Un fin observateur de ce qui se passe
dans son pays raconte
Les horreurs d'une prétendue « armée
syrienne libre » (ASL)
Silvia Cattori
Mercredi 16 mai 2012
La désinformation à
propos des évènements en Syrie atteint
de tels sommets que nul ne peut plus se
fier à ce que les journalistes en
disent. Les « grand
reporters de guerre » – Sofia Amara,
Martine Laroche-Joubert, Christophe
Kenck, Marc de Chalvron, Romaric Moins,
Manon Loizeau, Paul Moreira, Edith
Bouvier - entrés clandestinement en
Syrie, pour aller séjourner à Baba Amr,
en compagnie des combattants d’une
prétendue « armée de
libération », comment ont-ils pu
présenter comme de sympathiques
combattants pour la démocratie des
hommes qui se livraient, selon nos
témoins (*), à des atrocités contre la
population de Homs ?
Silvia Cattori :
Deux attentats d’une
ampleur jamais connue en Syrie ont
secoué Damas, hier, 10 mai. Un carnage
destiné à inciter les gens à ne plus
soutenir Bachar El-Assad ?
Réponse :
C’est terrible ! Monstrueux ! Mais des
attentats pareils ne sont pas organisés
par des Syriens ! Un Syrien ne fait pas
cela ! Ce sont des attentats commis par
des gens manipulés, encadrés par des
puissances étrangères. Tous les jours
nos forces de sécurité saisissent des
cargaisons d’armes et des millions de
livres (monnaie syrienne) en provenance
du Liban.
Silvia Cattori :
Ce sont des attentats
commandités de l’extérieur selon vous ?
Réponse :
C’est exactement le même type
d’attentat-suicide utilisé depuis
l’intervention US en Irak. Faire un
maximum de victimes. C’est le même
procédé. Ils le mettent à exécution
maintenant en Syrie. Ils ont pris pour
cible une route à grand trafic à 8
heures du matin. C’est l’heure où les
gens se rendent au travail et conduisent
les enfants à l’école. Ils ont fait
sauter une première voiture chargée
d’explosifs. Ils ont attendu que les
gens sortent des maisons, accourent de
tous côtés vers le lieu de l’explosion,
avant de faire sauter, la seconde bombe.
Un camion portant des tonnes de ciment a
été renversé par le souffle. Plus de
quatre cent personnes ont été fauchées ;
55 sont mortes et parmi les blessés il y
a de nombreux mutilés. 55 voitures
pleines de citoyens ordinaires ont été
carbonisées, 108 complètement détruites,
60 autres endommagées. Derrière ces
attentats il y a la main d’Israël. Il y
a la main d’autres services secrets
étrangers. Ils veulent pousser la Syrie
dans une guerre continue. Ces attentats
ce sont des éléments étrangers à la
Syrie qui les ont pilotés. Tout le monde
ici pense la même chose. La Syrie est
menacée depuis l’extérieur. Ces
attentats ont été planifiés depuis
longtemps et n’ont pu être exécutés sans
qu’il y ait des complices à Damas.
Comment deux voitures chargées
d’explosifs auraient-elles pu entrer à
Damas par la route sans se faire repérer
aux nombreux barrages par les forces de
sécurité ?
Silvia Cattori :
Vous n’êtes pas sans
savoir qu’à l’extérieur, les
journalistes tout comme les hommes
politiques, continuent d’assimiler
l’opposition syrienne à une «
révolte populaire ».
Massacre après massacre, ils répercutent
les dires de Syriens qui attribuent les
attentats à Bachar El Assad. Par
exemple, Valérie Crova, envoyée par
Radio France en Syrie a interrogé un
Syrien qui lui affirme que « c’est
la sécurité et le président qui sont
derrière ces attentats ». [1]
N’est-ce pas un
encouragement adressé aux tueurs ?
Réponse :
Cette journaliste est folle ! Ou alors
elle ment totalement ! N’a-t-elle pas vu
les millions de Syriens qui sont
descendus dans les rues depuis avril
2011 pour dire « Nous
voulons Assad ? » Les Syriens, ici
en Syrie, sauf une infime minorité
d’extrémistes, sont unis derrière leur
gouvernement. Moi-même, je vous l’ai
dit, j’étais critique vis-à-vis du
gouvernement. Mais je soutiens El-Assad.
