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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (19)


Photo CPI

Dimanche 1er mars 2009

Dr. Azzam Tamimi

L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

Une guerre totale (4)

La guerre des couteaux

            Plus qu’une simple restructuration était nécessaire pour ressusciter la capacité militaire du Hamas, toutefois. Israël apporta ici, inconsciemment, une contribution majeure. Les conditions s’empiraient pour les Palestiniens tous les jours. Le 8 octobre 1990, vingt-deux Palestiniens furent tués et plus de deux cents furent blessés lorsque des soldats israéliens prirent d’assaut Al-Haram Al-Sharif (l’esplanade de la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem), tirant sur des fidèles musulmans. Les musulmans s’étaient rassemblés à l’intérieur du Haram pour contrecarrer le complot d’un groupe d’extrémistes juifs connu sous le nom des “Fidèles du Mont du Temple”, pour poser ce qu’ils disaient être la pierre angulaire du Troisième Temple. Ce même jour, irrités par les nouvelles du massacre, ‘Amir Sa’ud Abu Sarhan, que l’on disait proche du Hamas, poignarda à mort trois soldats israéliens à Jérusalem, et en blessa un quatrième. Ce fut le départ de ce qui devint connu comme étant la “guerre des couteaux”. La dernière goutte pour les Israéliens eut lieu le 14 décembre 1990, avec une autre attaque au couteau contre un groupe d’Israéliens travaillant dans une usine d’aluminium à Jaffa par deux Arabes de Gaza qui avaient traversé la Ligne Verte plus tôt dans la journée. Les attaquants, Marwan Al-Zayigh et Ashraf Al-Ba’luji, laissèrent sur le mur de l’usine une revendication de la responsabilité au nom du Hamas, déclarant que l’action venait pour commémorer le second anniversaire de la naissance du mouvement. Ils réussirent à s’échapper et allèrent se cacher, devenant ainsi les premiers mutaradun (fugitifs). Ils furent vite rejoints par des centaines de jeunes hommes palestiniens, recherchés par les Israéliens pour diverses accusations de terrorisme allant du lancement de pierres jusqu’à des mises à mort.

            Le 4 décembre 1990, le jour de l’attaque au poignard de Jaffa, les Israéliens lancèrent une campagne massive contre ce qui restait du Hamas. A travers la Cisjordanie et Gaza, ils n’arrêtèrent pas moins de mille sept cents personnes suspectées d’appartenir ou d’être affiliées d’une façon ou d’une autre au mouvement. Parmi ces personnes arrêtées, il y avait les membres de la nouvelle direction mise en place par Moussa Abu Marzouq durant sa visite en 1989. La Cisjordanie fut plus durement touchée cette fois que la précédente, car l’on pensait que les deux attaquants de l’usine d’aluminium avaient été abrités par des membres du Hamas qui se trouvaient là. En dépit de l’étendue de la campagne israélienne, le Hamas prit cette fois moins de temps pour se relever. Avec le contrôle total du mouvement maintenant entre les mains de ses leaders à l’étranger, il y eut peu d’interruption. De plus, la direction à l’extérieur fut relancée par l’arrivée de quatre figures majeures du Hamas de l’intérieur. Après une brève période de détention, Imad Al-Alami, Fadl Al-Zahhar, Mustapha Al-Qanu’ et Mustafa Al-Liddawi furent déportés au Liban. Ils assumèrent rapidement de hautes positions de responsabilité à l’intérieur des institutions du Hamas à l’étranger.

