Dans
la prison de Telmond :
le témoignage de Majida Fudda
Centre
d'information Palestinien - correspondant de Nablus
Dr. Majida Fudda a passé six mois de détention administrative,
suite à son arrestation. Elle vit à Nablus et à dit, à propos
de la prison de Telmond : "Ce n'est pas exagéré si on décrit
Telmond comme le cimetière pour les vivants".
Des cellules comparables à des tombeaux
Dr. Fudda raconte : l'occupation a organisé ses prisons d'après
sa conception des tombeaux.
Elle a été arrêtée le 3 mars alors qu'elle revenait d'une
visite à ses proches à Amman.
Les soldats de l'occupation, à la frontière
palestino-jordanienne, confisquent le passeport de Majida et l'arrêtent,
puis elle est fouillée, et ensuite, elle subit un examen médical,
mais personne ne lui dit rien. Elle demande au bout d'un certain
temps : "est-ce que je suis arrêtée ?" Ils lui disent
: oui. Elle demande : pourquoi ? Ils lui répondent : c'est toi
qui nous donnera la réponse.
Dr. Fudda, la quarantaine, diplômée en pharmacie, a été gardée
12 heures à la frontière, sur le pont, et ensuite emmenée à la
prison de Telmond, où commence le vrai parcours de la souffrance
et de la torture. "J'ai été mise dans une cellule
individuelle, pendant trois jours. Cette cellule était dépourvue
de toutes possibilités pour y recevoir une vie humaine. Elle était
glacée et sombre. Pas de sanitaires, ni douche, ni source d'eau.
Le seul matelas qui s'y trouvait était trempé d'eau. Pas de fenêtre
qui puisse te rappeler qu'il y a quelque chose d'autre, derrière
ces murs. C'est réellement une tombe de la plus mauvaise espèce,
l'air n'y était pas renouvelé.
Les interrogatoires
Après avoir passé trois jours dans cette cellule, elle est emmenée
à la prison de Petah Tikva pour les interrogatoires. Jusqu'à ce
moment, Majida ne savait pas pourquoi elle a été arrêtée.
"Les interrogatoires ont commencé le 7 mars. Ce fut très
dur, très fatiguant, tous les moyens de torture ont été utilisés,
à commencer par le shabeh, puis l'interdiction de sommeil, les
insultes, les cris, la chaise secouée. Une seule séance
d'interrogatoire durait de 8 h du matin jusqu'à 6 heures du soir.
Comme une journée de travail, mais dans la torture. Cela dura 31
jours, plus les 6 jours précédents.
Pour augmenter la torture, les geôliers lui interdisent de s'accomoder
avec les pires conditions. "Il y avait environ 60 prisonniers
qui subissaient des interrogatoires. J'ai compris, d'après les
instructeurs, que 25 prisonniers étaient de Nablus, mais je
ne pouvais pas leur parler. Ils m'autorisaient une heure et demi,
ou selon leurs horaires, pour le repos et prendre le repas, dans
une cellule qui changeait tous les jours, et même deux à trois
fois par jour. J'ai été mise dans 16 cellules différentes. Tout
ce dont je me rappelle, c'est que je prenais le matelas et je me déplaçais
d'une tombe à une autre".
Même l'heure de repos dans la cellule était une séance de
torture : "elle est sale, infestée de cafards, les mauvaises
odeurs étouffaient. La cellule était aussi sombre, les soldates
venaient toutes les heures me regarder, je devais me tenir debout
pour leur répondre, et si je m'endormais, une seconde, elles se
mettaient à crier et à m'insulter".
A Telmond, à nouveau
Après un mois d'interrogatoires, dr. Majida Fudda retourna à
la prison de Telmond, non dans les cellules, mais dans les pièces
de la section 11 à propos desquelles elle dit : "C'est aussi
mauvais, car les pièces sont surpeuplées, et c'est une torture
d'un autre genre, dans la pièce, une prisonnière dormait par
terre, car la pièce était de dimension 2,5 sur 1,8, y compris
pour les toilettes. Je dormais par terre. Deux prisonnières ont
été emmenées dans une pièce moins étroite, 4mx4m, où se
trouvait déjà 6 autres femmes. Toutes, nous dormions par terre,
à tour de rôle.
Les sionistes veulent faire de Telmond une prison qui ressemble le
plus possible aux tombes, la prison a été conçue pour enterrer
les vivants : les fenêtres sont fermées par une plaque en fer
pour empêcher la lumière ou l'air d'y entrer."
Les privations
"La récréation est d'une durée de trois heures. Elle se déroule
dans une cour, fermée par le haut par un grillage en fer. Il n'y
a rien dans la cour. Dans Telmond, il n'y a pas de droits. Les
choses les plus élémentaires et les plus simples sont celles qui
sont utilisées pour nous punir en nous en privant.
