Les serres remises à neuf brillent parmi les gravats de Kfar Darom,
une ancienne colonie juive, incarnant l'espoir que le retrait israélien
de Gaza conduira une relance économique de cette bande urbaine désespérément
pauvre et surpeuplée
Des centaines d'ouvriers palestiniens ont été embauchés pour réparer
les 3.200 serres de Gaza que les donateurs ont acheté aux colons
sur le départ et qui les ont données à l'Autorité Palestinienne.
Jusqu'ici, les efforts ont donné des résultats
mitigés : Les sociétés palestiniennes se sont mobilisées pour
l'occasion, ont réparé les serres sabotées par les colons en
partance et par des pilleurs Palestiniens.
Certains ont déjà planté des récoltes de menthe, de tomates, et
de laitue et on s'attend aux premières récoltes en novembre.
Mais les problèmes de sécurité, les obstacles concernant le libre
passage des marchandises par Israel, et l'approvisionnement limité
en eau – ainsi que la corruption dominante dans l'autorité
palestinienne -- menacent le succès du projet des serres et de
toute l'économie de Gaza.
Les serres ont offert un exemple rare de la coopération entre les
Israéliens et les Palestiniens pendant le retrait en août. James
Wolfensohn, ancien président de la Banque Mondiale et
actuellement l'envoyé au Moyen-Orient, a résolu la négociation
pour l'achat des serres.
Il a même donné un demi-million de dollars de son propre argent au
groupe de donateurs qui a les a payées 14 millions de dollars.
Mais Israel contrôle toujours les frontières de Gaza, et doit
encore donner son accord pour ouvrir un canal fiable pour le
transport des marchandises vers l'extérieur de la bande, en dépit
des négociations continues via l'équipe de Wolfensohn.
Il y a deux semaines, Wolfensohn a critiqué Israel dans une lettre
adressée au sécrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan,
en disant que ''c'était presque comme s'il n'y avait pas eu de
retrait " avec sa politique de poursuite de l'isolement de
Gaza et aux reports des discussions. Wolfensohn est l'envoyé spécial
pour le quartet des médiateurs pour le Proche Orient -- les Nations
Unies, les Etats-Unis, l'Union Européenne et la Russie.
Sans garantie pour expédier les légumes et les fleurs de Gaza sur
le marché mondial, les officiels palestiniens et les spécialistes
internationaux disent que le projet des serres se ra ruiné. Ils
avertissent que l'entreprise, prévue pour générer de 30 millions
à 100 millions de dollars en revenus annuels pour l'Autorité
Palestinienne, diminuera alors que les cargaisons périssables
pourriront à l'intérieur des frontières fermées de Gaza.
La clef du succès économique de Gaza est l'écoulement des
marchandises à travers la frontière, a dit William Tailor, le
principal conseiller américain à Wolfensohn. Actuellement il y a
seulement un point de passage, le passage de Karni entre Israel et
Gaza.
En moyenne, 35 camions par jour passent par le passage, mais les
Israéliens ferment souvent la frontière sans information préalable
en raison de problèmes de sécurité ou de difficultés techniques.
Karni a été fermé pendant 14 jours de fin septembre à début
octobre, et les procédures de sécurité – étaler pour
inspection les cargaisons périssables de légumes ou de fruits de
mer sur le bitume en plein soleil -- signifient qu'habituellement
10% ou plus d'une cargaison sont abîmés même avant qu'elle parte
de Gaza.
Le projet des serres, a dit Taylor, a pu pousser les Israéliens à
changer leurs pratiques au passage.
Si les produits des serres peuvent atteindre les marchés à l'extérieur
de Gaza, dit Taylor, les bénéfices attireraient les
investissements dans d'autres secteurs de l'économie de Gaza tels
que la fabrication de meubles et les usines d'habillement.
Un mois après que les derniers soldats israéliens soient partis de
Gaza, les Palestiniens ont commencé à planter certaines des serres
dans les anciennes colonies de Kfar Darom et Netzarim, à l'époque
des points de frictions dans le conflit.
Les maisons des colons sont maintenant des tas de gravats, démolies
par les soldats israéliens, comme prévu dans l'accord sur le
retrait.
Les lieux sont gardés par quelques dizaines de soldats palestiniens
qui essayent de les défendre contre les pilleurs qui ont détruit
environ 10% de l'infrastructure des serres après le départ des
Israéliens.
Récemment, les soldats se tenaient autour des plantations de mangue
qui s'étendent entre les ruines de Netzarim et la mer – des
centaines de branches d'arbres plaient sous le poids des fruits.
