Les
prisonniers administratifs palestiniens : entre l'oubli et la
souffrance
I'tiraf Rimawi
Au cours de sa lutte pour la libération et l'indépendance, le
peuple palestinien est la cible des formes les plus violentes de répression
et d'injustice, menées par les forces de l'occupation israélienne
: assassinats, massacres, expulsions, sièges, destructions de
maisons, confiscations de terres, arrestations, ainsi que d'autres
formes utilisées par l'occupation, qui touchent toutes les
couches de ce peuple en lutte, les enfants et les vieillards, les
femmes, les hommes et les jeunes, dans le but de l'affaiblir et de
l'empêcher à poursuivre sa lutte de libération.
Dans cet article, nous mettons en lumière l'une des faces les
plus odieuses des pratiques israéliennes auxquelles est soumis le
peuple palestinien, qui est la détention administrative, en tant
que politique systématique suivie par les appareils de la sécurité
sionistes, qui n'est que l'une des formes de la détention à
laquelle sont soumis des milliers de combattants palestiniens. Et
nous nous demandons en même temps la signification de ce silence
institutionnel, médiatique et populaire vis-à-vis de cette
question sensible.
La détention administrative menée par les appareils de sécurité
sioniste, selon leurs critères et leurs calculs répressifs, vise
les militants. Le renouvellement de cette détention se fait sans
que des charges soient retenues contre eux, mais ces appareils se
contentent d'affirmer qu'il y a des "dossiers secrets"
justifiant ces arrestations!! Par cette politique, des milliers de
Palestiniens ont été soumis à cette forme de détention, au
cours de cette intifada, et à son renouvellement. En ce moment,
plus de 600 prisonniers et prisonnières sont des détenus
administratifs. De nombreux militants ont vu leur détention être
renouvelée, certains sont détenus depuis deux, trois ou quatre
ans. Et pour finir, afin de légaliser ces arrestations, les
appareils sionistes forment des tribunaux formels pour statuer sur
la situation de ces détenus.
Du fait de la résistance légitime du peuple palestinien et de la
nature de l'occupant, résistance légitimée par le droit et les
lois internationales, il ne peut y avoir aucune légalité pour
tout tribunal sioniste qui juge un combattant palestinien, sinon
par la logique de la force qui impose l'occupation elle-même, y
compris l'accusation "selon le dossier secret" que les
appareils sionistes généralisent pour justifier les arrestations
et la détention administrative.
Ces appareils peuvent inventer toute information à partir ou
non de leurs informateurs pour constituer un dossier pour arrêter
et ensuite renouveler la détention à n'en plus finir de tous
ceux qu'ils considèrent comme une cible. De ce fait,
l'arrestation est possible et justifiée à tout moment que les
appareils jugent qu'ils en ont besoin. L'arrestation peut être nécessaire
pour quelques mois, mais elle peut être renouvelée sans cesse
jusqu'à s'étendre à des années. L'expérience dans ce domaine
est riche d'expérience, des militants ont déjà passé sept ans
en détention continue, d'autres ont passé autant d'années que
la lutte palestinienne, en prison, mais pour des périodes
entrecoupées. De même, plusieurs militants ayant achevé leur
condamnation ont été mis en détention administrative, sans
qu'ils n'aient passé un moment de liberté. Par cette pratique répressive,
les appareils sionistes se donnent les moyens d'arrêter quiconq
ue, le nombre qu'ils veulent et pour la période qu'ils veulent.
Le renouvellement de la détention administrative est une
politique systématique et programmée pour garder le plus grand
nombre de Palestiniens emprisonnés. De plus, le renouvellement
met le détenu dans une situation psychologique critique et tendu,
à l'approche de la fin de la période prévue initialement. Car
le renouvellement signifie la possibilité de rester en prison
pour tout détenu, l'espoir et l'optimisme sont nécessaires pour
combattre les plans des appareils sionistes. Le détenu est en
proie à une lutte interne puissante, attendant sa libération ou
le renouvellement, à l'approche de la fin de sa période prévue
initialement. Au fur et à mesure que le renouvellement se déroule,
le détenu devient de plus en plus tendu, surtout que souvent, il
est interdit des visites familiales, justifiées selon les mêmes
critères, pour "raisons de sécurité", cette fois-ci
en direction des familles du détenu. C'est la politique de
l'isolement du p risonnier, visant à le rendre nerveux, à l'assiéger,
à briser sa volonté et sa détermination.
