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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (12)
Photo CPI
11 janvier 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son
histoire de l’intérieur de Dr.
Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la
vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son
développement. Le département français du Centre Palestinien
d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici
la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses
parties.
Du prêche au
djihad (1)
J’avais pour désir personnel, et j’étais motivé, de lancer la
bataille aussi tôt qu’en 1967. Toutefois, lorsque nous avons
étudié les circonstances et évalué les ressources, nous les
avons trouvées insuffisantes et devions l’ajourner. Puis nous
avons étudié la question une nouvelle fois et l’avons ajournée
de nouveau.
- Sheikh Ahmed Yassine
Le début des années 1970
était des années difficiles pour Sheikh Yassine et ses collègues
des Ikhwan dans la bande de Gaza. Ils étaient obligés de
travailler dans un environnement hostile, caractérisé par la
prédominance d’un sentiment nationaliste arabe fort et la
popularité croissante de groupes de gauche engagés dans la lutte
de guérilla contre les forces d’occupation israéliennes. La foi
dans le nationalisme arabe commença toutefois à fléchir
lorsqu’Israël sévit contre les groupes combattant contre elle,
tuant, déportant ou emprisonnant des activités. Le résultat fut
que l’insistance des Ikhwan sur le travail de da’wah (prêche)
pacifique semblait avoir de plus en plus de sens pour la
population.
Depuis le début, Sheikh
Yassine suspecta la guerre d’octobre 1973 entre l’Egypte et
Israël d’être simplement une manœuvre pour préparer la voie à
une réconciliation avec Israël. Il fut prouvé une fois encore
que le sheikh avait raison dans son évaluation de la
préparation, ou du manque de préparation, des pays arabes
avoisinants pour libérer la Palestine. Cependant, les
Palestiniens n’étaient pas non plus préparés. Ils manquaient du
soutien logistique et financier nécessaire de leurs frères à
travers le monde arabe. De plus, Israël avait été capable
d’infiltrer de nombreux collaborateurs dans leurs rangs, rendant
ainsi la résistance quasi-impossible. Le principe des Ikhwan
était que la maladie de la société palestinienne était telle
qu’elle devait être soignée avant qu’elle ne puisse résister, et
qu’il n’y avait pas de meilleur remède qu’un retour à l’islam.
L’association islamique
En 1967, après avoir travaillé pendant environ une décennie
depuis leurs propres maisons et mosquées, les Ikhwan
considérèrent la situation appropriée pour lancer leur première
plate-forme publique. C’était al-Jam’iyah al-Islamiya
(l’Association Islamique), dont l’objectif était de conduire des
programmes éducationnels, récréatifs et sportifs pour les
jeunes. Les Israéliens ne virent pas cette association comme une
quelconque menace, et accordèrent aux Ikhwan une licence pour
son établissement. Dirigé à partir d’une salle dans la mosquée
al-Shati’ (bord de mer), les activités de l’association
incluaient des sports, des excursions récréatives, des activités
de scoutisme, et des conférences publiques sur des questions
religieuses et sociales.
Entre-temps, depuis sa base à la mosquée al-Abbas, Sheikh
Yassine réussit à collecter assez d’argent de donateurs pour
réimprimer le dernier volume de l’exégèse coranique de Sayyed
Qutb, intitulé Fi dhilal al-Qur’an (A l’ombre du
Coran). Pour s’assurer qu’il soit diffusé le plus largement
possible, et notamment pour encourager les étudiants à le lire,
il le divisa en cinq sections séparées, imprimant deux mille
copies de chacune d’entre elles. Ce projet aida à changer la
façon dont les Ikhwan étaient perçus à Gaza. Qutb, en tant que
figure majeure des Ikwan égyptiens et lui-même victime du régime
oppressif de Nasser, était introduit aux lecteurs comme un
révolutionnaire combattant pour la justice et un érudit du plus
haut rang.
Encouragés par ce qu’ils avaient accompli jusque-là, les Ikhwan
décidèrent de mettre en place une nouvelle institution qui fut
connu comme al-Mujamma’ al-Islami (le Centre Islamique). Lancé
vers les 1976, ce projet, lié à une mosquée, avait d’abord pour
but de fournir des services sociaux, médicaux et éducationnels
pour la communauté à Jawrat al-Shams, au sud de la ville de
Gaza. Le bâtiment fut financé par des donations collectées par
les plus riches Palestiniens de la Cisjordanie, et une fois la
construction achevée, une demande pour une licence pour
fonctionner fut déposée aux autorités d’occupation israéliennes.
Les Israéliens émirent la licence nécessaire, qu’ils révoquèrent
cependant quelques jours plus tard. Il apparut plus tard qu’une
éminente figure palestinienne à Gaza avait conseillé aux
autorités israéliennes de retirer la licence à cause d’une
dispute personnelle avec le comité du projet sur son propre rôle
en son sein. Cet éminent Palestinien, que l’on croit avoir eu
des liens avec les Israéliens, fut froissé du choix du comité de
placer Sheikh Yassine comme secrétaire général du Centre au lieu
de lui. Après des appels répétés, et avec l’aide d’une autre
grande figure palestinienne, qui avait apparemment lui aussi des
liens avec Israël, les autorités israélienne délivrèrent de
nouveau la licence et le Centre fut ouvert. Al-Mujamma’ (le
Centre) eut une portée plus grande que al-Jam’iyah
(l’Association), et ses objectifs incluaient la mise en place
d’une variété de services sociaux et l’établissement de mosquée,
de garderies, d’écoles et de cliniques à travers la bande de
Gaza. Les services et aménagements fournis par le Centre se
prouvèrent être si populaires qu’une branche fut bientôt ouverte
à Khan Younes.
