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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (74)
Photo CPI
Lundi 12 avril 2010
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam
Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision
du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le
département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a
donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Le Hamas, l’OLP et l’autorité
palestinienne (9)
Assiégé par les Israéliens et face à un complot mené par
certains de ses plus proches associés au sein du Fatah et de
l’autorité palestinienne, il se peut bien qu’Arafat ait parfois
commencé à se retrouver plus proche du Hamas. Khaled Meshaal
l’appela fréquemment de Damas pour exprimer son soutien et sa
solidarité. Une telle chaleur dans les relations ne dut pas être
perçue favorablement par ceux au sein du Fatah qui considérait
le Hamas comme le véritable ennemi. Nombreux étaient ceux qui
essayèrent dur de convaincre Arafat que la sortie de cette
fâcheuse situation reposait dans la prise d’action contre le
Hamas, plutôt que de forger une amitié avec ses leaders. Arafat
avait déjà décidé qu’aucune prise de mesures sérieuses contre le
Hamas ne fonctionnerait. L’humeur palestinienne ne favorisait
aucune concession à Israël avant d’avoir reçu des garanties
montrant que quelque chose de réel serait offert en retour. En
même temps, rien ne semblait suffisant pour les Israéliens. Des
trêves unilatérales avaient été présentées à Israël à au moins
de reprises. En échange, les Israéliens continuèrent à imposer
une punition collective aux Palestiniens et à exécuter des
assassinats ciblés contre leurs leaders, alimentant ainsi la
colère palestinienne et consolidant son opposition. Israël était
particulièrement dure à l’encontre du Hamas, qui avait réalisé
plusieurs des attaques-suicides les plus dévastatrices en Israël
en réponse aux assassinats ciblés israéliens de plusieurs de ses
leaders politiques et commandants militaires. Arafat vit
clairement que le Hamas devenait plus fort, en dépit des mesures
sérieuses que prenait Israël et de l’assassinat de hauts leaders
du mouvement. Toute punition supplémentaire infligée au Hamas
par l’autorité palestinienne, comme cela avait été tenté plus
tôt, n’aurait certainement fait que dégrader davantage
l’autorité d’Arafat et aurait profité au Hamas. Ayant observé
les mauvais calculs de Mahmoud Abbas à Aqaba, dans ses efforts
de prouver aux Israéliens et aux Américains qu’il était digne de
leur confiance en tant que leader capable d’accomplir la paix,
Yasser Arafat était très soucieux de ne pas perdre ce qui lui
restait de sa propre crédibilité. Il préférait mourir sous le
siège plutôt que sombrer dans l’histoire tel un traître.
Les Israéliens et les Américains peuvent regretter la façon
méprisable dont ils répondirent à la main tendue en paix de
Yasser Arafat. Ce dernier finit par réaliser, un peu tardivement
diraient certains, que ce qu’Israël recherchait en lui était
plus un collaborateur qu’un partenaire. Ce qu’Israël souhaitait
était un interlocuteur qui se conformerait avec ce qu’Israël
dictait, même si cela signifiait se tourner contre son propre
peuple. Dans ce cas, les Palestiniens aurait certainement vu en
Arafat un traître, et non pas un nationaliste ou un
révolutionnaire comme il souhaitait que l’on se souvienne de
lui.
Le 18 décembre 2003, Ariel Sharon ouvrit une nouvelle phase dans
le processus de paix avec les Palestiniens lorsqu’il annonça son
plan de désengagement unilatéral. Il déclara aux Palestiniens :
« Il n’est pas de notre intérêt de vous gouverner. Nous ne
resterons pas à tos les endroits où nous nous trouvons
aujourd’hui ». Il leur dit qu’il allait leur rendre la bande de
Gaza et qu’il allait y ordonner l’évacuation de toutes les
colonies juives. Mais il expliqua que dans le plan de
désengagement, Israël allait « renforcer son contrôle sur
d’autres régions du Grand Israël », qui deviendraient une partie
intégrale de l’Etat d’Israël dans un accord futur. Il se
pourrait qu’un certain nombre de facteurs aient poussé Sharon à
opter pour son plan de désengagement unilatéral. Premièrement,
Gaza était devenue trop coûteuse pour Israël. Certaines
connaissances de Sharon dirent avoir entendu cela directement de
lui. L’avis selon lequel la résistance palestinienne était ce
qui avait poussé Sharon à considérer le retrait de Gaza n’est en
aucun cas exclusif aux Palestiniens. De nombreux Israéliens
l’interprètent aussi de cette façon. Danny Rubinstein, de
Haaretz, par exemple, écrivit que Sharon, qui ne mentionna
jamais ni ne fit jamais allusion au besoin de se retirer de Gaza
auparavant, avait besoin d’attaques-suicides, de roquettes et
d’obus de mortier pour le persuader. Deuxièmement, de nombreux
Israéliens s’inquiétaient de plus en plus de la menace posée à
l’identité exclusivement juive d’Israël avec la croissance
continue de la population palestinienne. Une séparation totale
entre les deux parties semblait être la meilleure solution en
raison de la démographie en évolution rapide. Troisièmement,
Sharon ne se souciait pas de faire un petit sacrifice pour
remporter le soutien américain pour son plan d’annexion
permanente des colonies juives majeures en Cisjordanie, un gain
substantiel pour Israël.
