Entretien
Le carnage de
Khan-Al-Asal : Une opération destinée à
éliminer les preuves de l'usage des
armes chimiques par les « rebelles »
Anastasia Popova
Lundi 29 juillet 2013
Des centaines de civils et de soldats
gouvernementaux ont été exécutés et
sauvagement torturés par les djihadistes
du Front al-Nosra, après la prise
d’assaut du quartier Khan-Al-Asal, au
sud-ouest d’Alep. Cet horrible carnage,
la presse occidentale l’a occulté.
Voir les vidéos diffusées par les
groupes rebelles le 27 juillet 2013
Les images d’une insupportable dureté,
filmées par les auteurs du crime
eux-mêmes, montrent dans toute leur
effrayante monstruosité qui sont, en
vérité, ces « opposants » qui veulent
renverser le gouvernement légal syrien
et que l’appareil médiatique et
politique occidental a toujours présenté
comme des « révolutionnaires » luttant
contre un « régime tyrannique ». La
journaliste Anastasia Popova qui s’est
rendue, plusieurs fois en Syrie à la
rencontre des victimes - et non pas à
l’écoute des bourreaux – apporte un peu
de vérité et d’humanité là où ses
consœurs Sofia Amara, Edith Bouvier,
Florence Aubenas ont affiché un total
mépris des victimes et du sort que des
hordes d’islamistes fanatisés font subir
au peuple syrien qui, à plus de 70%,
soutient les forces gouvernementales qui
les combattent dans des conditions
difficiles.
Silvia Cattori :
À fin mars vous vous
étiez rendue à Khan Al-Assal [1]
- un quartier fidèle au gouvernement de
Bachar el-Assad - où vous aviez
rencontré des témoins de l’attaque à
l’arme chimique qui, le 19 mars, avait
fait de nombreuses victimes. Après
plusieurs mois d’assauts, le 22 juillet,
Khan al-Assal est passé sous le contrôle
du front terroriste al-Nosra. Avez-vous
pu entrer en contact avec les témoins
que vous avez connu alors ?
Anastasia Popova :
De ce que j’ai pu apprendre, les forces
gouvernementales - environ 100 soldats -
ont été pris par surprise. Ils savaient
qu’il y avait des activités suspectes
autour de Khan Al-Asal mais ne se
doutaient pas que cela serait aussi
important. Mes sources parlent d’environ
5’000 rebelles qui ont attaqué
simultanément. Ils ont même utilisé des
tanks contre ces soldats. Que pouvaient
faire 100 soldats contre 5’000
assaillants ? Malgré toute leur bravoure
et leur courage, il leur était
impossible de s’en sortir vivant. Ainsi
quand Al Nosra est entré et s’est emparé
de la zone, ils ont rassemblé tous les
soldats dans la rue principale, à
l’entrée du quartier, sur une colline,
et les ont exécutés. Quelques uns ont
été trouvés plus tard avec de profondes
blessures, peut-être ont-ils subi des
tortures ; il y a eu aussi des
décapitations.
Sur une photo diffusée par les rebelles
(*) j’ai reconnu la rue et l’endroit que
nous avions visité quand nous étions là
bas, à la fin du mois de mars. Dans la
rue devant cette maison, nous avions bu
avec ces jeunes soldats un café et du
maté (une infusion traditionnelle). En
effet, ils ne voulaient pas nous laisser
partir avant que nous ayons accepté de
boire et manger avec eux, un geste de
courtoisie, une façon traditionnelle
chez les Syriens d’inviter et de
partager tout ce qu’ils ont avec leurs
invités. Ils étaient drôles, faisaient
des plaisanteries, se projetaient dans
le futur en parlant de paix, mariage,
enfants..., de leurs familles qui leur
manquaient...
Sur les images prises par Al-Nosra, ce
sont ces mêmes soldats que j’avais
rencontrés que l’on voit allongés sur le
sol, la plupart blessés, l’un d’entre
eux n’avait que 22 ans. Son corps a été
retrouvé plus tard à proximité des
autres dans une décharge à l’extérieur
de la ville.
Al-Nosra a tué des civils, des témoins
oculaires de l’attaque chimique survenue
en mars. J’ai essayé désespérément de
contacter mes connaissances sur place ;
leurs téléphones ne répondent pas.
Lorsque vous apprenez que quelqu’un que
vous connaissez a été tué vous refusez
de le croire, vous commencez par
l’appeler et quand vous entendez cette
voix glaciale et métallique répétant
cette même phrase « Le numéro que vous
avez demandé, n’est pas disponible
actuellement » vous haïssez cette
phrase... Je ne sais pas si des témoins
ont réussi à s’échapper. Mais je crains
que tous aient été tués. Plus de 200
personnes en un jour ont été exécutées
par Al-Nosra.
Silvia Cattori :
Quelles peuvent être
maintenant les conséquences pour la
population qui ne se trouve plus sous la
protection des forces gouvernementale ?
Anastasia Popova :
Que peuvent être les conséquences d’un
massacre, d’un crime contre l’humanité,
d’une injustice flagrante et d’un déni
total de l’Occident et de l’ONU ? Des
centaines de vies ruinées juste dans un
petit quartier, les souffrances
insupportables et inimaginables de gens
ordinaires, des vies brisées, des
orphelins traumatisés, l’horreur dans
les rues.
