|
Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (45)
Photo CPI
Lundi 7 septembre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Hors de la Jordanie (5)
Le 31 août, les autorités
émirent des mandats d’arrestation pour les six hauts leaders du
Hamas basés en Jordanie, les trois à Téhéran et les trois qui
étaient encore à Amman : Muhammad Nazzal, Sami Khatir et Izzat
Al-Rishiq. Sami Khatir fut arrêté le jour du raid, alors que
Nazzal et Al-Rishiq se cachèrent. Le gouvernement annonça que
les six hommes étaient recherchés pour leur appartenance à une
organisation illégale. La mesure mit en colère le Hamas et les
Ikhwan jordaniens. Dans la ville de Gaza, Sheikh Yassine
condamna l’action, notant qu’elle venait quelques jours avant
que la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright visite la
région. Il remarqua qu’elle faisait partie d’une campagne « pour
mettre la pression sur le Hamas pour qu’il se joigne à l’accord
politique, que nous considérons comme étant destiné à frapper la
cause palestinienne et à protéger les intérêts israéliens dans
la région ». Il demanda au roi Abdullah de Jordanie d’« arrêter
cette campagne et de travailler pour consolider les liens
fraternels avec le Hamas et le peuple palestinien, pour le bien
de la cause palestinienne dans son ensemble ». A Amman,
l’organisation des Ikhwan jordaniens émit un communiqué de
presse condamnant les raids et décrivant les mesures graves
d’insulte aux « sentiments des Jordaniens, des Arabes et des
musulmans qui considèrent le Hamas comme l’avant-garde de la
nation arabe dans le combat contre l’occupation ».
Imad Al-Alami, un autre
membre du bureau politique en ce moment basé à Damas, se joignit
aux trois leaders du Hamas bloqués à Téhéran pour des
discussions d’urgence. Ils étaient unanimement d’avis qu’ils
n’avaient d’autre option que de retourner à Amman. Leur première
priorité était de laver leurs noms. Les autorités jordaniennes
avaient déclaré qu’ils étaient engagés dans des activités
illégales en Jordanie et que des armes avaient été trouvés en
leur possession. A moins qu’ils ne reviennent, pensèrent-ils,
les accusations leur colleraient pour toujours et ils seraient
traités comme des scélérats fugitifs, même s’ils n’avaient
commis aucun crime. Pour les rassurer qu’ils prenaient la bonne
décision, ils décidèrent de consulter d’autres personnes.
Meshaal, Abu Marzouq et Al-Alami s’envolèrent donc pour Damas,
alors que Ghosheh resta à Téhéran.
Entre-temps, Muhammad Nazzal,
qui se cachait, communiquait avec ses collègues à Téhéran, qui
lui conseillait de se rendre aux autorités avec Izzat Al-Rishiq.
Il n’aimait pas l’idée et exprima son objectif, mais finit par
accepter si cela se faisait de « manière digne », comme il le
décrivit. Samedi 4 septembre, lu iet Al-Rishiq acceptèrent de se
retrouver à la direction des Ikhwan à Amman, où un rasemblement
en soutien au Hamas était organisé. L’idée était pour lui
d’effectuer un discours et d’être ensuite arrêté. Ce plan avait
été conçu en consultation avec Abd Al-Majid Dhunaybat, Al-Muraqib
Al-‘Amm des Ikhwan, et le secrétaire général des Ikhwan, Jamil
Abu Bakr.
Lorsque Nazzal et Al-Rishiq
arrivèrent au rassemblement, d’autres membres du bureau exécutif
des Ikhwan, dont Imad Abu Dayyah et Salim Al-Falahat,
protestèrent contre la requête de Nazzal de donner un discours,
car « une telle action correspondrait à une provocation
flagrante contre le gouvernement et le régime ». C’était une
nouvelle manifestation de la division au sein des leaders des
Ikhwan jordaniens sur la manière de traiter la crise. Abu Dayyah
et Al-Falahat semblaient exercer une grande influence et
pouvaient facilement rassembler le reste des membres du bureau
exécutif derrière eux. Ils dirent que Nazzal et son collègue
étaient libres de s’asseoir dans la foule, sans prononcer aucun
discours. Les deux hommes du Hamas refusèrent cela et s’en
allèrent, aussi secrètement qu’ils étaient venus, sans qu’ils ne
soient vus par les agents de sécurité du DRG. Les deux hommes
prirent ensuite des chemins séparés, et pendant plusieurs mois,
ils ne se virent que rarement. Nazzal appela Meshaal pour lui
parler de l’échec de leur plan, suggérant qu’il serait
préférable pour l’instant que lui et Al-Rishiq restent cachés.
