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La Voix de la Russie

Proche-Orient : la réalité du Printemps Arabe
Chems Eddine Chitour


Chems Eddine Chitour - © Photo : www.algerie360.com

Lundi 5 novembre 2012

Cinquième partie. Le Professeur émérite Chems Eddine Chitour a accepté de répondre à nos questions et dans un long entretien nous livre son analyse la situation actuelle au Proche-Orient. Tour à tour seront évoqués, Arafat, la Syrie, l’Iran, la lutte pour les énergies, le printemps arabe et les positions françaises ou russes.

Laurent Brayard : Bonjour Professeur, je suis heureux de vous accueillir, vous êtes le professeur émérite Chems Eddine Chitour. La semaine dernière vous aviez parlé du « problème iranien », mais nous n’avons pas parlé du fameux printemps Arabe qui est sur toutes les lèvres. Qu’auriez-vous à nous dire à ce sujet ?

Professeur Chems Eddine Chitour : La dénomination de « Printemps arabe » de l’Atlantique au Golfe  est, en soi, une allégeance et une soumission intellectuelle à la doxa occidentale qui, la première, a décidé d’appeler ainsi ces mouvements. L’histoire commence, pourrait-on dire à « Sumer » (Sidi Bouzid) quelque part dans une petite ville de Tunisie.  Une nouvelle page de l’histoire est en train de s’écrire dans le Monde arabe, Une vague irrépressible de soulèvements populaires emportant tour à tour Ben Ali et Moubarak, deux amis et alliés protégés par l’Empire. Il s’agit bel et bien d’un événement. La thèse occidentale de Gilles Kepel, et de tant d’autres est que le « printemps arabe  a surpris tout le monde ». Tous sauf ceux qui étaient au courant, pourrions-nous dire ! Des événements qu’ils ont commandités mais dont ils se félicitent que ces révoltes ne soient pas connotés par l’Islam. Pour eux, le soubassement de ces révoltes parfumées n’a pas les fondements classiques imputables à un hypothétique choc des civilisations. Tout ceci est bien beau, mais il est quand même étonnant pour l’auteur de fixer le début des révoltes du Printemps arabe à une immolation qui aurait pu passer inaperçue si ce n’étaient les médias occidentaux qui en ont décidé autrement. Cela me rappelle ce que nous écrivions pour répondre aux mêmes propos d’une universitaire tunisienne qui voyait dans la révolte des jeunes en Tunisie une analogie totale avec la prise de la Bastille, la fuite du roi (Ben Ali), l’arrestation à Varennes (à l’aéroport) avec Marie-Antoinette (Leïla Trabelsi). Mimétisme quand tu nous tiens ! Comme si 1789 était un horizon indépassable ! La réalité est malheureusement tout autre. Si nous n’inscrivons pas toutes ces indignations de la jeunesse arabe dans un « agenda occidental » nous n’avons rien compris au mouvement du monde. Le ras-le-bol arabe n’a pas commencé en décembre 2010 mais en octobre 1988 en Algérie. Le tribut fut très lourd. La jeunesse algérienne a été la première, triste privilège, à mourir pour s’être battue pour la démocratie, la liberté. Sauf que ça n’intéressait personne. L’Algérie a payé le prix de la démocratie avec une décennie rouge et dit-on 200 000 morts, 10 000 disparus et 30 milliards de dollars de dégâts sans compter les traumatismes que nous allons encore trainer pendant longtemps. Il a fallu attendre l’après 11 septembre 2001 pour que la voix de l’Algérie soit audible concernant le terrorisme. N’est-ce pas là un sujet concernant la révolte arabe ? Nous aurions espéré aussi que cet aréopage de compétences nous dise leur sentiment de ce qui se passe en Palestine, en Syrie et en Libye. 

Laurent Brayard : Alors selon vous, qu’elle est cette réalité du « Printemps arabe » ?

M. Chitour : Comme par hasard, les monarchies arabes dociles aux Etats-Unis et à Israël ont survécu à la « tempête du Printemps arabe ». Cependant, à Bahreïn au Yémen, silence on tue, mais là l’Empire ne bouge pas donc, les vassaux européens regardent ailleurs. Nous aurions voulu que l’on démonte la mécanique de ces révoltes pour y voir une manipulation de grande ampleur et la « spontanéité » des révoltes est un paramètre qui a été mis en équation pour susciter le chaos pour le plus grand bien de l’Empire et de ses vassaux. Tout le monde se souvient des bloggeurs qui ont catalysé les révoltes en Egypte, en Syrie... On le voit, ce qui a perdu les potentats arabes, c’est le lâchage de l’Occident mis en musique par Internet et un projet mûrement réfléchi qui a travaillé sur un terreau favorable, une masse arabe toujours prête à l’émeute constamment en posture pré-insurrectionnelle au vu de la hogra, le déni de justice, les passe-droits la corruption institutionnalisée, Le chaos en Irak, en Afghanistan, ne gêne pas la curée sur les matières premières et le pétrole. Les Afghans, les Irakiens et de plus en plus les Libyens peuvent se démolir à qui mieux mieux, au besoin aidés par les bavures des drones, cela ne gênera pas l’écoulement du pétrole qui, aux dernières nouvelles, commence à être exploité par Total.

Laurent Brayard : Vous n’y allez pas par « quatre chemins » ! L’Occident est donc à la base des « printemps arabes », il y a donc ingérence ?

