pro-occidentaux
comme Ben Ali ou Moubarak montre
donc la teneur en vérité de la thèse
de l’excellent géopoliticien russe
Alexej Jedrichin-Wandam qu’«il n’y a
qu’une chose qui puisse être pire
que l’hostilité avec les
Anglo-Saxons: c’est l’amitié avec
eux». L’Occident, en particulier les
Anglo-Saxons, ne garantissent jamais
rien à personne et encore moins à
quelqu’un qui a trahi son pays et
son peuple. Les anciens aimaient à
dire: «Roma traditoribus non premia»
(Rome ne paie pas les traîtres). A
vrai dire, il les payaient bien,
mais seulement jusqu’à un certain
moment. Ensuite, on prend des
chemins différents. Cela aussi,
c’est une leçon à tirer du
Proche-Orient par Moscou.
Quand
pourra-t-on, à votre avis,
s’attendre à des changements
significatifs de la situation?
Suis-je donc un
prophète? C’est difficile dans le
monde actuel, qui se situe à la
croisée des chemins, d’émettre
quelques pronostics. Mais si l’on
part de l’état de l’économie des
Etats-Unis, dont la rémission (dans
le sens médical) sera terminée selon
certaines prévisions au printemps
2013, et si l’on pense qu’on ne peut
probablement pas s’attendre à des
actions de grande envergure avant
les élections présidentielles
américaines, alors on arrive à la
période entre environ décembre 2012
et février 2013.
Ciel, vous nommez
des dates véritablement mystiques:
la fin du monde selon le calendrier
des Mayas, la venue du meurtrier
céleste Nibiru …
Ce n’est pas du
mysticisme, mais de la manipulation
de la conscience publique, dont le
détachement des problèmes réels et
l’effarement jusqu’à un état dans
lequel l’être humain appelle
lui-même: «Je suis pour un
gouvernement mondial, lui seul peut
me sauver de la catastrophe, du
gigantesque astéroïde, des
extraterrestres …!» Encore bien plus
dangereux que les extraterrestres
sont ces «boys», qui vivent au-delà
du Bien et du Mal et emportent
l’humanité avec la cruauté
impitoyable des reptiles. Ce sont
eux qui s’attaquent à la Syrie et ce
sont eux qu’il faut stopper
maintenant à la «frontière de la
Syrie». Comme le disait Voltaire:
«Ecraser les vipères»! •
Source: Jewgenij
Tschernych, KP.ru, le 15/8/12
(Traduction
Horizons et débats)
Le recours à des
«sociétés militaires privées» (SMP)
dans les zones de conflits armés
permet à Washington d’éviter la
responsabilité pour violations du
droit international humanitaire
(DIH), a déclaré mardi Konstantin
Dolgov, chargé des droits de l’Homme
au ministère russe des Affaires
étrangères.
«Les Etats-Unis recourent à des
services de SMP pour faire notamment
un travail sale dans les zones de
conflits armés. Un tell outsourcing
(externalisation) des fonctions
d’Etat par des sociétés privées
permet au gouvernement américain
d’éviter la responsabilité pour
violations des normes du droit
international humanitaire», a
indiqué le diplomate. Et d’ajouter
que Moscou avait appris avec
perplexité et préoccupation que le
ministère américain de la Justice
avait fermé l’enquête sur une
tentative de corruption de la
direction du ministère irakien de
l’Intérieur par l’entreprise de
sécurité Blackwater, appelée Academi
depuis 2012. «Cette société a essayé
d’obtenir une licence pour travail
en Irak contre un pot-de-vin d’un
million de dollars et de bloquer
l’enquête sur l’assassinat par ses
collaborateurs en 2007 à Bagdad de
17 civils, dont des enfants (encore
20 personnes ont alors été
blessées)», a rappelé M. Dolgov.
Faisant l’objet d’une enquête depuis
cinq ans, Blackwater, qui avait
fourni de »précieux services» au
gouvernement des Etats-Unis, a
conclu un accord avec la justice
américaine pour éviter un procès.
Source: RIA
Novosti du 28/8/12
Similarités avec la procédure en
Yougoslavie: des activités qui
doivent produire des différends
éthiques et confessionnels
Moscou réclame
une enquête sur les récents
attentats terroristes en Syrie et
propose de la confier à des
représentants de l’ONU et de la
Ligue arabe, indique un communiqué
du ministère russe des Affaires
étrangères publié mercredi.
«Un de ces jours, on a découvert les
faits d’une exécution sanglante de
citoyens syriens pacifiques dans la
ville de Daraya près de Damas où,
après sa libération par les troupes
gouvernementales, on a découvert les
corps de plus de 200 personnes, y
compris des femmes et des enfants»,
lit-on dans le communiqué.