Les Syriens qui ont manifesté pour
demander des réformes ont été entendus
par le gouvernement. Nous avons voté
pour une Constitution pluraliste. Nous
avons un nouveau Parlement. Nous sommes
libres de critiquer le gouvernement.
Pourquoi cette journaliste ne fait pas
parler les Syriens qui, en leur grande
majorité, soutiennent le gouvernement ?
Tous les Syriens sont opposés à ces
bandes qui lancent des bombes contre les
policiers, enlèvent des professeurs, des
médecins des ingénieurs, des officiers
de police. Nous sommes ici tous
convaincu que si le gouvernement d’El-Assad
s’en allait, notre situation serait
encore plus terrible ; le sang coulerait
encore plus, et la Syrie serait
complètement détruite.
Silvia Cattori :
Mais l’opposition
syrienne, invitée sur les ondes et les
plateaux télévisés, a toute latitude
pour donner un tout autre son de cloche
et donner raison à ceux qui mentent et
veulent votre perte ! Les porte-paroles
du Conseil national syrien, donnent eux
toujours raison à ces journalistes qui
vous sont hostiles. L’opposante Randa
Kassir affirmait le 10 mai « que
celui qui profite de ces attentats c’est
le régime syrien » [2]
?
Réponse :
Dieu et le diable savent que, ces
atrocités, ce ne sont pas les Syriens
qui les commettent. Des Syriens honnêtes
ne diraient jamais cela. Les Syriens
qui, à l’extérieur, affirment de
pareilles choses et coopèrent avec les
puissances étrangères qui veulent
pousser notre pays à la guerre, sont des
gens très sales, très corrompus. Comment
peuvent-ils dire que c’est le
gouvernement, dont les forces de
sécurités sont tuées, enlevées,
égorgées, lynchées, qui est derrière ces
attentats ? Outre les nombreuses
victimes, ces attentats -qui visent
toujours les forces de sécurité, des
bâtiments des services spéciaux syriens
ou de la gendarmerie- causent de grands
dégâts matériels, rendant la tâche du
gouvernement encore plus difficile.
Silvia Cattori :
Votre gouvernement
n’est-il pas en mesure d’empêcher ces
attentats ?
Réponse :
Ces attentats sont imprévisibles. Ceux
qui les préparent se dissimulent dans la
population. Il y a de nombreux
mercenaires étrangers fanatiques ; ils
viennent de Libye, de Jordanie, du
Liban. La télévision syrienne a diffusé
les confessions de 26 hommes - la
plupart Tunisiens et Libyens - affiliés
à Al-Qaïda. Cela explique tout.
L’ambassadeur syrien auprès de l’ONU,
Bachar Jaafari, a indiqué que douze
étrangers figuraient parmi des
combattants tués. Dont un Français, un
Britannique, un Belge. Des forces
étrangères à notre pays essayent de
semer entre nous des haines
confessionnelles. Cela nous ne pouvons
pas le tolérer. Nous avons voté tous
ensemble pour élire le Parlement. Nous
sommes unis et attachés à notre
gouvernement. Pourquoi, à l’extérieur,
ne veut-on pas le voir ?
Silvia Cattori :
Les habitants de Homs
qui avaient fuit sont-ils revenus ?
Sont-ils aujourd’hui en sécurité ?
Réponse :
Oui et non. Si, à Baba Amr, il n’y a
plus de bandes armées, dans certains
quartiers de Homs les gangs continuent
de tirer sur les forces de sécurité qui
veulent défendre les habitants. Les
chrétiens, les alaouites et nombre de
musulmans sunnites ont fui en masse
depuis l’an passé sans rien emporter.
Quand ils reviennent, ils trouvent leurs
maisons détruites ou occupées par les
familles de sunnites proches des gangs.
Mon fils, qui a quitté Homs il y a un
an, est retourné l’autre jour voir sa
maison dans le quartier de Baba Seeba.
