Interview
du prisonnier jordanien Sultan Ajlouni,
détenu depuis 16 ans
1- Il y a quelques jours, tu as achevé tes 16 ans de détention.
Comment te sens-tu, en cette occasion, et après toutes ces années
?
S.A. Gloire à Dieu qui nous a honoré de mener ce combat, sur la
terre bénie. Même si ces années ont marqué nos corps par des
maladies diverses, cela ne peut que nous rendre plus fermes
encore, ayant la foi en Dieu, dans nos droits, en la justice de la
cause pour laquelle nous avons combattu. La santé du corps est en
recul, mais celle de l'âme vers l'élévation.
2 - Qu'en est-il par rapport à la tentative d'assassinat à
laquelle tu as échappé ?
S.A. Je ne sais pas s'il s'agissait d'un coup préparé, mais il
semble plutôt que ce soit un coup individuel, une tentative du
policier qui a essayé de convaincre un des gardiens qui m'a
accompagné à l'hôpital Me'ir, dans la colonie de Ffar Saba, de
m'injecter une seringue d'air dans les veines, pour m'assassiner
et en finir avec moi, pendant que je dormais, les mains et les
pieds enchaînés au lit. J'ai demandé au consul éguption de
suivre la question, je ne sais pas ce qu'il a fait, et personne ne
m'a contacté pour cette affaire, depuis.
3 - Comment passes-tu le temps, en prison ?
S.A. Tu peux t'étonner si je te dis que parfois, nous trouvons le
temps trop court pour réaliser tout notre programme ! Activités
sportives, prières, études, rédaction. Tout prisonnier qui ne
remplit pas son temps par ces activités s'abandonne à
l'inaction, à la dépression, au suicide psychologique.
4- Tu te trouves en isolement depuis deux ans et demi, maintenant.
Pourquoi l'isolement ?
S.A. La raison officielle tient aux articles écrits, mais j'ai
entendu plus d'une fois des responsables de la direction des
prisons affirmer que mon isolement est dû à une demande des
autorités jordaniennes qui se plaignent de mes activités et de
mes relations avec des membres du conseil des députés (parlement
jordanien), et la dernière accusation est que je dirige des
actions "terroristes" hors de la prison !! L'isolement
en soi n'est pas un grand problème, mais le problème est que
j'ai été interdit de poursuivre mes études de maîtrise, je m'étais
inscrit pour étudier les systèmes de pouvoir. Mais j'ai
cependant profité de ce temps pour écrire. J'ai déjà écrit
deux livres, l'un qui est en phase d'impression qui s'intitule :
"Obstacles face à la renaissance" et je suis en train
de rédiger le troisième à propos des constituants modernes de
la mentalité israélienne.
5 - Nous avons appris par les médias qu'un comité national s'est
constitué pour la défense des prisonniers jordaniens dans les
prisons sionistes et que des préparatifs pour un congrès
national sont en cours. Que peux-tu nous en dire ?
S.A. Le comité est en cours de constitution. Plus de 100
personnes de Jordanie, députés, notables, syndicats
professionnels, ouvrires, unions de femmes, unions d'étudiants,
responsables médiatiques, écrivains, personnalités nationales
et d'autres participeront à ce congrès qui se tiendra au cours
du mois prochain, afin de susciter l'intérêt de cette cause
nationale importante.
6 - Est-il vrai que al-Qa'ida vous a proposé de prendre en otages
des étrangers en Jordanie pour les échanger contre vous, à
condition que vous déclariez votre soutien à cette organisation
?
S.A. Je n'ai pas de réponse. Nous n'avons pas d'informations à
ce sujet, il faut demander plutôt aux autorités jordaniennes.
7 - Est-il vrai qu'il vous a été proposé de signer un document
de repentir, de dénonciation du "terrorisme" et de
soutenir l'accord de paix en Israël en contrepartie de votre libération
?
S.A. Certains responsables jordaniens dont je tairai les noms nous
ont fait cette proposition, et ma réponse fut : la prison est
encore préférable. Nous avons de même refusé plus tôt d'être
transférés aux prisons en Jordanie.
8 - Comment juges-tu l'action du gouvernement, du conseil des députés,
des partis, des syndicats, des médias jordaniens, du centre
national des droits de l'homme, en ce qui concerne le dossier des
prisonniers et des disparus, jusqu'à présent ?
S.A. Franchement, l'action du gouvernement ne peut être taxée de
seule négligence, mais peut être considérée comme un crime
national contre la souveraineté et la dignité du pays et nous
porterons plainte prochainement contre le gouvernement devant les
tribunaux jordaniens. Quant au parlement jordanien, son action
n'est pas au niveau espéré, d'après les promesses entendues
personnellement de la majorité de ses membres. Mais plusieurs députés
ont des positions nobles qui peuvent être ajoutées à leur crédit.
Les partis sont absents de ce dossier, et l'utilisent seulement en
cas de besoin pour faire de la surenchère contre le gouvernement,
ils peuvent avoir, s'ils le souhaitent, un rôle efficace. Quant
aux syndicats, c'est la seule partie, après le comité des
parents des détenus, dont on ressent la sincérité, et ce n'est
pas étrange. Pour le centre national des droits de l'homme, il
faut se demander si, pour lui, les termes "national" ou
"homme" s'applique à notre cas, mais nous ne l'avons
pas entendu jusqu'à présent. Pour les médias, les médias
officiels et notamment la télévision ignore totalement notre
cause, au moment où ils sont entièrement mobilisés pour
soutenir "of Baladi"... Les médias non officiels
couvrent notre dossier de manière acceptable, le journal Sabil
fait ce qu'il peut, et nous le remercions, mais nous reprochons
aux écrivains libres de ne pas accomplir encore ce qu'exige leur
sentiment national.
9 - Quel est le rôle de notre ambassade (jordanienne) à Tel Aviv
?
S.A. Les employés de l'ambassade agissent en fonction des ordres
de Amman, et le rôle de l'ambassade se contente d'envoyer
quelqu'un pour nous visiter, tous les quelques mois, pour
s'assurer que nous sommes toujours en vie. Quant au rôle d'une
ambassade, qui devrait assurer la visite des parents, les contacts
téléphoniques avec eux, nous assurer les besoins fondamentales
et améliorer nos conditions de détention, mener des examens médicaux,
nous procurer les journaux jordaniens, et autres questions, c'est
plutôt la Croix-Rouge qui s'en occupe. L'ambassade ne fait rien,
ici.
Communiqué des prisonniers jordaniens dans les prisons de
l'occupation
Les prisonniers jordaniens détenus dans les prisons de
l'occupation israélienne dénoncent avec fermeté les odieux
attentats qui ont touché la capitale jordanienne, le
mercredi soir.
Ils présentent aux parents des victimes leurs condoléances et
souhaitent le prompt rétablissement des blessés.
Ils expriment leur colère et dénoncent que la Jordanie soit
prise pour cible, au moment où les ennemis se liguent contre la
nation, au moment où nous avons besoin plus que jamais d'union et
de solidarité. Ils prient pour la paix et la stabilité de tous
les pays musulmans.
Source : Palestine en marche
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