La nourriture à la prison de Telmond n'est pas moins mauvaise que
celle reçue dans les cellules. Des cafards et des restes
d'insectes sont mêlés au repas. C'est pourquoi beaucoup de
prisonnières rendent le repas et préfèrent acheter à la
cantine de quoi manger, à leurs frais, mais même cela ne sert à
rien, les produits de la cantine dépendent de l'humeur des geôliers.
Souvent, les prisonnières sont privées de cantines, par
punition.
Acamol
La pilule de l'acamol (analgésique) dans la prison de Telmond a
une grande renommée, parce qu'avec de l'eau, elle devient le remède
pour toutes les maladies. Fudda ajoute : "beaucoup
souffraient des articulations, des os, plusieurs prisonnières
souffrent du dos, et des maladies féminines, mais il n'y a aucun
remède. Si une prisonkière tombe malade, elle doit ingurgiter l'acamol,
si elle parvient d'ailleurs à l'avoir. Pour toutes les maladies,
l'analgésique est là, jusqu'à ce qu'on soit libéré ou qu'on
meurt".
Fudda indique que les prisonnières sont nombreuses à être
atteintes d'une maladie dont les symptômes sont la chute des
cheveux, "c'est probablement l'eau polluée ou le genre de
shampoing de la cantine, ou alors la nourriture".
Relations avec le monde extérieur
Afin que la prison soit réellement une tombe, dans tout le sens
du terme, les prisonnières sont interdites d'avoir un quelconque
contact avec le monde extérieur. La visite des avocats est
souvent interdite, et la visite des parents, plus de 85% des
prisonnières ne peuvent recevoir leurs visites, pour des raisons
dites sécuritaires, même si les parents sont âgés.
Fudda ajoute : même la visite prend des allures de répression.
Plusieurs prisonnières sont installées dans une seule pièce
pour rencontrer leurs familles. Il y a beaucoup de bruit, tu ne
peux entendre ce que te disent les membres de ta famille. Ce qui
est encore pire, c'est que la prisonnière est séparée de sa
famille par deux grilles séparées par une vitre anti-bruit, dans
laquelle se trouvent de petits trous. La visite commence et finit
et tu apprends à lire sur les lèvres pour comprendre ce qu'ils
disent, mais comment lire alors que tu as devant toi tous ces
obstacles ? De plus, les prisonnières sont interdites de visites
entre elles, entre les sections.
Les punitions
La fouille dite sécuritaire dans la prison de Telmond est une
autre forme de torture. Fudda dut : "Il y a plusieurs formes
de fouilles, où sont utlisés des appareils d'examen pour le sol,
les murs, par crainte que l'on ne s'enfuie!!" Elle ajoute :
"ceux qui viennent fouiller sont des geôliers hommes. La
fouille est très spéciale. Quand les soldats entrent, les
prisonnières doivent se lever, et cela se passe quatre fois par
jour. Celle qui ne le fait pas est punie, même si elle est malade
et ne peut se lever ou pour tout autre cause. Quand c'est le
directeur de la prison qui arrive, il faut au préalable nettoyer
et ranger, s'aligner comme si les prisonnières étaient une garde
d'honneur pour son accueil". La situation est vraiment
mauvaise, ajoute-t-elle, mais toute personne qui n'agit pas ainsi
est punie. La punition signifie la privation de la récréation,
de la visite, de l'achat de la cantine ou de rencontrer l'avocat.
Mais aussi de r etirer les matelas, couper l'eau de la section
punie, l'isolement aussi où les prisonnières sont isolées avec
des prisonnières juives de droit commun dans la prison de Ramleh.
4 femmes sont actuellement isolées à Ramleh, dans des conditions
très difficiles. De plus, il y a les amendes très importantes
que les prisonnières sont obligées de payer.
Le message des prisonnières
Les prisonnières souhaitent adresser un message au monde et à la
société palestinienne qui vit dans une grande prison. Fudda dit
: "les prisonnières se sentent très déçues car elles
pensent que leur cause n'est pas vraiment prise en compte. Elles
souhaitent qu'il y ait des actions sérieuses pour les libérer et
libérer tous les prisonniers. Il faut que la question des
prisonniers demeure une priorité dans les revendications
palestiniennes, il faut que la question des prisonniers soit la
première à être soulevée lors des négociations. Il est nécessaire
d'agir pour la libération de tous les prisonniers. La situation
des prisons est insupportable. Il faut agir pour mettre fin à la
dure épreuve des prisonniers et des détenus. C'est le devoir de
tous."
Traduit par : Centre
d'Information sur la Résistance en Palestine
Source : Palestine en marche
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