Il n’a pas vu de policiers dans les rues
mais il a appris que les tueurs sont
toujours là ; ils tirent toute la nuit.
Depuis un mois, des centaines d’hommes,
jeunes pour la plupart, parfois
accompagnés de leurs familles, se
rendent aux autorités. Dans un village
sunnite à 13 kilomètres de Homs, quatre
officiers déserteurs qui avaient
collaboré avec les mercenaires de Baba
Amr, se sont rendus quand le
gouvernement a déclaré que les
déserteurs ne seraient pas punis s’ils
rendaient leurs armes. Au bout de quatre
jours au maximum, ils sont libérés.
Silvia Cattori :
Ceux qui commettent ces
atrocités n’en sont pas moins considérés
par nos médias comme étant les bons
« combattants de l’Armée syrienne libre
» [3]
!
Réponse :
Il n’y a pas d’« Armée
syrienne libre » (ASL). Il n’existe
pas en Syrie quelque chose que l’on peut
qualifier d’« armée de
libération ». C’est une invention
pour désigner des groupes, financés par
le Qatar et l’Arabie Saoudite, rejoints
par quelques déserteurs dont les chefs
sont basés en Turquie. Comme preuve que
l’ASL n’est nullement une armée
d’honnêtes syriens qui veulent
« libérer notre pays »
mais des mercenaires, voici encore un
exemple. L’autre jour, à Qusseir, Abdel
Ghani Jawhar, un islamiste Libanais
expert en explosif, [chef du groupuscule
djihadiste Fatah Al-Islam] qui a rejoint
la pseudo « armée de
libération », a été tué en maniant
la bombe qui devait être lancée contre
nos forces de sécurité.
Nous ne sommes à
l’abri d’aucune vilaine surprise.
Avant-hier (9 mai), j’ai vu un convoi de
la Croix Rouge au barrage à la sortie de
notre village. Je connais les policiers,
j’ai un petit fils que j’accompagne à
l’école, et qui aime les saluer. J’ai
discuté avec eux et demandé aux
conducteurs du convoi s’ils avaient
besoin que je serve de traducteur. C’est
ainsi que j’ai été heureux d’apprendre
que ce convoi - quatre cars jeeps, deux
doubles tracs, et un trac ordinaire -
allait livrer des vivres à la population
de Qusseir. Aujourd’hui, j’ai été très
surpris d’apprendre par une personne
venue de Qusseir, que le convoi de la
Croix Rouge était allé livrer sa
cargaison directement là où il y a ces
bandes qui tournent leurs armes contre
nous. En apprenant que la Croix Rouge
est allée apporter les vivres à ces
bandes de tueurs qui enlèvent,
torturent, égorgent, j’étais très fâché.
Des atrocités difficiles à imaginer sont
commises. Nos terres sont en friche à
cause d’eux.
Depuis une année
les villageois n’osent plus aller les
cultiver car ils ont peur des
mercenaires qui se cachent dans leurs
vergers pour se déplacer et transporter
des armes. À cause de cela et des
sanctions internationales contre notre
pays, les prix ont triplé. Un kilo de
tomates qui coûtait auparavant 15 livres
en coûte aujourd’hui 80 [6 livres = 1
dollar US]. Au village, chacun cultive
maintenant des tomates, des laitues, des
aubergines dans son petit jardin. Les
jeunes ne veulent plus aller travailler
la terre. Ils peuvent toucher chaque
jour 500, 800, 1’000 livres pour aller
tuer des policiers. Un homme de Qusseir,
qui s’est rendu l’autre jour aux
autorités, a avoué avoir touché 150’000
livres pour avoir enlevé et égorgé six
soldats. Des soldats ont dit avoir reçu
jusqu’à 180‘000 livres pour avoir
déserté, ce qui est une fortune ici en
Syrie.
Silvia Cattori :
Vous parlez bien du CICR
?
