Gila Svirsky est membre de la Coalition Israélienne des Femmes pour
une Paix Juste et du mouvement des Femmes en Noir, avec lesquels
elle participe à de nombreuses actions de protestation ou de
soutien au peuple palestinien, ce qui lui a valu plusieurs
arrestations.
Des actions telles que
celle dont elle nous relate ici le déroulement ont lieu désormais
chaque semaine.
23 juillet 2001
Mes amis,
Si vous avez déjà eu des doutes sur la raison pour laquelle
Israël impose un «bouclage» (en fait, un siège) sur les villes
et villages palestiniens, vous auriez dû être avec nous
aujourd'hui. Ce serait devenu clair.
Nous étions un groupe de 30 activistes, israéliens et
internationaux, dans une action co-parrainée par la Coalition
des Femmes pour une Paix Juste, les Rabbins pour
les Droits de l'Homme, Gush Shalom, et Ta'ayush.
Nous sommes venus sur l'invitation des habitants de Hares, une
petite ville palestinienne en Cisjordanie.
La semaine passée, un colon a prétendu que des coups de feu
avaient été tirés depuis des champs près de Hares. Bien que les
villageois aient nié que des coups aient été tirés, et que
personne n'ait été blessé, l'armée a immédiatement resserré le
bouclage sur trois villages voisins – Hares, Kafr Hares, et Deir
Istiya. Vous souvenez-vous des gros monticules de terre et/ou des
profondes tranchées créés par l'armée israélienne sur les
routes d'accès des Palestiniens pour empêcher les voitures
d'entrer ou de sortir de leurs villages? Eh bien, depuis les prétendus
coups de feu, le prix a été augmenté: les 8.000 habitants de ces
trois villages ne sont plus autorisés à entrer ou à sortir de
leur villages, même à pied. Et pour ajouter à ces problèmes, les
colons voisins d'Ariel ont attaqué un des villages et ont coupé
l'eau et les lignes téléphoniques. C'est un épisode de la
campagne de harcèlement conduite en toute impunité par les colons
d'Ariel contre ces trois villages.
Mais ce n'est que le début.
Nous avons atteint Hares après avoir manœuvré par des routes
secondaires puis gravi à pied une colline qui mène au village. Au
sommet, nous avons trouvé de nombreux Palestiniens qui nous
attendaient. L'un d'eux a fait un discours nous souhaitant la
bienvenue et appréciant notre solidarité. Par contre, il a dit: «Votre
gouvernement montre de la haine.» Il s'est aussi excusé de ne pas
pouvoir nous offrir des rafraîchissements, mais le bouclage empêchait
d'amener des produits frais dans le village. Puis il nous a emmené
visiter les trois villages.
Le gouvernement israélien prétend que le bouclage est une
affaire de sécurité: le bouclage, disent-ils, est imposé pour empêcher
les terroristes palestiniens de sortir de leurs villages, et empêcher
ainsi leur entrée en Israël. Oui, dit le gouvernement israélien,
il est malheureux que la population en général doive souffrir pour
la mauvaise conduite de quelques-uns de ses membres, mais la sécurité
est une priorité, et nous ne pouvons pas nous permettre de prendre
des risques.
Alors ceci pourrait vous intéresser: l'armée a creusé deux
grandes tranchées entre Kafr Hares et Deir Istiya, empêchant ainsi
les habitants d'un village de se rendre vers l'autre. Mais c'est une
route interne – elle ne relie que ces trois villages, et ne donne
aucun accès à la moindre colonie israélienne! En bref, ce
bouclage, comme à tant d'endroits, ne sert aucun but de sécurité.
Il empêche juste les Palestiniens d'avoir accès les uns aux autres
– et aux emplois, écoles, traitement médical, et nourriture.
Mais pourquoi Israël voudrait-il imposer de telles contraintes?
La réponse est que le bouclage dans les Territoires n'est pas lié
principalement à la sécurité, mais au pouvoir. Le bouclage est
fondamentalement l'exercice arbitraire du pouvoir dans le but d'établir
un contrôle. Pour établir un contrôle sur une population hostile,
il faut de l'intimidation, et l'intimidation est le cœur de
l'occupation. L'intimidation est cruciale pour maintenir un système
violent et oppresseur.
Notre groupe est resté suffisamment longtemps pour remblayer
environ la moitié d'une des tranchées, travaillant côte à côte
avec les villageois, utilisant des pelles, des houes, des pioches,
et nos mains nues. Mais il était assez tard, nous devions partir,
et un bulldozer palestinien était en route pour finir le travail.
J'espère que la route restera praticable le plus longtemps
possible, mais il n'y a pas de garanties. L'occupation fait aussi
comprendre que la prochaine mesure arbitraire n'est qu'au coin de la
rue.
Gila Svirsky
Jérusalem
E-mail: gsvirsky@netvision.net.il
[ Traduit de l'anglais
par Laurent Cimasoni ]
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