«C’est un nouveau crime d’un
caractère provocateur, analogue à
ceux qui ont eu lieu plus tôt et qui
avaient provoqué une forte résonance
internationale», constate la
diplomatie russe.
Le document rappelle en outre que
l’explosion d’une voiture piégée
commise le 28 août dans le quartier
de Jaramana (banlieue sud-est de
Damas) a tué 12 personnes qui
assistaient à des funérailles et en
a blessé des dizaines d’autres.
«A Moscou, on juge sévèrement ces
actes barbares de violence. Nous
présentons nos condoléances aux
parents et proches des personnes
succombées.» indique le communiqué.
Moscou ne doute pas que «certaines
forces intéressées font tout pour
augmenter les tensions en Syrie et
pour empêcher toutes solutions
politiques». Dans ce contexte, on
perçoit avec une inquiétude
particulière les actions orientées à
agraver les confrontations
interconfessionnelles.
Le ministère des Affaires étrangères
mentionne dans ce contexte
l’assassinat d’une importante
personnalité cléricale islamique,
l’imam Hassan Barnaui et le blocage
par les combattants de la ville
Rabla, près de la frontière
libanaise, habitée par des
chrétiens. «Face aux appels des
représentants de l’opposition à
conjurer la menace d’une catastrophe
humanitaire en Syrie, ces actes sont
blasphématoires», souligne le
communiqué.
La communauté internationale «ne
peut pas rester indifférente face
aux efforts entrepris par les
éléments extremistes et terroristes
pour continuer à déstabiliser la
Syrie, surtout par des actions
répressives contre les minorités
ethniques et confessionnelles, en
particulier les chrétiens. Nous nous
engageons pour un arrêt immédiat des
combats par toutes les parties sans
exception et le traitement du
conflit au niveau politique sur la
base existante d’un consensus pour
le réglement de la situation
syrienne – selon le plan de Kofi
Annan et des Conventions de Genève.
Il n’y a pas d’alternatives à cela»,
souligne le ministère des Affaires
étrangères.
Source: RIA
Novosti du 29/8/12
(Traduction
Horizons et débats)
Les entreprises transnationales
veulent quitter Israël
La société
israélienne Business Data Israël
(BDI) a calculé les pertes pour le
Trésor public, si le gouvernement se
décidait à lancer une attaque contre
les installations nucléaires
iraniennes, à écrit le quotidien «Novye
Izvestia» mardi dernier. Selon ces
informations, une attaque contre
l’Iran, avec des armes autorisées au
niveau international, coûterait plus
de 40 milliards de dollars.
L’opération militaire, dont
l’inévitabilité est de plus en plus
écrite dans la presse, va être la
plus coûteuse de l’armée israélienne
depuis 20 ans. «Les dommages
directs, causés à l’infrastructure
du pays et à la propriété des
citoyens israéliens dans le cas
d’une guerre avec l’Iran, s’élève à
47 milliards de shekels (1 euro =
cinq shekels), selon BDI. Ces
dommages seront six fois plus
importants que ceux qui avaient été
causés par la guerre du Liban en
2006», constate le journal. «En
outre, il faut noter qu’une attaque
contre l’Iran provoquera
inévitablement une guerre contre
l’organisation chiite pro-iranienne
Hezbollah, qui contrôle le Sud du
Liban. On ne peut pas non plus
exclure des combats dans la bande de
Gaza, où le pouvoir appartient aux
radicaux sunnites du groupe Hamas.
Les relations avec Téhéran se sont
en effet détériorées en raison des
désaccords sur la question de la
Syrie, mais il n’est pas difficile
d’imaginer de quel côté les
combattants du Hamas se mettront
dans le cas d’une guerre
israélo-iranienne.»
«Déjà tout le tapage médiatique à
propos de la guerre imminente avec
l’Iran nuit à l’économie
israélienne. Les entreprises
transnationales ont vraiment eu peur
et sont en tout cas en train de
déplacer leur capacité de production
en dehors d’Israël», écrit le
journal. «Pendant ce temps, le
nombre d’employés licenciés a
atteint, au mois de juillet, le
record de ces trois dernières
années. Un tiers des personnes
renvoyées sont des jeunes âgés de 25
à 34 ans. Comme le souligne le
premier secrétaire du bureau du
Premier ministre israélien, Ariel Locker,
Israël n’est pas la Grèce, et pas
l’Espagne non plus. Dans le cas de
sérieuses difficultés économiques,
il va devoir y faire face seul.»
Source: Ria
Novosti, 28/8/12
(Traduction
Horizons et débats)
2012
Le
dossier Syrie
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