Parce qu’il n’avait pas prié au bon
moment, des hommes d’Al-Nosra ont coupé
la langue d’un enfant de 10 ans. Essayez
juste une fois de regarder un enfant
dans les yeux et de répondre à sa
question muette. Qu’a t-il fait de mal
pour mériter une telle « démocratie de
la Charia » ? Il ne connait rien à la
politique ; ce qu’il veut seulement,
c’est jouer avec d’autres enfants comme
il le faisait avant cette guerre. Des
gens s’étaient enfuis de la région de
Kafr Douli pour venir se réfugier à Khan
Al-Asal afin d’échapper à ces rebelles.
Mais ceux-ci ont réussi à les rejoindre
et ils ont eu leur « jour de revanche ».
Ainsi 200 personnes ont été assassinées,
200 vies ont été supprimées en une seule
journée. C’est vraiment horrible.
Silvia Cattori :
La diplomatie Russe a
remis récemment au secrétaire général de
l’ONU les résultats de l’analyse des
échantillons prélevés à l’endroit où où
une attaque chimique avait frappé les
habitants de Khan al-Assal en mars. Les
autorités syriennes ont demandé à l’ONU
de se rendre en Syrie enquêter sur cette
attaque. Une délégation vient juste
d’arriver en Syrie. [2].
Leurs experts seront-ils encore en
mesure de trouver des survivants parmi
les témoins de l’attaque chimique ? Ou
pensez-vous que, désormais toute enquête
sera impossible et que la France et la
Grande Bretagne, qui apportent leur aide
aux groupes « rebelles » et attribuent
ce crime au gouvernement, vont pouvoir
contester les preuves apportées par la
Russie ?
Anastasia Popova :
Alors maintenant l’ONU a subitement
accepté de se rendre à Khan Al-Asal ?
Alors maintenant les experts de l’ONU
veulent aller inspecter la zone ? Et
ceci après presque quatre mois de
demandes de la part du gouvernement
syrien ?
Quelle curieuse coïncidence ! Avec qui
les experts de l’ONU ont-ils l’intention
de parler de l’attaque à l’arme chimique
qui a fait de nombreuses victimes en
mars ? Avec les âmes des témoins
oculaires ? Ou peut être avec leurs
dépouilles ?
Bien sûr, ils ne remarqueront même pas
qu’un nouveau massacre s’est produit.
Ainsi peut être que les rebelles d’Al-Nosra
se confesseront et diront aux
inspecteurs de l’ONU comment ils ont
tiré une roquette avec du gaz sarin
hautement toxique sur les habitants de
Khan Al-Assal. Peut être que les
rebelles leur expliqueront pourquoi ils
ont tué avec du poison chimique une
trentaine de civils incluant femmes et
enfants ? Peut être leur diront-ils où
sont enterré les témoins qui avaient
parlé avec la commission de l’ONU et
avaient fourni les éléments qui avaient
permis à Mme Carla del Ponte d’affirmer
que c’étaient les rebelles qui avaient
utilisé des armes chimiques et non pas
le gouvernement syrien. Ou peut être
peuvent-ils remercier ces enquêteurs qui
se sont comportés comme des lâches en ne
mentionnant pas ces éléments de preuve
dans le rapport final de la Commission
d’investigation ?
Il est évident que l’assaut qui a frappé
Khan Al-Assal [le 22 juillet], juste
après qu’un accord ait été trouvé entre
l’ONU et Damas, était planifié. Il est
évident que si les enquêteurs de l’ONU
visitent la zone, les témoignages qu’ils
pourront obtenir sur place seront
biaisés parce que les véritables
témoins, s’il y en a qui sont encore en
vie, ne parleront plus maintenant que
les rebelles d’Al-Nosra sont sur place.
Et que diront les rebelles aux
enquêteurs ? Que c’est le gouvernement
de Bachar el-Assad qui a lancé l’obus
qu’ils avaient eux-mêmes lancé. Que
c’est le gouvernement qui a tué ses
propres sympathisants et ses propres
soldats dans ce quartier de Khan Al-Assal
- où tous les habitants sont fidèles au
gouvernement d’el-Assad - parce que le
gouvernement est démoniaque… Ce qui est
un non-sens pour les gens qui se donnent
la peine de penser … mais une vérité
cristalline pour l’ONU !
Silvia Cattori :
Je vous remercie chère
Anastasia Popova.
(*) Dans cette photo prise par les
terroristes d’Al-Nosra les soldats de
l’armée gouvernementale syrienne sont
étendus sur le sol, la plupart d’entre
eux blessés ; l’un deux, rencontré par
A. Popova, avait 22 ans.
Silvia Cattori
Traduit de l’anglais par Eric Colonna
[1]
Un reportage de la journaliste russe
Anastasia Popova
http://www.silviacattori.net/article4520.html
[2]
Fin mars 2013, les autorités syriennes
ont demandé à l’Onu d’enquêter sur
l’attaque chimique perpétrée à Alep.
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