Syrie
Entretien du Président syrien Bachar al-Assad
avec le quotidien suédois Expressen
Texte intégral de la 1ère
partie
Photo:
D.R.
Lundi 20 avril 2015
Le Président syrien,
Bachar al-Assad, a accordé une entrevue
télévisée au quotidien suédois Expressen.
Une première partie a été publiée en
anglais et en arabe par l’Agence
syrienne Sana ce 17 avril, le tout
n’ayant été publié que le lendemain.
Voici la traduction
du texte intégral de la première partie
à partir de la version anglaise
originale. À suivre… [NdT].
Question 1:
Monsieur le
Président, je tiens à vous exprimer mes
plus sincères remerciements et ceux du
quotidien Expressen pour nous
avoir accordé cet entretien. Merci
beaucoup. En ce moment même,
l'organisation terroriste EIIL, et même
Al-Nosra, ont envahi le camp de réfugiés
d’Al-Yarmouk, alors qu’Al-Nosra qui
contrôlait la frontière syro-jordanienne
a pris le contrôle de Idleb. Comment
décririez-vous la gravité de la
situation actuelle ?
Le Président Al-Assad :
Lorsque vous parlez de terrorisme, c’est
toujours grave, parce que le terrorisme
est toujours dangereux, n’importe quand,
n’importe où, et peu importe comment il
se manifeste. Il en est toujours ainsi,
non seulement pour l’exemple que vous
venez de mentionner qui n’est finalement
que l’une de ses manifestations. C’est
un long processus qui a commencé depuis
des années, bien avant la crise en
Syrie. Le terrorisme est grave et
dangereux car il n’a ni frontières, ni
limites. Il pourrait frapper n’importe
où. Ce n’est pas un problème local. Ce
n’est même pas un problème régional.
C’est un problème mondial et c’est
pourquoi il est toujours dangereux. Dans
notre cas, disons que le danger est pire
qu’ailleurs, non seulement à cause de la
situation militaire que vous évoquez
dans votre question, mais parce que le
fait est qu’il bénéficie d’une
couverture politique de la part de
nombreux pays, de nombreux dirigeants et
hauts fonctionnaires, notamment en
Occident. Au tout début, nombre de ces
responsables n’ont pas vu la réalité de
la situation. Et aujourd’hui, cette
réalité est devenue encore plus
dangereuse, en raison du non respect du
droit international et faute d’une
organisation internationale efficace qui
protégerait un pays contre un autre pays
utilisant des terroristes pour le
détruire par procuration. C’est ce qui
se passe en Syrie. Par conséquent, je
vous répondrai par l’affirmative. Oui,
la situation est dangereuse mais, en
même temps, réversible. Aussi longtemps
qu’elle restera réversible, il ne sera
pas trop tard pour y remédier. Avec le
temps, elle deviendra d’autant plus
grave que les terroristes auront
endoctriné les cœurs et les esprits.
Question 2 :
Sauf qu’ils
envahissent davantage de zones en Syrie.
L’Armée et les Forces syriennes
seraient-elles affaiblies ?
Le Président Al-Assad :
C’est là une répercussion naturelle et
normale pour n’importe quelle guerre sur
n’importe quelle armée, aussi forte et
moderne soit-elle. Elle sape et
fragilise n’importe quelle société dans
tous ses aspects, son économie, son
moral, et évidemment son Armée en tant
que partie de cette société.
Question 3 :
Mais
l'Armée est-elle plus faible qu'avant ?
Parce que l'année dernière, nous avions
constaté du gagnant-gagnant en votre
faveur, du côté de l’Armée. Vous
contrôliez davantage de zones du
Qalamoun et ailleurs. Et aujourd’hui,
par exemple, ils ont pris Idleb.