"Chaque nuit, des gens essayent d'entrer par effraction pour
voler des mangues et voler les serres" dit Mohammed
Hijazi, un soldat de l'Autorité Palestinienne qui patrouille
dans les champs avec un fusil automatique Ak-47.
L'autorité a donné la gestion des 3.200 serres à une compagnie
palestinienne privée, qui est censée les mettre en état de
marche.
Après quelques saisons, l'Autorité projette de privatiser les
serres, en les donnant à des fermiers comme Suleiman Atta Abu
Garer, 38 ans, qui vit dans une maison criblée de balles située
à la limite de l'ancienne colonie de Kfar Darom.
Pour Abu Garer, dont la maison a fréquemment été prise dans les
échanges de tirs entre les hommes armés palestiniens et les colons
israéliens, les nouvelles serres représentent une opportunité.
Mais il voit une menace potentielle:
Si la compagnie qui gère les 4.000 serres fait pousser les mêmes récoltes
qu'Abu Garer -- aubergines, tomates, pommes de terre, et laitue --
il a peur de perdre ses profits face à la nouvelle concurrence.
Il pense également que la corruption endémique dans l'Autorité
Palestinienne pourrait paralyser le projet des serres. ''Quoi faire
pour arrêter que l'autorité et les entreprises qu'elle emploie
gaspillent tout l'argent de l'aide internationale ?" dit
Abu Garer.
Avant que commence la dernière révolte palestinienne en 2000, Abu
Garer a gagné beaucoup d'argent en vendant en Israel les raisins
qu'il cultivait dans ses serres. Maintenant, avec les frontières
ouvertes seulement sporadiquement, il s'est mis à faire pousser des
légumes avec des profits bien plus bas -- tels que des pommes de
terre qu'il vend à l'intérieur de Gaza.
''Avec la frontière fermée, je ne fais aucun bénéfice."
Dit-il, assis à l'ombre du côté ouest de sa maison, les pieds
arrières de sa chaise en plastique blanche plantés dans l'engrais
fraîchement étendu pour fertiliser un jeune palmier dattier. ''Israel
est un grand marché. Je serai un seigneur, un roi, si je pouvais
faire entrer mes produits en Israel."
À l'intérieur de l'ancien colonie de Kfar Darom, des dizaines
d'ouvriers remplacent les bâches et les couches de plastique sur
les armatures des serres. Les serres de cette colonie fournissaient
la majeure partie des laitues cachères en Israel, dont il y a un
manque important depuis le désengagement.
Les étagères des épiceries couvertes alors de salades vertes sont
maintenant vides. Les fleuristes se plaignent d'un manque des roses
de haute qualité qui venaient du bloc de colonies de Gush Katif
dans la bande de Gaza.
A Kfar Darom, seules quelques parcelles de terrain ont été plantées,
et certaines sont couvertes de plants de menthe, dont le parfum est
porté par la brise de mer.
"Ici, c'est bon sol lourd" dit l'ingénieur agricole, Salem
Al-Hewaty, qui supervise la réhabilitation des serres dans les
anciennes colonies de Kfar Darom et Netzarim.
Mahmoud Abu Samra, un haut responsable de l'agriculture auprès
de l'Autorité Palestinienne dans la bande de Gaza, est un fermier
qui possède plusieurs serres. Il a dit que l'accord de l'autorité
avec un seul sous-traitant est sujet à la corruption.
La seule manière de traduire l'achat des serres en véritable amélioration
de la qualité de vie, dit-il, serait de les vendre ou de les louer
à différents fermiers, ce que l'Autorité Palestinienne prévoit
de faire dans quelques saisons, bien qu'elle n'ait pas établi
d'agenda pour la privatisation.
Gaza possède 12.000 serres dans les secteurs palestiniens, indique Abu
Samra, représentant 6 à 13% de l'économie, selon les évaluations
du ministère. Il dit que le projet des serres, s'il réussit,
pourrait injecter 30 millions de dollars supplémentaires de revenu
dans l'économie locale, une évaluation inférieure aux 50 à 100
millions de dollars vendus par quelques conseillers internationaux.
En fin de compte, ceux qui sont impliqués disent que le succès du
projet des serres – tout comme la viabilité de l'ensemble de l'économie
de Gaza -- dépendront du contexte plus large : la sécurité et la
capacité à faire du commerce.
La première récolte en novembre fournira un test important pour le
passage controversé des frontières, dit Taylor. ''Nous allons
observer cela très attentivement, et nous sommes sûrs que les Israéliens
vont l'observer très attentivement" dit Taylor.
Source : The
Boston Globe
Traduction : BM pour ISM
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