            Entre-temps, Sheikh Ahmad Yassine subit des procès dans une cour militaire israélienne. Après une série d’auditions qui commença au début de 1990, il fut finalement condamné le 16 octobre 1991 à une condamnation à vie plus quinze ans. La cour décida qu’il était coupable de toutes les charges de l’acte d’inculpation soumis par le procureur. Il soutint son innocence dans les kidnappings et mises à mort de deux soldats israéliens, mais déclara sa responsabilité dans la fondation du Hamas. Deux semaines plus tôt, Muhammad Al-Sharatiha, qui était alors âgé de 34 ans, fut condamné à trois fois la perpétuité plus trente ans pour son rôle dans le kidnapping et la mise à mort des deux soldats. Un des résultats imprévus de l’attaque israélienne contre le Hamas fut le grossissement des rangs des mutaradun, les fugitifs qui étaient obligés de fuir le pays s’ils le pouvaient, et s’ils ne pouvaient pas, de se cacher aussi longtemps qu’ils le pouvaient. Ce qui se cachaient ressentaient généralement que comme ils avaient déjà perdu leur liberté, ils n’avaient plus rien de plus à perdre. Leur pratique générale était de former de petits groupes pour monter des attaques contre des cibles israéliennes, ou d’improviser des attaques, quelles qu’elles soient, sur une base individuelle. C’est à partir de ce phénomène que la branche militaire du Hamas, Kata’ib Al-Shahid Izzadin Al-Qassam (les brigades du martyr Ezzeddine Al-Qassam) naquit. Les brigades n’étaient pas une extension d’Al-Mujahidun Al-Filastiniyun, mais une toute nouvelle création, mise en place et dirigée par une génération bien plus jeune d’activistes du Hamas dont le motif était de se venger de la répression impitoyable d’Israël contre le Hamas. Les Israéliens avaient déjà arrêté les membres fondateurs des Mujahidun, et certains d’entre eux avaient reçu des peines très longues. Entre-temps, l’inspiration des Mujahidun précéda de loin l’Intifada et on vit le mouvement comme le résultat des plans présentés dans le début même des années 1980. Ils furent conçus comme une version islamique du combat lancé depuis des décennies par le mouvement nationaliste palestinien. En comparaison, les brigades d’Al-Qassam étaient un produit même de l’Intifada, et elles virent le jour en réaction à la répression croissante d’Israël contre ce qui avait commencé comme une manifestation pacifique. A la base, l’Intifada n’avait été qu’une série d’exercices de désobéissance civile, ayant pour intention d’obliger les autorités d’occupation israéliennes à traiter les Palestiniens avec plus d’humanité. Cependant, la mesure disproportionnée de la réponse israélienne à l’Intifada fut ce qui provoqua les jeunes victimes de la brutalité israélienne à mener des actions de répliques d’une nature plus violente.

            La “guerre des couteaux”, lancée sous la bannière des brigades du martyr Ezzeddine Al-Qassam, continua inchangée jusqu’en décembre 1992, lorsque les brigades inaugurèrent ce que le Hamas qualifia de “guerre des sept jours”. Le 7 décembre 1992, une cellule armée agissant à Gaza tendit une embuscade à une patrouille de l’armée israélienne sur la route d’Al-Shuja’iyah à Beit Lahia, tuant trois soldats. Le 12 décembre, une autre cellule armée agissant à Hébron tendit une embuscade à une patrouille israélienne, tuant trois autres soldats. Tôt le 13 décembre, une troisième cellule kidnappa le sergent-major Nassim Toledano de la police de frontière israélienne, âgé de 29 ans, alors qu’il se déplaçait de chez lui à Lod jusqu’à son lieu d’affectation dans la ville cisjordanienne de Ramallah. La cellule du Hamas emmena son otage dans un lieu sûr, alors que deux hommes masqués diffusèrent un message au bureau de la Croix-Rouge Internationale à Ramallah à environ 11h du matin, exigeant les concessions suivantes en échange du retour sauf de l’otage :

            1. L’adhésion stricte par les autorités israéliennes à la date limite spécifiée (le même jour à 21h) ; sinon, l’otage serait exécuté.

            2. La libération de Sheikh Ahmad Yassine en la présence d’un représentant de la Croix-Rouge Internationale et en la présence des ambassadeurs de l’Egypte, de la France, de la Suède et de la Turquie, devant qui les autorités israéliennes s’engageraient à ne plus arrêter de nouveau le sheikh.

            3. La couverture directe par la télévision israélienne de la libération de Sheikh Ahmad Yassine et de l’engagement israélien effectué devant les ambassadeurs en échange de la liberté du soldat kidnappé.

            Au cours des dix heures qui précédèrent l’heure limite de l’ultimatum, les Israéliens mirent en place un état d’urgence sans précédent depuis la guerre avec l’Egypte en octobre 1973. Ils tentèrent de gagner du temps dans l’espoir que les kidnappeurs puissent être identifiés, ou que le refuge où était gardé l’otage soit découvert. Pour la première fois depuis toujours, le Hamas reçut une couverture médiatique globale et une attention mondiale. Dans une tentative de la dernière chance d’influencer les kidnappeurs, les autorités israéliennes interviewèrent Sheikh Ahmad Yassine à la télévision israélienne, dans l’espoir qu’il appelle à la libération de l’otage.