Réponse :
Oui Madame. Je parle du CICR, de la
Croix rouge internationale de Genève. Le
convoi du CICR est allé à Qusseir
apporter de l’aide à ceux qui dirigent
leurs armes contre nos forces de
sécurité, qui ont massacré de nombreuses
familles et contraint beaucoup de gens à
fuir ! Pour cette raison Madame, nous
Syriens, nous sommes devenus méfiants et
avons souvent exprimé notre crainte à
l’égard des organisations humanitaires
qui demandent à venir chez nous. Nous
avons constaté qu’une fois ici, leur
personnel prend le parti de nos
adversaires, font des rapports
mensongers, renforçant la propagande des
pays qui veulent détruire notre pays.
Silvia Cattori :
Votre armée a perdu des
milliers d’hommes. Va-t-elle pouvoir
résister ?
Réponse :
Notre armée restera très forte. Elle ne
s’immisce pas dans les affaires
politiques. Elle accomplit son devoir de
sauvegarder nos frontières, défendre
notre pays. Elle vient en aide aux
forces de police quand il le faut. Elle
entoure Homs et, si c’est nécessaire,
elle intervient pour combattre les
mercenaires, comme elle l’a fait à Baba
Amr.
Silvia Cattori :
Lors de notre dernière
conversation, vous étiez optimiste.
Après tout ce qui vient de frapper la
Syrie, l’êtes-vous encore ?
Réponse :
Je serai toujours optimiste : je ne
changerais pas, même s’ils venaient
détruire ma maison. Je suis confiant
comme tous les Syriens. La Syrie est
très belle en ce moment. La Syrie et ses
amandiers sont en fleurs. S’il n’y avait
pas eu ces bandes, étrangères à la
Syrie, qui agissent en-dehors de la loi,
nous vivrions ici comme avant, en paix.
Nous avons toujours vécu ensemble comme
des frères. Nous ne savions pas si
celui-ci était chrétien, celui-là
alaouite ou sunnite. Savez-vous qu’un
prêtre a récité la prière de l’islam ;
et qu’un imam a récité le «
Notre père » ? Nous
sommes très unis. Ni la France, ni les
États-Unis, ni l’Arabie Saoudite -qui
est depuis sa création le diable des
pays arabes- ni l’Émir du Qatar, qui
après avoir assassiné son père veut être
le leader de tous les Arabes, ne
parviendront à réaliser leurs sinistres
projets.
Les gens honnêtes
savent que la Syrie a raison. Et à tout
ce monde qui nous est hostile nous
disons : ne la blessez pas. Laissez-nous
vivre dans la dignité.
Propos recueillis le 11 mai 2012.
Le
Syrien cultivé et posé qui s’exprime ici
est âgé de 75 ans. Il vit dans la
province de Homs. Pour des raisons
évidente nous ne livrons pas son nom.
[1]
Valérie Crova, journaliste de Radio
France commente : « Il
nous faut sortir de Damas (…) pour
rencontrer un Syrien qui ne croit pas à
la version donnée par le régime ».
Comprenez, pour trouver la personne qui
dirait à l’envoyée spéciale ce que ses
supérieurs du groupe de Radio France
veulent entendre : «
C’est la sécurité et le président qui
sont derrière ces attentats »
[2]
Invitée sur le plateau de la télévision
suisse romande, TSR, le 10 mai 2012, à
la question orientée du journaliste
Darius Rochebin au sujet du double
attentat de Damas « Il y
a plusieurs hypothèses, islamistes
manipulés et infiltrés par le pouvoir …
», Randa Kassis, membre du conseil
national syrien, a répondu que cet
attentat « profite au
régime » question de dire que c’est
lui qui est derrière.
[3]
L’ASL a le soutien financier et
logistique de l’Arabie saoudite et du
Qatar, le soutien politique de
puissances membres de l’OTAN. Selon le
Canard enchaîné du
23 novembre 2011, des membres du Service
action de la DGSE et le Commandement des
opérations spéciales ont été envoyés au
Liban et en Turquie avec «
pour mission de
constituer les premiers contingents de
l’Armée syrienne libre » et de
former les déserteurs syriens à la
guérilla urbaine. Deux rebelles libyens
associés aux forces de l’OTAN en Libye,
Abdelhakim Belhadj et Mahdi al-Harati,
ont été photographiés avec les rebelles
en Syrie.
http://www.silviacattori.net/article2537.html
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