Les islamistes palestiniens peuvent être considérés comme des
pionniers dans la façon dont ils transformèrent leur discours
intellectuel et idéologique en des programmes pratiques
fournissant des services au public à travers des institutions
volontaires. Leurs frères ailleurs dans le monde arabe s’étaient
vus refuser, pendant des décennies, de telles opportunités car
la majorité des pays arabes avaient imposé des restrictions sur
toute forme d’activité non-gouvernementale joignant la religion
et l’éducation ou d’une nature volontaire et charitable. Les
gouvernements post-coloniaux à travers la région avaient un
intérêt existentiel dans la suppression des institutions civiles
afin de garder leur contrôle strict sur la population et leur
monopole sur la disposition des ressources. Malheureusement, ils
cherchèrent à justifier leurs pratiques oppressives
principalement au nom de l’affrontement de l’impérialisme et du
sionisme et de la libération de la Palestine. L’incompétence des
institutions de service public possédées et dirigées par le
gouvernement était invariablement reprochée sur le besoin
d’observer une austérité à cause du financement public qui
allait vers l’effort de guerre contre Israël. Les Palestiniens
étaient eux-mêmes les victimes du même climat oppressif lorsque
Gaza était sous le contrôle égyptien et la Cisjordanie sous la
direction jordanienne.
L’ironie était que la situation changea suite à la guerre de
1967 et l’occupation israélienne. Israël décida de redonner vie
à certains aspects de la loi ottomane archaïque dans son
administration des affaires des populations arabes en
Cisjordanie et à Gaza. Ceci permit la création d’organisations
volontaires ou non-gouvernementales comme des institutions de
service charitables, éducationnels et d’autres formes
d’institutions recevant un financement privé. C’était un
développement propice pour les Palestiniens sous l’occupation.
Pour les dix premières années d’occupation, de 1967 à 1977, les
autorités d’occupation israéliennes poursuivirent une politique
de “non-intervention” formulée et supervisée par Moshe Dayan,
alors ministre de la défense dans le gouvernement travailliste.
L’intention était d’être sensible aux désirs palestiniens, leur
accordant la liberté de jouir de leurs institutions
non-politiques tant que ces institutions restaient en accord
avec le pouvoir israélien et qu’elles ne lui posaient aucune
menace. Bien que cette atmosphère permissive ait profité à tous
les groupes qui avaient mis en place et dirigeaient des
institutions de la société civile, des groupes basés sur la
religion en profitèrent particulièrement. L’expérience montre
que dans la société musulmane, dans un tel climat de liberté,
même si des limites lui sont placées, aucun groupe politique,
intellectuel ou idéologique ne peut concurrencer l’aptitude
potentielle d’ONG basées sur la religion pour servir la
communauté. Fournir des services au public et rassembler les
fonds nécessaires sont en eux-mêmes des actes d’adoration
centraux de la foi islamique, et une application pratique des
exigences du troisième pilier le plus important de l’islam, la
zakat, le don de l’aumône.
Sur la base de l’Association et du Centre, les Ikhwan réussirent
à plus que doubler le nombre de mosquées sous leur autorité. En
général, chaque mosquée présentait une garderie et une école
coranique, alors que quelques mosquées avaient aussi leurs
propres cliniques médicales. Des unités mobiles fournissaient
des services médicaux gratuits au public, qui visitaient des
zones rurales régulièrement. Dans chaque région, un jour
particulier, des spécialistes des Ikhwan dans les différentes
branches de la médecine allaient fournir des consultations
médicales gratuites sur une base volontaire. Entre-temps, des
pharmaciens des Ikhwan allaient distribuer des médicaments au
prix coûtant ou même moins. Il y avait aussi un jour où les
garçons pouvaient être circoncis sans charge, et les Ikhwan
organisaient et payaient pour les célébrations habituelles. Les
activités se développèrent rapidement, limités seulement par la
disponibilité de fonds. Il était donc nécessaire de faire des
collectes de fonds systématiques pour maintenir un flux
régulier, avec des comptes montrant ce qui avait été collecté,
et ce qui avait été dépensé, par qui, comment, et où. Ceci amena
à la multiplication des comités de zakat à travers les
territoires, avec chaque comité travaillant à partir ou dans une
association avec la mosquée avoisinante. Ces mêmes comités de
zakat devinrent ensuite les bénéficiaires principaux et
distributeurs de donations envoyées de l’étranger par des
branches des Ikhwan qui avaient mis en place leurs propres
réseaux de collectes de fonds pour soutenir les Palestiniens
sous l’occupation.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (11)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (13)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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