            Cette interview donna au Hamas une grande publicité qu’il n’avait pas anticipée. Le sheikh, qui était apparemment malade en raison de ses infirmités, appela les kidnappeurs à garder le soldat en vie, mais mit la pression sur les Israéliens pour qu’ils répondent à leurs exigences. Pour la première fois dans sa vie, et dans la vie du Hamas, Sheikh Yassine eut la possibilité de parler directement au public israélien et plus généralement au monde, même si ce n’était que brièvement, de la position de son mouvement vis-à-vis du conflit entre Israël et les Palestiniens. Voici des extraits de la transcription de l’interview télévisée israélienne :

Intervieweur : Un groupe armé a kidnappé un policier et exige votre libération ; quelle est votre opinion à cet égard ?

Sheikh Yassine : Aucun homme ne refuserait la liberté et aucun homme ne demande d’être enchaîné. Je crois que toute personne incarcérée, notamment dans ces circonstances politiques que son les nôtres, a le droit d’être libérée.

Intervieweur : Et s’ils tuaient le policier ?

Sheikh Yassine : Je conseillerais qu’ils ne le fassent pas, afin qu’il soit donné une chance aux autorités pour qu’ils répondent aux exigences de ces gens.

Intervieweur : En principe, quelle serait votre position concernant la mise à mort de ce policier ?

Sheikh Yassine : La mise à mort du policier, la mise à mort du Palestinien et la mise à mort du soldat font tous partie d’un cycle créé par l’occupation. Lorsque les causes seront retirées, tous ces problèmes seront résolus.

Intervieweur : Et qu’en est-il de l’incident du kidnapping de ce policier ?

Sheikh Yassine : Est-ce que cet incident est isolé ? Cela fait partie de ce cycle ; tous les jours, des gens des deux côtés sont tués. Lorsque nous changerons la situation de l’occupation, automatiquement, tout ceci prendra fin.

Intervieweur : Et s’ils tuaient le policier ?

Sheikh Yassine : Je ne m’accorde pas à ce qu’ils le tuent. Un kidnappeur a des objectifs et demandera, naturellement, à ce que ses objectifs soient remplis. Les autorités devraient observer ces objectifs et les accomplir.

Intervieweur : Comment voyez-vous le pouvoir du Hamas, aujourd’hui, dans les territoires occupés ?

Sheikh Yassine : De là, je ne vois rien : comment puis-je observer lorsque je suis enfermé ?

Intervieweur : A partir de ce que vous entendez des visiteurs et des prisonniers ?

Sheikh Yassine : Ce que j’entends des médias est que le mouvement du Hamas devient de plus en plus grand.

Intervieweur : Qu’est-ce que cela indique ?

Sheikh Yassine : Cela indique que la solution islamique est l’alternative.

Intervieweur : Qu’en est-il du processus du paix et des discussions de Washington ?

Sheikh Yassine : Pas un seul Palestinien ne rejette la paix. Tout Palestinien aime la paix. Cependant, la paix que vous désirez est différente de celle que je désire. Chacun a un moyen et une voie pour la paix.

Intervieweur : Comment vouez-vous les négociations qui se tiennent aujourd’hui ?

Sheikh Yassine : Jusque-là, elles n’ont rien atteint. Je m’attendais dès le début à ce qu’elles ne puissent parvenir à rien, car elles manquent d’équilibre.

            Les Israéliens refusèrent de répondre à toute exigence, et Toledano fut exécuté. Son corps fut retrouvé le 15 décembre 1992, abandonné dans un fossé près de la colonie juive cisjordanienne de Maaleh Adumim le long de la route de Jéricho. Le premier ministre israélien Yitzhak Rabin convoqua un meeting urgent du cabinet, et le 16 décembre, il annonça que de dures mesures allaient être immédiatement prises contre le Hamas. Le 17 décembre, environ deux mille Palestiniens furent arrêtés, ainsi que quatre cent quinze leaders du Hamas et du Jihad Islamique. Certains d’entre eux avaient récemment été détenus, d’autres furent amenés de prisons où ils se trouvaient en détention depuis un certain temps, et d’autres encore furent retirés directement de chez eux. Tous furent placés dans des bus et emmenés directement à la frontière avec le Liban, où ils furent déchargés dans un no man’s land glacé à l’extérieur de la zone de sécurité auto-déclarée israélienne. Ironiquement, le lieu était appelé Marj Al-Zuhur : “Pré de fleurs”.

Hamas: son histoire de l'intérieur (18)
Hamas: son histoire de l'intérieur (20)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
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