Le Président Al-Assad :
Ceci n’est pas directement lié au fait
que l’Armée soit plus ou moins forte ou
affaiblie. Comme je viens de le dire :
toute guerre sape n’importe quelle
armée, c’est le cours normal des
événements. Dans notre cas, si vous
analysiez la situation sur les quatre
dernières années, vous constateriez des
hauts et des bas. Parfois vous gagnez,
parfois vous perdez, et cela dépend de
nombreux critères ou facteurs, certains
spécifiquement nationaux d’ordre interne
ou militaire, d’autres en relation avec
le niveau de soutien dont bénéficient
les terroristes. S’agissant du récent
exemple d’Idleb, le facteur déterminant
a été l'énorme support fourni par la
Turquie aussi bien du point de vue
logistique que militaire et, bien sûr,
le soutien financier fourni par l'Arabie
saoudite et le Qatar.
Question 4 :
C’est là
une information ou une opinion ?
Le Président Al-Assad :
Une information. Ils sont tous apparus
comme une seule armée. Dans cette
bataille d’Idleb, les terroristes d’Al-Nosra
faisant partie d'Al-Qaïda, le
gouvernement ou les institutions et les
services du renseignement turcs, ont agi
comme une seule et même armée. Par
conséquent, votre exemple ne dépendait
pas de l'affaiblissement de notre Armée,
mais du soutien apporté aux terroristes
par la Turquie.
Question 5 :
Il y a
quatre ans, la Turquie, le Qatar et
l'Arabie saoudite, avaient leur agenda.
Est-ce que cela a changé ? Ont-ils
changé cet agenda ?
Le Président Al-Assad :
Tout d'abord, ce ne sont pas des pays
indépendants, de sorte qu'ils ne peuvent
pas avoir leur propre agenda. Ils ont
leur propre comportement borné,
vindicatif ou haineux, parfois mis à
profit pour servir d’autres agendas.
Ici, soyons francs, et disons qu’il
s’agit plus particulièrement de celui
des États-Unis. Nous ne pouvons donc pas
dire qu’ils ont leur propre agenda. En
revanche, nous pouvons dire qu’ils n’ont
pas changé. Ils soutiennent toujours les
mêmes terroristes, leur comportement
n’étant pas lié à la crise en Syrie. Ils
ont soutenu les terroristes en
Afghanistan, ils ont soutenu l'idéologie
wahhabite et l'extrémisme qui a
récemment conduit au terrorisme en
Europe. Depuis des décennies, ils
soutiennent la même idéologie et les
mêmes factions sous différents noms et
labels en Syrie. Rien n’a donc changé,
car c’est leur comportement naturel.
Question 6 :
De quelle
idéologie parlez-vous ?
Le Président Al-Assad :
De l'idéologie wahhabite qui constitue
la base de tout terrorisme dans le
monde. Ces dernières décennies, aucune
opération terroriste au Moyen-Orient et
dans le monde n’a échappé à cette
idéologie. Tout terroriste fonde sa
doctrine sur l'idéologie wahhabite.
Question 7 :
L'idéologie
wahhabite est liée au « 11 septembre »
ainsi que tous les groupes terroristes.
Les États-Unis ne sont-il pas au courant
de ce lien et continuent à soutenir
l’Arabie saoudite ?
Le Président Al-Assad :
C’est une question très importante
puisque dans les années 1980, les
États-Unis désignaient ces mêmes groupes
d'Al-Qaïda et de Talibans, en
Afghanistan, de « Saints combattants » [Holy
fighters]. C’est ainsi qu’ils étaient
présentés par le Président Bush. Ce
n’est qu’après le 11 Septembre 2001
qu’ils les ont qualifiés de terroristes.
Le problème avec les États-Unis et, bien
sûr avec certains responsables
occidentaux, c’est qu'ils pensent
pouvoir utiliser le terrorisme comme une
carte en poche, une carte politique. En
fait, le terrorisme est tel un
scorpion ; dès qu’il aura une chance de
vous mordre, il le fera. Par conséquent,
ils sont au courant, mais n’ont pas
mesuré le danger de l’usage du
terrorisme comme carte politique.
Question 8 :
Monsieur le
Président, une délégation officielle
syrienne et une partie de l'opposition
se sont récemment réunies à Moscou.