M. Chitour : Voici ce qu’écrivait Jean Daniel : « Il était inévitable, avec la progression des ondes de choc venues de Tunis et du Caire, que l’émergence du Printemps arabe suscite des polémiques et des affrontements. Nous n’avions qu’à applaudir, qu’à nous solidariser et à décider de faire l’impossible pour que personne ne confisque aux peuples qui s’étaient libérés, leur révolution. C’est alors que s’est posé le problème du devoir d’assistance et du droit d’ingérence. A la réflexion, et tout compte fait, j’ai décidé de préférer le comportement ostentatoire d’un BHL à l’indifférence dédaigneuse et frileuse de ses rivaux. BHL d’autre part, à force de vouloir être Malraux, il va peut-être finir un jour par lui ressembler ».

Tout est dit, le devoir d’ingérence, Kadhafi qui assassine et qui doit être pourchassé, « le deux poids, deux mesures » s’agissant d’Israël et la préférence pour BHL, le Malraux qui s’ignore ! On attribue à Machiavel la sentence suivante : « Le meilleur moyen de contrer une révolution c’est de la faire soi-même » Ceci s’applique croyons-nous comme un gant, à ce qui se déroule sous nos yeux. En un mot tout est programmé pour se dérouler ainsi. Il suffit de lire, mais le veut-on ? L’ouvrage de Gene Sharp qui décrit par le menu comment faire une révolution non violente et la réussir... Nous y trouverons tous les symptômes constatées dans les révoltes légitimes tunisiennes et égyptiennes, libyennes et qui, rapidement, ont été « prises en charge ». Ahmed Bensaâda nous présente dans son ouvrage : « De la dictature à la démocratie », livre de chevet depuis près de deux décennies de tous les activistes du monde non occidental rêvant de renverser des régimes jugés autocratiques. Dans cet ouvrage, Gene Sharp décrit les 198 méthodes d’actions non violentes susceptibles d’être utilisées dans les conflits en vue de renverser les régimes en place. Parmi elles, notons la fraternisation avec les forces de l’ordre, les défilés, les funérailles massives en signe de protestation, les messages électroniques de masse, les supports audiovisuels, les actes de prière et les cérémonies religieuses, l’implication dans le nettoyage des places publiques et des endroits qui ont été la scène de manifestations, l’utilisation de slogans forts (comme le « Dégage » ou « Irhal »), des logos (comme le poing fermé), des posters avec les photographies des personnes décédées lors des manifestations et une certaine maîtrise de l’organisation logistique : « Cette brillante application des théories de Gene Sharp fut suivie par d’autres succès retentissants : Géorgie (2003), Ukraine (2004) et Kirghizistan (2005). Voici ce que dit, en 2010, Pierre Piccinin, professeur d’histoire et de sciences politiques : « Les révolutions colorées ont toutes mis en œuvre la même recette : un groupuscule organisateur est financé par l’étranger et soutenu logistiquement (ordinateurs, abonnements à Internet, téléphones portables...). Formé par des professionnels de la révolution, sous le couvert d’ONG censées promouvoir la démocratie, telle la célèbre Freedom House, il arbore une couleur et un slogan simple. Le but : se débarrasser d’un gouvernement hostile et le remplacer par des leaders amis ». 

Laurent Brayard : donc ces théories décrites si précisément ont été appliquées de manière concrète dans beaucoup de pays, la Libye et la Syrie ne seraient que les derniers exemples ?

M. Chitour : Après le carnage à huis clos de la Libye voici venir le tour de la Syrie. Certes Bachar el-Assad doit partir mais au bout d’un processus que l’Occident ne veut pas. Je ne peux m’empêcher de donner la parole à sœur Agnès-Mariam de Chrétiens d’Orient mère supérieure d’une institution religieuse à Damas qui, lucidement, s’explique longuement sur les enjeux de la déstabilisation de la Syrie. Nous reproduisons quelques extraits : « Aussi, c’est avec soulagement et gratitude que les chrétiens non gagnés aux thèses fallacieuses des maîtres du monde, accueillent les courageuses et franches assertions du Patriarche concernant la situation dramatique liée au « Printemps arabe ». « Que se passera-t-il en Syrie ? Y aura-t-il une guerre sunnito-alaouite dans ce pays ? Ce serait, non pas une démocratie, mais un génocide. Présentées comme étant des quêtes démocratiques populaires, les manifestations sont le trompe-l’œil tout trouvé pour faire exploser la situation en Syrie et justifier, au cas où le besoin se présente, une intervention militaire comme en Libye ».

Le monde est en pleine mutation. Allons-nous vers la « Bellum omnium contra omnes », « la guerre de tous contre tous » prévue par Thomas Hobbes ? Le monde ancien est en train de s’écrouler. Le drame des peuples arabes est que l’alternance à la pointe des canons de l’OTAN est suspecte, il est hors de doute que les futurs dirigeants adoubés par l’Empire vont continuer comme leurs prédécesseurs à tétaniser leur peuple. Pendant ce temps-là l’Occident regardera ailleurs pourvu que les sources de rapines de matières premières et d’énergie soient garanties. Ainsi va le monde. Seule une révolution endogène de la taille de l’immense révolution algérienne, véritable lame de fond, permettrait aux peuples de prendre en main leur destin.

Laurent Brayard : Professeur Chems Eddine Chitour, voilà des paroles qui ne sont pas très encourageantes et qui gagent mal de la suite, mais c’est effectivement l’impression que nous pouvons retirer de l’état du Monde. La semaine prochaine nous terminerons notre entretien en évoquant les positions françaises et russes. En attendant nous vous souhaitons à vous et aux lecteurs de Palestine Solidarité, une bonne journée. A la semaine prochaine !

 

4ème partie de cet entretien
3ème partie de cet entretien
2ème partie de cet entretien
1ère partie de cet entretien

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Source : La Voix de la Russie

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