Comme nous l'avons dit, concernant les tribunaux, formels, qui
sont une tentative de légaliser la politique israélienne des
arrestations, ces "tribunaux" ne prononcent pas
d'accusations, ni le détenu ni son avocat n'entendent de quoi le
détenu est accusé, car dans ces tribunaux, "le dossier
secret" est le mot magique. Le "juge" ne fait
aucune différence entre les services de renseignements et le
procureur, mais tout y est mêlé. Les services de renseignements,
par le biais du procureur, annoncent "le dossier
secret", et ensuite, le militant et son avocat sortent de la
salle du "tribunal", afin que le "juge"
consulte le procureur. Ensuite, le militant rentre et entend la décision
du "juge" qui est souvent la confirmation de la nécessité
de l'arrestation et sa justification pour éviter le danger!! La
domination des services de renseignements est claire dans ces
"tribunaux" et ces derniers ont un rôle formel visant
à faire croire à des pro cès légaux. C'est pourquoi de
nombreux militants ont boycotté ces "tribunaux",
refusant d'y comparaître, car ils savent pertinemment quels sont
ses buts, légaliser la répression illégale.
Il est nécessaire de s'opposer globalement et massivement à la
politique de la détention administrative, tous les efforts
doivent être réunis, à commencer par les prisonniers eux-mêmes,
suivis par les avocats et les juristes, afin que des institutions
et des médias puissent s'en emparer sur les plans local et
international.
La confrontation doit être globale, commençant par le refus de
l'arrestation, par principe, dans toutes ses formes et tous ses détails,
car toute faille dans cette confrontation peut faire échouer
celle-ci. Les prisonniers savent très bien la signification de
ces arrestations, ils l'ont assez réalisée et ils sont capable
de mener leur rôle pour l'affronter, comme la conscientisation à
l'intérieur des prisons, l'incitation au boycott des tribunaux
formels. Mais où est le rôle des autres ? des avocats et
institutions juridiques ? Où est la mobilisation populaire, la
mobilisation officielle pour dénoncer les politiques de la détention
administrative ?
Parallèlement au boycott des tribunaux par les prisonniers, les
avocats doivent également dénoncer par principe la nature même
de l'arrestation, ce qui exige un effort concerté, unifié,
coordonné entre eux. Les avocats et les institutions juridiques
concernées, ainsi que les parties officielles de l'Autorité palestinienne,
doivent s'adresser à leurs confrères dans le monde, aux décideurs
dans les instances internationales, doivent coordonner leurs
actions avec les diverses forces locales, les institutions,
organiser les manifestations et les rassemblements, afin de
susciter un mouvement de refus global de cette politique sioniste,
de l'assiéger à l'intérieur comme à l'extérieur de la prison.
Les détenus administratifs ont réussi à prendre des mesures
l'année dernière, refusant de comparaître devant les tribunaux.
Mais ils n'ont trouvé ni appui, ni support à leur mouvement, les
autres rôles étaient absents. Les efforts sont partis,
vainement, dans des réunions ici et là. L'action n'a pas été
coordonnée, ni localement ni sur le plan international. Le
mouvement n'a pas été porté, ni sur le plan populaire, ni sur
le plan officiel. L'écho est resté tiède, loin de ce qui est
exigé pour que les détenus administratifs poursuivent leur
mouvement et accentuent la confrontation contre la politique des
arrestations. Les prisonniers sont restés seuls pour affronter
leurs souffrances, appelant sans avoir de réponse, écrasés par
les appareils sécuritaires sionistes qui poursuivent les
arrestations et les renouvellements de leur détention.
Traduit par : Centre d'Information sur la Résistance
en Palestine
Source : Palestine en marche |