Cette rencontre a-t-elle débouché sur un
quelconque résultat positif ?
Le Président Al-Assad :
Oui. Nous pouvons dire oui, parce
qu’alors que, comme vous le savez, elle
a été précédée de nombreuses autres
rencontres, c’est la première fois que
l’on est parvenu à un accord sur
certains principes de base pour le futur
dialogue inter-syrien. Nous ne les avons
pas encore finalisés, le calendrier
étant très chargé et faute de temps.
Deux jours de dialogue entre les
représentants de l’opposition, suivis de
deux jours de dialogue avec les
représentants du gouvernement, d’où
quatre jours qui n’ont pas été
suffisants pour finaliser le calendrier.
Mais une percée, même partielle,
signifie que la prochaine rencontre sera
prometteuse quant à un accord complet
sur les principes du dialogue en vue
d’une solution syrienne au conflit.
Question 9 :
Ce que vous
dites, Monsieur le Président, est très
important étant donné que l’Envoyé
spécial des Nations Unies, M. Staffan de
Mistura, est en train de planifier une
série de consultations qui devraient
débuter en mai, ou en Juin, pour tenter
de trouver un terrain d'entente entre
les principaux États ayant un intérêt
dans le conflit. Qu'en pensez-vous ?
Le Président Al-Assad :
Je suis d'accord avec De Mistura sur ce
point, parce qu’il n’est ni logique, ni
objectif, de considérer que le conflit
est purement interne et entre factions
syriennes. En fait, le problème n’est
pas très compliqué, mais il l’est devenu
en raison de l'intervention extérieure,
et tout plan que vous voudriez appliquer
dans le but de le résoudre sera voué à
l’échec à cause de cette ingérence
extérieure. C’est ce qui s’est passé à
Alep quand les Turcs ont invité les
factions de terroristes, qu’ils
soutiennent et dirigent, à refuser de
coopérer avec De Mistura. Je pense donc
qu’il est parfaitement conscient que
s’il n’arrive pas à convaincre ces pays
de cesser leur soutien aux terroristes
et de laisser les Syriens résoudre leur
problème, il ne réussira pas.
Question 10 :
Quelle est
votre opinion sur les efforts de De
Mistura ?
Le Président Al-Assad :
Nous avons discuté ensemble de son plan
pour Alep, lequel s’est révélé
compatible avec nos efforts pour la
réconciliation [Mousalaha] dans
plusieurs régions syriennes. C’est un
domaine où nous avons pu réussir et où
nous pouvons mieux faire encore, à
partir du moment où les gens reviennent
vers la normalité, bénéficient de
l’amnistie gouvernementale et déposent
leurs armes… Le plan de De Mistura
repose donc sur ce même principe de
réconciliation. C’est pour cela que nous
l’avons soutenu dès le début et que nous
continuons à le soutenir.
Question 11 :
Monsieur le
Président, la Suède est le seul pays
d’Europe qui accorde un droit de séjour
permanent aux personnes qui fuient la
guerre en Syrie. Qu'est-ce que cela
signifie pour vous, et comment
voyez-vous la politique suédoise ?
Le Président Al-Assad :
Sur ce sujet ou en général ?
Question 12 :
Sur ce
sujet précis.
Le Président Al-Assad :
Je pense que la position de la Suède
face à plusieurs conflits dont le
conflit syrien, est appréciée partout
dans le monde, non seulement dans notre
pays. Maintenant, c’est une bonne chose
d’accorder un refuge à ces personnes qui
fuient la guerre, mais si vous demandiez
à ces Syriens ce qu’ils souhaitent, ils
vous répondront qu’ils veulent qu’on
mette fin à cette guerre. C’est leur
objectif et c’est par conséquent le
nôtre. Comment ? La Suède étant un pays
important de l’Union européenne, je
pense qu’elle peut jouer un rôle majeur
dans la levée des sanctions, car nombre
de Syriens qui ont rejoint la Suède ou
d’autres pays n’ont pas quitté en raison
des seules actions terroristes, mais
aussi à cause de l’embargo qui les
privent de leurs moyens de subsistance
au quotidien. Donc : lever cet embargo
qui affecte chaque Syrien et, en même
temps interdire à tout pays européen de
servir de couverture aux terroristes,
qu’ils soient présentés comme une
opposition pacifique ou une opposition
modérée. Aujourd’hui, il est prouvé et
parfaitement clair que cette dite
opposition revient au même qu’Al-Nosra,
Al-Qaïda ou les Frères Musulmans.