A Damas, de constantes
consultations avaient lieu, impliquant des membres du conseil de
la Shura du Hamas, la plus haute autorité du mouvement, et des
représentants des Ikhwan jordaniens, qui soit se rendaient à
Damas, soit parlaient par téléphone à partir d’Amman. En dépit
d’un communiqué aux termes forts publié par les Ikhwan
jordaniens condamnant l’action du gouvernement contre le Hamas,
la direction des Ikhwan tentait d’éviter une confrontation
directe avec le régime. Dans les premiers jours de la crise, ils
dirent aux trois leaders du Hamas retenus à Téhéran de prendre
leur propre décision concernant ce qu’ils voulaient faire.
Cependant, lorsqu’il devint clair que les trois hommes avaient
décidé de retourner en Jordanie, la direction des Ikhwan leur
demanda d’attendre et de ne pas agir avec hâte. Une mission des
Ikhwan jordaniens à Damas essaya alors de les dissuader de
prendre « une action drastique dont les conséquences pourraient
être graves ». Les Ikhwan espéraient encore persuader les
autorités jordaniennes de résoudre la question amicalement.
A un moment, Nazzal et Al-Rishiq
rencontrèrent les membres du bureau exécutif des Ikhwan à un
endroit secret à Amman pour organiser d’autres discussions sur
la question du retour des trois leaders du Hamas de Téhéran.
Tout au long des sept heures de discussions, les membres du
bureau exécutif restèrent résolus que les trois hommes ne
devaient pas retourner, insistant qu’ils devaient rester à
Téhéran jusqu’à ce que les Ikhwan puissent résoudre le problème
avec le gouvernement à travers le dialogue. Nazzal et Al-Rishiq
étaient d’accord avec cela en principe, mais ils pensaient qu’il
n’était pas possible de continuer de la sorte indéfiniment et
qu’une date limite devait être placée. Imad Abu Dayyah,
toutefois, qui tint un rôle principal dans la rencontre, ne
pensait pas qu’il était approprié de placer une date limite, car
la question avait besoin d’un traitement délicat. Les frères du
Hamas pouvaient être excusés d’avoir suspecté que son intention
fût de fixer le destin du Hamas en Jordanie alors que les trois
hommes-clés du Hamas étaient à l’extérieur du pays. A l’opposé
de cette approche, la plupart de ceux qui sympathisaient avec le
Hamas, en Jordanie ainsi qu’ailleurs dans le monde, étaient
d’avis que le retour en Jordanie n’était pas seulement la
meilleure option, mais la seule option. Il était alors devenu
clair que les autorités jordaniennes n’étaient pas intéressées
par l’arrestation et le retour de ceux qui se trouvaient à
Téhéran. Au contraire, ils espéraient que les mandats
d’arrestation contre eux allaient les garder hors de Jordanie
pour de bon. En fin de compte, dans une dernière tentatives
d’obstruer le retour des trois leaders du Hamas, le bureau
exécutif des Ikhwan à Amman convoquèrent un meeting d’urgence du
conseil de la Shura des Ikhwan, la plus haute autorité des
Ikhwan. Le conseil vota, avec une légère majorité, pour demander
à Meshaal et à ses deux collègues de rester à l’extérieur du
pays.
Mais c’était trop tard. Le
21 septembre 1999, trois semaines après la fermeture de leurs
bureaux dans la capitale jordanienne, les trois leaders du Hamas
et les quatre membres du personnel qui les avaient accompagnés
quittèrent Téhéran pour Amman via Dubaï, arrivant à l’aéroport
international de Queen Alia le lendemain matin. Des agents du
DRG les attendaient. Ils furent escortés jusqu’à un lieu de
détention, où ils furent séparés, arrêtés et remis à la police.
Un état d’urgence fut déclaré à l’aéroport, et l’accès fut
refusé au public. Des centaines de sympathisants et de membres
de la famille s’étaient dirigés vers l’aéroport pour recevoir
les leaders du Hamas à leur arrivée, mais l’entrée leur fut
refusée.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (44)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (46)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
|