Le 14 avril 2004, le président George W. Bush, qui recevait
Ariel Sharon à la Maison Blanche, approuva un changement dans
les frontières d’Israël. Dans son discours, il dit : « Suite aux
nouvelles réalités sur le terrain, dont les centres de
population israélienne déjà existants, il n’est pas réaliste de
s’attendre à ce que le résultat de négociations sur le statut
final soit un retour total à la ligne d’armistice de 1949 ». Le
président poursuivit, disant qu’il n’était ni réalité ni
pratique pour les réfugiés palestiniens de retourner en Israël :
ils devaient retourner à l’Etat palestinien qui serait créé à
côté. La déclaration du président signalait l’entière
approbation américaine du plan de désengagement unilatéral de
Sharon, un coup supplémentaire à la feuille de route, et il
soutint sa campagne en cours contre le Hamas et d’autres groupes
de résistance palestiniens à l’intérieur de la bande de Gaza.
Le 22 mars 2004, Sheikh Ahmad Yassine, le fondateur du Hamas et
son leader dans la bande de Gaza, fut assassiné sur ordre
d’Ariel Sharon. Ce dernier autorisa plus tard l’assassinat du
successeur de Sheikh Yassine, Dr. Abd Al-Aziz Al-Rantissi, le 17
avril. Le premier ministre israélien voulait être sûr que
lorsqu’il allait se retirer de Gaza d’ici un an, le Hamas n’en
prenne pas le contrôle.
Néanmoins, nombre des mesures qu’Israël prit du moment où Sharon
fut élu jusqu’à la mort d’Arafat le 11 novembre 2004 eurent en
réalité pour effet de rabaisser l’autorité palestinienne. Plutôt
que d’affaiblir le Hamas, ces mesures contribuèrent au renfort
de la crise au sein du mouvement du Fatah, l’épine dorsale de
l’autorité palestinienne et le partenaire de paix palestinien
d’Israël, causant un tort irréparable au Fatah. Le Fatah perdit
certains de ses meilleurs commandants de bataille, soit à
travers la liquidation, comme dans l’exemple de Ra’id Karmi,
soit à travers la détention comme dans le cas de Marwan
Barghouti. Nombre d’éminentes figures du Fatah furent alors
discréditées et leur loyauté à la cause palestinienne fut remise
en question. En outre, le mouvement du Fatah fut touché par le
fléau d’une corruption rampante et se porta de pire en pire à
cause de rivalités destructrices qui rendit malades de nombreux
Palestiniens, dont certains des membres mêmes du Fatah.
Les Israéliens commencèrent le processus de retrait de la bande
de Gaza le 15 août 2005, et vers le 12 septembre 2005, leurs
trente-huit années d’occupation de cette partie de la Palestine
avait officiellement pris un terme. Les Palestiniens de Gaza,
conduits par le Hamas, célébrèrent la libération de la Bande,
l’attribuant essentiellement à la défaite de la machine
militaire supérieure d’Israël. Certains officiels de l’autorité
palestinienne affiliés au Fatah ne voyaient aucune raison de
célébrer l’événement. Ils dirent en avertissement que le plan de
désengagement de Sharon allait finalement coûter plus de terres
palestiniennes en Cisjordanie, car son intention était d’y
étendre les colonies juives pour les annexer de manière
permanente. Certains de ces officiels pouvaient aussi avoir peur
que le retrait d’Israël de Gaza finisse par renforcer le Hamas,
au moment où le Fatah s’était de son côté retrouvé plus faible
que jamais.
En effet, du retrait inconditionnel et unilatéral d’Israël du
Liban à son retrait inconditionnel et unilatéral de Gaza,
c’était le Hamas qui en récoltait les bénéfices et qui sortait
vainqueur, en dépit des pertes. L’échec des négociations de
paix, que ce soit les accords d’Oslo, la feuille de route ou la
politique de désengagement de Sharon, semblait aux yeux de
nombreux Palestiniens justifier l’approche du Hamas.
Fin du chapitre.
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
Hamas: son
histoire de l'intérieur (73)
Hamas: son
histoire de l'intérieur (75)
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