Troisièmement, faire pression sur les
pays qui soutiennent les terroristes et
empêchent la mise en œuvre de tout plan
de paix en Syrie -comme dans le cas
d’Alep et du plan de De Mistura que vous
venez d’évoquer- principalement l'Arabie
saoudite, le Qatar et la Turquie. Je
pense que c’est la meilleure aide
humanitaire et politique que la Suède
pourrait offrir au peuple syrien.
Question 13 :
Embargo,
guerre, des millions de déplacés ou de
réfugiés qui ont fui le pays. Ceci a été
décrit comme la pire crise de réfugiés
depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans
ces conditions, quelle est votre part de
responsabilité, Monsieur le Président ?
Le Président Al-Assad :
Même d’un point de vue humanitaire, je
pense que comparer ce qui se passe en
Syrie à ce qui s’est passé pendant la
Seconde Guerre mondiale est une
énorme exagération. Pour des raisons
politiques, il n’y a pas de comparaison
possible. Mais indépendamment de cela,
les opérations terroristes font que nous
avons des millions de personnes
déplacées d’une région à une autre et
c’est une énorme charge, dont nous avons
assumé la plus grosse part jusqu’ici.
Vous entendez beaucoup parler des sommes
qu’offriraient les organisations
internationales et ceux qui
s’autoproclament « Amis de la Syrie »
pour soutenir les Syriens. Au cas où la
réalité vous intéresse, en 2014, ces
pays n’ont contribué qu’à 22% de ce que
l’État syrien a assuré en temps de
guerre. C’est une énorme différence, le
rapport étant de 1/5.
Question 14 :
À
l'intérieur du pays ?
Le Président Al-Assad :
Oui, à l’intérieur de la Syrie. Quant au
secteur de la Santé, ce rapport passe à
1/18. Ici aussi, nous portons le plus
gros poids. En sachant qu’en plus de
tout cela, nous continuons à verser les
salaires, à envoyer les vaccins pour
enfant, et à fournir les nécessités de
base aux hôpitaux, même en zones
contrôlées par les terroristes. Donc,
nous dirigeons le pays et en assumons la
charge.
Question 15 :
Selon SAPO,
l'Agence du renseignement suédois, il y
aurait actuellement beaucoup de
djihadistes suédois en Syrie, leur
retour en Suède étant considéré comme la
plus grande menace nationale. Êtes-vous
d'accord?
Le Président Al-Assad :
Comme je l’ai déjà dit, je ne regarde
pas le terrorisme sous l’angle national
ou régional, mais sous un angle mondial.
S’il est vrai que la Suède fait partie
de l’Europe ou du groupe des pays
scandinaves en Europe, sachez que les
plus dangereux des dirigeants de l’EIIL
qui se trouvent en Syrie, sont
scandinaves.
Question 16 :
C’est une
information ?
Le Président Al-Assad :
Oui, c’est une information. C’est ce que
nous possédons comme information. Vous
ne pouvez pas isoler le groupe des pays
scandinaves ou la Suède de l’Europe et,
par conséquent, tant que le terrorisme
se développe dans différents pays
européens, la Suède n’est pas en
sécurité. De même, tant que
l’arrière-cour de l'Europe -notamment la
zone méditerranéenne et l’Afrique du
Nord- est plongée dans le chaos
grouillant de terroristes, l'Europe
n’est pas en sécurité. Oui, je suis donc
d'accord avec vous sur le fait que la
Suède est face à une menace de première
importance, mais vous ne pouvez pas en
parler comme d’une menace strictement
nationale.
