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El Watan
Ouverture aujourd'hui du 20e Sommet de
la Ligue arabe à Damas
Les discordes interarabes à huis
clos
Adhlène Meddi
Photo El Watan
Le président syrien, e, à accueillir ses invités de haut
rang à l’aéroport international de Damas. Le rituel est
intensément couvert par les médias lourds syriens : directs,
duplex, commentaires, éditions spéciales du JT et pas moins de
deux bus de reporters mobilisés.
L’enjeu est de taille. Le décompte de la
participation de chefs d’Etat et de souverains au 20e sommet de
la Ligue arabe qui s’ouvre aujourd’hui s’assimile à Damas comme
le baromètre du succès de l’événement. Un point d’honneur. Le
boycottage du gouvernement libanais, l’attitude boudeuse du roi
d’Arabie Saoudite, du président égyptien, du souverain
jordanien, du Sultan omanien, du souverain du Bahreïn et du roi
marocain, qui a délégué le prince Rachid, n’ont pas été faciles
à avaler pour le président syrien. Même l’Irak s’est mis de la
partie, le président Djalal Talabani n’a pas rehaussé la
représentation de son pays, déléguant son vice-président, Adel
Abdel Mahdi, venu remplacé le premier ministre Nour Al Maliki,
occupé à combattre l’armée du Mahdi, milice de Moqtada Sadr (130
morts dans les affrontements depuis trois jours). Abdelaziz
Bouteflika est arrivé en fin de journée, alors que le Guide
libyen maintient le suspens. Bilan : 14 chefs d’Etat et
souverains, sur les 22, seront présents aujourd’hui à
l’ouverture du sommet. Pour Damas c’est déjà un succès.
Discussion secrète
Ces différentes bouderies et autres
boycottages ont amené les ministres des Affaires étrangères
arabes, dans leur réunion préparatoire tenue avant-hier à huis
clos, à charger le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr
Moussa, à élaborer un document portant sur les « relations
arabo-arabes ». Euphémisme désignant principalement les
profondes dissensions entre Damas et Riyad autour du dossier
libanais. M. Moussa est chargé de transmettre ce document aux
dirigeants, lors du sommet qui s’ouvre aujourd’hui. Le souci,
selon Amr Moussa, est d’éviter que les désaccords ne se
transforment en hostilité. Selon le délégué permanent de
l’Algérie à la Ligue arabe, Abdelkader Hadjar, les ministres des
AE arabes ont proposé plusieurs solutions pour contenir ces
désaccords. L’idée, précise-t-il, de créer une commission de
bons offices a été également évoquée. Placé sous le slogan
« Sommet du travail arabe commun », la rencontre de Damas s’est
ainsi fixée une priorité. « Il est clair que la réunion à huis
clos du sommet examinera la question des relations interarabes
pour éviter davantage de détérioration de la conjoncture
arabe », a déclaré le ministres des AE syrien, Walid Mouallem.
Ironie du sort, la charte de la Ligue arabe, dans son article 5,
n’évoque que les mécanismes à mobiliser en cas d’hostilité
armées entre deux pays arabes. Mais il semble que rien n’est
prévu en cas de graves dissensions – aussi graves qu’elles
poussent des pays à bouder le sommet arabe – entre pays
« frères ».
Liban, l’absent présent
Et d’ailleurs, les « frères » libanais, qui
ambitionnaient de s’adresser au sommet aujourd’hui par
vidéoconférence ou à travers une déclaration, ont été tout
simplement reconduits. « Toute partie absente à ce sommet n’aura
pas son mot à dire dans ces réunions », a martelé avant-hier
Walid Mouallem. La réaction ne s’est pas fait attendre… de
Londres. « Je pense que l’Arabie Saoudite et l’Egypte ont raison
de ne pas se rendre au sommet de Damas, parce que la Syrie a été
trop loin », a déclaré le président français Nicolas Sarkozy en
visite en Grande-Bretagne. « Nous avons adressé de nombreux
messages bien déterminés au président syrien. Le Liban est un
pays libre, c’est un pays indépendant. Le Liban n’a pas besoin
d’un autre pays qui essaie de gérer ses affaires à sa place
(...). Qu’on laisse les Libanais tranquilles », a souligné
Nicolas Sarkozy. Le Premier Ministre britannique, Gordon Brown,
pour sa part, a exprimé les craintes de son pays face à la crise
libanaise et aux « ingérences syriennes dans les affaires
libanaises ». De Beyrouth, la ministre des Affaires sociales,
Nayla Moawad (de la majorité dite anti-syrienne), a exprimé son
souhait que « le Liban soit, de par son absence, beaucoup plus
présent au sommet (…) Au lendemain de la réunion des chefs
d’État arabes, il faudrait mettre le dossier des relations
syro-libanaises entre les mains de la Ligue. Si ce problème
entre les deux Etats n’est pas réglé en profondeur, tout le
reste ne sera que pure perte de temps ». Damas ne reconnaît pas
le Liban et n’y dispose pas d’ambassade. Le chef du Hezbollah,
Hassan Nasrallah a, de son côté, critiqué la position du
gouvernement Seniora : « Le perdant sera l’absent (du sommet),
car il devient ainsi un outil pour les Américains ». Washington
avait demandé aux pays arabes de réfléchir avant de décider de
participer au sommet. C’est chose faite pour au moins la moitié
des « frères » arabes.
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Publié le 30 mars 2008
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