Question 17 :
Est-ce que
la Suède vous a demandé de lui
communiquer vos informations sur ces
combattants de l’EIIL ou d’autres
djihadistes ?
Le Président Al-Assad :
Non, il n'y a aucun contact entre nos
agences de renseignement.
Question 18 :
Monsieur le
Président, en Décembre 2010, Taimour
Abdulwahab, un terroriste suédois formé
en Irak et en Syrie, a mené une attaque
suicide à Stockholm. Récemment, le même
scénario s’est produit à Paris contre
Charlie Hebdo, puis à Copenhague.
Pensez-vous que les pays occidentaux
devront faire face à un tel scénario
dans le futur?
Le Président Al-Assad :
Tout ce qui s’est passé en Europe -je
parle des attaques terroristes- nous
l’avions appréhendé dés le tout début de
la crise. J’avais dit : « La Syrie
est une ligne de faille. Si vous jouez
avec, les vibrations engendrées par le
séisme se propageront dans plusieurs
directions dont l’Europe et non
seulement dans notre région ». À
l’époque, ils ont répondu : « Le
Président syrien menace… ». En fait, je
ne menaçais pas. Je décrivais ce qui
risquait d’arriver. Il ne fallait pas
être un génie, car vu l’ensemble des
événements que nous avons vécus à
plusieurs reprises, nous avons
l’expérience de ce type de terroristes
depuis bientôt cinquante ans. Ils n’ont
donc pas écouté, mais ils avaient été
prévenus. Et ce que nous avons vu en
France contre Charlie Hebdo, les
attentats suicide récents à Copenhague,
les attentats à Londres et en Espagne il
y a dix ans, n’est que la pointe de
l'iceberg, le terrorisme étant une
énorme montagne. Ce ne sont donc pas des
événements isolés. Lorsqu’ils se
produisent, vous devez savoir que la
montagne existe sous la mer et que vous
ne la voyez pas. Par conséquent, oui,
aussi longtemps que cette montagne est
là et que nombre de responsables
européens continuent à aduler des pays
comme l'Arabie saoudite et le Qatar,
juste pour leur argent, et vendent leurs
valeurs, permettant à l’obscurantisme de
l'idéologie wahhabite d’infiltrer
certaines communautés en Europe, nous
devons nous attendre à davantage
d'attaques de ce genre.
Question 19 :
Quel est le
moyen le plus efficace pour lutter
contre le terrorisme ?
Le Président Al-Assad :
Premièrement, le terrorisme ce n’est pas
la guerre. C’est avant tout un état
d’esprit, une culture à laquelle vous
devez faire face. Vous devez composer
avec de manière idéologique, notamment
par l’éducation et la culture.
Deuxièmement, le terrorisme exploite les
pauvres. Vous devez donc traiter la
pauvreté en portant une attention
particulière à la croissance économique
et au développement. Troisièmement, vous
devez régler la question politique que
les terroristes utilisent pour
endoctriner les jeunes en prétendant
résoudre les problèmes politiques de
notre région. Par exemple, la question
de la paix est l’une des principales
raisons exploitées pour leur
recrutement.
Question 20 :
Quelle paix
? Vous voulez dire le processus de paix
?
Le Président Al-Assad :
Je veux parler de la résolution du
problème entre Arabes et Israéliens,
parce que c’est l'une des raisons du
désespoir de ces jeunes qui veulent
mourir pour aller vers le paradis et une
vie meilleure. C’est ainsi qu’ils
raisonnent et vous devez régler les
causes de ce désespoir. Et enfin, un
dernier moyen de lutte contre le
terrorisme est l'échange d'informations
entre les services de renseignement.
Pour conclure, vous ne pouvez pas lutter
contre le terrorisme par la guerre. La
guerre ne peut servir qu’à vous défendre
contre le terrorisme armé.
Question 21 :
Monsieur le
Président, l’EIIL a demandé à tous ses
partisans à travers le monde de se
rendre en Syrie et en Irak pour peupler
son soi-disant califat. Comment
voyez-vous l'avenir de l’EIIL ?
Le Président Al-Assad :
Bien que l’EIIL ne soit pas un problème
spécifiquement syrien et qu’il est
présent en Irak, au Liban, en Égypte et
dans beaucoup d’autres pays,
permettez-moi de parler de la Syrie en
premier, car je ne peux pas parler au
nom d’autres sociétés de la région.
Concernant la Syrie, je pense que l’EIIL
n’a toujours pas réussi à se construire
un milieu réellement incubateur dans
notre société. À court terme, il n’a
donc pas de futur en Syrie. En revanche,
à moyen et long termes, quand il aura
endoctriné les cœurs et les esprits, en
particulier les jeunes et les enfants,
cet espace n’aura qu’un seul avenir ;
l’avenir d'Al-Qaïda, de l’EIIL, d’Al-Nosra
et des Frères Musulmans à la fois. Ce
sera votre arrière-cour. Ce sera
l’arrière-cour de l’Europe.
Question 22 :
À moyen et long termes ? C’est très
dangereux.
Le Président Al-Assad :
Bien sûr que c’est dangereux, parce que
vous pouvez contrôler beaucoup de
choses, mais pas une idéologie. Une fois
quelle a été instillée, il est très
difficile de s’en débarrasser. Et quand
elle le sera suffisamment, elle sera le
seul avenir de la région.
Question 23 :
L’EIIL et Al-Nosra sont aidés et
bénéficient d’un soutien extérieur, vous
avez cité la Turquie, le Qatar, l'Arabie
saoudite et d’autres qui les couvrent.
Mais c’est pareil de votre côté, vous
avez le Hezbollah qui se bat pour vous.
Avez-vous besoin du Hezbollah ici, en
Syrie ?
Le Président Al-Assad :
En tant que citoyen suédois, vous
n’accepteriez pas que quiconque compare
un terroriste tel que Taimour Abdulwahab,
par exemple, à votre gouvernement, que
vous soyez d’accord ou pas avec ce
dernier. Idem, pour les terroristes
ayant attaqué Charlie Hebdo et le
gouvernement français. Vous ne
l’accepteriez pas. En tant que Syriens,
nous non plus, nous n’acceptons pas que
l’on compare notre État aux
organisations terroristes. Notre mission
est d'aider le pays et de défendre ses
citoyens, alors qu’il ne me semble pas
que ce soit la mission de l’EIIL, d’Al-Nosra
ou des Frères Musulmans. Dans les faits,
leur rôle se résume à tuer des gens et à
les terroriser. Vous ne pouvez donc pas
comparer. Deuxièmement, en tant que
gouvernement, nous avons le droit de
demander le soutien de tout État,
organisation ou entité, qui nous
aiderait dans notre guerre contre le
terrorisme. Troisièmement, si vous
admettez que le terrorisme n’est pas un
strict problème interne, la bonne
solution devient la coopération entre
les différentes forces de la région. Par
exemple, une coopération entre Syriens
et Irakiens, au niveau des services du
renseignement et des Armées, a existé
bien avant l’émergence de l’EIIL à
Mossoul, l'année dernière. Et cela pour
l’unique raison que les Irakiens étaient
conscients que le terrorisme en Syrie
pourrait s’étendre à l'Irak ; ce qui est
arrivé à Mossoul. La même chose avec le
Liban ; le Hezbollah étant conscient que
le terrorisme en Syrie signifie le
terrorisme au Liban et que le chaos ici
signifie le chaos là-bas. Par
conséquent, ce type de coopération
régionale est très important pour nous
tous.
Question 24 :
Monsieur le Président, une fois de plus
vous êtes accusé d'avoir utilisé des
armes chimiques en Syrie. Deux séries de
tests effectués pour le The Times
et un organisme médical de bienfaisance
révèlent que vos forces ont usé de
chlore et de cyanure. C’est ce que dit
le The Times et, je crois,
Amnesty International. Que répondez-vous
à ce sujet ?
Le Président Al-Assad :
Depuis le premier jour, nous disons
qu’il s’agit d’une propagande contre la
Syrie, visant à diaboliser l’État et le
Président, dans le but d'amener les
cœurs et les esprits du peuple syrien à
adhérer à leur agenda. Cela n'a pas
fonctionné. Si vous voulez comparer,
c’est pratiquement la même propagande
que celle qui sévit en Occident à la
faveur de la crise ukrainienne :
diabolisation de Poutine et fabrication
d’un tas de vidéos et de mensonges dans
ce seul but. C’est la réalité. Les
peuples occidentaux devraient en être
conscients. Ce qui ne veut pas dire
qu’il n’y a ni erreurs, ni méfaits de
notre côté, mais plutôt que cette
propagande médiatique ne reflète pas la
réalité de notre région. Ainsi,
concernant les armes chimiques, ils ne
disposent toujours pas d’une seule
preuve en faveur de leurs accusations et
les chiffres publiés par de nombreuses
organisations européennes, dans le cadre
de cette propagande, varient de 200 à
1400 victimes sans rien qui prouve que
ces chiffres correspondent réellement à
ceux ayant succombé à cause de ce type
d’attaque. Ils ne sont donc ni précis,
ni objectifs. La seule preuve dont nous
disposons, depuis la visite d’une
délégation de l'Organisation des Nations
Unies, c’est que du gaz sarin a été
utilisé sur le territoire, sans pouvoir
dire qui l’a utilisé ni comment. Mais
ils ont quand même continué à accuser la
Syrie, alors que ce n’est franchement
pas réaliste de vouloir utiliser une
arme de destruction massive, censée tuer
des dizaines de milliers de personnes,
pour n’en tuer que quelques centaines et
à la limite de votre capitale de
surcroît, au risque de toucher tous ses
habitants. Un : toutes ces histoires qui
circulent sont donc inexactes. Deux :
c’est la Syrie qui a demandé aux Nations
Unies d'envoyer une délégation pour
vérifier cette allégation.
Question 25
: Et c’est ce que vous faites encore ?
Le Président Al-Assad :
Nous l'avons fait. La Syrie l’a fait.
C’est la Syrie qui a demandé aux Nations
Unies de venir vérifier et nul autre
pays ; en sachant que même lorsqu’ils
avaient eu la preuve que les terroristes
avaient déjà utilisé ce type d’arme dans
le nord de la Syrie, ils n’avaient même
pas essayé de vérifier, ni même voulu le
faire savoir. Cela fait donc partie de
l'agenda politique contre la Syrie.
Question 26 :
Comme vous le savez, des accusations
graves concernant des violations des
droits humains sont formulées contre
votre gouvernement. Que savez-vous des
tortures commises dans vos prisons ?
Le Président Al-Assad :
Concernant la torture, nous devons faire
la différence entre une politique de
torture et des cas de tortures commis
incidemment par n’importe quel individu.
Ce qui s’est passé à Guantanamo en est
le meilleur exemple. À Guantanamo,
l’Administration américaine a pratiqué
une politique de torture approuvée par
le Président Bush et par son ministre de
la Défense ; ce qui n’a jamais été la
politique de la Syrie. S’il y a
violation des droits, torture,
vengeance, ou quoi que ce soit de cet
ordre, ce seraient des incidents commis
par des individus qui doivent en
répondre. Cela arrive partout dans le
monde, comme n’importe quel autre crime.
Question 27 :
Amnesty International ou la Croix-Rouge
peuvent visiter vos prisons ?
Le Président Al-Assad :
Beaucoup de journalistes et de
nombreuses organisations sont venus en
Syrie. Mais si vous intéressez à une
organisation en particulier, cela dépend
de la nature de sa coopération avec
notre gouvernement et de sa crédibilité.
En principe, nombreuses sont les
organisations et les personnes qui
peuvent visiter nos prisons.
Question 28 :
Monsieur le Président, j’ai couvert la
guerre en Syrie durant ces quatre
dernières années. J’ai rencontré
différents groupes de militants
impliqués dans le conflit. J’ai même
rencontré des soldats de votre armée.
Certains de ces militants ne sont pas
des islamistes et disent se battre pour
la liberté. Que voudriez-vous leur dire
?
Le Président Al-Assad :
Nous n’avons jamais dit que tous les
combattants étaient des islamistes.
Cela, nous le savons. Mais ceux qui
dominent actuellement sont les
terroristes de l’EIIL et d’Al-Nosra.
Quant à la liberté, c’est un besoin
naturel et quelque chose de divin qui
habite tout être humain depuis notre
ancêtre, Adam. Dès lors, nous devons
nous poser quelques questions simples.
Est-ce que tuer les gens fait partie de
cette liberté ? Est-ce que détruire les
écoles et interdire aux enfants de s’y
rendre fait partie de cette liberté ?
Est-ce la liberté que de détruire
l'infrastructure, les lignes
électriques, les communications, les
Services de la santé ? Est-ce la liberté
que de décapiter et de démembrer ses
victimes ? C’est cela la liberté ? Je
pense que les réponses à ces questions
sont claires pout tout un chacun, quelle
que soit sa culture. Je dis que nous
soutenons toute personne qui agit pour
plus de liberté, à condition qu’elle
travaille dans le cadre des institutions
et de la Constitution de la Syrie, non
par la violence, le terrorisme et la
destruction du pays. Cela n’a rien à
voir avec la liberté.
Question 29 :
Pourtant, ils accusent l'Armée syrienne
de commettre ces mêmes crimes, comme les
assassinats et tout le reste.
Le Président Al-Assad :
Ils doivent le prouver. Je veux dire que
l'Armée se bat depuis quatre ans.
Comment aurait-elle pu résister dans une
guerre menée par autant de pays si
puissants et si riches en tuant son
peuple ? Comment se fait-il qu’elle est
autant soutenue par ce même peuple ?
C'est impossible, irréaliste et même
indigeste.
Question 30 :
Si vous pouviez remonter le temps au
tout début de la crise en 2011 et avec
le bénéfice du recul, en quoi
auriez-vous agi différemment ?
Le Président Al-Assad :
Nous devons commencer par les priorités,
c'est-à-dire les deux décisions que nous
avons adoptées dès le début : combattre
le terrorisme et instaurer le dialogue
en même temps. Un dialogue que nous
avons démarré dès la première année et
dans les premiers mois du conflit. Nous
y avons invité toutes les parties et
nous avons coopéré avec l'Organisation
des Nations Unies, la Ligue arabe et de
nombreux pays. Nous avons pris en
considération toutes les initiatives,
quel que soit leur degré de crédibilité,
pour ne rater aucune chance de réussite
et aussi pour ne donner à quiconque
l'excuse de prétendre que n’aurions pas
fait ceci ou cela. Nous avons tout
essayé. Donc, en ce qui concerne ces
deux priorités, je pense que personne ne
peut dire que nous aurions dû agir
autrement. Combattre le terrorisme et
promouvoir le dialogue sont les
principaux piliers de notre politique
depuis le début de la crise. Maintenant,
l’exécution et la mise en œuvre de toute
politique peut toujours comporter
certaines erreurs. C’est dans la nature
des choses. Par conséquent, agir
différemment pourrait éventuellement
porter sur certains détails, mais je ne
pense pas que les Syriens vous diraient
que nous ne voulons pas du dialogue ou
que nous ne voulons pas combattre le
terrorisme.
Dr Bachar al-Assad
Président de la République arabe
syrienne
17/04/2015
Sources :
Sana / Expressen
http://sana.sy/en/?p=36449
http://www.expressen.se/nyheter/mote-med-al-assad/en/
Texte traduit par
Mouna Alno-Nakhal
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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